Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
*-l-
Kl
. /
^
y
,»►.-.•» ^
^ ^
->
/ '
~ 1
r-
. 1
v '
\
1
i
\
1
«
«
•
t
DES PRISONS,
DE LEUR RÉGIME,
ET DES MOYENS DE LlMÊtlORER.
4r
-.^ ,^
I "i '
\ ^
OUVRAGES qui se trouvent chez le même Libraire.
Le Sang des BOURBONS : Galerie historique des Rois « Princes de
cette Maison depuis* Henri IV* jusqu'à nos jours, y compris Monsei-
gneur le duc de Berri. 2 vol. in-4. avec 22 portraits.
Papier double d'AuTergne, satiné 60 fr. Franco 65 fr.
Carré vélin double d'Annonay, satiné, 120 fr, Id. 125 &•
Les Bourbons-Martyrs , ou les Augustes Victimes depuis le 7X janvier
1793 jusqu'au i3 février 1820, 1 vol. in-8, orné de six gravures et
une vignette deM^ Ci:oi»iet' et |logeR 121 fr..
Précis dft Vlfistoiref ou Analyse succincte et raisonnée-de TBistoire gé-
nérale jusqu'à nos jouraj par J^. de y***, ancien préfet. 1 vol. in-8,
papier fin , imprimé en cicéro neuf. 6 ^fr.
(RumBS d* Orner et de Denis TALON ,* avocats-généraux au Parlement
de Paris , sous Louis XIV , recueillies et publiées sur les manuscrits
autographes, et dédiées ^M. le ^ co^te ^e%è^ ^^ Pairyle FKJ|iicie,«et!Q..;
ps^'?l).r)£f.ilUv^ , avocat aux Conseils-'dU'Iloi et àla-Courde Cassa-
tion. 6 vol. in-8. sur beau papieV 36 fr. Franco 46 fr. ^j^ <
De la Puissance Paternelle ; par J.-P. CIPESTIEN-DE-POLY , vice-
présfdent du Tribunal de la Seine , Chevalier de l'Ordre royal de la
Légion d'Honneur , 2 vol. in-d. de 4oo pag. 12 fr. Franco l5 fr. *
Réflexions sur la^éuohition de la France , par ED. RUAKEl Nouvelle
édition, rétuc et augmentée de notes, par le chllvalier A'*^'^* Un vol.
fn-8. (3o feuilles cm philosophie et petit-texte) 7 fr. Franco 8 5o c»
De V usage et d» Vahus de l'esprit philosophiaue dumnt le dix-ràui'
* tième siècle f par Jean-E^ienne-MsAë PORTaLIS, l'un des quarante
de l'Académie françoise, etc. (Onvrage posthume. ] 2 vol. in-8 , por-
trait. 12 fr.
Mémoires du Duc de SAINT-SIMON, nouvelle ^tion , mi^ en ordre
et augmentée de notes; par F., Laurent, professeur au Collège royal de
Charlemague. Six vol. in~8. 36 fr. Fran^ 44 fr.
Les mêmes , papier velin. 72 fr.
}
}
DES PRISONS,
»
DE LEUR RÉGIME,
ET D-ES ■
MOYENS DE L'AMÉLIORER.
PAR M. E. DANJOU,
aYocat a beauvais.
Oayrage couronne par la Société Royale des Prisons^ dans la
séance du i5 mars 1821^ présidée par S. A. R. Mqnseiqneuii
Duc B'ANGOVIiÊME. '
Parum est cwsrcere improbos pœnd ,
nisiprobos efficias disciplina*
J > -■
* -* "* J
PARIS,
A. ÉGRON, IMPRIMEUR
DE S. A. R. MONSEIGNEUR, DUC D'ANGOULEME^
rue des Noyers , n" 57.
.m
1821.
\o- Û
i*ii«ka*i
THENEWYORK
PUBLIC LIBR:\R Y
« 1 *
ASTOR, LENOX A'JD
•TILDEN FOUNDATiONS.
1897.
• • •• .
• • • m *
•• ••• :
• • • • •
• •
• • •
•••
• • *
• * •
• «
• • • •
• *• • •
• • ^* •
• ••
* V I.
• • .•■ -•
'•• •
k *
Wl«% W» V«%Vi/%W««Vft/V«i-VW^ VV%'V«/%.'V«^>A/%<VVii«A^WMni'V%«VV%^/V^«/VV'VV«^/V%k^^
TABLE.
'JLIes Faisons ^ de leur rj^gimè, xï des moyens de jIx-
liiLiORER Pagi 1
PREMIÈRE PARTIE.
Des Prisons en général * . . .T.* 9
TITRE PREMIER.
Principes osNiRAirx « . • . .\ id*,
•
CHâP. I*'. De remprisonnement , et des différentes clas-
ses de prisonniers id*
n. De la nécessité de séparer les prévenus des
condamaés * 11
ni. De la nécessité de séparer les jeunes prison-
niers des hommes faits i4
TITRE IL
- Du MATiRIEL DES FRISONS .«.«...( l6
CHàP. ï"*". De la construction des prisons ^ * . . . id,
II. De \^. distribution des prisons ^ . é • * é . ^5
TITRE III.
Dé la Discipline. * * 3i
CHAPi ï"'^. De la discipline en général * * * id,
' Section i'«. De la sûtelé. ......... ^ .. . 3^
Paragraphe premier. Précautions pas-
sagères et accidentelles. 55
Paragraphe ii. Précautions journa-
lières 4 . . . .• * . . « . 4®
vj TABLE.
Section h. De la salubrité • ..... Pag. 4-7
Sbction III. .De.l'Ordre. ... ^i
Paragraphe premier. De l'Ordre en
général ^'
Pabaorapab-ii. Rapport des prison-
niers avec leurs supérieurs 54
^PREBiiiRE division. Du gardien
etde son autorité »^-
DeuxiÎms division. Des inspec-
teurs des prisons 60
TROifitÈME DIVISION. Dcs auto-
rités supérieures • • • 77
Paragraphe TROIS liME. Devoirs ab-
solus ; 82
Paragraphe quatrième. Devoirs re-
latifs y OU devoirs, des prisonniers
les uns 4^nvers les autres ^ . . •• 86
CHÀP. II. De la discipline pour les simples prévenus. . 92
iïl. De la discipline pour les condamnés 96
Section première. Des condamnés cor-
rectionnellement id.
Section ii. Des condamnés pour crimes. 99
lY. De la discipline pour les femines et les en-
fans 107
Y. De la sanction de la discipline. •••••• ^•
TITRE IV.
«
-Dtl RioiMB PHYSIQUE. ............... 1 14
CHAP. I*'. Des prisonniers en état de santé ii5
Section 1'*. Des mesures préservatrices ,
ou des moyens propres à préserver la
sauté du danger du séjour dans les
prisons. ^ 117
"f ABÊE. v^îj
' * SscnoN II. Mesures conservatrices j ou
moyens d'entretenir la santé des déte-
nus Pag, ia3
^VATCAànxvkB premier. De la nour-
ritûrc>. id,
«
^PjlRilORAPnE DRI^XlàME DcS vêtC-
' ' mëiis i3g
ClSSP-^II.^iyu régiMe dés prisonniers en maladie 14.8
SéctIon 1^* Du inatériel lie l'infirmerie. 149
SscTiON u. De l'admission et du traite-
ment des malades à ^infirmerie i56
Section III. Des' personnes employées à
l'infirmerie 164
TITaE V-
I
I
Du RioiME MORAIi 175
I
CHM?. Ï*'. 'De'Vôbjet du régime moral des prisons .... m?,
II. Des moyens d'écarter du mal les détenus. . . 178
Section i*^*. De la nécessité et des moyens
de combattre vl'oislveté id.
Paragraphe premier. Des moyens
d'employer le temps des prison-
* hiérs 180
Paragraphe deuxième. Dss moyens
d'amener les prisonniers à l'amour
du travail 1 84
première division. Des moyens
de faire.désirer le travail aux
'prisonniers id.
'Deuxième division. Des moyens
de rendre le travail agréable
aux prisonniers 189
ARTICLE l^^. Du choix des
yiii TABLE.
travaux... .. 7. V7;«\ Pâg. 189
ARTICLE il. De l'utilité des
travaux ao6
I» De l'emploi du gain fait
par len prisonniers id.
II. De rutilîté future des tra-
Taux ai3
Troisième division. Des moyens
d'encourager les prisonniers
au travail • ai5
Section ii De la nécessité et des moyens
de prévenir les prisonniers contre la
débauche 224
Section III. Dé la nécessité de détruire ~
certaines erreurs , qui s'opposent à l'a*
mendement des prisonniers^ et des
moyens d'y parvenir . é 234
CHÂP. m* Des moyens d'amener les prisonniers au
bien * 242
Section i'^. De l'instruction des prison*
niers 24-^
Paragrafhc premier. De l'instruc-
tion civile 252
Première division. De l'inslruc-
' tion à donner aux hommes
faits , . . , id^
ARTICLE P'. Connoîssan- •
ces générales id,
ARTICLE IL Morale 2G1
^ DfiDXiiME DIVISION. De l'instruc-
tion de^ femmes. 267^
Troisième div ision. De l'instruc-
tion des enfans 26^
ARTICLE I""'. Connoissaa-
TABLE. îx
ces générales. •• V; . , Pag. aCg
ABTICLE II. Morale 27 a
QiTATiuàME oivisioir. De l'instî-
tuteùr 377
CiM 2ViiME DITI810N. De la mé-
thode 280
Paraohap?e DEuxiiMv. De Viastruc-
tion religieuse 284
pBBMiÈns DIVISION. Des aumô-
niers ....-.* é id.
Deuxiâme division. De l'instruc-
tion religieuse pour les hom-
mes faits 290
TTOisiiME DIVISION. De l'instruc-
tldn religieuse pour les enfaDS. 399
Section n. De l'éducation des prison-
niers • 3oo
Paragraphe premier. De la nécessité
de faire connoitre et aimer l'ordre
social aux prisonniers . • • 3o3
Paragraphe it. Des moyens d'ame-
ner les prisonniers à la vertu. ... 5 16
Premiàre division. Des moyens
de leur inspirer l'idée générale
de vertu id,
DEvxiiME division. Des mojens
d'inspirer la probité aux pri-
sonniers 323
TROisiiifE DIVISION. Dcs moycus
d'inspirer aux prisonniers la
soumission 32/
pARAGRAP^s III. Des moyens de faire
aimer la religion aux prisonniers . 34a
DEUXIEME partie;
■État liBs'FRisoirs x» France. ..... Pag. 35a
TITRE PREMIER.
COBSniâcATIOIIS rttiuMIMAIRES id.
TITRE IL
'D0 Mat^biei. i 357
CHAP. I*'. Coup d'oêll général sur le matériel des pri-
sons • • . « id>
II. Petitesse des Prisons , 362
III. Insalubrité des prisons.* 9^5
IV. DéÊLUt de sûreté des prisons « 379
TITRE III.
» ■ « • • • . • •
De la Discipline SSj
CHAP.I". Des Geôliers id,
-U. De Fétat des détenus dans les prisons 401
Section i'*. Maisons d'arrêt id.
Section ii. Maisons de )ustice /^o^
SeotâON III. Prisonis pour peines J^iS
TITRE IV.
Du HÊGIKE PHYSIQUE 4^4
CHAP. 1*'. Des prisonniers dans Tétat de santé id.
Section i'"» Mesures préservatrices. . . id.
Section ii. Mesures conservatrices . . . 4*^9
PARAGBÀrnE PEUCiER. I^ourriture ... id.
Paragraphe ii» Vêtemens 44i
Paragraphe m. Coucher 443
II. Des prisonniers dans Tétat de maladie ..... 447
I
TABLE. . xj
TITRE V.
Du Rionne uotLASu. ............. Pag. 4^i
CHAP.P'. Du travail ^54
«IL lastructloa civile 462
ni. .Instruotioa r^ligleuie 4^4
TROISIÈME PARTIE
Des biesurus a prbnbae , quant a pr^-
• SENT / I^QUR AiHÛLipt^iaBi I^E RioiME DBS
FRISONS 471
TITRE PREMIER.
Introduction id,
TITRE IL
Du Matériel ^j5
CHâP. 1*'. Des prisons à construire entièrement id.
II.^Des prisons à agrandir ou réformer 4S<>
.UI. Des prisons à supprimer. , . .' 4^2
lY. De la distribution des prisons /fiS
TITRE IIL
Du Kersonnsl. . . . . > 491
CHAP. I""- I^tt gardien e.t de ses subordcinnés id.
II. Du Greffier rédacteur 5oo
III. Des Inspecteurs des prisons 5oi
IV . Des Aumèniers « 5o5
V. De rinstituleur id,
YI. Des officiers de Santé. 5o6
J
xi] TABLÉ.
TITRE IV.
De I.A Di8oiFi.niE Pag. So^
«
CBAP. P'' De la discipline en elle-même. • • « id*
Section i^*. De la clistiDCtîon des pri-
sonniers •..•..... 4 ... • idé
Sbction II. De la discipline qui convient
à chaque classe de prisonniers 5ii
IL De la sanction de la discipline 5i5
Section i'*. Des peines 5 1 6
Sbction II. Des récompenses 4 • . « Sn^
TITRE V.
Du ReOIME physique < • 5i2Sl
CHAP. I'*^. Des prisonniers dans Télat de santé iJ.
Section i'*. Des moyens de préserver la
santé contre les dangers du séjour dans
les prisoDS id*
Section ii. Des moyens d'entretenir la
santé des prisonniers 525
' Paragiiafhe freboer. Alimens^ .... Ô'jIj
Pabaoraphe II. Vétemens 5a6
^Pahaghafhe m. Coucher 628
IL Des prisonniers daiiS l'état de maladie id.
TITRE VL
Du RÉGIME MORAL . < 4 . . 5:^9
CHAP. ^^ Dn travail * - 53a
II. Instruction civile 5^>5
III. Instruction religieuse Ô3S
lY. Education. .* « . . . . 54»
TABLE. xii)
TITRE VII.
DXS DEPENSES QITE VEUT ENTRAINER I.A
BÉFORME DES FRISONS Pdg* ^^^
CHAP. I^'. Frais de premier établissement 548
Section i'**. Bâtimens 5^9
Section ii. Mobilier 553
II. Dépenses annuelles 555
Section i*^*. Dépenses relatives aux pri«
sonniers. ' id.
Section ii. Traitement des personnes
employées aux prisqns. . . . . .^ 557
EXPLICATION DES FIGURES.
Plan général d'une prison disposée pour recevoir cent
prisonniers , avec l'enceinte extérieure fig. P".
Plan du rez - de -cbaussée de la prison , contenant la
geôle et ses dépendances ^ une partie des ateliers «l cor-
ridors et l'escalier ^. fig. 11^
Plan du premier étage, contenant seulement trois côtés
du bâtiment^ le quatrième étant semblable, aux au-
tres fig. IIK
Plan du second étage , contenant l'école et la cbapelle
réunies des corridors et des espaces wisceptibles d'être
appliqués aux besoins du .service fig. !¥*«
Plan d'une salle d'infirmerie , pouvant contenir dix
\ÏU fig. \\
Plan du rt'z- de- chaussée de l'infirmerie^ contenant cor-
ridor, pharmacie, chambre de quarantaine et salle de
consultation fig. VI
FIN DE liA TABLE.
DES PRISOjSS.
mrratj^
Page 1X5 , au lieu de , en e'tat de santé , lisez : dan» l'état de santé.
Page i55, ligne 21 , au lieu de PL III, Usez : Planche II.
xiiî lig 1 9* > P^*° ^*^ premier éuge contenant seulement etc. 5
lisez: Plan du premier étage
^Vlfil'Jimi W'iFPT
DES PRISONS.
DJE tEUR RÉGIME,
ET DES MOYENS DE L'AMÉLIORER.
Ue tous les maux qui peuvent atteindre rhomme, il
n'en est peut-être pas de plus terrible que la perte de
la liberté. Dans cet état déplorable , le prisonnitr
sembfe avoir brisé tous tes liens qui Tattadioient à ia
vie : travaux, plaisirs, espérances, bonheur domesti-
que , tout est perdu pour lui. Si, pour fuir Taceablante
idée de ses douleurs présentes, il cherche un refuge
dans le passé, il en est repoussé par le remords, ou par
le souvenir amer d'une grande injustice , et l'avenir
^épouvante, à son tour, par la perspective désespé-
rante de l'opprobre et de la misère qui attendent sa
famille. À des jours que flétrissent de continuelles souf*-'
frances , succèdent des nuits plus pénibles encore; la
solitude ne le délivre de Todieuse société de ses com-
pagnons d'infortune , que pour Tabandonnér tout en-
tier aux réflexions désolantes que lui inspire sa mal-
heureuse position; et telle est l'horreur de son état,
que cette triste consolation est encore un besoin
pour lui.
Telles sont les conséquences inévitabl* de la captir
a DES PRISONS.
vile, même- la plus douce. Mais combien de fois ces
maux affreux n'ont -ils pas été les moindres peines
d'un prisonnier I Combien de fois le poids des fers, la
rigueur des cachots, l'insalubrité des prisons, l'avare
despotisme des gardiens,. et la tyrannie illégale, mais
irrésistible de subalternes souvent choisis parmi les
criminels du rang le plus abject, n'ont-ils pas ajotkté
de nouvelles amertumes à celles dont il est abreuvée
Une situation si cruelle méritoit bien , sans doute,
un regard de la piPé ; et cependant , de tous les mal-
heureux, les prisonniers sont ceux qui, dans tous les
temps , recueillirent le moins de secours et de conso-
lations. L'infortune la plus cruelle était la moins sou-
lagée, et long-temps les prisonniers, oubliés au fond
d%leurs cachots^ attendirent vainement qu'une main
bienfaisante vint essuyer leurs larmes. En gémissant
de cet abandon où la pitié publique laissa pendant si
long-temps les prisonniers, gardons-nous toutefois de
calomnier l'humanité, et de croire que, jusqu'à nos
jours, la bienfaisance fût exilée de tous les cœurs!
Tant d'hôpitaux , tant d'établisseroens charitables ,
fapt de nobles associations pour la défense des foibles,
le soulagement des malades et des indigens, prouvent
que., même dans les siècles qu'aujourd'hui nous ju-
geons sévèrement, la philantropie enfla^imoit aussi
des hommes généreux. Mais, en général , on ne com-
patit qu'à rinfortune dont on peut avoir quelque idée :
la pauvreté , la maladie , les blessures reçues à la
guerre, trouvèrent, dans tous les temps, les coeurs
ouverts à la pitié. Et qui pouvoit mieux apprécier le
poids de ces malheurs , que ces barons généreux , qui ,
après s'être «pouillés de leurs biens pour marcher
DES PRISONS. 3
à la conquête. de la Terre Sainte, et avoir arrose de
leur sang les plaines d'Ascalqn ^de Tlbériade, n'a-r
voient regagné: leur tnanoir appLivri , que eou'^rts
de bWssares , et en butte aux privations d'une glorieuse
indigence! Aussi combien d'éls^blissemens fondés ou
dotés, avec magni&cence, en faveur de ceux dont l'in-
fortune était anoblie par le souvenir des Croisades!
Combien de chevaliers, sans poser leur noble épée,
consacrèrent leur existence au service des malades, au
soulagement des pauvres ! Le, zèle des Hospitaliers cou-
vrit l'Europe d'asiles ouverts au malheur, et donna
l'impulsion à cet élan dé charité cpii multiplia , en
tous lieux, les secours destinés aux iiidigens et aux
maladeç.
Quant aux prisonniers, rien , à ces époques recu-
lées, ne fixoit sur eux l'attention publique; rien ne
rap^eloit aa;souvenir des hommes bienfaisans un genre
de malheur trop éloigné d'eux, pour qu'ils, le connus-
sent bien, et .trop souvent mérité, pour qu'ils crussent
devoir s'intéresser à des hommes déjà flétris par leur
position même. Il faut avoir réfléchi sur l'état d'un
prisonnier, pour penser qu'il peut être vietime d'une
injustice; que méme^ convaincu, légalement d'un
crime, il ne doit pas être puni plus sévèrement que
là loi ne l'ordonne, et que l'arrit qui lui enlève sa li-
berté ne le condamne pas à perdre la vie , par suite des
maladies funestes qu'engendre le séjour des cachots.
Jamais, peut-être, ces idées ne s'étoient présentées à
l'esprit de ceux qui s'occupèrent alors des maux de
leurs semblables; les prisonniers furent oubliés dans
la distribution des premiers bienfaits de la philan-
tropië.
4 DES PRISONS.
Le& ptogrès des lumières et de la civilisation n'ap«
portèrent presque Retins ehangemens à cette triste
position , et , kHig^emps encore , les prisonniers étm^
btèrent victimes d'un oubli de la bienfaisance* Une
injuste et funeste prévention dëtoama tons les regards
d'infortunés qu'une opinion dédaigneuse enveloppoit
indistinctement dans la Riéme proscription : on ne
voyoît que les crimes dont s'étoient souillés la plnpaH
d'entre eux , sans considérer leur malheur à tous ; et
le sentiment le plusfavo{:able qu'ils pussent attendre ^
&o\\ l'oubli qui, en les délivrant d'un mépris inju-'
rieux , leslaissoit gémir, ignorés , dans des lounnens
inconnus.
Seule , pendant une longue suite de siècles, la relt^
gîon j mère de tous les malheureux, fit luire dans les
prisons , un rayon consolateur ; seule , tandis qae
nulle voix n'osoit s'élever pour réclamefvies 'droits de
l'humanité , violés tous les jours à l'égard 'des prison-
niers, la charité veilloit à leurs côtés, soulevoit le
poicls de leurs chaînes, essuyoit leurs larmes amères;
et, plein de sa flamme divine, Vincent- de -Pa«l^
assis sur lés bancs des galèiMïs , à côté des malheureux
qu'il avoît si souvent visités , chargeoit ses mains gé-
néreuses des fers qu'ils ne pouvoîent plus supporter*
La vertu porte to^ours des fruits sriotairesf ses ad-
mirables exemples ne sont jamais perdus. On eom*-
mença à penser que les prisonniers pouvoient mériter
les secours de ^humanité, et, qu'en perdant ieor
liberté^ ils n'avoîent pas peïthi tous leurs droits natu^
Tels. Des hommes, animés d'un sublime enthousiasme,
ne craignirent pas de se déclarer les patrons de& pri-
sonniers, et de plaider leur cause au tribunal de i'opi-
DES PRISON& 5
nion. Le héros de i'hnmanUé , Howard , sans autre
appcd que son zèle , entreprit la tâche immense d amé^
liorer le sort des prisonniers : dans son magnanime
dëvditmeot , il parcourut l'Europe entière , visita toutes
les prisons , interrogea tons les cachots , et dénonça , a
sa génération étonnée , les déplorables abus qu'il avoit
dëconverts.
C'étoit beaucoup , sans doute , et Howard , par ses
travaux , s'est assuré la reconnoissance de tous les amis
de rhumanité. A force de peines et de courage , il a
signalé le mal^^et réclamé hautement la réforme.
Mais que peut un homme seul , sans autre soutien que
son zèle et son amour pour ses semblables! indiquer le
bien : c'est anx puissans de la terre à Topérer. L'An-
gleterre , qu'Howard avoit seule en vue , recueille an-
)0urdliui le fruit de ses travaux ; la plupart des amé-
liorations qu'il avoit proposées ont été introduites
dans ses prisons. Que n'en est-il de même des autres
pays qu'il a visités pour servir le sien , etqu'il a éclairés
par ses courageuses recherches ! Malheureusement ,
dans presque tous, la réforme, appelée par tous les
fotfjx , est. encore à faire ^ les abus signalés par Ho-
ward subsistent en grande partie, ^t bien des mal-
heureux., en Europe , gémissent sous les fers qu'il a
soulevés , dt dans les cachots où il est descendu.
Ce cri de douleur a été entendu dans notre patrie ;
la aollicitude royale l'a recueilli, et le prince, qui
semble n*avoir été rendu à la France que pour sécher
toutes ses larmes, s'est empressé de fonder des ins-
titntiaus capables de seconder ses intentions pater--
nélles pour des malhenroux toujours déshérités jus*
6 DES PRISONS.
qu'alors de la pitié publique. (Vest à un Fils de France;
c^est à son neveu chëri qu'il a délégué la touchante
fonction de diriger et d'encourager, par son exemple,
les travaux des hommes de bien qui se constituent les
pères- des prisonniers; et déjà l'ingénieuse bienfaisance'
de l'auguste président , en indiquant de nouveaux
nwyens d'adoucir le sort de ces malheureux , a prouvé
combien il est digne de guider dans cette noble car-
rière ceux qu^îfse fait un honneur d'y précéder. For-
mée dans les premiers rangs de l'ordre politique , une
{Société bienfaitrice s'associe à ses viles grandes et gé-
néreuses , et s'occupe sans relâche d^'améliorer le
régime des prisons et le sort des détenus : déjà d'im-
portantes réformes sont dues à sa favorable influencé ;
déjà des pleurs ont été séchées, de funestes leçons ont
perdu leur empire sur des enfans coupables , mais non
encore dépravés ; et un grand nombre de prisonniers ,
long -temps abandonnés à une oisiveté honteuse et
funeste , commencent à connottre la douceur et les
avantages du travail.
Mais ces bienfaits ne sont encore que partiels, et
le but des efforts de la Société Royale est de les étendre
sur toutes les prisons du royaume , et dé coordonner
ces établissemens dans un système général de réforme.
Tel est l'important objet sur lequel elle appelle les
méditations des amis de l'humanité ^ en les encoura-
geant par l'espoir de voir s'opérer des réformes si pré-
cieuses , et d'avoir pu concourir, au moins par leurs
veilles , à cette belle œuvre de la charité. Heureux les
peuples qui Voient les chefs de leurs tribus s'occuper
du sort des derniers d'entre eux! Heureux l'écrivàia
DES PRISONS. 7
qui peut s'aasociér à une , aussi noble entreprise , et
consacrer ses travaux au bien-être de ses semblables,
et à radoucissement de leurs maux !
Signaler les nombreuse^ réformes que sollicite le
régime des prisons, indiquer les points sur lesquels
elles doivent porter, et le but qu'il est à désirer qu'elles
atteignent, telle est donc la tâche importante que
nous avons à remplir. Si Ton se laissoit aller aux mou-
vemens naturels de la philantropie , on verroit tout à
détruire dans le système actuel des prisons ; et la
grandeur du plan de réforme que Ton présenteroit ,
éloigneroit peut-être encore Tépoque où, grâce au zèle
des gens de bien , les prisons cesseront d'être un obr
}et d*borreur et une école de corruption. Cependant
on ne doit pas renoncer à l'espoir de les amener gra-
duellement à une réforme complète : peut-être , un
)our, des ressources plus abondantes permettront d'at-
teindre ce but important; Tamélioration progressive
de notre situation financière peut en faire concevoir
l'espéraoce » et il est doux de penser que les dons de
la charité se répandront sur les prisonniers , comme
dans les temps antérieurs ils ont* couvert d'autres
malheureux. Les siècles passés ont allégé de nom-
breuses douleurs, il seroit digne du nôtre d'admettre
les prisonniers au partage de ces bienfaits. S'il est beau
d'être béni dan%les chaumières, est-il moins con-
solant d'avoir essuyé des larmes au fond d'un cachot ,"
et rouvert les cœurs à la vertu par la reconnoissauce?
Le bienfaiteur des prisonniers ne sera pas suivi au
tombeau par un orgueilleux cortège de pauvres tout
couverts de ses dons fastueux; mais il auradélinré le
simple prévenu, du supplice de vivre avec des orlmi-
« DES VRISOÏ7S.
tiels reconflrm, àtracbé à la contagion de rexemplev
et jeunes enfana que lé défaut d'espace forçoîi de eon^
fondre avec des s^rélërats consommés , et sauVé la vie
à plus d'un prisonnie^^ eh donnant les moyens d'a-
^grandir les prisons et de les rendre plus saines. Si sa
bienfaisance est peu célébrée ^ elle aura fait plu« de
bien qu'une générosité moins modeste. Espérons que
ces voeux ne seront pas une vaine illusion, et qnun
jour, [Préparée par les dpns de la charité ^ et consom-
mée par une intervention puissante , une réforme
complète rendra nos prisons ce qu'elles doivent être
chess une nation oii les protecteurs n'ont jamais man*-
qué à l'infortune !
Quant à présent , il est impossible de tester ce grand
ouvrage ; il faut se borner à corriger ce qui est défec-
tueux, et à prévenir la naissance de nouveaux abus.
On ne peut pas faire abstraction de ce qui existe; il
faut en employer les élémens i et en tirer tout le parti
possible , sans viser à nne refonte générale qui , dans
Tétat actuel des choses, seroit une chimère. Cepen*-
dant , comme ce beau projet peut se réaliser un jout,
il est bon de montrer ce que l'on pourroit désirer et
obtenir. Cet Ouvrage aura donc trois parties: dans la
première , on indiquera « sous un point de vue pure^
ment théorique , et sans faire acception de l'état actuel
des choses^ la manière dont il faudioit construire et
administrer les prisons, s'il étoit question de les créer ;
dans la seconde , on. exposera l'état des prisons en
France , et la manière dont les prisonniers sont traités,
sons tous les rapports physiques et moraux; enfia,
dam la troisième partie, on cherchera les moyens
d'améliorer, quant à présent, le régime des pi'isons,
PRINCIPES GENERAUX. 9
en employant les Aémens qui existent , c^elt--à-dire
de se rapprocher, antant qne possible, do modèle tracé
dans la première partie, sans entreprendre one ré^
forme générale , impossible dans le moment attnel.
■aWilW^iam ■■mi ■■■■■■■a ■■■■ ■ 1--^«--n***"'^Vy-n-V>VlfMl-«fV>-VV»illlli\lrVW»Utjt)»Ut)Vl.trinr»|fVtW
PREMIÈRE PARTIE.
l>B8 PRISONS £N OÉNÉRAL.
TITRE PREMIER,
PRINCIPBS oé^^ÉRAUX.
CHAPITRE I«'. De r emprisonnement , et des di^i-
renies classes de prisonniers.
L'homme, né ponr la société, n'en est pas tonjonrs
an membre paisible* Trop sonvent ses passions Im
font méconnottre les devoirs qoe lui impose cette
qualité, et de nombreoses atteintes à la tranquillité
publique s avertissent le magistrat de la nécessité de
maintenir l'ordre social par la répresiion do crime.
Le moyen le plus naturel et le plus juste de préserver
la -société de nouveaux outrages , est Aé priver de sa
liberté celui qui en a fait un si indigène usage. Telle est
lorigine de l'emprisonnement , considéré comme une
peine, il n'en est point qui atteigne mieux le but où
elles doivent tendre toutes , prévenir lés délits , plutôt
que sévir cotitre les coupables. Sans enlever irrévoca^
lo DES "PRISONS.
Uemènt à la société un membre qui peut encore la
servir, il la protège contre les nouveaux attentats da
4:riminel, en enchaînant son bras; en iliéme temps ^
il donne le moyen de travaillera la correction morale
du détenu , et suffit , sans rigueurs accessoires , pour
imprimer une terreur salutaire dans l'âme de ceux
qui , sans ce frein puissant , serotent tentés de l'imiter.
• Mais pour appliquer cette paine, ou toute autre, il
faut que la société, ou ceux qu'elle a chargés de la re-
présenter, aient la certitude de l'existence du crime et
la connoîssance de son auteur. Cette certitude , cette
démonstration du crîn^eet de son auteur, ne peuvent
résulter que d'une information juridique, faite suivant
des formes déterminées et propres, tout à la fois, à
protéger la liberté individuelle des citoyens et à signa-
ler le coupable : mais cette information elle-même,
l'observation de ces formes protectrices entraînent un
délai quelconque entre le crime qui est venu troubler
la paix de la cité , et le jugement qui en proclame
1 auteur et autorise à lui infliger la peine qu'il a en-
courue. Faudra -t-il, pendant le long intervalle qui
pept s'écouler jusqu'à la condamnation , laisser en
liberté l'homme que de violens soupçons, que des in-
dices graves signalent déjà comme l'auteur du crime?
JFaudra-t-il , dans la crainte de faire tomber une ri-
gueur injuste sur la tête d'un innocent, s'exposer à
laisser au milieu de la société celui qui s'est déclaré en
guerre avec elle, et abandonner à ses fureurs tous les
•bons citoyens? Cette improdaQte application d'un
principe incontestable , l'impunité de l'innoceiit ,
compromettroit précisément tous les droits qu'il est
destiné à garantir, la sûreté, la propriété, la liberté
PRINCIPES GENERAUX. m
même , toujours nienâcëe par la moindre infraction à
Tordre public. La loi de conservation , la première de
toutes dans le pacte social , exige donc impérieusement
l'arrestation proviMÛre de tout homme soupçon.ni^
d'un crime, et la société ne peut exister, si chaque
citoyen n'est pas disposé à faire à l'intérêt public le
sacrifice momentané de sa liberté , toutes les fois qu'une
présomption suffisante le chargera d'un crime.
De là résulte une seconde cause d'emprisonnement :
la prévention.
D'autres motifs peuvent encore amener dans les
prisons certaines personnes qu'il est facile de distin-
guer de ces deux premières classes de détenus : la con-
trainte par corps, la 'correction paternelle, l'arresta-
tion des vagabonds, la police militaire. Ces différences
dans l'èrigine de l'emprisonnement doivent avoir des
conséquences sur sa nature. La principale, et la pre-
mière de toutes , est de séparer les différentes classes de
prisonniers. Il est inutile de chercher a faire voir com*-
bien il seroit dangereux et cruel de renfermer sous les
mêmes verroux , et de confondre sous la rnéme disci-
pline un condamné pour crime et un détenu pour
dettes , un militaive négligent ou insubordonné et le
prévenu soupçonné d'une action infâme : il faut savoir
que ces vérités sont journellement méconnues, pour
sentir la nécessité de les reproduire , quelque évidentes
qu elles soient en elles-mêmes.
CHAPITRE IL De la nécessité de %éjMrer les
prévenus des condamnés,
La justice , l'intérêt socia) , le respect dû à l'inno-
12 DES PRISONS-
cetïce et ao malheur, tout feît nn devoir de ne point
yënnir dans les mêmes prisdns les condamtiës et les
simples prëvenns. Places dans nne situation toute dif-
féfefite , ils doivent aussi être traites difTëremment :
les premiers ont perdu leurs droits aux garanties so-
ciales qu'ils ont violées., et la loi leur en enlève plus ou
moins, selon la gravité de leur faute; les seconds sont
encore dans rintégrité de leur état; tant qu'un jugé**
ment solennel ne les a pas déclarés coupables , ils ont
droit à tous les égards que les criminels ne peuvent
plus réclamer; et Ton peut même dire que le sacrifice
momentané qu'ils font à la tranquillité fublique, doit «
à certains égards , les rendre respectables à leurs con^
citoyens. Si donc la condition des condamnés peot
comporter quelques riguevirs, inutiles à l'égard des
simples prévenus, si mêmfe c'est déjà un sup^ice af-^
freqx que d'être confondu avec des criminels, quand
on a le sentiment de son innocence , n'est-ce pas tifie
nécessité de séparer, de la manière la plus complète ,
ces deux classes de prisonniers ?
C'est une vérité fâcheuse , mais qu'on ne doit point
dissimuler, l'idée de prison est infamante, et, dans
nos mœurs , qui sont souvent injustes , le malheur d'y
avoir été conduit , même à tort , est un véritable op-
probre. L'homme qui a été en butte aux soupçons,
mais qui n'a point subi de détention préliminaire ,
n'est pas autant repoussé par l'opinion , que celui qui
a éprouvé ce surcroît d'infortune; et tandis que le
coiitumax tftà obtient son acquittement , rentre sans
honte dans les rangs de la société , une tache funeste
s'imprime sur la vie toute entière de l'innocent qu'on
a vu dans les fers avant son arrêt d'absolution. L'idée
PRINCIPES GENERAUX. i3
lenie ée l'emprisoimemetit âablil entre eax €ctle iii*
D€8ta diffiîrence : mais si la prison rend infâme ^ à cpioi
devons^nons Taltribiier, «i ce n>st à celte confusion
despréyentis et des condamnes sous lesméfiies vasrroox?
L^io&nnie n'est. pas le seul résoltat fâcheox qu'en-*^
trahie renaprisonnemcnt : tcKifonn fatal pour l'hon-
neur^ il ne compnNnet pas ■Eftoins la vertu même , qui
se fût conservée pure airec la. liberté « et qtd iouvent
vient se perdre dans tiost prisons. La société da crime
n'est pas moiosiiibMi^ qu'elle est péof Ue , pt Tatmois^
phere où vivent k» méchans est« en qaelqoe sorte «
contagieuse pour ceux qui la respirent. On ne pense
point dans la prison comme on pcàisost dans le monde ;
l'esprit de féianimese femifiarise aivec toutesias idées,
avec le crime comme avec la verto. Gardons'^ootts de
Thabitâer a la présence ccxntinqdle et. à la commua
nanté 4'intrfvàlis a««c des- scélérats reconlios; ^rdons*-
tioQs de roxpQscr à leur fim^ste exi^myle et à leora
huteoses fegoas par sine confusion aussi dangei^euse
qirelle est ia§uste. Un aeciiaé, jaon coiavaîiM:a« a.tatér
n6tde cacher sa perversité ^ si soii cœur esiidépravé, il
a aoisd'eÉi vciiler la torphude, et ce &'est ptas loi qui.
fera des prosélytes pour le lOrime : mais le coi»pable«
coBTSMncu , n'a plus tma i cacber, ^a crime est dér
couvert 9 .son infamie est cooioue,, il-ne bii reste que
llsorrUe g^ire de k soéléralesse* et son âme perverse
la poisrsaiÉ avec aidlnr; il se nead V suaire du crime .^
^fa'ilaatl- [peindre av^ec ks^cnuleurs vives d'une imagi*-
«alioa atroce; ks infâmes platsir^i qu'il a goûtés i qja'il
se pcomet de goûter enoore^ âe reproduisent sans cesse
dans jses discours oorropteucs; il»a l'enthousiasme do
crimet «t l'iCttâhoosiasliie rse oomt»iiiiîq0e..4vec une
j4 des PRISONS;
effrayante facilité. Qui ^etit penser, san» frémir, aux
funestes effets de secnhbbles leçons répétées journelle-
ment ? Telles sont cependant les conséquences de la
réunion, sops le même toit, de Tinnocence et du
crime , àe& préveiins et des condamnés. Séparez ces
deux, classas si distinctes de détenus, et pour avoir
encouru d'injustes soupçons, on n'aura pas perdu tout
à4a*fois Thonneur et Finnocence.
"CHAPITRE III. Dé la nécessité de séparer les jeunes
prisonniers d^ hommes faits.
Les mêmes considérations se présentent , à la vérité»
avec moins de force, -mais cependant d'une manière
pressante, pour réclamer la division des prisonniers
«n plusieurs classes , d'après leur âge et la cause de
leur condamnation. Egale pour tous , la loi a du punir
de la même peine tous ceux qui ont commis leiraêmc
•crime , à moins que leur âge ne soit trop tendre paur
supposer un entier consentement au mal, on trop
av>ancé pour pouvoir supporter les peines communes.
Il est cependant fâcheux de voir enfermer dans les
mêmes prisons, ou attacher à 4a même chaîne, un
enfant de seize ans et un homme consommé dans le
crime; le maraudeur adolescent , qui a enjambé une
fenêtre pour voler un frint, et le brigand qui a ré-
pandu la terreur dans toute une^éontrée, par des vols
de nuit ^'dVec violence et à main armée. Quels funestes
résultats ne doit pas produire une semblable associa-
tion, dont on ne voit que trop d'exemples! Grâce à
l'expérience deson cdieux compagnon, le jeune con-
daAmé àe deviendra-t*il pas bientôt son émule? Et
PRINiCIBES GENERAUX. iS
comnienl espérer de sauver cette âme , qui n'est pas
encore gangrenée par Thabitude du crime, si c'est avec
an scélérat décidé qu'il passe le temps destiné par la
loi à'Sa correction ?
On n'évitera ces conséciu^fices funestes qu'en sépa-
rant les prisonniers en différentes cla6ses, à raison ^e
leur âge : il seroit à désirer que la cause de la condam-
nation jmt amener la même mesure , et Ton ne peut
qu'inviter les administrateurs des prisons à ne jamais
négliger cette considération^ Mais, comme, a raison
des circonstances locales , ce dassement n'est; pas sus*
ceptible d'être assujéti à des règles uniformes» il faut
l'abandonner entièrement à. la prudence des autorités
dans chaque prison : elles seules peuvent , dans la ré-
partition intérieure des prisonniers, avoir égard à ces
différences, et prévenir les sintes d'une collision dan*
gereuscNousdévelopperonsultérieuffcment les moyens
d'exécuter cette mesure. UsuffidCHt ici d'indiquer les
règles fondamentales quifdoivent serfirir de base à une
réforme des prisons; il nous reste à' en faire l'applica*-
tion aux. détails
Avoir des prisons qui. réunissent le double avavlage
de la sûreté et de la salubrité; maintenir l'ordre par
une discipline infl^ible, mais dégagée d'arbitraire •;
établir . un régime physique qui entretienne la santé
particulière et générale , et un régime moral capable
de corriger les criminek ef de les ramener au bien, tel
est le but que doit atteindre .une réforme des prisons.
Nous examinerons successivement ces divers objets ,
qni feront la matière de quatre ûires : Matériel r
ine^ Régime physique et. Régime moraL
i6 DES PRISOMS.
TITRE II.
DU, MATÉRIEL DBS PRI^ONjS.
•■«W*
CHAPITRE I*». De la construction des prisons.
La partie purement niâtëridle des prfeoiM, eW^
à'^dif e la confitroclioa et la distribution des bâltMenr
qui les composent , a la plus grande influence sur le
sort des détenus et sur toute radniinislration en gé-
néral : c'est d'elle que dépendent la sûreté et 1^ salu-
brité ; et , par suite , le bien-^tre des prisimniers. Ces
avantages sont assez importans, pour qu^on donne* là
]dos sérieuse attention à tout ee qui petit les pMcnrer*
Que les prisons soient solides et bien closes , la so-^
ciélévet les détenus eux-.Riénies en éprouveront lea
beursnx effets» Ce n'est que des prisons faciles (à for-*»
cer, que les prisonniers ^'évadent , ou cherdient à a'4«
vader ; et il n'en est point dont le régime soit pius^dur
que celles où le gardien a des raisons , vraies ou-fenssca^
dç .craiacb« des évasions^ C'est là, qu'au moindre
aoopçon , une discipline ombrageuse révoque les per^
missions les pins indifférentes , et £aiit peser de noa-
YttUes rigueurs sur les prévenus; que toute promenacte,
tout délassesnent sont interdits, et que l'on se hâlie de
&îre, par mesure de précaution, l'aflreose dîstributioA
des fers à des malheureux qui n'ont souvent d'autre
Xfiist que «d'étra plus grands et plos forts que les attires
détenus. Il faut avouer q^e les geétiers ne sont )»maia
plus en jdanger qne dans les prisons mal closes , et qisre
la facilité des évasions est un appât dangereux qui
MATERIEL DES PRISONS. 1 7
excite les prisonniers à la révolte ; mais» trop souvent 9
le défaut de solidité des prisons n'est qu'un prétexte
dont les geôliers se servent pour s'autoriser à des ri-
;;ueurs qui les dispensent d'une surveillance plus active.
Il seroît donc de la plus haute importance d'ôter aux
uns la tentation , aux autres la crainte ou le prétexte
des évasions , en s'occupant de la solidité des édifices
et de leur exacte clôture.
Quant à la salubrité, elle est d'un intérêt si grand,
soit pour les prisonniers , soil pour la société elle-même,-
à cause de la nature contagieuse des maladies qui nais-
sent dans les prisons , qu'insister sur la nécessité d'y
pourvoir , ce seroit chercher à prouver l'évidence.
C'est à concilier ces deux grands intérêts , la sûreté
et la salubrité , que doit s'appliquer l'architecte chargé
de la construction d'une prison. Peut être ne m'appar-
tienHl pas d'entrer ici dans des détails étrangers en
partie à roesconnoissances ; peut-être devrois-je laisser
aux médecins et aux architectes à tracer le plan , à in-
diquer la distribution des bâtimens d'une prison. Ce-
'pendant , si quelques vues générales, exposées avec
simplicité et dans l'unique but de servir mes sembla-
bles, peuvent être de quelque utilité, je ne dois point
hésiter à les proposer. Je ne me flatte point de présen*
ter ici des idées entièrement neuves ; je n'ai pas le sot
orgueil de vouloir donner des conseils à ceux qui se^
roiènt mes maîtres : mais si je puis faire naître dans
leur esprit quelque aperçu nouveau , si je puis faire
penser le génie, je serai bien récompensé, et ma tâche
sera remplie. Il ne faut souvent qu'une erreur , échap-
pée d'une bouche obscure , pour faire découvrir une
vérité importante, et je serai trop heureux si la* cri-
i8 IMKS PRISONS.
tique oiéme « de l'avis que j'ouvr-e aVec dëfianee pou*
voit foire jaillir quelques rayons, de liiiDÎère pour le
bonbeur de l'humtfnité.
Le premier moyen de pourvoir à la salubrité d'une
prison que Ton construit , c'est d'en bien choisir rem-^
placement. Vainement prendroit-on toutes les précau-
tions pour la rendre ^ine, si la position n'est poiiït
favorable. Les mesures sanitaires ne doivent pas être
le remède id 'une exposition malsaine , mais concourir
avec une bonne exposition pour entretenir la santé des
prisonniers*
« Toute prison devroit d'abord , autant que possible ,
être isolée et placée au dehors des villes, ou au raoini^
loin des quartiers populeux. Il est aussi funeste pour
les prisonniers que dangereux pour les citoyens « de
placer au milieu des villes ces foyers de corruption qui
les infectent souvent des maladies les plus affreuses ,
et que le défaut d'air, résultant d'une semblable posi-
tion , ne feroit que rendre plus redoutables encore. Je
voudrois donc que l'on choisît , pour l-emplacemeûl
des prisons , un endroit assez découvert pour laisser
à l'aif la plus libre circulation , et qu'il y eût un cer*
tain intervalle entre elles et les maisons particulières.
Indépendamment des avantages que cette sit^iation
pi ésenleroit sous le rapport de la salubrité^ on y tt*au*
veroit encore celui de rendre la garde extérieure beau-
coup pUis facile , parce qu'on po4irroit aisément porter
Yecil de la surveillance sur tous les dehors de l'enceinte,
et que le» prisonniers ne pourix>ient guère la franchir
sans être aperçus.
. Il seroit à désirer que les prisons pussent être cons-
truites sur des hauteurs; les lieux élevé;s sont toujours
MÂTËRtEL OBS PRISONS. 1 9
battodts venu, et par coméqœot , plus à Tabri que
le^ entres des 'maladies qui naisseot de l'accumulalion
des miasmes dans les endroiis fadtiités par un grand
nombre d'hommes. Mais cette position est sujette à
deux inconvéniens majeurs auxquels il ne laut point
s'e;Kposer |i Ton n a pas les moyens de s'en garantir :
Tun est le manque d'eau i^^'autre une vivacité d'air
excessive. Si l'hydraulique ne fournit pas un moyen
facile d'avoir toujours et abondamment de l'eau dans
la prison, il faut renoncer à l'établir; quant à la viva*
cita de l'air , on a des exemples de prisons existant
en France , où l'on remarque un surcroit de mortalité
x{m ne peut être attribué <}b'à cette canse. On doit
éviter avec soin une semblable pqfition*
D'un autre c6té^ on sera souvent forcé de bâtir des
prisonsdans un terrain bas, par exemple, dans la plu^
part des viUe^ de commerce ou de fabrique, ordinai^
rement baignées par des rivières. Dans ce cas, on fera
bien de les placer, au bord d'une eau courante. Cette
situation» choisie avec soin « a plusieurs avantages que
lion reconnoiti^a facilement , et entre autres cehii de
la pureté de l'air. lia salubrité et. la sûreté se trouvent
toujours bien garanties dans une prison placée, comme
celle d'Annecy, dans une île formée par lesdeoic bras
4'«ine rivière^ C'est peut-être la seule manière de
rendre saine ^une pri$on bâtie sur un terrain bas, ton-*
jours bien m-oins favorable qu'une hauteur. £n même
temps, le voisinage de la rivière donne bien des faci-
lités qu'on ne trouve pas aillem*s» pour entretenir la
propreté , cette coodilioH si indispensable à la santé.
L'emplacement choisi, il s'agira de construire la
prison de manière* qu'dte wH Umt à la fois sûre , sjône
30 DES PRISONS.
et comimode. Pour qn^uoe prison ne soit pas matsaine^
il faut qu'elle soit spacieuse : mais l'étendue nuit ton*
jours , plus ou moins , à la sûreté : plus une enceinte
est grande , plus la garde en est difficile , plus il faut jde
préposés pour y veiller. La sûreté et la salubrité sem«
blent donc exiger des mesures divergentes. On conci-
lieroit peut-être ces întéyêts opposés , en réunissant
aux prisons , d'autres établisseraens publics qui pussent
en être rapprochés sans inconvénient. L'ensemble de
ces constructions permettroit d affecter aux prison-
niers une enceinte assez considérable, sans leur laisser
aucuns moyens d'évasion. Le plan indiqué dans la
Médecine légale du docteur Fodéré, nous paroit , sauf
quelques modifications , propre à atteindre ce but dé-
sirable. Ce médecin , aussi éclairé qu'ami de l'huma-
nité , propose de construire les prisons de la manière
suivante ; nous nous faisons un devoir de transcrire ses
propres paroles :
« On feroit deux carrés contenus l'un dans l'autre ,
(« et séparés par un espace suffisant de tous les côtés;
« le carré intérieur seroit le logement des détenus , et
<c l'extériejbr , celui des concierges et gens de justice ;
<( re«()ace contenu entre les deux carrés servirait de
« jH^omenade aux prisonniers ; on l'entooreroit de
« {Portiques attenant à leur logement , et on l'orneroft
« de fontaines. Le carré intérieur seroit composé de
« quatre ailes, au mrilieu desquelles seroit un espace
« dont on pourrait faire un jardin pour l'amusement
«( et l'occupation des détenus, etc.... »
Le plan du docteur Fodéré est également propre à
garantir la sûreté et la salubrité ; la prison et ses dé-
pendances pourront être spacieuses sans aucun incon-
MATERIEL DES PRISONS. 21
véoient pour la garde des prisonniers , puisqu'ils se-
ront touîot|rs enfermés,- non. par nne ou deux mu-
railles que Ton peut percer ou franchir ^ mais par des
bâtimens dont on peut intéresser les habitans à la sur-
veillance extérieure de la prison. Il est vrai que, pour
ne pas manquer le but principal , qui est de laisser un
grand espace aux prisonniers, la première enceinte
devra être considérable et entraîner de fortes dépenses
d'établissement. Dans le fait, ces dépenses seroient ex-
cessives si elles n'avoient pour objet que les prisons
seules , et qu elles dussent être prises uniquement sur
les fonds destinés à leur construction. On objecteroit
encore avec raison l'inutilité. de bâtiment aussi con-
sidérables pour loger le petit nombre de personnes at-
tachées à la prison. Il nous semble qu'on lèvera ces
difficultés en réunissant, pour.for.mer Tenceinte exté-
rieure , les établissemens publics dont i n a besoin
dans tous les départemens , et en appliquant a cette
réunion d'édifices les fonds affectés à chacun d'eux.
Il n'est point de chef -lieu 9 il n'est point de ville
un peu importante qui n'ait besoin d édifices publics,
soit pour le logement de certains employés , soit pour
les séances des autorités. Il faut partout une habitation
pour les subalternes attachés aux administrations ^
notaranient à celle de la justice , des salles d'ai;idience
pour les tribunaux , ou d'assemblées pour les autres
corps constitués, des casernes pour la gendarmerie, etc. ^
ctcr.i On a souvent besoin de bâtimens pour y placer
un arsenal , des greniers d'abondance , des magasins
publics , etc. , etc.
L'Etat , dans la plupart des villes , seroit obligé de
les construire séparément « pourquoi ne les réuniroit-
« DES ptitsôm.
on ()âsdan$ le même liée avec les prisons? On ôbtien-
droit par là nne véritable économie sni* l'ensemble ^
car, la constmction de plmieftl^ édifices séparés est
toitjoiirs phis coôtensè que celle d'nn bâtiment unique
suffisant ponr faire face aux mêmes besoins, et en
même temps , on se procnrerbît sans ancnns frais , ir
la charge des prisons, Tenceiiite la pltks stre et la pim
spacieuse. Comme on anroit la facnlté de la tenir
moins élevée que de simples murailles , elle s'oppose-
roit moins à l'accès de l'air et do soleil , que lés che-
mins de ronde , dont il est impossible de se passer daM
les prisons ordinaires , et qui , par leur proximité du
centre et la hauteur des murailles qui les composent ,
empêchent presque toujours les rayons du soleil d'ar-
river jusqu'au rez de chaussée. Enfin , on y trouveroii
plusieurs avantages incontestables, soit pour la garde
extérieqre , soit pour la discipline , soit pour l'exécu-
tion prompte et littérale des mandemens de la justice.
La présence d'une force armée toujours prête à em«-
ployer lès moyens énergiques qui lui sont propres ,
prévîendroit presque toujours, d'une manière eflftcare,
les insurrections. Le service des casernes, et celui d'un
poste militaire , qu'on peut , sans inconvénient et sou-
vent très- utilement, placer dans les bâtimens exté-
rieurs, serviroient d'ailleurs tout naturellement, et
sans consigne particulière , à irendre les évasions pres-
que impossibles. Sors de ne pouvoir faire la moindre
tentative sans attirer sur eux Tattention de soldât»
qu'il seroît facile dHntéresser à cette surveillance par
l'appât d'une haute paie, les prisonniers seroient moins
disposée aux révoltes et à laftâite , et résignés à paaser
dans la prison tout le temps de leur condamnation «
MATERIEL DBS PRISONS. «3
iU di^rcherolent à s'en rendre le «éjour moins pént*^
Me 5 par le Iravail et la soumission à Tordre. Qtiant à
rotilitë et à la convenance du voisinage des tribu**
Aatix, on en convient g«énëralement , et il nous suilît
de l'indiquer (4).
Mais pour atteindre tonte rutililë dont est snscep^
tifate rétablissement combiné que nous proposons, il
faudrott rendre les deux carrés entièrement indépen^
dans Tnn de l'antre, et même faire en sorte qu'il n'y
ait aucun rapport , aucune communication entre ces
deux corps de bâtimcnsb NnUe fenêtre ne pourr oit être
(x) Je nç dois point oinettre ici que cette partie de mon plan
n'a pas obtenu l'approbation de Is^ Commission cliargëe de l'exa-
men des ouvrages envoyas au coucours. Elle a été critiquée
comme opposée à l'isolemetit des prisons , dont )e reconnois moi-
même la nécessité. Plein de soumission pour une oensure HUSfii
respectable et ausû ^dairée, )^ me foi^ un devoir de renoncer k
mes idées pr<qprè& , pour suivre. cçUes de la Commission , et \q
fais volontiers à sou opinion le sacrifice de la mienne. Cependant,
comme le plan que j'ai proposé se rattache indirectement à plu-
f ienrs autres parties de mon système , et que la oonnoissance en
peut être utile, au moins pour l'intelligence de ces passages , j'ai
cru devoir l'exposer tel ^ve )« l'ai conçu, en avertissant de la
critique qui en a été faite* Peut-être y trouvera-tr-on encore
quelques idées utiles , quelques vues particulières dont on pourra
faire usage.
Au surplus , la réunion d' établi ssemens publics avec les pri-
sons, pour en formeif Tcnceiote extéfieure, n'est point néces-
saire k l'ensemble de mon systèiae de réforme. On peut toujour».
exécuter le pian q^e je propose , s^ns encourir les inconvinieus,
que Ton parott craindre de cette réunion d'établissemens , en le&
remplaçant par de ^impies murailles et un chemin de ronde. De
cette manière, les prisons pourrOUt être entièrement isolées, si
on a soin de les placer kors des villes.
54 DES PRISONS. .
percëe du cAté de la prison dans les bâtimens de VesÈ^
ceinte extërîenre ; tons leurs jours se prendroient sur
la voie publique; seulement Ton ponrroit permettre,
pour les étages élevés, de ces jours , dits de souffrance,
qui admettroient Tair et la lumière , sans donner de
vue snr tes prisonniers. Mais cette permission ne de-
vroit être accordée qu'à titre d'exception ., et dans? le
cas d'une nécessité rigoureuse ; par exemple , dans le
cas où la salubrité des bâtimens y seroit intéressée:
mais pour peu c(ue Ton pût y suppléer d'une autre
manière , il faudroit le faire. Il est toujours à désirer
que les murs de clôture d'une prison présentent une
surface entièrement plane, sans aucun de ces points
de repos ou saillies, qui donnent la facilité d'accro-
cher des cordes ou des échelles , et de monter en plu-
sieurs fois. Si les murs de l'enceinte en bâtimens
étorîent percés de fenêtres, ils perdroient tout l'avan-
tage que leur donnent sur de simples murailles la hau-
teur et la solidité des édifices dont ils font partie.
Il est encore évident qu'il ne doit y avoir aucune
porte de communication entre les deux corps de bâ-
timens. Celle destinée à la prison conduira directe-
ment à l'extérieur , et traversera seulement toute l'é-
paisseur de la première enceinte , sans y donner accès.
Elle sera sous la surveillance combinée du gardien de
la prison , et d'un portier placé à l'extérieur , qui pour-
roit, en même temps , servir de concierge pour un
autre établissement. Il seroit à désirer que cette entrée,
uniquement destinée au service de la prison , fut fer-
mée par deux, ou même par trois portes : l'une seroit
la porte extérieure , et la clé en resteroît entre les
mains du portier , qui seroit chargé de l'ouvrir et de
MATERIEL DES PRISONS. i5
la fermer aa dehors 9 et les deux autres seroient des
guichets, à la disposition du geôlier, qui en auroit les
clés, et donneroient accès dans la cour séparant les
deux carrés. Ainsi, personne ne pourrait entrer ni
«>rtir par la porte de la prison sans le concours du
gardien et du portier. Cette double clôture nonssemble
très- propre à empêcher Tévasion , et surtout à pré-
venir les séditions qui ont pour but d'enlever les clés
an geôlier. Comme on n'anroit rien en tenant celles
qn'il a entre les mains , et qu'il resteroit toujours à
franchir la première porte , dont la clé serait au de-
hors , les prisonniers n'auraient qu'un foible intérêt
à ae porter à cette violence; ils ne s'exposeroient pas
aux suites d'une insurrection raanqnée , et le meilleur
succès.qn'ils pussent attendre d'une révolte seroit de se
répandre dans le préau de séparation ; avantage trop
insignifiant pour qu'on doive craindre les sédi^tions
dans la vue de l'obtenir.
' C'est ainsi que la construction des prisons peut arri-
ver au point de les rendre sures , saines et commodes.
Mais ces avantages seroient , en grande partie , per-
dus, si la distribution intérieure n'étoit réglée de ma-
nière à rendre la surveillance facile et continuelle,
et à prévenir tous les inconvénients qui résultent de la
réunion de beaucoup d'hommes dans le même lieu.
CHAPITRE II. De la distribution des prisons.
Dans la distribjLition intérieure des prisons, comme
dans leur construction , on doit encore avoir pour
objet la sôreté , la salubrité et la commodité : tout doit
être subordonné à cette triple destination 9 qui ne doit
i6 DES PRISO!«S.
jamais être sacrifiée à aucune idée de régularité et
d'élégance. Cette règle doit diriger constammci^ Wt^
chitecte chargé de Véti^lissement d'une prison*
La sûreté est encore la première condiliiNEi à neno**
plir, puisque, sans elle, les autres seroient inuliies«
On ajoutera beaucoup aux moyens de sûreté qui fé-
suit^nt des précautions prises lors de la constrvctioii t
en réduisant les portes intérieures de coradninkatîoo
au plus petit nombre possible , et en réunissant toulci
les pièces à un centre commun , qui aeroit la géôle^
Cette disposition rendroit la surveillance facile et coih
tinuelle, sans vexations, et même sans on retour fré-*
qnent de visites aussi fatigantes pour le gardien qu<^
pour les détenus. Voici comment on pourroit remplir
ces indications (i) :
La géûle occuperoit le centre de l'iHie des quatre
ailes, composant le carré intérieur, ou la prison pro"?
prement dite. Elle auroit trois portes :1a première «
donnant sur la cour ou préau de séparation des deux
carrés, seroit vis-à-vis les guichets qui conduisent aa
dehors; la seconde, placée vis^ à-vis la. première^
donneroit sur un préau intérieur; et la troisième «
placée dans Tun des murs latéiiaux de la ^le, oohei^
muniqueroit avec la partie des bàtimens occupée par
les prisonniers , et seroit leur unique issue. Les appar*i-
teraens nécessaire^ au logement du gardien et de sa
famille ocçuperoîent le rez-de-chaussée du cûté opposé
à la porte des prisonniers , et n'auroient eux-mêmes
qu une seule issue dans la geûle.
La porte des prisonniers donneroit sur un corridor
(]) Pour saisir plus facilement ces détails , je prie de jeter le»
yeux sur le premier plan qui se trouve à k fia de rouvrage.
MATERIEL DES PRISONS. 27
qoi feroil tout le tour des bâtimens , et le long duquel
seroient ranfcés des ^itelîers , dont chacnn n'auroit
qu'sne seofé porte , donnant S€ir ie corridor , et nulle
coramoaication avec les autres ateliers. Quant au cor**
ridor, il ne seroit feraaé que par une grille, dans la
forme des cloîtres, de manière à admettre, le plus
librement possible, Tair et la lumière/
Au bout du corridor seroit un escalier, le seul qu'il
pftt y àvoii* dans la prison. Cet esca4ier , qui doit être
suffisamment éclairé, mèneroit à un premier étage,
composé d'une grande chambre ^e guichetiers et d'un
loog corridor garni, de part et d'autre, de chambres
pour les prisonniers. Ces chambres ou cellules , dispo-
sées poin* une «eule personne , seroieut séparées , Tune
de l'autre, par des cloisons en bois, qui n'iroient pas
jusqu'au plafond pour ne pas gêner la libre circula-
tion de l'air , et ne seroient fermées que par des grilles
à )our 0U claires-voies donnant sur le corridor. La
Bécessitë d'une surveillance continuelle en fait une
oUig^tio».
S'il n'y' a qu'un étage , l'escalier s'arrête dans la
chambre des guichetiers; s'il y en a deux ou plu-
sie«irs , l'escalier contin^ie dans la chambre même jus-
qu'à r^age supérieur. Il ne doit être masqué par au-
cune balustrade , mais rester entièrement à découvert,
à la réserve d'une simple. rampe à jour pour prévenir
les accidens, et il doit être fermé par une porte à
chaque étage. Ces dispositions ont pour but de mettre
Ips gardiens à portée d'avoir toujours l'œil sur la por-
tion' d'escalier soiimise à leur surveillance.
Avec cette distribution, les détenus, soit indivi-
duellement, soit par pelotons, ne peuvent sortir de
38 DES PRISONS.
leurs chambres sans passer par celles des gaichetiéi^ ;
ils ne peuvent descendre ou monter que par un seni
escalier, gardé à chaque étage, qui les mène'à nn«6eul
corridor, aboutissant à la géole, par laquelle ils ne
peuvent éviter de passer pour sortir de leur quartier ,
et parvenir dans Tun ou^ l'autre préau. De cette ma-
nière, le gardien aura continuellement l'œil sur tes
détenus-
Ces dispositions pourvoyent donc aux besoins ^-
néraux et journaliers de la prison; les prisonniers y
trouvent lé logement ^ des ateliers, des préaux pour la
promenade, et le gardien des faciKtés- pour main-
tenir Tordre , et exercer une surveillance active* et
continue. Mais il est encQ|^ plusieurs objets essentiels
qui n'y sont pas corïipris, et dont il est impossible de
se passer : tels sont une infirmerie , une chapelle et
une école.
Quant à Tinfirmerie, la prudence commaiide d'y
affecter un local séparé du reste de la prison. Comme
on n'aura jamais besoin pour ce service d'un bâtiment
fort considérable, par rapport à l'ensemble, et que,
presque toujours , les mesures de sûreté sont suivies
moins exactement , à l'égard des malades qu'à l'égard
des prisonniers valides, au point qu'ils choisissent le
temps de leur séjour à l'infirmerie pour s'évader , ii
me semble qu'on fera bien de construire l'infirmerie
au milieu du préau intérieur , dont une grande partie
sera, en tout temps, affectée à la promenade des
malades.
Pour l'école et la chapelle , rien n'empêche de les
placer dans le grand bâtiment ; ^on pourra même le&
réunir dans le même local; et cette disposiiion.n'aura
MATEMEL DES PRISONS. 29
qtiQ des avantages. Coimne mon but est uniquement
d'être utile , et que je cherche non à présenter sur tous
les points des idées neuves, mais à indiquer les amé-
liorations dont le système des priions me paroît sus-
ceptible', je n'hésiteras à profiter des leçons de l'expé-
rience, et à propos^-un plan déjà exécuté, en Tac-
con^niodant à l'enseiifthle de mon projet. Ce que j'ai
vu dans une de nos prisons , j'engage à le faire dans
toutes les autres, parce que je l'ai trouvé bon ; et,
sans chercher à opposer projet à projet , j'adopte avec
plaisir l'idée d'un autre que le succès paroit avoir cou*
ronnée.
Voici comment on a disposé le local que je propose
d'imiter : La partie supérieure du bâtiment sous les
combles a été réservée toute entière pour y placer l'é-
cole et la chapelle , et on en a fait une seule pièce ,
séparée seulement dans le milieu par une légère cloi-
son en planches. L'un des côtés est affecté aux hommes,
tandis que l'autre tst réservé aux femmes. Dans cha*
qae section on a placé un nombre de bancs propor-
tionné au nombre des prisonniers qui doivent s'y ras-
sembler. La cloison , après avoir traversé la presque
totalité de la pièce, s'arrête à huit ou neuf pieds de
la muraille opposée aux portes d'entrée , et là elle se
trouve remplacée par une grille de bois qui , au lieu
de suivre la même direction que la cloison , s'étend
d'un côté et de l'autre jusqu'à la muraille en demi-
cercle, et forme ainsi une petite enceinte qui a , par
conséquent, à-peu-près huit pieds de rayon. C'est le
sanctuaire de la chapelle, dont Técole, divisée en
deux, forme la nef; c'est là qu'est placé l'autel, et
qo'on célèbre les offices, auxquels les hommes et les
3o DES PRISONS^.
femmes dâûstent siniultaoëm^nt, sam «XNBimuniqtier
jeotre eux en aucune manière, et même sans ae viûr.
La petite enceinte , ou le sanctuaire « a deux portes ,
dont chacune donne sur une des sections de Tëcole ^
de sorte qu'elle en fait le lien commun et la.commu-r
nication. L'instituteur s'en se^tg^galenient poqr aller
de Tune dans l'autre* Cette réunion de Fécole et de la
chapelle me paroît une idée heureuse : elle donne la
facilité de mettre beaucoup d'ordre, dans l'assistance
des prisonniers aux offices, parce qu'ils y trouvent
leurs places toutes marquées , et qu'on peut, bu moyen
des divisions naturelles que présentent les bancs, ëvi**
ter entre eux Ja moindre confusion. D'un autr« c6té,
il est avantageux de pouvoir réunir, à la même heure
et sans inconvénients , tous les prisonniers , soit pour
les leçons , soit pour les exercices du cult^ ; et cette
disposition en donne le moyeu C'est donc un hoQ
modèle à suivre dans la distribution des prisons»
Mais on a pu remarquer que V^écution de ce plan
exigeoit des bâtimens d'une certaine largeur; aussi ne
l'ai-je vu que dans une prison carrée. Celle dont ja
propose le modèle , se composant au . contraire de
quatre ailes plus langues que larges, le plan que je
viens d'exposer ne pourroit pas y recevoir une appli-
cation littérale ; mais il suffiroit pour l'adaptef à cette
prison de quelques légères modifications. Au lieu de
diviser en deux une seule pièce carrée, comme celle
que j'ai vue , on emploieroit deux des'ailes contiguë»
l'une à l'autre, dont chacune remplaceroit une des
deux sections de la grande pièce : le sanctuaire, avec sa
grille et ses portes , seroit placé dans l'angle du bâti-
inent, et une petite cloison compLéteruit la séparation
DE LA DISCIPLINE. 3i
^es d&xx sections de Técok. La figure 4* i planche III ,
donaera de cette disposition une idée plus nette que
tous les détails où Ton pourroît entrer ici*
Une prison ainsi distribuée sera également $ûre et
commode. Elle sera saine si Tarchitecte a prb soin de
ne point contrarier par des distributions maladroites
les mesures sanitaires à prendre, s'il a ouvert beau-
coup de fenêtres, à^il a veillé à ce que les bâtlmens
ibsseni aussi dégagés que possible , et à ce que la cir--*
calatron de l'air n y trouvât jamais d'obstacles inu-
tiles; si d'ailleurs on n'y admet les prisonniers que;
dans une juste proportion avec le local, et qu'on évite
de les Eaire coucher au rez-de-chaussée ou de les en-
tasser dans des chambres étroites. Ces précautions
tiennent en grande partie à la discipline. Il est de la
plus grande importance de l'introduire dans les pri-
sons, et de la £iire concourir avec un bon régime phy-
sique et moral pour y entretenir la santé et le bon
ordre 9 «t rendre lesdétenos meilleurs et plus laborieux,
TITRE IIL
DE LA DISCIPLINE.
CHAPITRE V^. De la discipline m général.
Il faut tlistinguer dans la discipline des prisons les
règles et observances qui la constituent et le système
pénal destiné à en assurer l'exécution. Ce système ne
doit pas être aussi rigoureux qu'on se l'imagine ordi-
nairement. Habitués à voir les détenus courbés sous
^ne verge de fer, punis toujours avec sévérité, et trop
5j des prisons.
souvent avec arbitraire , pour des fautes assez légères,
nous regardons cette rigueur comme indispensable; la
crainte d'un châtiment terrible nous paroit le seul
moyen de les plier à l'obéissance , et le poids des chaî-
nes ou la profondeur des cachots nous semblent seuls
pouvoir prévenir la fuite des criminels ou le meurtre
des gardiens. C'est une erreur : ceux qui ont vu com-
bien un geôlier habile et ferme est redouté et même
respecté dans la prison la plus nombreuse , ne regar-
dent pas comme aussi difficile à établir l'autorité de
ce fonctionnaire. 11 faut toutefois convenir que l'état
de nos prisons , pour la plupart aussi peu solides que
mal closes, justifie en partie ces craintes , et présente
toujours une excuse pour les mesures de rigueur ,
comme si elles pouvoîent seules mettre à Pabri des
violences des détenus. Mais ces deux causes, par Une
réaction réciproque, tendent à s'aggraver nuiluelle-
ment , et en remédiant à Tune des deux , on verroit
disparoitre la seconde. Le défaut de sûreté des prisons
rend toujours la position des détenus très-fâcheuse par
les mesures sévères qu'il autorise les gardiens à prendre
contre eux; et cette rigueur, en ajoutant un nouveau
poids à celui de la captivité , excité plus que jamais
les prisonniers à se soulever et à fuir, tandis qu'ils
seroient probablement demeurés paisibles sous un ré-
gime plus doux et plus modéré. Tous ces inconvé-
iiiens disparoîtroient dans une prison suffisamment
sûre ; l'impossibilité de la fuite seroit un frein plus puis-
sant que la crainte des châtimens les plus sévères pour
arrêter toute tentative d'évasion, et par suite, tonte
révolte, et la douceur de la discipline feroit évanouir
une des principales causes de tous les soulèvemens.
DE LA DISCIPLINE. 3J
On pourra <)onc purger les prisons de ce fômiîda*
ble appareil qui concoaroit à en rendre le sëjbur si in-
tolérable. Plus de ces fers qui réduisent à une doulou-
reuse et pénible immobilité (i) ; plus de ces cachots
souterrains f où les maux physiques achèvent de por«*
ter la morf dans des cœurs déjà flétris par les souf-
frances morales. Si la prison est sûre , l'impossibilité
de la résistance garantira la soumission des détenus. Il
suffira de quelques peines , purement de police et de
discipline , pour maintenir Tordre dans la prison : et
ces peines, qui consisteront principalement dans la
privation de l'avantage dont le prisonnier aura abusé ,
atteindront' le but si souvent manqué par les lois pé-
nales , de paroître la conséquence directe de la faute ,
et de porter par elles-mêmes le coupable à s^en cor-
riger. ♦
lilais, avant de prononcer lés peines encourues pour
les infractions à la discipliné , il faut déterminer la
discipline elle-même , et tracer les devoirs des prison-
niers dans la prison. Ce sujet se présente sous plusieurs
faces /selon quHl s'agit des prisons destinées aux pré-
venus ou accusés , ou de celles où Ton renferme les
condamnés. La police des prisons doit encore être mo-
difiée par les considérations de l'âge et du sexe. Mais il
est des règles générales qui doivent être observées dans
tous les cas; leur objet est de garantir la sûreté de la
prison et la santé des détenus, et d'y établir un ordre
aussi avantageux pour les pi:isonniers, que pour les
gardiens et pour la société. Nous les indiquerons avant
(i) Je ne parle ici que des fers qu*on ëtoit dan» l'usage de mettre
AUX prisouniers que Ton redoutent , et non pas de la chaîne et du
l>oulet que la loi autorisa à mettra aux galériens. '
3
34 Ï>ÈS PRfôdlNfS.
de passer.au détail des règles particulières a chaqpe
classe âé détenus.
Il est encore certaines règles générales qui s^app}i-
cjuent a tous les ciajs ^ et qa'o^ ne peut négliger ^ns les
{Mus graves încônvénieils. Telles sont les formas prp-
ectrices de là libèi^té individuelle , qui accompa-
' |;nent rentrée ou la sortie c](es prisonniers, Tétablisâie-
jnént d^'un certain nombre d'employés , la responsa-
Iiilîtédés gardiens, la tenue de registres qui constatent
l'arrivée dé chaque prisonnier , son âgé , son signale-
ment , le motif de sa détention , çtc... Mais ces règles
sont tracées dans la loi : ce seroit répéter inutilement
ce qu'a déjà dit line voix plus puissante, que d'entrer
ici dans tous ces détails. Les anciens règlemens , le
Codé dinstruction criminelle et l'ordonnance du pré-
fet de police de Paris , portant règlement pour les pri-
sons du ressort de la préfecture , contiennent toutes ^es
miesures nécessaires : nous ne pouvons qu'engager à les
exécuter aussi complètement que possible. Nous cher-
cherons plus loin s'il n'est pas quelques moyens d^as-
surer Cette exécution , d'une manière plus efficace ,
qu'on ne Ta lait jusqu'à ce jour. .
Section i^". Di là sûreii.
La sûreté des prisons intéresse la société toute ea~
lière; les gardiens ont eux-mêmes un intérêt inmié-
diat a ce qu'elle ne soit pas diminuée. Les évasiotis
éngâgcbf leuf responsabilité, et même compromettent
leur vie, en donnant lieu à des révoltes. Il est doùc
de la plus haute importance de veiller continuellement
à ce (|iie la sùrelé n'éprouve aucune atteinte* NousavdfUs
' * * pseuder tiore , dé kfnéit nuinfèré on
!£ LA BISGIVLINE. 15
9(totK>H la-jgatsmiiv àms la caiHtractioa et ki'^tii-
. Jniitioii des ptisons ; la discipline peut beamcôop aussi
poiir Getx>bjet empilai. San& soo . concourt , c'est vai-
nement qn'iNi- aoroit pris le^ mesures les plus sages
dans la coostroetion^ et qu'on anroit bâti les prisons les
pin» 6oli<}es« Il n'est yio«nt d'nbelâele dont né te-iDniplIe
la pertëvérance.'Jci^ ia surveUlance doit être aussi
active 1 que le désir de fiiir doit être vif; il ne. faut
pas seulement arrêter , il faut prévenir les tentatives,
et ce n'est qu. a l'aide des f^ëcautions les plus exactes,
j^ae rpu y paryiendta. De ces mesures de prëcauticH» ,
ks nnea lae doivent être prises que dans certaines m^
ii»»Dstance$ et aans périodii^itë'f les autres sont.îoui'na-
Mères i et l'on ne pourroit jamaSs le^ on>ettre , sa^s
danga** Noos allons entrer dans le détail, des unes et
4es.^ulm»«
TXRAORA2BE PREMIER. Précautions passagères et accident
telles,
■4
•
I/s» des* plna poissans moyen» d'évasion , c^est la
dcstmction des clôtures, entreprise d'arutant plu^ a re*-
dénier que souvent elle se prépare et s'exécute dans
l'ombre y et qu'elle peut entri^n^ la fnite de tous les
détenus d'une prison. La plupart des prisennieirs qui
s'^adeatv n'y parviennent, qo'a|N*ès avoir pratiqué des
Irons dans les mors , en sousttayuit pendant kmg-
lempa i<am tvavauiL à tous les regards. Ce danger seroit
moins à craindre dans les prisons dont nous avons
donné le plan^ que datistôalesoeUes qui existent aujour-
âliuiv La diffifivftté presque/ insurmontaUe de percer,
sans étr« découvert , un bâtim^stt habité y mettnrit , ce
meieflible , à ¥abrt de ce mode d'évasipm C^ndasit »
36 D£S PRISONS.
raimiir ^ la lîfaerlé^st si iogéieiieax, et eô iiiéiil€
l temps si entreptrenant , qu'on ne sauroit prendre trop
de précautions contre ses tentatives , quelle que soit la
forme des prisons*
''. CommeonnepeotpasavoirlesyeuxcontinueUement
fixes sur les prisonniers , et que rexpérience prouve
qu^ils savent toujours soustraire leurs démarches à la
>isur veillance la plus active» il faut avoir soin qu'ils niaient
^ jiftjbais à leur disposition ' des instr umens propres à dé*
' molir. Il né serMt pas moins dang^eux qu'ils pussent
' aXH>ir âe9 armés. 11 est donc de la nécessité la plus ur-
gente de fouilkr les prisonniers, à leur arrivée dans la
prison , et de ne leur laisser ensuite parvenir aucun de
ces objets; d'où résulterobligationde visiter exactement
tout ce qui leur est apporté du dehors. Mais toutes ces
mesures doivent être prises avec la décence et les
égards que réclament la position malheureuse des pri-
soiini^s f et le respect dû aux mœurs. Que le gardien
se charge de la fouille des hommes; que celle des
. femïnes ne soit confiée qu'à une mère de famille , et
Ton pourra espérerquelqnebienséancedan&l'exécatioii
. de ces mesures xigoureqses, mais indisp^isaUes. jQin
. ne sauroit prendre .trop de précautions pour ne point
aggraver ce qu'a de fâcheux, la position des détenus ,
et l'iudécence et brutale inquisition à laquelle aoot
soumis les prisonniers, à leur arrivée dans les prisons,
n'est point la m<Hndre des peines qui les attendent^
dans ce triste séjour.
Il n'est pas moins important d'exercer la surveil-
^lance la plus, jexacte, lors des visites que reçoivent Jbes
' pi*isonniers. Sans doute il est péifibie |>our. 4in dé-
, tenu de ne pouvoir épancher librement ses peines
DE I^ DISeiPLWE. 3f
dans le * seiti d'un ami ; sans doute la présence d'un
employë , quelque humain , quelque discret cfu'on le
sopiiose , est un assujétissement terrible ; mais cet in-
coiK¥énient est inévitable: c'est une conséquence forcëie
de Tétat de prisonnier; tous doivent s'y résilier, -les
condamnés comme à ud& partid de leur peine , et les
prëveiiiis, comme au complément nécessaire du sacri-
fice qu'ils font à l'intérêt social. Mais si cette surveil*
lance est nécessaire , s?îl est. indispensable de s'assurer
que les personnes qui viennent voir les prisonniers
n'abusent pas de cette permission « pour leur fournir
de8',armes ou des instrumens dangereux, le ministère
de l'employé chargé de .ce service doit s'exercer avec
toute la discrétion et tous les égards compatibles avec
le motif de cette assistance. Il suffit qu'il ne perde
pas de vue les interlocuteurs, pour empêcher que l'é-
tranger puisse rien donner au. détenu ; mais il doit
respecter le secret de leurs communications et ne pas
transformer en une odieuse inquisition , une .surveit*
lance juste et légale.. En un mot, l'employé doit voir
tout ce qui se pa^ , jmais il ne doit rien entendre.
Pour établir, quelque ordre dans les communica-
tions des prisonniers avec les personnes du dehors,
il faut nécessairement qu'elles n'aient jamais lieu que
dans un appartement spécial ou parloir. Là seule-
ment, la surveillance, peut être réelle et les j*èglemen$
peuvent être observés. Si les détenus pouyoient rece*
voir leurs visite^ dan3 les pr^au^, (dian^ les ateliers ou
partout ailleurs, il serpit impossil)Ie d'ayoir Tœil sur
eux , dans un des momens les plus importans pour la
sûreté de la prison , et les visites auroieiit les plus graves
înconvéntens. On seroit bientôt obiigéde le^supprimeix
Lt pàt\oit âcAt toujours être une ««tle fiérméî, ^"-
clalevhent afRNrtëe k cet usage et disposée ^ manière,'
que la vue n'éprouve aucun obstacîe, podt ia parcourir
dans tous lèis sens. Elle ne doit avoir d^aulres meoUetf
que de simples banqôettés, rangées lé loii^ des mu'-^
railles. Enfin elle doit être afttenante à là ge^er et
di'avoir d'i^ie que dans cette partie de la ptisoti , pour
que lé gardien puisse toujours surveiller par luî-n^âmef
Feiitrée et la sortie des prisonniers et des autres piw*'
sonnes qui vont au parloir.
Ces précautions ne dispensent-eiles paérde feii^ des
parloirs une espèce de Cachot double où les entretiens
ne peuvent avoir lieu , qu'à' travers deux eloisons
grillées entre lesquelles un seul gardien se promène
contîniiellement pendant l'entrevue ? Une sorveît-
tance exacte remplàcerbit sarîs douté avec avantage ces
entraves matérielles , qui empoisonnent inutile-
meiit Tune des plus précieuses consolations que les
détenus puissent trouver. Une mère pourrott voir soii
fils, un époux confier le secret de ses peines à Faihitié
de son épouse , sans qu'une séparation aussi eomplète
i^nrt encore les poursuivre, de l'image douloureuse de
là captivité et èter à leurs entrevues sa plus grande
dbnceur, en les forçant d'élever la voix et de fnettre
lés étrangers en tiers dans leurs épanchemens. Gepen-«>
dant la si^reté générale n'aura point à souffrir de ces
modifications apportées à la forme du parloir , si les
entrevues n'ori^ jamais lieu qu^en présence d'un em-
ployé dont l'œil vigilant suivra tous les mouveraens
des interlocuté iirs, prêt à rompre l'entretien, dès qu'ion
s'écarteroit des règles imposées pour i^ulariser ces
MmmuDieation&
/
\
I
DE lA DISCIPLINE. 3«
MaiA^ pour que cette surveillance 5oit exactç et snfll-
a^te, n faut que Teiâployé qui en sera chargé puisse
9voir coïifinuêllenient l-œil attaché sur ceux qui] doit
inspeteter. 11 faut donc qu'il n^ait jamais à exami-
nier qu'un seul groupe , composé d*un détenu et
d'une personne étrangère, pour pouvoir le faire, d^une
manière satisfaisante. Si son attention se partageoit
eiatre plusieurs visites ^ il ne pourroit prévenir les
iiicoovéniens les plus fâcheux. Aussi, Tun des moyens
le» plus efficaces contre les mauvais effets qui peuvent
résulter des visites » cVst de ne jamais les autoriser
qu^en présence d'un employé et de n'admettre au par-
loir aucune personne munie de permission , s'il n'y
a pas uii nombre d'employés égal à celui des personnes
qui se présentent. Dans le cas où le nombre de ces
personnes surpassemit celui des employés disponibles,
celles qui se présenteroient tes dernières, attendroient,
dans un appartement séparé, qu'une entrevue com-
mencée fut terminée, soit par rexpîratîon du temps
accordé , soit par la retraite volontaire de la personne
entrée la première. De cette manière, le nombre des
employés, tel petit qu^on le suppose, sera,' dans tous
les cas , suffisant pour ce service.
'Une. autre précaution est encore nécessaire, pour
nidtti'cl à l'abri du principal încohvéïiïentclës entre-
vues: c^est de fouillei* , avant et après chaque visïte, le
prisonnier qui l^aOra rèçîie. l»ê gardien iie devra ja-
mais y manquer et ce soin sera, de sa part, une obli-
gafioù formelle. En même teifnps, il faiit cju'II ait le
droit de soumettre à la même, mesure la personne qui
vient du dehors : mais , çoUime cet examen ppurroit,
^dans ce cas, dégénérer très-souvent en vexation et
j^ 4o DES PRISONS.
q]i.i il est beaucoup de personnes dont le caractère ou .
la condition suffisent pour écarter tont soupçon de con-
nivence , }e gardien sera le maître de prendre ou de
fiégliger cette mesure , à Tégard des étrangers , mais
»ous sa responsabilité.
On sent bien que toutes ces règles ne peuvent et ne
doivent même pas être observées à l'égard des conseils
des accusés ou prévenus. La liberté de la défense , les
garanties morales que présentent les personnes qui
peuvent être revêtues de cette qualité, et le respect
qu'on doit leur supposer ^pour elles*mémes et pour les
corps auxquels elles appartiennent , ne permettent ni
de lés y astreindre , ni de concevoir d'inquiétude de
leur affranchissement des règles générales. Leurs rap-
ports avec les prisonniers pourront donc avoir lieu
dans une salle, autre que le parloir, mais toujours dé-
pendante de la geôle , centre commun de la prison , et
aucun surveillant ne pourra assister à ces conférences
respectables.
^ ]pARAORAPfl£ sEcoNi». Précaûtionfi journalières,
(3es précautions , qu'on ne prétendra que dans cer-
taines circontances , seroient insuffisantes , si l'on n'y
joignoit l'observation de quelques règles, d'une appli-
cation journalière et permanente , qui achèveront de
garantir la sûreté de la prison. La plus importante
peut- être est la division des prisonniers, par sections ,
pour peu que la population de la prison soit nom-
breuse. Ils devront toujours être embrigadés par ate-
liers, divisés même en chambrées, s'il y a lieu. Chaque
division ou subdivision aura un supérieur qui ne
DE LA DISCIPLINE. 41
poprra jamais : être pris dans le nombre des prison-
niers. Les directeurs, de travaux, chefs d*ateliers et
guichetief's fourniront assez de personnes libres pour
remplir, sans frais,^ ces fonctions. Tous les jpurs , un
appel nominal , fait dans chaque division par les em«
ployës les plus subalternes , constatera la présence de
tous les détenus. Cet appel ne sera pas une vainc for-
malité, si on le confie aux derniers employés, à ceux
qui ont sous leur surveillance Le plus petit nombre de
prisonniers et qui , par conséquent peuvent connoitre
individuellement tous leurs hommes, et s^assurer par
eux-mêmes de leur présence. Chacun de ces employés,
après rappel , en fera son rapport au chef d'atelier^ qui
le transmettra au gardien général.
La division des prisonniers en classes peu nombreu*
ses donnera un moyen facile de prévenir les révoltes. Ce
sera de ne jamais réunir, sur le même point, la totalité
des prisonniers , on au moins de ne le faire que dans
certains cas et avec certaines précautions. Si on eu ex*
cepte Tofficedivinet les instructions, soit religieuses,
soit purement civiles, il n'est aucune circonstance où
Ton soit obligé de réunir les prisonniers dans le même
lien. Les travaux auxquels ils se livrent , les divisent
déjà, par leur nature même, en différentes classes, qui
n'ont rien de commun, l'une avec l'autre. C'est cette di-
vision qu'il faut entretenir avec soin , puisqu'elle existe :
ceitte attention est de la plus haute importance. Outre
les dangers de la réunion des détenus, pour la sûreté
de la prison, il n'y auroit pas un moins grave inconvé-
nient à détruire, par une imprudente confusion, les
bons effets que l'on peut attendre de la division des
prisonniers. Leur classification ne sera jamais arbi-^
traire; dlc n>ir» pa^ sçiple^^ni pour l^t .4!eilip^l|fr
le^ prisonniers d'être eA^eful^eefi tfpp fp^W^ jMm^^,
tl ne sera paf aniquei)gtçnit foii^ée A^ie^die^r^ df» t^lfinjt
des détenus , cpinna^ ouvriers» Op^ain-a surt$>ut,^ffi
aox convenances mçu^ale^, daps cejltç dialiibntjpp.» ^.
Tqn cherchera surlQut à ne pf9J|it Uf assenAler» 4fi
manière à dépraver entièrement, par 1^ spciélé 4^
grauds> criminels, ceuxque T.onpeiit^e^pqfii^r^eccMJi^
^er facilement. Il est donc jiéeess^ife 4ç pç poio^t é)4i-.
blir de comipnnications e^tre ceuii qp^QQ; a cm i^TO^^
séparer^ La sûreté, la discipline, le I^on ordrp , Ti^Q^xiK
dément moral, ti^iit serait i^omprpipis, si les.prisojpr
niers de pluaie^ni^ divisiqns pouvoient se çonfoiit^i'^ ief(.
uns avec les autres. Ynici comm^fit on pourra )!ëvUer«
La nuit,, toutes k^ chai^hr^. s^ro^t jeirKp^ à la
clef; 1;^ gaiçh^tiers, à chaque étage, e^s^i:pQ,td^pPr
sitaîres» Il en sera de n^^iQje desatc^liers, pçn^ai^tlç V^i^r
Lorsqu'il sera qu^tÎQ^ dq passer 4?^ uns d^i)$ le«^a^«-
très, soit ^u n^^tin , soit i la fin d^ l^ jp^irn^» on ne
fera sortir ^es chai^I^rres pu dc^ ateliers « q^'.n.Pf sfi^}fii
classe à lafpis ; tout^ lei^açitres ijestei:op[t^i)f(çrq]i4f;sdai]^
le local. qui leur est ^s^igiié, taqdi^ qqe , ^q^s )a cqp-
^uite d'un guichetier , et du dii;^tjeur d^ tp^v^ux PU
f liçf d'ateiler, la priçip^^e se rendra à sa des^inatîo^.
Les foitre^ ne ^ ipçttront succçs§îveq3f;nt ep J|)acçl^ t
que Iprsquç la pi:écédent^ sera arr^y^ t^i awft éjé en?
fermée c)^Q;^ 3a chambre ou dans.spn ^te^er, dç manière
qu'i^ n'y aura jamais en marche, daps r^sçali^çr pu. le
çorri^r, qfl'une ^ule classe à la fois et qu-f^le ppurr»
être içscQirtée par plus de siirvei^U^ps qqe; ^î Toi) e0ec^
tuoit Tévacuation en masse.
Qu^iil aux repas , jfi dés^rçirpi^ qu^ \es piJ4ppp|^
DE LA BUGIPLINE. 43
pWMBt iMpittodiie daD$ un rëfectom di^âëjcn ^lotaot
àê sections qa'Si yv a d'aldiieri. Je ne yms pae de né*-
cMitë à* ce que le réfiectoiresoit uniqM, et sa «é^
fiaralioii ep plosîenrs- sediom denneroit un moyen
facile de consenFet* , soit pandant les repas 9 soit pen t
daM le trsqct, pour 7 ail w 00 poor en revenir, Timpor*
lante Tépartition des prisonniers eo pluMeurs classes.
L^n9stailt où il ost le plus important de conserver
jcelte division est odai delà prraaenade, on rëcréation
^Ms le préau. La Kberté qn'on ne peut se dispenser
de leur y inisser, rend alors la surveiUance difficile et
presque mille* La, rien ne peut les empêcher de s'iso-
ler 00 de se réunir à leur gré , d'entretenir des conver*
salions ^intimes ou générales , de former des corn-
•pkils ; de prendre sans être aperçus, des» détermina-
tious communes. Il y auroit donc les plus grands dan*
gers, soit soos^le rapport de la morale , soit sons celui
jde la aâreté, à. réunir dana cet instant les prisonniers
dé plusieurs ateliers, h» désir d'éviter ces dangers^
sans cependai^ priver les prisonniers de l'avantage
d'nn préau spacieux m'airoit déterminé à demander
que Teqpace destiné à la promenade né fèt divisé qu'en
émx parties et que les prisonniers n'y fussent admis
qo-à des heures afférentes , de manière qu'il n'y eàt
jamais qu'un seul atelier dans chaque section dtl
préan. Mais, outre que cet ordre a paru trop compli*
que , il avoit le désavantage d ol^liger, pour certains
atdKers, de prendre le temps du délassement sur celui
liesliné au travail. H en résulloit une perte de tentps
qu'il est bon d'éviter, même dans l'intérêt des prison-
niers. On atteindra ce bnt, sans déroger au principe
fendaiiMital tle b division , en ménageant dao» te
pedan autant de sections, que les circonstances Texi-
44 DES PRISONS. ;
geront. Le nombre en sera calqné^ autant que possibteV
soc celui des ateliers : cependant cette règle ne sera
pas tellement inflexible, cpi'on ne pnisse quelquefois
réunir deux ateliers dans le même préau , lorsque le
petit nombre de prisonniers qui les composent , et
Tanalogie de letir position permettront de les réunir, >
sans danger pour la sûreté , et sans inconvénient pour
ramendement des uns et des autres. Ainsi, les détenus
enfans, quoique répartis en plusieurs ateliers^ dalis
les prisons nombreuses, pourroient jouir de la pro-
menade dans un seul préau. Il sera facile de juger des
cas où une exception semblable pourra être admise,
pour d autres ateliers.
En cherchant les moyens de diminuer, autant que
possible, le nombre des préaux particuliers, *fâi pour
but de procurer, en général , aux prisonniers , Tes-
pace le plus grand dont on puisse les faire jouir, et d V-
pai^gner les nïurs où cloisons de séparation , qui sont
toujours autant d'obstacles à la circulation ^ de Tair:
mais ces considérations ne doivent jamais l'emporter
sur celles de la sûreté et du bon ordre , et ramener à
une. confusion de classes qpe je cherche surtout à évi-
ter. On atténuera d'ailleurs , en grande partie, la fâ-*
eheose influence des différens murs qui deviendront
nécessaires, en ne les élevant qu'à une médiocre hau-
teur. Comme ils ne servent en ricri à la clôture , et
qu'ils sont seulement destinés à Séparer les prison-*
niers, ils n'auront be^Soin que de sept , ou. tout au plus^
huit pieds dé hauteur; avec ces dimensions, ils n'ar-
rêteront sensiblen^ent ni les rayons dii soleil , ni la
libre circulation de Tair , conditions indispensables
pour des préaux , seul lieu d'exercice des détenus. Les.
prisonniers se trouveront ainsi convenablement sépa^
DE LA DISCIPLINE. 45
vtSfiu^m perdre. dés avantages piiëcienx pour leur
. saisie « et Ton pourra, sans les réuuir, les faire jouir
simultaoéaieal de la promenacle à Theure la moias
propre au travail.
Il ne restera pla$, pour suivre dans toutes ses con-
séquences, le principe de la division , qu'à observer,
pour le passage des détenus dans les : préaux, et pour
leur retour dans les chambres, les précautions. indi-
quées poqr leur translation, de celles-ci dans. les ate«-
Uers, et pour leur retour, en ayant soin de ne faire
marcher qu^une division à la fois , et de ne jamais tenir
ouvert', en même temps, qu'un seul atelier et un seul
préau. Cette attentiopi, facile à prendre, préviendra
bien des occasions de révolte.
Qnant aux exercices du culte , on ne peut se dispen*
ser d'y faire assister les prisonniers simultanément.
C'est tous ensemble que ces malheureux doivent ^
présenter devant l'autel des miséricordes; c'est tous
ensemble qu'ils doivent recevoir les exhortations ton-
chanter et les sublimes consolations de la religion. Ici,
la séparation absolue devient impossible ; il .ne peut y
avoir qu'une messe à la'prison, etpar conséquent tous
les prisonniers doivent y assister à-la-fois : mais ils
peuvent être réunis, sans être confondus; on peut
les rassembler dans le même local, sans, négliger la
division par ateliers , et sans les mêler, les uns avec les
autres. La disposition que ilous avons indiquée pour
Téeole, servira principalement à cet usage ; il suffira
de n'y faire venir les prisonniers que successivement ,
divisés par ateliers , et sous la conduite de leurs supé-
rieurs ordinaires. Arrivés à la chapelle , dont on
sait que l'école f^rme la nef, on les répartira dans
r
^ 0ÊS PttISGPiSâ
lès bètics , sâfis confoitttre ensemble' tes dtflértat de
ééxxx ateliers : dé cette' nmniàfe i otl conservera la
elas^eatton Aes déletttis, quoique, ed tes réonissaM
dans la même enceinte , et pendant qu'^ïls y resteroi^^
Tordre et le silence qu'on léu^ fera ôhséihrer^ prévien-
dront tau$ tes da#i^rs de teur rapprochemenf .
On ne leë fera de nfiénne sortir qoe scieeessrvemeiit^
un seul atelier à Irf fois , t0us les autres restant dans
leurs bîHics, peridâtit que les premiers déftteiroât. H
sera facile de les y retenir^ à raison ,de la disposition
de ces classes , et de Fimposâbilîtë de sortir des bancs,
tant que la première personne n'en sort point % il snffit
d'un employé à la tête de chaque banc , pour empê-
cher tous les détenus de faire te moindre mouvement.
Les gardiens et le^ Antres préposés s^y tiendront fou-
jotirs pendant tes exercices, pour maintenir Fordre
et empêcher toute conftision^ D'ailleurs « si Ton «voit
quélquèà iûquiétûdes , on pourrf^it faire entrer dai|s
la prison un détachement de soldats qui y resteroient
pendant rdfficè et y assisteraient en armes.' Il-aeroit
peut-être utile dé taire une règle aux gendarmes d'y
2lssisté^ l6u}()Kirs. C'est à Taide de ces (rtrëcautlons^ ou
d'antres aûalègues, que leseir«^onslanoessuggérefobt,
c^û'oti prétîendru jiisqu'aux nïpkidres ine(mvéni«M de
la réunion des prisonniers, pour les exercices du coite.
Oïl pdtiiTât sufivré la même msirche pour la poiiee
dé Técole, sauf néanmoAns qndques modifiéatiens de
détail , qui sdnt du ressort des aotmités locales, et
^rtout de l'instituteur.
: Telles sont les principales règles, dôiit Tobserva-
tioTl garantira la sûreté ^es prisons. Suffisantes , en
généraly pour atteindre ce but , elles sont indi^pensablga
DE £â IASCC^ÙNE. 4?
£fis tbàs les cas, nàéme lorsqii il s^agtra d'une simple
înâîson de justice ou d'arrêt , si les détenusqnVUe doit
contenir sont nombreux. Cependant on peut observer
que les évasions ou les révoltes sont trés-rared dams
lès prisons qui ne contiennent que des prévenus « parce
qûè ces prisonniers ont le plus grand intérêt à ne point
séprésetiter sous un )oùr défavorable, et qu'ainsi ia
discipline peut être un peuftioins soupçonneuse, à leur
îégârd. Mais les gardiens ne doivent jan^ais oublier
que SI toute rigueur inutile c|st un crime , la moindre
negligWcê de leur part est' une faute grave : ces defix
principes doivent faire la base de toute leur conduite.
$£CtlGrN u. De là'èùtùhHté.
Ce h^ést pas assez que la discipline prévienne toute
é'vâsiôtt , tonte révolte ; elle doit encore avoir pour
objet d'èioftretenîr, dans les prisons, la salubrité et le
boii ordre. C^ést souvent faute de précautions, que les
àmfàgîôns Tes plus opiniâtres viennent dépeupler les
priiM>ns9 et que les désordres les plus scandaleux trans-
icMtrient dès nhaisons d'expiation et de repentir, en
des lieux de débauche et de corruption. Combien se-
' roient coupables les administrateurs qui ri'useroient
pasde leur pouvoir pourprévenir de semblables fléaux,
quadd ils ont entre les mains tous les moyens de le
mfé\ l)*nè âfsciptine exacte, une vigilance éclairée^
^flÉiéènt'f^W atteindre' ce bût. La salubrité surtout dé-
pend'V ra grande partie , dés soins d'une bonne admi-
' nistrâtïbn. C'est elïe qui , dans bien des cas, écarte ta
contagion ou èfi arrête les progrès, en emfiêchant la
communication des malades, avec les détenu^ qui jouis*
sent dé la santé.
. •' »
48 DES PHISONS.
Pour prévenir les funestes résultats d'une confusion
aussi imprudente, il faut empêcher qu'aucun malade
nîé soit introduit au milieu des prisonniers sains, ej;
que ceux qui viendroient à tomber malades , n'y sé-
journent long -temps. Celle surveillance s'exercera
donc à deux époques différentes ; d'abord à l'arrivée
des prisonniers, et ensuite pendant tout le séjour qu'ils
feront dans la prison.
A l'arrivée d'un ou de plusieurs prisonniers, on
se gardera bien, de les mêler sur-le-champ dans ' la
masse des détenus ; une pareille imprudence pourroit
infecter toute une prison , mais on leur fera subir une
espèce ide quarantaine, dans un appartement réservé à
cet effet. Ils y resteront , jusqu'à ce que les médecins
les aient visités. On ne fixe aucun terme de rigueur pour
leur séjour dans cet appartement ; il est même à dé-
sirer qu'ils y restent le moins long-temps possible.
Cependant la durée de cette quarantaine est absolu-
ment abandonnée à la prudence du médecin. C'est lui
qui décidera s'ils doivent être envoyés avec tous les
prisonniers retenus en quarantaine, ou mis à î'în-
firmerie. Mais» dans aucun cas, les prisonniers ne
pourront aller aux ateliers communs, sans avoir subi
la visite.
Au moyen de cet examen , on seroit sûr que les
nouveaux venus ne comprometlroient point la salu-
• brité de la prison , cn-y apportant quelque maladie
contagieuse. Mais ce danger n'est pas le seul que Ton
ait à craindre, sous le rapport de la santé. Trop souvent
les prisonniers , arrivés sains dans la prison , y contrac-
tent des maladies fâcheuses : le changement de régime ^
le défaut d'air et d'exercice, et surtout le chagrin
DE LA DISCIPLINE. 44
«n sont les sources fécondes. Il ne fant pas làmer i cel
germes pestilentiels le temps de propager , qq $e déyerf
lôppant , le venin qu'ils recèlent. Dès qu'un dët^n^
cesse dlê^reien pleine santé , il faut » sans délai, le séi
parer des autres, et le mettre à l'infirmerie. A ce(
éifet) le médecin de là prison doit y faire chaque jour
uue visite , et s'enquérir de l'état sanitairç de tous les
prisonniers^ soit à l'in&rmerie, soit dans les ateliers^
et dès.qu 'il aperçoit ^ dans les seconds , des symptômei
alanmâns, il doit, suis-le-champ, donner l'ordre d^
les transférer à l'infirmerie, d'où Ton me sortira jamais
sans son ordre exprès. Nous verrons plus bas en quoÂ
consbtent le régime et le service dans cette partie d^ la
prison.
C'est par l'emploi de ces moyens , qu'on empêchera
la contagion de s'introduire dans les prisons, ou;dft
faire des progrès, si elle venotjt à s'y déclarer. Il faut
encore préserver, autant que possible , les prisonniers
des malâd ies qui peuvent naître daris la prison même ,
sans y être apportées du. dehors. On y parviendra y
par l'exécutioii des mesures sanitaires qpi seront. indi*?
quées ^r les médecins, par un régime approprié à la
situation ^es <^étenus , et surtout en astreignant les
priH>nniers à la propreté la plus scrupuleuse , soit daqs
leurs personnes, soit dans les lieux où ils séjournent :
cette attention „ qui rentre dans le domaine de la dis^
cipline , peut prévenir les plus grands maux dans les
prisons» dont la population, presque toujours exces-
sive, eu égard au local , feroit déjà de véritables foyers '
de contagion., si la malpro[M*elé des prisonniers ne les *
rendoit plus pernicieuses encore.
11 est indispensable que les prisonniers se lavent
4 ■ ■
5o DES PRLSONS.
fréqâemnient V et se baignent même de tei^s eh
tenfips. On doit teniir la maiu à ee que les chambres;
ateliers et réfectoires soient toujours net|oyës , et qu'il
n'y reste jamais aucun débris d'aliment , di , en gé*
néral , aucune malpropreté.
' Chaque matin, les chambres devront être nettoyées
et balayées, les lits recouverts, le& fenêtres ouvertes
de tous les côtés. Les prisonniers doivent être ha-
billés , aussi complètement que possible , et s'être lav^
le visage et les mains. Pour s'assurer de Texécution de
tes règles, on ne distribuera la nourriture, qu^après
avoir reconnu qu'elles ont été remplies.
Les ateliers seront nettoyés et balayés tous les soirs ,
à la fin de la journée de travail. On n'en laisser^
sortir les prisonniers qu'après l'accomplissement de ce
devoir, qui sera rempli > soit par tous les détenus, à
tour de rôle, soit par quelques-uns d'entre eux* qui
conviendrpient de s'ai charger,
f Enfin , les chambres et les ateliers devront être lavés
entièrement à des époques > périodiques et rappro-
chées. On les passera à l'eau de chaux , au moins deux
fois par an. Pour faciliter ces dtffërens lavages , le pavé
des pièces sera disposé en pente , avec nn ruisseau ,
pour l'écoulement de l'eau.
Tous les dimanches , les détenus devront prendre
un soin plus particulier de la propreté. On leur fera
laver les pieds toutes les semaines, et on les obligera à
ie baigner, ou laver. entièrement, une fois par mois.
jOn. choisira toujours un dimanche, pour ne pas
^interrompre' les travaux : toute la journée y sera con«
iSacrée , s'il le faut , parce que les prisonniers n'iront
•qu'un à un dans la partie du {>réau intérieur qui sera
DELA DISCIFUNEL Si
dUpofiée à cet efftt-^. lU s'y lavjeront complëleiiient eâ
présence d'un seul employé. Dans les prisons desti-
nées aux 'hommes, le surveillant sera un homme;
dans .celles qui renferment des femmes t ce sera une
femme : mais, dans certains cas, no .officier, de sanlë
pourra y présider.
L'obligation de se laver, soit les pieds seulement,
soit lé corps entier, pourra souffrir dés exceptions^
mais toujours purement individuelles: c'est au gar-
dien , et , en dernier ressort ^ au médecin , qu'il ap--
partiendra de décider s'il y a lieu d'accorder un sursis,
qui ne sera jamais que d'une semaine. Mais pour que
ces délais, qui pourront être prolonger de huitaine en
huitaine, n'aient.pas pour objet d'éluder entièrement
Tobligation^ tous les dimanches il y aura un certain
nombre de prisonniers qui se baigneront, et ceux qui
auront obtenu un sursis la semaine précédente ,
seront nécessairement compris dans ce nombre , à
moins qu'il n'y ait encore quelque nûson de les en
exempter. . .
La discipline ne peut aller plus loin ; c'est à la mér
decine qu'il appartient de prendre toutes les autres
mesares propres à maintenir la prison dans un hon
état de santé.
SxcTioN III. De l'Ordre.
VAiiAORAtaB PBSMttBB. De V Ordre en général. -
L'ordre , sous le point de vue où nous l'envisageons
.ici, consiste dans l'observation des règles, sans les*
/quelles une institution n'atteindroit point le but pqur
kqfifd ^le est établi^. La,destination,des prisons étant
ià Aïs PRISONS.
de doaser^er, souB lamaia de Fautbrité:, les hommes
HtBC^ùe grâfifs soupçons > m une condamnation jdri-<-
cKqoevfbrctntf de priver de leur liberté, Tordre, dans
mm ëtaMisseinens 9 comprend foutes les règles dont
l^fiffervatiôii êsti-nécessaire pour que les prisonniers
ne puissent pas s^échapper» et que leur captivité pro*
^ise« soît pour eux, soit pour la société, les bons
leflets qu'on doit eh attendre» IL faut donc faire en-
sorte qu'ils ne puissent compromettre ni la sûreté, ni
4a salubrité de la prison ; qu'ils respectent la décence et
les mœurs, et ne causent aiiCun tort, soit physique^
loit .moraf, à leurs compagnons' d'infortune :de là
résulte la nécessité de les assujétir à certaines règles
Iniiformes, constante^,, qui donnent le moyeu de les
surveiller, et une 'sorte de garantie de leur bonne con>-
4hiite. C'est éa cela que consiste Tordre des prisons, et
le devoir àxx gardteop est de Tentretenir avec soin r
Jui-nmèvne* y » d'ailleurs un intérêt majeur, puisque sa
vespohsabiKté et sa sûreté personùelle en dépendent
absolument, , *
En imposant au gardien ce deyoïr^ cette responsa-
btiité, il faut nécessairement lui donner, sur les déter
nus,. une certaine autorité. jS^i (es prisonniers ont la
faculté de s'isoler, ou de se réunir, de ne pas se livrer
aux exercices, communs , de se nuire les uns aux au-
tres , et de troubler la tranquillité , sanà que le gardien
ait le droit et le pouvoir de les en empêcher., el s'il
fiiut, dans tous ces cas, qu'il attende, sans pouvoir agir
par luï-'même, Tarrivéé , toujours incertaine , d'un
surveillant étranger , il lui est impossible dé main-
tenir la sûreté et le bon ordre. Par la même raison v sa
cesponsabiHtédèviendbroit illusaii^, parbe qu'elle secbit
DE LA DISCIPLINE. 53
flOinrerainlenient injuste. Quel jury, quel' trii^oilal
poarrèient le pimir de n'avoir pas fait visage d'an poaV.
vair qu'il n'avoit point , lui faire un crime d-avMr
laissé échapper un prisonnier, ou éclater une séditi<in;>
s'il n'avoit , par lui-même , aucun moyen de prévenir
ces malheurs?
Il est donc indispensable d'accorder au gardien un€'
certaine autorité : si on la lui refuse , il. sera contraint*
de Ttislirper, et rien alors ne la bornera. Pour qu'elle
soit efficace , il fant qu^elle soit ^respectée des détenus,
et qu aucun retard n'en puisse entraver le développe--,
ment ; le moindre délai pourroit avoir des suites si
funestes, que rien ne doit jamais pouvoir le motiver.
Tout ordre du geôlier doit être obligatoire pour les
détenus et s'exécuter provisoirement. Si les prison-*
nier» avoient le droit de Texaminer, avant d av^ir
qbéi. 9 l'ordre public seroit compromis de la manière,
la plusgrave , ou plutôt il seroit formellement anéanti.
Il faut donc qu'ils obéissent sur-le-champ , et sans la
moindre résistance ou le moindre délai , à tous le^
commandemens du gardien. Cette soumission absolu^
doit être la base fondamentale de la constitution dea
prisons ^ et la violation de ce principe doit être consi-.
dérée comme un véritable délit et punie sévèrement^
par la loi. Mais comme on doit toujours, autant que
possible., dpnner t à ceux à qui l'on commande , la,
connoissance de leurs devoirs « un règlement affiché^
dans l'endroit le plus apparent de la prison « et lu ji^
hanté voix tous les dimanches, instruira les prisox^.
niers de toutes leurs obligations, surtout de celle d'o-^
béir aveuglément à tous les ordres du gardien, et dep^
peines qu'ils encourroieut en méprisant cet ^vis.
54 : ©ES PRISONS-
' Cependant/ le$ défenus, obligiés envers le.) gardien
à um soumission absolu^ , ne doivent pas .êtçe aban-
donnés sans réserve à tin de^spotîsme sans limites. Il
convient de détermioer soigneusement Fétendue de
cette autorité 9 et d'indiquer les moyens de prévenir
ou de réprimer les usurpations qui pourroient. lui.
donner une, extension illégale. Après avoir ainsi établi
et régularisé la première et la principale obligation des^
détenus , Tobéissance .à leurs supérieurs légitimes, nous
chercherons en quoi consistent rieurs autres devoirs^
pour se confirmer à Tordre.
VARAORAFHE II. Rapport des prisonniers atfee leurs
supérieurs,
XKBMlkBM J^rnsioix»' J}u gardien ei de son aiiisriié,
L^autorité du gardien , si deqiotiqoe ii l'égard des
détenus, si effra3ranfe an premier a^ct , quand on ne
Tenvisage que d'un seul cèté , sera loin d'avoir toute
retendue que nous avons d'abord paru lui donner. Si
tes détends lui doivent une obéissance aveugle et ins-
tantanée , cette obéissance ne pourra jamais être que
j^rovisbire. Aussitôt que le prisonnier a exécuté l'or-
dre qu'il a reçu , il rentre dans tous ses droits; il peut
examiner l'acte qui te blesse , il peut user du droit de
pétition , de ce droit que l'homme ne perd jamais
qu'avec la vie^ et alors, msAheur an gardien, s'il a
franchi les bornes que hri tracent la loi et sa cons-
cience. La loi doit être asses sévère , et les citoyens
chargés de l'inspection des prisons assez vigilans , et
assez courageux , pour ne pas laisser impunb les abns
^'une autorité aussi redoutable que celle d^un gardien
sur des prisonniers^
DE LA BSSCIFUNE. 5S
Plnscepouvoir estfort, parrimposaibilitëde larésis^
tSMice opposée, plus il doit être cireonscr it dans la maia
^ ceux qui l'exercent / plqs les abns qu'ils peuvent ea
foire doivent être puni» sévèrement. L'autorité du geâ^
li«r, assez forte déjà par rèxécution provisoire qui lui est
accordée , devra donc être circonscrite dans des bornes
très-étroites : les prisonniers devront obéir à tous les
ordres do gardien^ sans discussion ; mais le gardienne
pourra pas tout ordonner indistinctement. La loi posera
desbomes dont il ne pourra s'écarter, et toute infraction
de sa part aux règles qui lui seront prescrites, sera , sui-
' vaut les circonstances, un délit ou un crime, sQsceptiMe
néanmoins d'être excusé ou }ustifié par la nécessité.
Pour que ces défenses de la loi ne soient point de
vainesi menaces , il faut que les citoyens qui auront la
surveillance des prisons ne puissent pas se dispenser de
dénoneer, jour par jour, les abns d'autorité qu'ils re-
cônnoitroient. Nous verrons plus loin comment on
aasarera l'exécution de ce devoir important. Celui des
gardieiis sera de leur rendre un compte exact d^ l'em-
ploi qu'ils auront fait de leur autorité ; ainsi, la faculté
laissée aux gardiens , d'ordonner en . souverains e^ de
-fdre exéaiter leurs ordres provisoirement , sera tem-
•pérée par la nécessité de rendre compte de leur con-
duite, et par la crainte d'un châtiment inCaillihle en
* cas d'abus de pouvèir. Ges considérations, seront les
' seules garanties des prisonniers contre l'ailiilraire ;
éks' seront paissantes, si les protecteurs que la loi
kur donne ont assezde fermeté , pour contienir les gar*
diens dans» les bornes légales de leurs attributions. ;.
Quant à la nature et à l'étendue de leur autorité.,
elles seront déterminées par le genre. même. d^ifc leurs
56 MS WtïSONS.
fonctions. Préposés à la garde ides prisonn^eta, leurs
jitfrifautions rentrent nëeessairéraent dans celles de là
police adtiiinisttative ; ee^i donc one autorité pure-
ment administrative que la loi doit leur confier, avec
les moyens coërcitifs qui lui* appartiennent. Aitisi
c'est eux qui feront exécuter les règlemens de dîsci-
plinêdressés par les autorités compétentes, «t qui se^
rotit chargés c)e dénoncer toutes les infractions, assez
•graves pour troubler l'ordre , qui y seroient faites.
Mais , simples administrateurs des prisons, ils ne pour-
ront, jamais et en aucune manière , y exercer le pou-
rvoir judiciaire ; et^ s'il est inévitable qu'ils aient eittre
les mains quelques moyens de contrainte pour assurei*
Texécution de leurs ordres, il faut que leur emploi
rentre essentiellement dans l'administration, et ne
fasse pas de véritables châtiniens. Cette ligne de dé-
marcation se trouvera dam là nature même des dëct-
sions qu'ils sont autorisés à prendre, dans Texerci^e
ordinaire- de leurs fonctions de gardiens. Maîtres d'ai^-
cordér ob de refuser certains avantages aux détenus ,
ils trouveront, dans cette double faculté, les moyens de
punir la contravention à leurs ordi^es ; mais ils ne pour-
ront jamsâs avoir recours à aucune mesure de rigueur.
Ainsi la privation de la promenade pourra être la pu-
^nition de cëkn qui aura empêché iei^ autres prisoi>-
niârs d^n jouir tranquillement. S^il en est. qui fassent
des eieeës de gourmandise , le gardien pourra réprimer
ce désordre, en prohibant à leur égard rintroductimi
d'alimens particuliers. Ceux qniauronl troublé Tordre
d'une manière plus sérieuse , pourroient être retenus
rdans leschambres , jusqu'à ce qu'on eût prononcé sur
eux définitivement. . , i
DE LA DISCIPLINE. 67
Ces moyens , tsmtcoërcitifsque n^pres^ifs yû'àuroiit.v
comme on voit ^ rien de dangerenx dans la piain du
geôlier; ils n'ajoutent rien à son autorité ; ils eii règlent
scolenient Feif ercice : ils ne lui donneront jamais le
j>ouvoir de f^ire soppojrter une peîncf positive aux d^
tenus j mais celui de les priy^ momenlanénieiit
d une jouissauce. Cependant eomme cette privation,
quelque légère qu'elle poisse être , seroit un très grand
mal si elte étoit infligée injustement 4 le gardien en
sera toujours responsable , et tous les jours , il rendra ,
aux personnes chargées de l'inspection des prisons, un
compte exact et détaillé de toute Tadministration et
des décisions qu'il aura prises à l'ég^ril des détenus.
Cette obligation étant une des principales garanties
contre les abus d'autorité du gardien , rien ne pourra
l'en dispenser* Il devra noter, dans ce compte , au tmrii
de chaque individu , la manière dont il a vécu ce jouiv-
là, le travail qu'il a fait, l'argent qu'il a gagné, sa
conduite , les mesures de privation ou de rigueur
qu'on auroit été obligé d'employer envers lui , les ao-
tîoDs dignes d'éhoges qu'il auroit faites, etc
Cette garantie seroit encore insuffisante , si la fidé-
lité des états de situation n'étoit assurée par le contrôle
d'une personne étrangère à l'administration , et cepen-
dant intéressée par elle-rnéme à en constater la vérité.
On trouvera cet avantage dpns la création d'un gref-
fier responsable, dont les fonctions consisteront nq-
tamment à contrôler les états o]a comptes' reudus du
gardien. Ces* états , certifiés par le gardien , qui les
signera , seront dressés jour, par jour, par le greffier :
l'un et l'autre seront responsables de leur exacftitude.
La destitution et les poursuites en faux criminel seront
58 BES FIUSOMS.
la pnnitîon de toute eiretir volontaire âms ceîtt rë*
daetion. On espère que l^adjonction du grei%er sera
propre à prévenir toute altération de la vérttë , toute
réticence non raoins eriminelie. Ce fonctionnaire,^
étranger à l'administration de la {Nriaon , chargé senle-
ment d'en constater Tétat, aura le plus grand intérêt à
ne rien omettre^ à ne rien altérer dans les états d&
situation qu'il dressera, conjointement avec le gardien,
et si ce dernier, par quelque circonstance particulière,
•se trobvoit engagé à rendre un compte inexact de l'a
situation de la prison ,. le greffier, dans la crainte d'une
$pli<krité redoutable t s'opposerbit à une falsification
à laquelle il n'aureit point d'intérêt > et qui Fexpose-
roit aux plus grands dangers.
Mais , pour qu'on soit assuré de l'impartialité do
greffier^ il faut qu'il soit absolument étranger à la pri-
son; que sa demeure soit placée dans l'enceinte exté-
rieure , de nranîère que sa sûreté et celle de sa familh»
ne soient pas subordonnées à la tranquiUité des déte-
nus : autrement , il auroit un intérêt personnel à ce
que la discipline fât phis rigoureuse. Il.n'est pas moins
nécessaire qu'il soit entièrement étranger à toutes les
entreprises de fournitures; chargé de constater la si-
tuation des prisons et la manière d'exister des prison-
niers , le greffier ne doit avoir aucun intérêt à en dé-
rober la connoissance. Il y a donc incompalfibilité
complète entre ses fonctions et celles de fournisseur^
et toute infraction à cet égard devra être conisidérée
comme un véritable délit. Ces précautions nous pa-
roissent propres à garantir la fidélité des états àa
situation.
Il est encore us moyen d'assurer h$ prisonniers
DE LÀ DISCIPLINE. 5^
contre Texercice arbitraire de Tautoritë confiée au.
gardien , et ce moyen ne doit pas être négligé : c'est de
Tobliger à constater lui-même, par écrit., toutes les
mesures extraordinaires qu'il croira devoir prendre ^
€t lés motifs qui Vy auront déterminé» Toutes les fois
que le gardien prendra, à Tégard d\m détenu , une
décision particulière, il devra en dresser procès-verbal ,
conjointement avec le greffier, qui , dans ce cas , ne
-sera responsable que de la rédaction. Ces procés--ver-
baux seront transcrits, sur un registre spécial, sans
aucun Uanc , et relatés, avec indication de la page,
sur Tétat du jour. Toute décision prise à Fégard d'un
détenu , sans qu'il en ait été dressé de procès- verbal ,
sera , par le seul fait de cette omission , considérée
comme arbitraire, et engagera la responsabilité du
gardién/Quant à celles dont il aura été dressé procès-
verbal, elles n'auront jamais de force que pour un
jour, et né pourront 2| voir d'effet plus prolongé , même
par mesure de police , sur L'ordre do gardien.
Ainsi , en résumé , l'autorité des gardiens sera pure-
ment administrative ; levers moyens de contrainte on
de répression ne consisteront que dans le droit de re-
fuser aux détenus, qui l'auroi^nt mérité, la jouissance
de quelque avantage, sans jamais pouvoirexercer contre
eux aucune rigueur positive : les prisonniers leur de-
. yront une soumission aveugle; mais pour contrepoids,
les gardiens n'auront sur eux qu'une autorité provi-
. soireet assujétie à un compte rigoureux. On voit que
ce système rend nécessaire rétablissement d'un corps
de surveillans ou inspecteurs, dépositaires d'une por-
tion d'autorité. Nous allons examiner quelles doivent
être )a. composition et les fonctions de cette commis**
6o DES PRISONS.
ôîon^ qui irons paroit indispensable dans uneTéformç
du régime des prisons.
DEUXIÈME DIVISION. l?£s inspecleurs des prisons »
Quand raulQTÎfé a pour objet Texécution des ordre*
du sQuverain^.it peut être utile que la hiérarchie soit
très-simple, et que, depuis le ministre, jusqu'à Tagent
subalterne chargé de l'exécution, directe, il n'y ait que
le petit nombre .d'hommes, nécessaire pour éviter la
confusion des attributions et accélérer le service. L'ad->-
ininistrâiion est d'autant plus aétiVe , d'autant plus
.aïsîfolrnie, que l'ordre a passé dans moins de mains
avant d'être exécuté. Il y a donc de l'avantage à sira-*
plifiér, autant que possible, les rQQajges de l'admîâi&'-i
l^atioh proprement dite. . >
Il n'en est point de même des pouvoirs destinés uni-?
quement à garantir, à protéger : ceux-là peuvent être
multipliés sans inconvénient. Un degré de plus est une
garantie de plus. Nombre d'abus particuliers, toujours^
très-fâcheux pour les victimes, resteroient nécessaire-
ment inaperçus dans l'ensemble d'une surveillance
trop étendue; signalés par des autorités locales, qui
s'en occuperoient exclusivement , ils seroient înfailli-^
blement réformés et anéantis.
*Ces observations s'appliquent directement aux ma-»
tièresque nous traitons. Si les rapports sur chaque pri*
son étoient faits au ministère ou à une société centrale,
il serait impossible , même physiquement^ que 4:es ^
autorités en prissent coimoissance , dé manière à ,ap-<
porter remède à tous les maUx particuliers , et acca-*
blées d'une foule de détails qui ne doivent pas leâ
concerner, elles perdroient les moyens d.' exercer sup
DE LA DISCIPLINE. 61
Fensemble' une influence prëcieuae^ Diriger et faciliter
les réforknes générales ,' fonder un bon système des
prisons y ef donner une ihipulsion poissante et uni**
forme à tous les genres d'àméliôratioti prpjelés, voilà
ce que peut faire une autorité centrale, voilà ce que
fait déjà là Société Royale pour. Tamélioration des
prisons de France. Déjà!» sur tous les points, on res-^
sent les heureux effets de son intervention bîenfai-*-
santé, et toutes les réformes générales marchent d'iiq
pas égal vers leur perfectionnement. Mais si les mem^
brës du conseil général, en voyant les. résultats avanr
tagenx, produits par leurs visites, dans les prisons plus
spécialement confiées, à leur 2èle, abàndonnoient leur
centre d activité pour se porter ^ la circonférence ; si ,
au lien de s'occuper des vues générales d'amélioratipqi
qui sont l'objet de leurs méditations, ils cdnsacroient
lènr temps précieux à la visite journalière des pr?sqn$
et an soulagement individnel des mi^lheu.reux qu'eUes»
renferment, leurs soins. auroient sans doute le plu9
IR*ompt, le plus heureux succès^; mais ils ne feroient
plus le bien que partièUeàient.,' H leur vQc^tion est de
le répandre sur toutes les prisons du royaum.e. C'est la
France entière que la Société Royale embrasse 4ans
ses travaux; quant aux détails^ c'est aux autorités. log-
eâtes qu'il faut âbandotmer le soin de le$ surveiller*
De cette manière , la surveilldifcç s'exercera continuel-»
lement sur tous les points , sans que des améliorations
de détail vientierit absorber le teitips de la Society
Royale, réservé à une destination plus importante.
Pour que les abus paKiculiets cèdent à la réforme
générale^ il faut donc que chaq^je prison $oit surveillée
îoametlrâakent. Les personnes chargées de ce soin ne
62 DES PEISOItS.
{>eovent être que des eitoyèns mêmes de la ville où
est située la prison ; mais ils doivent» relever des auto-
rités qui ont natorellementlà surveillance des prisons ^
^t notammmt de la Société Royale. U doit encore y
avoir plusieurs degrés entre le simple inspecteisr et
l'autorité centrale, sans quoi l'on retomî>eroit dans
rinecmvéniént de l'accabler de détailsy quand l'ensem-
ble seul doit FocGuper. Chaque arrondissement de
sous-préfecture aura donc, ootceun nombre déterminé
d'^in^cteurs , une commission des prisons^ à laquelle
lés inspecteurs feront leursrapport& Cette commission
GorrespondraaveclemembredelaSoeiétéiloyalechdrgé
de l'inspection du département , et la Société Royale
elte-méme formera lé dernier anneau de cette chaîne
.de surveillance ^t de protection.
Le projet d'établir des inspecteurs des pii^i^
ii'est point nouveau ç presque tous ceux qui ont .écrk
sur les prisons en ont seiàti la nécessité et proposé Ja
création. Cette unanimité , loin de me détourner de
j)résenter des idées dont on poucroit me contester la
découverte, est une raison de plus pour m'erigager à
les publier en me infirmant leur utilité. Je le ferai avec
d'autaflt plusde confiance, que, surplusiera*s points ,
je me suis rencontré avec les auteurs qui ont pro-
posé cette institùticm. Je crois devcûr citer ici d'une
manière particulière , M. JBexon , auteur d'un projet
dé code pour le royaume de Bavière, oà se trouvent
réunis tous les points qui peuvent intéresser la sûreté
publique, et qui présenté souvent des aperçus très-
Justes et très-féconds dont j'ai quelquefqis tiré» parti*
La législation même a fait quelques tootatives^ ponr^
intjçoduirè dans lùto pris<mls» des^cctonaissionS dHnapec^
leois; jusqa^à présèDl, cette institution , ték que je
la conçois y est encore i créer. Un projet de décret pré*
sente à la Convention , pour la. police intérieure des
prisons , établissoit des eon^misnons d^nspedeurs* Ce
pnqet n'a pas reçu la sanction législatiire , et Ton peut
regretter cpairi(|nes unes des vues réellement phiianthro*
piqnes qu41 eontencSt; mais, en général , il se sentoit
trop de la rapidité avec lacfuèlle il avoit été improvisé^
et du système d^administration que suivoit alors le*
gtovemement. Une seule observation fera voi^en quoi'
ce pn^et étoit vicieux: le comité de légisbtion , qui Ta
rédigé 1 propose d'allouer un traitement aux inspeC'^
leurs , et , par là^ il dénaturé entiàrement tette institiH .
tion. La qualité d'inspecteur dey prisons est du nombre
de celles qui ne peuvent être 'que purement honoris-
fiques; y attacher un intérêt pécuniaire, ce seroit
l'avilir , Ténerver , la prostituer , quand le déûntéres-
sèment seul des inspecteurs peut loir donner Tindépen-
dance et la puissance morale qui leur ^ont nécessaires,
et asMirer la bmme conqposition d'un corps, qu'il faut
surtoirt honorer à ses propres yeux et aux yeux des
hommes soumis ^ sa surveillance. Et d'ailleurs , cette
offire imprudente d'un traitement qui ne peut jamais
être que trè»*moâique , à raison du nombre nécessairiK
d'inspecteurs, n'est-elle pas faite pour éloigner de oés
feiK^ioas bien des citoyens respectables , qui les lem-
pliroient avec le plus grand zèle, s'ils n'y voyoient
qu'un devoir de charité, et qui les rqKNisseroient avec
dé^dn si on les présenloit comme l'objet d'une ambi-
tion subaltMtie ? Tel qui eût cons^iti , qui eût même
demandée consamrgratoitèment son temps etsessoins
il rinspeetion des prisons, ae voudra pas accepter un
64 . BfES BBISQNS. ^
emploi pëhihle^ âégràdé pat desènlidesappmnfemeiis/
Ce fi'est donc pas seulement an nom de l'honneuri
français, c'est. au nom de rintérét social n^ême,qiK^
Qons insistom pour qu«i les. fonctions des inspecteurs
soient enfièreméht gràîinteâL '
. Mais comment choisir les inspecteurs des pvisons ?
Sur quelle classe de la société Fdudra-t-ir jeter jesfi
yèuxi) pour y chercher ides hommes capables de remplir
ces fonctions.? Faut-*il i comme pour le jury, désignée»
des eat^gôries, hors desquelles il seroit interdit de:
porferson choix? Nous .soaimes loin de le croira. An^
cune branche de. la grande famille n'est indigne dtf
concourirjau soulagemânt de Thumanité^, ou incapable
d'y traxaillet*. La charité , Tamour des hommes ne sont-
Tapanage d'aucnne caste privilégiée par la nature; et
Ton peut ipéme dire que, pour, le genre de garanties
qu'on. doit exiger des inspecteursrdes prisons ^ on n'en!
trouvera pas moiiis dans^Ies classes les moiiis élevées que
dans les plus hautes. Sans doute, on a vu mainteirfciis le»
personnes ks plus éloignées ^pas* leur position du Aéacr
de Ja misèrey montrer la compassion la plus iMidre
poursies .victimes; et le. zèle le plus ardent pour sonla-*
ger leurs maux. L'objet seul ^ de cet «ouvrage feit volrv
d'ùttfi manière bien. tottdianite,.que sur ie% degrés^mé-^
mes du trône , F infortune, trouve des ceeurs sensibles à
sespeinësët constammmt oçGnpésdu^inde les adoucir*
Mais une bienfaisance aussi éésintëfesséen'est hialheb^
reusement pas une règle générale ; et quelque ehcoiira^
géant que^itrexérnpie de la Société Royale desprir»
sons, il seroit imprudent de )uger tous.les homRiesipat
ceux qui en sont Télite^ comixietpus les guerriers d'une
année par les héros qui les dirigent. Loin donc d'ex«*
DE th &&GIPL1QIE. 65
tlé« 9im}iif$ dasi^ de l<i Ifu^lté de concourir à lâ sur-
veiliaacedies prisoo^téteodQQS autant que possible, 1^
cercle où roopourra chercher des personnes qui ycuU-
leot biea se dévouer à ^e service.
Gelt« latitude n'aura aucun inconvénient. Dans les
fanclipus d'inspecteur des prisons, il ne s'agit point
<)e fraudes vues d'aq^lîoration générale , de législa-?
lion , de droit public , etc. Renfermés dans la ^urveil*
lance d'une iMiule prison ou , des prisons d'un^ senhr
ville « les inspecteurs ne doivent s'occuper que des dé«*
tails , de faire exécuter les instructions générales dans
rétablksement confié à leurs soins, et de veiller à ce
que les prisonniers, d^nt ils sont les protecteurs immé-^
tJiaU , iieasentent les salutaires effets des travaux de
l'autorité centrale. Ces fonctions sont assez belles en
elles^mâmes, assez utiles à l'humanité, pour que tou(
hi^nune s'honore de les remplir ; elles ne sont pas asse;^
diffîcUies pour qu'o^ )uge telle ou telle classe incapable
de le Ssdve; et, s'il peut être utile que ceux qui en seront
investis jouissent d'une aisance et d'un loisir qui leur
peripedent de ae livrer sani» réserve à une surveillance
presque continuelle , le discernement avec lequel on
s^effbrcera de faire les choix , et l'acceptation , par les
peivonnes nommées^ de fonctions gratuites et pénibles»
donneront la certitude de leur aptitude k lea rempliv
SOQS le rapport de la fortune, du dévoùment et des
connçiissances es6en|ieli6s , quelle que soit la classe où
on les aura prises. Qui sera , en effet , plus propre à
renotpUr ces fonctions que ce magistrat , si bien ins-
truit , par une longue ei^périencc , du caractère et de
la position ordinaire des prisonniers? que cet avocat^
qui a si soaymt diifendu leur vie ov leur honneur , si
5
68 - DES PRISONS.
souvent reçii la confidence de leurs peines? que ce\ne-*
decin , habitué à voir les détenus dans les instants les
plus fâcheux de leur captivité ?^ Qui connoitra mieux
les moyens de les occ^lper utilement, de leur donner
ime nourrîlurettout à la fois saine et économique,
qu'uTï manufacturier, qu'un instituteur; qu-un sim-
ple artisan même , ordinairement instmits, par leur
propre expérience, de la nature des travaux'qn'on.peut
leur faire exécuter, et du prix ou du choix des ali-
mens convenables à leur position ? Tous ces hommes
sont bons pour remplir les fonctions d'inspecteurs des
jprisons; ils ont, au moins par leur réunion, les c(ui-
noissances nécessaires ; et quant au zèle et k l'indépen-
dance qu'ils porteront daiw l'exercice de ces fonctions,
' ils en donnent une garantie suffisante en demandant ,
ou même en acceptant cette charge. Nul d'entre eux'
ne prendra de semblables obi igifit ions, si l'état de sa
,- fortune ne le dispense de travailler contînueliemefit
pour vivre. Elles ne seront donc remplies que par des
personnes auxquelles leur profession laisse assez de
loisir pour se consacrer à une surveillance active , cm
par des hommes parvenus au terme de leurs travaux,
et jouissant en repos d'une fortune acquise à la sueur
de leur front. Dans ces deux conditions se trouvent
toutes les garanties nécessaires ; et comme elles com-
prennent l'universalité des citoyens, pris à différentes
époques de la vie, il s'ensuit que la liberté d'élire ne
doit être limitée par aucune distinction.
Quant à la désignation des inspecteurs, elle est assez
importante pour qu'on Tentoure de précautions parti-
calicres. Ces fonctionnaires, comaie tous ceux qui ont
poisr attributions de protéger des intérêts locaux , dt^i^
DE LA DISCIPLINE. 67
vent , sans conlredit >, être hommes d'après les indica-
tions locales. C'est le seul moyen de découvrir les
hommes à qui ces fonctions conviennent véritable-
ment. Mais en cherchant à atteindre ce but désiral^Ie
il faut craindre l'inconvénient des afTections domesti»
ques, et de ce système de condescendance mutuelle^
qui cause si souvent de ridicules promotions. Il n'est
pas moins essentiel de prévenir les exclusions arbi-
traires, qui pourroîent priver la société de la' chance
d'avoir un bon inspecteur de plus , en dégoûtant un
candidat digne de la nomination. Enfin , il faut , s'il
est possible , épargner au mérite modeste/ la peine de
s'offrir soi-même , et profiter des talens çt du zèle
d- hommes qu une honorable pudeur empécheroit de
se mettre eux-mêmes sur les rangs. D'un autre côté,
les inspecteurs devant être dépositaires d'une portion
d'autorité , c'est au gouvernement qu'il appartient Ae
les nommer.
Oia conciliera ces divers intérêts, en divisant en trois
degrés la nomination des inspecteurs. Pour les'nomî-'
nations ordinaires, on n'emploie que deux degrés : la
présentation et le choix définitif. II me parott utile,
d'en inti*oduire un troisième dans celle des inspecteur^.
Je voudrois donc qu\ine autorité locale, la muni-
cipalité par exemple, fât chargée de recueillir le nom
de toutes les personnes (juî désireroiçnt se consacrer à
rbspection des prisons ; elle pourtoit même, et devroît
aii besoin , dresser une liste de celles qui seroîent dis-
posées à accepter ces fonctions, mais qui ne les auroient
point sollicitées. Celle seconde liste ne sera formée que
dq cDoi^ntement exprès des personnes dont les noms
y seront portés. On réunira ces deux listes en un rôle
68 DES FRIS0î*5,
général r cpii comprendra , i^ tous ceux qui anFQnt dç»
inaoclé la place d'in&peçti^ur { :^*'. tow cç^ii^ qni e>eroient
disposes 4 Taccepter si oifk la leirir ofiroil, Agcun nom
ne pourra être excln de cet|ç li$M » SQt laquelle pn de*
vra seulement indiquer « par forme d'observations y
l'àge^ la profession 9 la fortune présumée , la condition
des candidats , et tçs es^pérances que Ton peut concevoir
de leurs qualité^ intellectuelles et morales, La forma-
tion de cette listes ^ra le premier degré pour parvenir
^ ^1 nomination.
C'est après cette présentation gé^ërale de iéias, Ie9
capdidats^ quilj'on pourra fair^ entre eux pn ^oix qqi
réduira la liste au nombre nécessaire, he s^ivk en serai
copfié à la con^pagnîe centrale « par exemple, à la $0^
ciété IVoyale des Prisons^ Ijllle sera ton)Qnr$ sufl^nv^.
if^çal instruite^ par les doeumens )oint$ à la liste génét
raie, et par. les cgnnoi$sance& locales, recueillies par, ^
celui de ses membres, qui a sous son inspection le d4:
partemiç^t où il se trouvera des placèa vaca^^tes. L^ 90^
ciété , et même le memhrei rapporteur , seroni aaseK
élevéfi au-dessus de la sphère des intérêts locaux pour
n'être entièrenxent dirigés que par de3 vues d'utilité
publique. Tout donne lieu de croire que leur choix
sera éclairé et impartial , deux conditions toujours
difficiles. à réunir dans la iiomination aux places. Leur
list^ réduitç sera toujm^rs d't^^ QombrQ triple de celui
àe^ places vaçanlil, et s/^ra suivie do nom de lo^t^s:
les personnes proposéç% à la désignation ( f). £n£in ^ la
nomination sera faite par le Roi, dao^Ia iopsm ordi-
(0 Ovt trovve une dispoaitioii sembltibla dlaiM la o^nstîtatioii
wurtemh^rgeQ^^ .
DE LA DISCIPLINE. 69
kiaire , et imprimera un caractère publie et légal à dei
fonctioiis déjà si respectables par leur objet.
Les nominations ne devi*ont pas être à vie. Outre le
pàidê cl\ine Semblable charge 4 qu'il pourroit être trop
àùt de porter long-temps , il est certaines fonctions
àsts lesquelles il ne faut pas s'habitueir , el qu'il fa«t
surtout éviter de remplir par routine^ Le long u^ge
Cfitiodâ^ les inipresàîons, et fatigue le tkh le plus^r-
dent^ 11 est donc utile de renouveler , de temps en
t&tûpi^ les inspecteurs des prisons^ tant pour les repo--
jser de travaux pénibles que pouf profiter du ^le, en-
core tout brûlant , d'un inspecteur nouvellement ins*
tallé , dont la sensibilité neuve n'est pas habituée an
spectacle de la misère , et pour qui Teicameinr des étati
àe situation et des comptes les plus détaillés n'est pas
encore dévenu une ennnyeuse affaire de forme* En
même temps, il faut prendre garde de se priver pré-^
matiirémeut de personnes, dont rexpérieuce et le$lu«^
inièrës ^quises seroient pil^cieuses pour l'objet générd
de rinstilution* Le terme de denx années me paro6t
devoir être celui des fonctions d'inspecteur. Moins de
deux ans ne permettraient pm de profiter de Tetpé^
rience âi^quise ; plus de deux ans seroient propres à la^^
tiguer" les inspecteurs , à lenr inspirer pour hnn (bne^
tiens Uii dégoût funeste. Mais pour jouir tout à la foie
de reitpérience des uns et de Tardeor des antfes 4 le
renonveUefneiit ne se fera que par nloitié chaque an^
âée i de manière que la cdmmissîon wm ^otqRonrp oam^
posée d'une moitié ancienne et d'bne moitié nonvette, .
et qu'il s'établira ainsi mie espèce dé tradition y qui'aè
perpétuera dans Tavenir^ et garaùtira une préoieusè
tfâifotmilé dans le syiième d'aiiministration des pri^
70 DES PRISONS*
sons. D'ailleurs^ les inspecteurs pourront toujours être
renon'imés, après Texpiratiou des deux ans, s'ils y
consentent; aucun réglenoeni prohibitif né doit priver
la société de leur bonne volonté, s'ils demandent à être
continué)» dans un emploi qui , en général, n'attirera
pas beaucoup de concurrens, et qui sera toujours bien
rempli par ceux qui le demanderont.
Ces précautions, pour le .choix et la nomination
des inspecteurs^ sont d'autant plus importantes,, que
ces fonctionnaires ne seront pas, comme on pourroit
le croire , de simples surveiUans chargés de vérifier
l'emploi des pouvoirs d'un geôlier, mais qu'ils seront
eux-mêmes dépositaires de toute l'autorité admiuis-^
trative, en ce sens, qu'ils auront le pouvoir d'ordon-.
lier tout ce qui se fait dans la prison. Si un itispecteur
vouloit y passer là journée, il pourrait exercer toute
l'autorité administrative, commander les exercices,
marquer l'heure des repas, de la promenade ^ pro-r
noncer les interdictions, etc.... Mais leâ inspecteurs
ne sont pas des geôliers, et il ne le faut pas non plus,
car alors il faudroit d -autres inspecteurs pour les sui>t
veiller eilx-mémes. Il suffit que, dans la prison , rien
ne se fassf que de leur consentement ou par leur ordre.
Ces deux différentes manières d'exprimer leurs volon-^
tés, divisent leurs attributions en deux branches :
inspection, sur ce que le gardien peut faire, avec leur
consentement , administration, pour les parties du serr
vices qui iie peuvent s'exécuter* que sous leurs ordres.
Il suit de la, que tout ce que le gardien fait ou or-^
donne, est censé- fait du consentement de Finspecteui;
de service; il n'agit jamais que sous son approbation
expresse, ou eii Vertu d'une délégation tacite 4? $qq
DE LA BISGIPLKSË. 71
aut^Hé. Il lui' doit ^Jonc fin compte exact de remploi
qu'il a fait de ce pouvoir, et Tinspecteur doit le vérifi.e^
avec:soio, puisque le geôlier est censé n'avoir agi
qu'avec le consentement ou par Tordre de riospeetei^r^
tant que ce dernier ne le désavoue point.
Dans un tel système, les inspecteurs n'auront pas
un service continuel. Chaque semaine , un d'entre eux
sera l'inspecteur de service , chargé de tout le détail de
l'inspection et de radniînistration ; et les autres mem-
bres, réunis an moins aux deux tiers de leur nombre
totale tiendrpnt, chaque semaine, une assemblée ,
pour recevoir son rapport et prendre les mesures né-
cessaires : cette comn^ission aura elle-même plusieurs
attributions, dont nous parlerons plus loip.. .
Le devoir de l'inspection embrasse tout l'ensemble
du régime des prisons, et Tinspecteur de service doit
vérifier,'.jour par jour^ et à l'égard de chaque prison-
oier, ;&i toi;ites les règles ont été observées. Il faut qu'il
constate la manière dont ils ont été nourris, traités,
occupés , payés de -leurs travaux , ks putiilions ,
méoie les plus légères, qui ont pu être infligées, leiir
causer le nombre des malades, la nature dçs mala*-
dieSf etc. Cette vérification consistera dans l'exan^n
des étais )ournalier$ dressés par le gardien et le gref^
fier, et sera constatée par le visa que Tinsp^cteur y
apposera. Mais comme il seroit impossible qu'il.prit
coAYiQisswce par lui-mêm*' , tous le$ jours, des nonir-
breux dét'aHs confiés à sa surveillance, les détenue
auront toiajours led^oit de lui représenter leurs réçlar
mations, soit de vive voix, soit par écrit; et tontes
les fois qu'il n'aura pas reçu de plaintes, il pourra
considère? le seryiçe comme régulièrement fait. Aussi ^
?
' hV ■ DtS t»R1SG)NS.
poifr que son înspectîon rir soît pas îlïosoîi'e^ il finit
ijtfîl n'omette jamais de visiter tous le4 prîsoiïnîfers ^
hors la présence du geôlier, pour leur donner toute
liberté de se plaindre.
Chaque semaine \ Tinspecteur de service fera son
rapport à la commission dimt il fait partie. Ce rapport
tie doit -être qu'une relation très-simple, et ^ulement
assez ftendue pour instrôîre îa commisi^iofi de ce qui
petit devenir Tobjet de sei délibérations. L*înspéctcu^
li'aura besoin d'y mentionner spécialement que les
. circonstances particulières, telles que la maladie , Fin-
tèrtdùite d'un prisonnier ou d'un employé^ les rëcla*-
mations des uns , les griefs des autres ; en nn mot ,
tout ce qui sort de Tordre aceonturtië : tout le reste
peiît être ^xposë en deux mots et collectivement. A
l'appui de son rapport < Tinspecleur remettra li lia com^
itiission les états de la semiiine^ dressés par te gat^ien
et le greffier, et revêtue de ^ signature ^t de ion^sn ^
cm de ses observations.
' L'insfieetéur devra pdttel* son alteiltiOtf sur la (!ùîi*^
doîte privée des gardiens et employés, «t prendre ou
provoquer les mesiires , tarit provisoires que défraie
tives , qu'elle peut rendre nécessaires. Dans les cad <te^
peu d'importance, il peut leur faire des représenta-
tions , leur infliger même dés peines de disciplille »
comme la défense de sofrtir, une retenue sur 1^ g»-
ges , etc. Mais si les fatités qu'ils ont commises , soit
dans leur conduite privée , sôit dans l'exèreiee de leurs
fbnctions , sont asse% graves pour motiver l^r dèsti-
tutioti , il devra en faire son rapport à là commission ^
4G|ui prendra le parti convenable.
Indépendamment de C6 t>mvoir d'inspeetkui , ^ai
DE hA DISCIPUNE. yS
fraïqpesnr tout ce qui concerne la sûreté de b priton ,
lasaalé et le bien-être des détenus,. ainsi que le fnaia<»
tien.de Tordre, il est certainsi points. de l'adniihlstra*^
tioO|. sur lesquels on ne doit pas se contenter de la snr*^
TdllanCe des inspecteurs^ et qui réclanient leur inter-*
veution directe j pour, éviter les nombreux abus qui
s y introduiaent jttomellenient : tebaqnt notarôment
les fournitures, d'alimens, d'habits et d^ouvrage pour
les prisonniers , et la sépression des faolea plna oo
moins graves, qui nécessiteroient l'emploi de qudqae
punition positive. Dans tons ces cas, la commission
des.inspecteurs sera Cômipission administrative pour
les.prisons.
Je ne viona point, proposer de transformer en four «
nisseurs tes inspecteurs des prisons. A Dieu ne plaise
qiieje veuiUe.souiller.leiKS nobles fonctions par aucnne
idée de spéculation intéressée! Il est, au contraire «
de Tessoice de leur iustitution, de ne donner que
leurs soins aux prisons , et de ne retirer de leurs tra-*
vaux que le plaisir et la gloire d'jStre. utiles. Mais )«
voudrois. qu'on leur confiât , comme aux commissions
administratives des hospices, le soin de veiU^, par
eux-mêmes, à la fourniture de tontes les choses née»»*
saîres dans la prison. Le peu de temps que durermi
leiies.peiiroirs, le renouvelleraent hebdomadaire de
l^inspecteur de service, et surtout lesgaaranties movalca
que présenicroat ces fonctionnaires , préviennent |a»-
qu'à.la possibilité de la ncioin^ malversation.
• . D'ailleurs , les inspecteurs, ne seront réellement ici
quedea r^issews , et ne pourront avoir d'intérêt dana
aucune entreprise. Les fooruitnres se feront toujours
en détail , et.jainiâs par entreprise génécàle* OtL peni
74 DES FHiSONS.
même, dans certains cas, stipuler qne les marchan(T&
donneront jour par {onr, suivant un marché conclu
I avec rinspecteor, tout ce qui sera nécessaire pour l^en-
t retien de ia priison. Il n'y aura point de marché à for^
fait , point d'adjudication au rabais , c'est-à-dire aux
dépens des prisonniers ; mais les fournitures seroient
faites )our par jour, et payées sur les facttu*es visées piir
l'inspecteur et par la commission. Quelques personnes
seroient peiit-étre tentées de croire impraticable cette
manière de Tdomir aux besoins des prisonniers ; nous
ne leur répondrons que par un exemple • qui est pé-
rem:ptoiré et qui prouvé ia possibilité de ces mesures :
c'est celui du dépôt de mendicité de Bourg, (départe-^
ment de l'Ain) , appelé Bicétre , où on les emploie
avec succès, au moyen d'un régisseur salarié qui fait
les avances , et en est remboursé sur le vu des foctures
acquittées et visées parle maire. .
. Ici , comme on. le voit , ce n'est plus une simple sur*
veiHanoe qa exerce l'inspecteur, c^est une véritable
administration. Il juge lui-même de l'utilité c^ de la
conveifiance des fournitures , il en arrête le prix , s'as-
sure.qu'elles* sont données ci^formément aux'concfi-'
Uons convenues, soit sur la quantité,. soit sur la qua^-^
Hié', vévifie les mémoires, etc.iL'.... Comme ces détails
peuvent devenir très*considérables , dans une prison
populeuse , rien n'empêche que, dans cette partie de
leurs' fonctions, les inspecteurs se fassent aid^.p^r un
commis, qui s'en occuperbit sous: leurs ordr^ imoié-
dîÂti et sans la moindre autorité ; il ne f^t même pas
qu'il partage en rien leur reapons^ilité ,' $i on veut
prévenir toute malversation. Les inspecteurs ne ces-n
ieront jamais, d'être seuls comptables > et les conmiîs
DE LA DISCIPLINE. 75
qn*îls eniploieroient ne seront responsables c|n^envers
tïix: ce sera donc anxinspecletirs à les choisir et à les
sorveilleT) de manière à ne pas se laisser compromettre
par leurs manœuvres.
On sent bien que, dans ce système d'administra*
^tion, le gardien n'entre pour rien dans tout ce qui
tient à la comptabilité. Absolument étranger à Ten-
tretien de la prison, il n'a d'autres fepctions que de
garder les prisonniers , et toute action, de sa part, ffai
sortiroit de ce cercle , seroit toujours rëpréhensible.
Quant à la faculté de-punir les fautes , soit des déte-
nus, soit des préposés , elle appartient à la commission
des inspecteurs , ou à Tinspecteur de service , toutes les
fois qu'il deviendra nécessaire d'employer des peines
positives ,. et qu'on ne pourra plus s'en tenir aux sim-*
pies moyens administratifs, dont^le gardien peiU faire
nsage. Ainsi , qu'un prisonnier frappe ses compara
gDons, qu'il insulte le gardien ou les employés, qu'il
trouble avec viotence ou obstination les exercices cpm*
munsou Toffice divin ^ il est évident que la privation
de U {promenade ^ :ou la. défense de faire entrer eei>
t^iosatimens^ que petit pponoiiceii le gardien, ne sufà^
sent pas pour réprimer de pareils excès. Tous ces cas
et les autres ^mblables sont.de la compétence des ins**
peeteurs, aipsi que les fautes.commises par les em-r
ployés. M^s il e^t des délits beaucoup plus graves, dont
ks uns ou jes autres peuvent se rendre coupables, et qui
peuvent éveiller TattentioA du ministère public : tels
sont les évasions, les révoltes, le bris des prisons, le^
mauvais traitemeus envers les prisonniers, et d'ailleurs
tous les crimes, qui peuvent être commis, dans les pri-
ions, comme dans la société. À cet égard les inspecteurs
76 DES PRISONS.
n'ont plus d'autorité ; eW le poofoir )Odicîaire qui
lest compétent I et ils ne peuvent que Ini dénoncer les
crimes ou délits, qui sont parvenus à leur cOanoiasance.
Dans tous ces cas , il seroit souvent dangereux de
laisser les détinquana avec les autres prisonniers. Alors
les inspecteurs sont autorisés à les séquestrer et à les^
l'aire enfermer à part, à la charge d'en faire Içiu* rap^
port à la plus prochaine assemblée de la commission.
Les gardiens ont la même faculté dans Tabsetice des
iuspecteurs; mais anssitilt que rinspecieur de service
est arrivé, il doit lui eu faire le rapfiort, et ^ à dater de
ce moment , le défenn doit être réuni avec les autres ^
si rinspectenr n ordonne expressément dé le tenir
renfermé» Alors c'est Tinspecteurqui prend la décisimil
sons sa responsabilité. On conçoit qu'il ne sera point
possible au gardien d'étendre audeki d'un jour ^ cette
mesure d'urgence, puisque l'inspecteur doit tons, le»
jours visiter la prison et viser un état de situation, sur
Jeqndi elle ne peut être omise. L'état de la prison
sera donc constaté par une visite journalière do gréf-^
fier, qui n'exposera pas légèrement sa responsabilité ^
en 'portant sur son état^ dé^ rtuM^pteniens <|u'il n'au--
toit pas vérifiés lui-même , et par celle de l'iti^peetenr ^
qni devra , tous les jours , se faâre ouvrir ks ebambre&
réservées pour retenir ceux des prisonniers* qu'on se^
toit obligé de séquestrer. Conmie attctm atitre lieu ^
dans la prbon , ne pourra ietwt à les enfermer , cette
rinÉple visite suffira pour loi faire reconnottne ^ 0!tte^
furlie de l'état de situation est etacte*
DE LA DISCIPLINE. ?>
mdzsiBME DnnsiOK. Iha autorités supérieure. *
«
Ce n'est pas 03$q7. qa\in i Qspecteur acquière, jour par
)onr, l*a$surance que tout se passe daps l'ordre. Il faut
quç ce résultat, dégagé successivement de tous les détails
(Ipot peuvent seules s'occuper des commissions spécia-^
le$, parvienne de tous les points du royaume, jusqu'à
rantorité centrale, la Société Ruyale, par exemple^ de
^rte qu'elle puisse avoir les yeux sur tout TensemblQ
d^ Tadministratiou, et lui imprimer une marché unin
foriuQ. Voici par quelle filière devront passer les rap-
ports quotidiens Sur chaque prison , pour arriver en
résultat jusqu'au centre.
L'inspecteur dé service , dans son rapport hebdoma-
daire à la commission dont il est membre, fera déjà
snhir un^ réduction aux comptes journaliers q^nhn
serpiit remis; Il lui suffira d'indiquer, par massi» se^il^*
ment, la quantité de pain et de soupe qui aura été dis-^
Inbuée, celle du travail confectionné par les divers
ateliers , le prix des denrées , celui des matières pre-
mièresetde la main d'oeuvre gagnée par les prisonniers^
i^t d exposer en détail tontes les particularités de cette
période , le nombre des malades , le genre de leurs ma-
ladies , les dépenses extraordinaires de Tinfirmerie, les
punitions infligées , soit aux prisonniers, soit aux em^
pioyés , même par simple correction de discipline. Ce
compte , dressé danà la même forme que ceux du gar-
<|ien, c'est-à-dire en tableau, aéra dépèàé, ainsi que
ces derniers entre les mains d'un des membres de U
commission qui fera les fonctions d'archiviste.
La commission des inspecteurs ne sera elle-même
qu'une émanation d'une autorité supérieure t dont elle
L_
^8 DES PRISONS.
est censée exercer par délégation la puissance adminis-^
tratîve. Cette autorité , chargée de prendre les mesures
générales, et de faire les règlemens d'adnriinistralîoii
k)cale , d*après les bases qui seront posées^ dans les ins-
tructions générales, sera établie dans tous les àrron-
dissemens de sous- préfecture. Elle aura le nom de con-
seil des prisons. Tous les trois mois, elle tiendra une
séance de rigueur, et dans Fintervalle, elle pourra se
réunir toutes les fois qu'elle le jugera convenable. Le
conseil des prisons sera composé du sous-préfet , dHin
membre du tribunal, du procureur du roi , d'un côré
deTan'ondissement, et de la commission des inspec-
teurs avec VOIX délîbéràtive.
Ce conseil n'a plus aucune autorité de détails; la
commission des inspecteurs en est cntièremeût inves-
tie, au moins en premier ressort. Ainsi, le Conseil
ne doit jamais s'immiscer dans Tadministration in-
térieure des prisons. Il en est de même de la répres-
sion des fautes , qui appartient exclusivement à la
commission , et dont le conseil ne pourra jamais se
charger. Mais, comme il ne faut pas enlever aux prison-
niers le secours d'une autorité protectrice , dans le cas
où les pouvoirs inférieurs seroient exercés d'une ma-
nière injuste , il leur sera permis d'adresser an conseil
des prisons, des pétitions, qui seront ouvertes en séance
générale, et lues en présence de tous les membres (i),
* (i) La liberté due aux réclamations , et landcessitë de rendre,
à cet ^gard , les détenus absolument indépendans des gardiens ,
exigent rëtabiissement, dans toutes les prisons, d'une boîte desti-
née à recevoir les pétitions. Cette boîte devra être placée dans un
endroit accessible à tous les prisonniers ; lu clef en sera déposée
entre les mains des inspecteurs , et celui qui sera de service
DE LA DISCIPLINE. 79
Si elles atiaqùenl les mesures prises par un gardien ou
employé, le conseil entendra le rapport de Tinspecteur
quiétolt alors de service, et décidera selon les cir(rons-
lanceç. Si c'est contre un inspecteur qu'elles sont diri-
gées j le conseil commettra un de ses membres, pour
prendre les renseîgnemens nécessaires, et indiquera une
séaàce extraordinaire, pour entendre le rapport du com-
missaire et les explications de Tinspecteur. Cette ht*
formation devra suffire pour terminer l'affaire , sur
laquelle oâ votera , sans désemparer^ au scrutin secret»
Le conseil sera d'ailleurs chargé de recevoir les
comptés trimestriels de la commission des inspecteurs*
Ces comptes seront encore dans la forme de tableaux ,
et présenteront le relevé de tous les comptes hebdoma-
daires, qui seront remis en même temps au conseil. La
coiDmissiûn aura soin d'insérer dans son état de tri-
mestre, ses observations générales sur l'état sanitaire,
la natiire des travaux, la conduite des détenus et des
, employés, et les réformes qui pourroient être utiles.
Elle fera son rapport sur toutes les places qui devien-
(Iroient vacantes» et proposera des candidats, entre les-
quels le conseil devra faire son choix. Si quelques em-
ployés en place se montrent indignes d'y être continués,
elle en fera également son rapport au conseil , et provo-
quera leur destitution, s'il y a lieu. On arrêtera dans
le conseil les mesurés d'administration générale, rela-
tives à la discipline, au nombre et aux attributions
(iesemployés et à leur traitement , et l'un des mem-
bres du conseil sera chargé de dresser un procès- ver-
devra en' faire louverture lous les jours. Si les pëtitîons sont
adressées à la commission , Tinspecteur ne pourra les décacheter
qu'en séanoe;
8t> DES PRISONS-
bal àe ch^iqne séance qui restera entre les maïkis dtlt
préfet on sous-préfet, avec les mpports hebdomadaires
et trimestriels. A la fin de chaque année, la comnais-*
sion des inspecteurs remettra au même dépôt tons les
comptes journaliers, que Ton j devra conserver pen-
dant trois ans au moins*
Enfin , le membre de la Société Royale , chargé de
iHnspection de chaque département , assistera , toutes
le^foisqu^il le jugera convenable , aux séances du con«>
seil des prisons. Tous les procès-verbaux des séances
lut seront envoyés fn expéditiori , et il fera tous les
ans un rapport à la Société Royale , sur Tétat des pri-
sons confiées à sa surveillance. Indépendamment de ce
compte" annuel , chacun des membres de la Société
Royale , sera libre d'appeler Tâttention de ses collè-
gues sur les objets qui lui en paroîtront dignes^ et
aussi souvent qu41 le jugera nécessaire. De cette ma-
nière , la Société Royale des prisons , autorité centrale
et protectrice , étendra toujours ses regards sur toute
la France; elle connoltra pour ainsi dire , jour par jour,
Fétat des prisons du royaume , et il n'y aura si fietit
abus dans la prison la moins importante , dont la rêvé-*
kitién ne puisse retiantir jusque dans son sein. C'est ainsi
quVltéàura ^assurance de l'entière et continucflle exé-
eutton de ses projets phiiantropiques.
Quant aux grandes mesures d^administration génë-
^le , comme celles rtelatives à la construction ou à la
réparation des prisons , elles seront votées par la Se*
cîété Royale , sur le raf>p6rt de celui de $es membres ;
dans l'arrondissement duquel elles devront avoir lieu.
Les autres attributions de la Société Royale sont dé-
terminées par les règlemens*, y introduire, des cha&-
DE LA DISCIPLINE. 81
gemens seroît TefFet d'une présomption ^ .dont nous
sommes bien ëloignés; et, puisque la sagesse du législa-
teuir a 'prévenu nos vœux à cet égard, nods nous esti-*
rooQs heureuxf de popvoir appuyer notre théorie snr
des institutions qu^elle a créées, et dcmt la bonté se fait
Sentir de plus en plus chaque jour.
Telles sont les autorités , qui auront la surveillance
des prisons. J'ai cherché à en faire une sorte de chaîne
continue , dont tous les anpeanx eusBent entr'eux une
liaison naturelle. Ainsi , Tinspecteur de service fait
partie de la commission, qui est Tantorité supérieure
imnAédiate; la commission, elle-même entre dans ta
con^posiiion du conseil des prisons ; el le.merobre du
conseil général des prisons, qui a également entrée et
voix délibérative , dans les conseils d'arrondissement é|
à la Société Royale , établit des rapports directs entré
rautbrité centrale et les commissions* locales. J*ai ll^
ché, enméme temps, de conserver au gouvernement
Tinfluence juste et nécessaire, qui lui appartient, sur
toutes 1^ branches de l'administration généirale^
Nous avons indiqué par qui seroient gouveraés les
{tisonniers, et quelles garanties la loi doit leur donner
contrelesabpspossiblesd'une autorité , toujours voisînef
du despcrtisme , quelque soin qu'on prenne de la res**
treindre^ Ces précautions , en garantissant tes détenus
contre l'arbitraire , ne lais^nl- aucune excuse à ceux
qui manqueroient à l'obéissance. Il nous resté à exa^
mjner quels sont leurs autres devoirs, dont la soumis-*
sîon qu*on exige d'eux est' surtout destinée k assurer
raccomplissement '
S
8* DÉS l'feKONS
i i^Xhagrapiie troisième. Depoira absolus.
Ces devoIrssoQt dedeox sortes: les uns sont absolmi
c'est^à-di^e» posés dans Tiatérêt générâLet obligatoires
à chaqne instmt; les autres ne «ont que relatifs , c'est -^
à -dire qu'ils résultent des rapports qui existent ort
peuvieùt naître entre les prisonniers. Tous ont pour
but de nrnintenir Tordre dans la prison ^ et^ comme la
destination de ces établisse/nens est de conserver tous
ceux que la lui prive de leur liberté ^ ces devoirs ont
pour (^jet de garantir les intérêts généraux de la pure-
té, de la salubrité, de la tranquillité intérieure, et de
protéger les prisonniers les uns à Tégard des autres.
Daios Tordre des devoii:» absolus , la sournission est le
premier) parce que, sans elle, tous les autres sont illu*
SQires* Il reste, pour assurer entièrement le lion ordre, a
maintenir la tranquillité générale et à prévenir toute
atteinte aux mœurs. Etre soumis aux supérieurs, res-
pecter la tranquillité générale et les règles de la dé-
cence,, tels sont donc les devoirs absolus des prison-
fiiers et même des employés de la prison.
. I^a tranquillité ne doit jamais être troublée , et tout
ce qui pourroit y porter atteinte doit être puni sévère-
ment .Aiu^ rivresse, de quelque manière qu'elle ait
^té ameuf^f à moins qu'elle ne soit absolument invo-
lontaire, les tumultes, auxquels elle peut donner lieu
f»i qui seroient causés, par la turbulence de quelques
prisonniers , les tentatives pour se réunir af^ec des dé^e*
i^us ou des ateliers dont on doit être séparé, sont au-
tant de contraventions, et même , suivant les circons-
tunces, de délits, dont le gardien devra dresser procès-
verbal, et faire son rapport, soità l'inspecteur de service^
miL\ DISCIPLINÉ. *3
%oi!àù pi'oènreiir dujroi. Les atteintes à là tiP^nquilltté
des prisons, méiriaceïit Tordre soci;»l tout entier; on
doit donc les prévenir avec vigilatrce et les réprimeH^
proraptement.^ Une insouciance apathique aoreit Ai
p]ù$ grands dâhgiers, et ié gàrdren lui-même a un: înité^
irêtmajeiH^àreqàéfien fietronfolela tranquillité, dané
ta pHsoti confiée a sa garde. L'insubordinntîon est pre^
que tônjotirs le signal prochain de la révolte; dès leé
premiers symptômes, il faut la comprimer. Mais c'est
princîpalemetit datifs cesoccasionsdffficiles, que le gar-^
dîeti doit agir avec une modération et une justice
parfaite , et éviter surtout la ntoindi^e apparence d'ar--
bitraire; la fermeté contient les plus fectièux, i'injus*
tîce soulève les plus timides et lenrdonne les armes^du
désespoir.
' Il u^est pas moins essentiel de faire respecter dansles
prisons, la décence et les mœurs. L'expérience prouve
que presque tous fes grands Criminels ont débuté dans
la càJ^iriëre do -crime par le libertinage. Dans le nombre
de ceux qui {liassent devant nos tribunaux , combien en
tompteroil-on, qui n'aieht pas souillé leur vie par lea
excès de ladébautîhe, et qui ne conservent encore dea
liaisons scandaleuses, jusque ckins les prisons où les a
conduits lent immoralité? Les prisons seroient dont
d'immenses foyers de corruption, si une discipline
sévère he mettoit de fortes batriores à ce débordement
des passions les plus violentes et les plus hontebses^ èl
te parvenoit aU moilfis à comprimer au fond des cceuirt
leur eicpreséion corruptrice. Quelques précautions gë«-
nérales et une surveillance active préviendront tons
tes désordres, dont parolt menactr la réanioni sous k
« DES ,WW$aNS.
mêmt toit , de tant d'hooimes dëpra^s. Cette snrveîU
liiiice devra sortoui s'exen^er dans deux ciixonstances:
le coucher des furiaofHiier», et les vUttes qu'Us recevront
A l^stérietir.
On n'obtiendra îàmiiisde rësultalsfiatisfaisans, som
ie pveniier rapport, si ks pHaonniers n'oiit pasirhacun
aa logement dislinct pendant la nuit. La solitude noc-
turne , recommandée avec tant de force par Howard ^
est le moyen le plus sftr de prévenir ces infânies et oc-
eultes débauches, qui concourent, avec tant d'énergie,
à 4a dépravation totale des prisonniers. Cet avaoy^ge
u-est pas le seul que présente la solitude nocturne:
ceux qu'on trouve encorie à cet usage pour la salubrité
des prisotts , pour ramendemerit des prisonniers» et
même pour leur bien-être, sont assez précieux pour le
faire adopter généralemeilt, et pour détermine^ Tad-
n>inistration à Tindispensable angmentadon de dé-
pense , qu'entrainera cette Mfiélioraf ion*
D'aiUeups , quand nous^^emandons que chaque fitri-
sonnîer ait , pour la nuit , un asile solitaire où il puisse,
affranchi de Todiense société et des exemples funestes
de ses compagnons, couler .^ul et en paix les heures
destinées au repos , nous sommes loin d'exiger des
ooMStructions dispeiidîemâs et de;s travaux cou^déra-
klea. CJoe siiuple cloison de planches sai^s épais^ur
suffit pour établir cette ditfisioa que nous réclamons.,
M u'est besoin ni de oaohotsni de cabanons pour isoler
kafpris0nnîe«s:;U m^t^ qu'ils ae se voient point le^
uoa kai^utresi pendant la nuit p et qu'ils ne pgîsseni
avoir de eoromonicatipns entre eu:^ Des cellules , pra-
Uquéca dM»^ Miâm^fi^eri^^ fempl iront suffisamment^
DE lA IHSCIFLINE. 113
c^{A]«t) et l^ëli^KiMeméiit 0Wâ«rft pa^liskët côâtenx,
pour priver ces priscHWÎers d'un avantage inestimable
poar eoïc et fkoor la société.
Tbiites c» préeantîdâÀ seroient illusoires, si elie^
n'éloiehl secc^îdéfts pat tme surveillance active et tbn<-
thMidle, si des visites ft*éï)MikteSf si la préseMe ménie
^Wk emploie, fi'iHûnpèehoieitt^ k chaque instant, les pri-
soQpiers d'enfreindre l'ordre établi , et de briser les
obstacles que la prudence oppose à leurs entreprises.
Les détenus ne devront donc jamais être sans surveil-
lait. Que dans ktirs atdi»^ des cbéfs , des étreetetirs
de travaux niaintîeai] en t ce faon ordre, en inspectant
là fâ^|rlca|îon' des ouvrages; que les dortoirs, échiifés
par um» lampe toujours aHumée , soient accessibles s^r
toQsk» points à la vue d'un guichetier, qui y sé)dur-
neva 9 et l'ordre se eônsetvem facilement dari^ lintë-
rie«^« *
Il fendra snrveiHer âvee la méfne atteniiontf 'lès [h*i«-
sowMva» 4aiis leurs rapports avec les peisannèt^dii de^
lum^trop sauvent) ces entrevues n'ont pouT'bilt qu'une
acaddaleose ck^nlmûnicatîon des vié^ de la société avec
ka vi^es de la prison; trep souvetit aussi ^ elles servent
à wm^ des tmniea dangerbuses, ou à entretenir les
détenaa dam de coupaioles pensées , qui détmki^éiit' tout
FeKet dfes Immes instrcretions qu'lb reçoivent dans ta
prison, ba vîgibnce ia iplm active est donc indi^pen-
saUeÀ cet égard; et lénsquë les inspe^(eui*s , ou les
aotrds magistrats compétents ^ auront cru devoir isiuto-
nser eeHaînes visites , le gardien n'en sera pas moins
dblifé à la plus exaete survetHance. ' '
€>a èonçoît aussi que, sous aucun prétexte, on ne
devra permettre aux personnes du dehors de séjourner
S'.ùiê
I
8§ ; M»
ser la nmU *
C est din&i qti'on assufera, autant qmpossiUeji Tois
dregéaéral daoaiaprisoii-. Quant aoxafteînliesà IlorAre
que ces précautions n'auroienl pu pfëvenir « elkft ée-^
xronl être rëpvimëes avec soiA. Une lîddulf^nce ééfi»^
crfe seroH funeste, à Tëgard de fentes aoasi'daagwiwiflu
PAÇAORAPHE QUATRIEME. Depoirs relatifs, ou depuixs „4e9,
prisonniers les uns envers iès autres^.
L'homme €|ueki toi prive ^e sa Kberlë «e dbit pa»
étce dbaAddnné saas défense ^ à \m merci de ipeux au*
milieu, desquels il est eondamné it viVre ^ on doit loi
(iursHitir , corome dans la sodëté où il ^oit aupara-
vant ; la sâretë , ta propriété, et niéipe la liberté per-
scmnelie^ Il en réttilfè , pour les/prisonnters^, un nouvel
ordre de devoirs, qui les obligent de ne se faire aucun^
tort lest^siaiix autre». Tout© atteinte à la personne où
aixx propriétés d'un détetiu doit done être exactement
réprimé^; et cette protection éa^ ménieétre pttis ac-
tive, en faveur des.prisoaûiers, qu'à Tégarddes citoyens
libres. La captivité prive les détenus de la phipart d*.
leurs ni©yen& physiques de défense, et surtout de !»
focultéd^&ir l oppression; d'un autre côté, souvent^
dans k prison , la terreur ferme la bouche des vfe-
tînies, par }a çfaôate d^ j»ouvelles vexations. Il ne faut
éom pas ati^ndre la^plainte de l'offensé, pour réprimer
Tagression , et Tautorité doit se chargeir elle même de
défendre le foible contre des brutalités, qu'il n'eAt pas
osé dénoncer. Le gardien ne peut jamais ignorer les
, violences doiit un déténu seroît victime , ou plutôt il
ut; le doit pas; et danç 1^ crainte que la terreur nç conw
DE LA OtteiPUNE. 9i
pii^nt fgfff sCNKf6ftt «Oie i^akiie b&m fondée « c^cst d'of*
ftce (pfill doit prendre les mesures nécessaires pour
p^e^.le foifele^ et pfWf0ffaét la pinittion detreloi
<|i¥f atte^eroit à sa penèbne i soit par des: voieà de feit ;
soit mAene par des infuresy et de quelqne manière qae
ce. soit. Le droit de répartir les prisonniers par ateliers
(bftne 1q nooyeii dene réoniV que ceux qui ne se crai«»
gnent pas réciproquement , et de délivrer un atelrer de
ceux qui abiiseroient de leurs forces , en changeant
d'atelier ei de préau le prisonnier turbulent. Si ces
mesures manqupient leop. effet , et ne poiwoient èm-^
pécher de nouveaux écarts , le coupable seroit séquei^
tré , ei le g^diep ou riospecteor de service ea feroient
leur ra|)|iart au procureur du Roi*
C'est lûnsi que la discipline peut prévenir et répri-"
mer toi|te atteinte contre la personne des détenus.
. Il ju^esl pas moins essentiel de protéger leurs pro-
priéié&t qoçl^i« miséria^les qp'elles soient ordinaire^
pnent , contre les entreprises d'hommes aussi habitués
à.la rapine que. b plupart d'entre.eux. Le vol n'est pas
U sfSiÂà atleïate à la. propriété que l'on ait à craindrt
dans le^ prisons j souvent un détenu voit s'évanouir ,
en peu d'instants, le petit pécule qu'il y aifoit apporté^
sans qu'il puisse se plaindre d'aucun larcin. Lès ma--
neeuvres qm l'ont dépouillé n'en sont pas moihs cri-
minelies ; mais il les a favorisées loi mémef par sa foi-
blesse et sa soumission à l'ascendant de qiiielqâes*uns
de seis cona{tàgnonsdec|apti|^ilé. Lesréglemens doi^eifâ
donc réprimer ces criminelles entreprises « et prémù*
nir les prisonniers contre les dangers auxquels les ex-
pose souvent la facilitéde leur caractère, en prévenaiYt
88 rpm ms$Qm:
xni^r effet de la c^^vitQ e§t (l'iabatirê k conta^b » de
briseï* tçjatc Véœr^Ie ^Mt.VboiMne e»l câpat>le; lesi
plus,intri9liie& Téfurouvent i^omme les aotras honM^ea,
fit les. sc4)^f ^U W ptu& dëteraûiMis sentant fléofaîr leur
audâc^^^qpand.ils tofDbeot eatre les maîn$ terribles de
M ju^îçiii maïs cbez eux celte pnemière stupeur passe
ir^j^idttiDeiit:) et iU ne tasrdéot pss 4 reprend» dme les
prisons, l'asçeadantqa'ils avaieitt conquis dans* la so^
f^té^â force de violemces. U a'en.estpasden»éilie,ées
hommes timides et, foibles, qu'une &ute pawgère a
piégés diiiisiés i^rifiQoiSi La perle irr^arabla de leur
réputottqtnf les ronocirds^ la rigueur dé laJoî^ cotttOB
laquelle ils n'onipaS) long-temps d'avance ^ armé leur
âme t ^^^ brise en eux , pre9<]pie a jamais^ InstresMAs
à'^n îifda^iàmsmisê^rtdtié* CéKc disposilste tes livM^
sw^a défelise ^ à la. falabeTsupëriimté de 'lama tompti-
gftoiis^ dont ils^ie tardent pasà- devenir lei^dctinies,
^t OQi qxielqué aorle les esolaves* ft'Iais c'-eM suit oui fainvs
misérables propriétés que ^puiroîtent ces soëlérats.in-^
cfîi^rigiltlça- yîoknoes, adresse, |b«rbertes, toqt Jienr
sert à dépQuiller leiirs DCHd&euretix eompagmonades
trist^es .res^ouFces quileiu*.reatoieat èncone* C'e&l à.ia
jpplice*;f}^ pr^ns à leur enlever^ s!il est possiUe^ lans
i^-mQy'^nsde apeUatâoB Iqu'ifbsamit meUre eo usagé.
Ii!^p 4es plus puts«ans4st Tanforité qu'ils s'fHrrûgent
sur kl antres d^tenus^^^l^ Mixis^i'ancîien ^ de pté^
<vât 9 etc» Qutj;e k dan^r qu'il y a leujoiua, pour ïm*^
DE LA DISCIPLINE. %
dfi(B'ii«b)fe,^ laisser tnire les inaim A'oa pHtonAier
une aatorâtë qiielcoiM|iie , i! est essealiel de ne pas to- >
léfer^ dans les prisons», ime puissance iHégttime, qui a
swtoiit pour objet de smnneftre les prisonniers à des
exaclioflè^ mineuses tl mobipliées. Ces malheoreux
«ont 4é\i 4 pw leur posîliofi t aelsez dépodrvns dn
inoyens.de i^nefi pour qu'on ne sonftre pas qn'tls
soient encoi^ dëpmitUés du pen ffai leur reste , sons Jes
prétejltes ordinaires de bienvenue , d'entrée , etc« j etc. ,
Les r^lei¥ien$ défendent rigoarensemeni oes levées
d'argcapt ,, âans néanmoins qû^on ait jusqu^4 présml:
réussi à les prévenir. Je cron qne F un dès moyens les
ph» efficaces seroit d'empêcher cette usurpaiion dVine
aotora^ , JMDais ntile , mais toujcrars danseuse. Le
{;ardien, loin de confier à un prisonnier le moindre
pouvoir sur les antres , doit donc veiller , mi contmire i
avec l# plus grand soin à ce qu'anonn d'eux n'affecte
une iU4gale si^rémati è ; et sa solUcitnde dewn s'éveil»
kr>, à ceè égard » toutes les fois qu'il verra les prison-»
nîecs «parquer à l'un d'entre eux une déférence et une
souniissioe^ iudîtes certains de l'eraptre,* qu'il auroit su
prendre ^u «e faûre aceoitier» Dès qu'il apercevra» ces
sjmiplÀnEkes oaractérîstiqœs , il multipliera ses obser^
vations et ses visites, pour reconnottre et déjouer une
puissance ;qui deviendroit faneste. Il pourra aussi, peur
prévjenir |m suilea de ce «désordre, changer le prison-^
nier kifiiiewl d'alelier ou de dirtoir, de manière à romh
proses tmmêav et a kii finre pdhire tout f ascendant
qu'il anroit acquis. «
H rv'estpos HH»ins essenèiel d'interdire absolument
toute tmnsactiott intéressée entre les détenus. Cet iné^
vitaMe empire de la force sur la foiblesse , dont nous
5é »ES PRISONS*
«voii»â#)à signalé quelques résiill»ts , iiofirpeil kicftiH^
aer bi ruine des «las, pour foarair «m alimeftl pelssâ^r
aux pawons des aoties^ U fMt donc èter à tous les prî^
sonaiersiiidistioctenierifvonefiicùltëfquin.'aiirôftd'aiï'
Ire ^et , qvie <lê mettre encore le foibleàbi discrétion
du fort. L'interdiction légale, qui frappe les coupables^
condamnés pour crimes, ne semble permettre, dan^ies,
pidsoos qiii les ranfenneor, aucune circulation de câpi-
tmXt aucune liransactîon. Quant aux autres dëtênnsV
cette jper^mission nesercniVàleur égard , ni moins illé^
gale,- ni moins dangereuse. Quelle liberté de consente-^
ineat^ peuarot^on espérer, dans de semblables engage-
mena ? Tonte aliénation , tonte oUigation , quelles
• qn^eUeSi soient » doivent donc être formellem»^ inter-
dites aux prisonniers, soit entré eux , soit avec lés eiti^
plejrés. Quant aux actes qu'un détenu , non ff^ppi^
d'interdiction y poin*roit avoir le droit et le besoin de
faire, avec les personnes du dehors, ib ne ponri*ont
âtve .passés, qu'en présence et avec -4e consentement' de
l'inspecteur de service et d'un officier du mini^èrt
public , pour la conservation des droits du fisc , et , en
, outi*e , avec les précautions nécessaires, pour assurer lia
liberté du conseotement , :et ne pas compromfettre'Ia.
sûreté de la prison*
' ; Il est encore un autre fléau, dont ilfaut'absolumeni
délii^rer les prisons : c'est la fureur du jeu, qui s'exerce,
avec plus de force que piÉtout ailleurs, dans ces^lienx ,
on Tpn a peu de distractions. Ijc jeu, qui' est toujours
un moyen de ruine, est souvent un moyen d'escro^
querie; lesdétenps ne s'épargnent pas entre eux; c'est
une arme qu'il faut leur enlever. Ainsi , jamais ni
çjirifS', ni dés, ni auçôu autre instrument des jeux de
D£ LA diSeiPLtNE. 91^
baaM.« Be.ilevioiat èf ne tbiràrfmts dans les pr^i»; H
emx ifo'ofi «n'traevcimt porteurs devront être pbnk
^ieS' mêmes "peines de discipline que ceux qni en au-
loieM hh usage.
Jlnesleàgafaottrles dëtenns^^o^tre le danger v près
que .«eg!lata , d^étre volés par leurs compagnons* Le
ffi^y»n le {d»s sài; de prévenir' ea désordre , c'est de ne
lipœcjr à lear djsjfH>sitiQn que: ceux de leurs effets, dont
ils ont un besoin pressant et acloel , et de conserver
tuiis les antres dans un dépôt général. Ainsi , on wt
leur laissera )amai$« qqe les habits, dont ils peuvent se
3iervir tous les jours , quand même Us en anroiént
d'autres que ceux de la prison; de sorte qu'ils n'auront
rien à garder, si ce n'est quelques menus meubles /
d'un usage. }4Kirnalier, et que Ton petit porter sursoî*
Dç cetta manière, la matière des vols sera plus. rare,
la finrveittance plus facile «^t le vol même prestquarimr
PdAfible.
. Si néanmoins ces précautions ne suffisent pas pont
le prévenir ,, le gardien 013 Tiiispectenr devront dén^ffi-
cer le prisopnier voleur , qui sera traduit , ponrc^
délit, devant les tribunaux : il en est de même de la
violation de tous les devoirs retracés dans ce pai;a|^a-^
phe. Toutes les fois que les précautions auront été im*
poissantes,, le prisonnier coupable devra être pimi, mi-
vaçt la gravité de sa faute. .
. Enipn , la discipline doit ciwcoiirir avec le régime
moralf à prévenir njsk mal considérable , la corruption
iXHiMii^Ue des prisonniers. Lès conversations, soit géné«
i^f!^^ sait particulières^ en. sont les principaux stgpmx
c'est à ei| prévenir ou neu^is^r les funestes ^els,
qu'elle d(>it surtout s!appliquev. Les moyens, qui apparu
$3 DES HIISONS/
UeniMRt'àki €l)scî{^iie générale conststeirï dansta r^r:
^tio&d««4éf enosek) atelier&^etdans la faculté delcatrans^
Urer d'uii atelier dans on ailtre. On peut « à l'égard des^
condamnés, prendre des mesures plusrigoutfiilses, et
par eela méiiie , plus ef&cacês. Nous les inditjuerons
lorsqu'il eo sera iemps; quant à pr^nt, il R^est ques-
tion 4ue des réglés qui eonyiennent à toutes les prisons^
queb que soient le genre et Torigine de la captif! lé. ^
, CHAPITRE IL De la discipline pour les simples
préi^erms^.
Les prévenus n'ont perdu ancun de leurs droits. Le
sacriiice de leur liberté , qu'ils font à l'ordre public, ne
doit être aggravé par aucune rigueur. Ainsi, les règles
de la discipline générale doivent seules leur élre appli-^
qoées, parce qu^elles sont indispensables pour garantir
la sûreté et lé bon ordre; mais on ne doit jamais y
rien ajouter : et, s'il peut être permis de les modifier en
quelque clfose , que ce ne soit famaîs que pour adoucir
une rigueur , inutile à raison de$ circonstances locales.
On'a prévu les cas généraux, et les règles^ que Ton a
tracées, sont nécessaires pour l'ordre, dans une prison
considérable et avec un gt*and nombre de prîsonniers ;
mais st la prison est petite , si elle ne renferme que
très-peu de détenus , comme il arrive souvent dans
quislques maisons d'afrêt , on peut,- sans dang^er, se re-
Mcher de la rigueur de certains réglemens. C'est même
un devoir pour le gardien de ne point faire usage à^^
moyens de rigueur, que la loi lui met dans la main ,
toutes les fois que la sûreté jdu le bon ordre ne l'exigent
pas impérieusement. La discipline, dont nous avons'
donné les règles, est un maximum, qu'ils de peuvent
DE LA DISCIPLINE. §3
dépasser, et non une ^le iavaris^ble, qu'il fiiiyeexëei»-
ter «m son entier, dans tous les cas. Il doit sonventélve
permis de l'adoucir ; cependant, comme cette facultét,
employée mal à propos , pourroit être dangereuse et
compreoft^ttre la sûreté générale ^ c'est au conseil des
prisensv dans chaque arrondissement y qu'il app3H*(ien-
dra d'examiner si l'on peut se relâcher, sur quelques
points , de la sévérité du règlement général ; mais ce
ne pourra jamais être que dans les prisons defiftinées
aux simples prévenus. Quant aux condamnés, ils doi-t-
vent être irrévocablement soumis à la règle générale.
Pour lés prévenus, au <:on traire, oti doit saisir toutes
les occasions d'adoucir leur position. Une règle cons^
tante , et dont ne doivent jamais s'écaiier leurs, gar-»-
dîens, c'est de dissimuler le plus possible eux personnes
contes à leur garde ^ l'exercice d'un pouvoti* , toi»-
jours si fâcheux pour cenxqui y sont soumis* La sorveii^
lance, qui est leur principal devoir, doit s exercer
avec la plus grande douceur et sans cet. i^pareil
de visite et d'inquisition continuelle, qui est un
véritable tourment. Cependant le gardien aura tou-
jours le droit d'employer tous les moyens nécessaires
à la sârelé dç la prison. Seulement il choisira de pré*-
férence les plus doux 9 les plus inaperçus , et réservera^
pour les cas d'une nécessité indispensable , ceux qui
séroient pénibles pour les détenus. Ainsi, ce sera sur*-
tout à Textérieur que la surveillance aura lieu., 1^
solidité de la prison, l'exactitude de la garde qui i^eilU
autour de ses murs en seront les objets principaux. Le
gardien et les inspecteurs peuvent, s'ils le jugent con-
venable , se dispenser de mettre un surveillant dan^
chaque -atelier. Les raisons qui défendent de lai^
ô4 DES PJMSONS.
ser les éjt>i|4^iiiTi!$8 ^uis . .entï^'eûx , ^e sqbafi^ent j^
tpvec la ménieforçje, à Têtard des pré.ve^qsMGependanl
rien n'empêche qae^ dan$ tous les ca^s, et inîvaivt les cir-«
constances, oa employé les moyens indiqués dans les
règles de diàciplinegéiléralei tont^ les fois qu'ils pour-
reiU.étre utiles , pour garantir la sûreté ou le bon or-
dre , but nécessaire de. toute discipline^
' - Les prévenus ne. pouvant êjtre obligés au trayajfl ^se-
jroat toii^ours les maitrcss de s'occuper ou de ne rien
faire. Des ateliers seront disposés pour les uns « et les au-
tres resteront d^nsdes préaux ou des salles particulières!
suivant les dispositions de Tatmosphère. On peut sans
inconvénient., permettre, dan$ les prisons de prévenus
ou d'accusés, rétablissement de chambres particulièresf
>où les prisonniers coucherotent^ et même restera ient,
s'ils le vouloient ^ pendant le jour. Us pourront égale-
lement y avoir un coucher plus délicat que les autres^
et s'y faire apporter, sous l'inspection du gardien, des
alimens particuliers, en se conformant d ailleurs aux
réglemens généraux.
Les prévenus se trouveront ainsi partagés en trois
classes : ceuy qui travaillent | ils seront enfermés dans
les ateliers : ceux qui ne travaillent pas , mais s'astrei-
^entd'ailleui*s au régime ordinaire de la prisoii; ceux-
là devront rester dans les préaux ou dans les salles qui
leur seront destinées^ sans pouvoir se réunir aux tra-
vailleurs : enfin ^ ceux qui ont des chambres particu-*
lières, soit qu'ils y travaiBent ou non; ces derniers
seront enfermés dans leurs chambres. Us pourront y
être plusieurs, si le gacdien n'y voit pas d'incoavé-
nient; mais ils ne. pourront jamaisy recevoir personne^
sint de.la prisQB, soit du dehqip&. Quand ils voudront
DE LA DISCIPUNE. 9S
^)er àun détenu ou à un étranger , ils ne poiirronl
4t faire qu'au parloir. C est une xègle générale , qui ne
pourra souffrir aucune exception» Elle s'applique à
tontes les classes de prisonniers, indistinctement. Les
intérêts qui motivent la séparation îles prisonniers , y.
90Qt intimement liés. «
CHAPITRE IIÏ. De la discipline pour les condamnés.
Section itREMiims. Des condamnés correctionneUemenL '
tiA disciplîtle ne peut plus être la même , quand il
Va^t de condamnés. Ces prisonniers ne sont plus des
mnocens présumés^ ils »onc plus droit à ces égards, à
tes méoageniens> que Ton ne pouvoit, sans injustice,
refuser aux prévenus. La sûreté , le bon ordre , Texé-^
colien des arrêts de la justice , doivent être les objets
cajHtaux, dans les prisons qui les renferment. Tout
Mt tendre à ce but nécessaire ; mais rien ne doit le
dépasser : on 11e doit négliger aucun des moyens
qiiipeoventy contluire; il ne faut ajouter aucune ri-
gneor aux règles qui suffisent pour l'atteindre \ en un
aior, la discipline des condamnés ne doit être ni
rigotireuse, ^li indulgente, mais exactement juste et
basée sur Texécutionia plus complète des lois et des
arrêts.
D*api^tees principes, on sent qu'il est indispensables
dedistingaertrenx qui subissent une condamnation cor-
fectioiinelle, de ceux qni sotot condamnés, pour crime^
à dies peines infamantes* La cause de Temprlsonne-
ment , la nature rde la peine, ses accessoires et lesrésui*
tats qu'elle doit avoir pour l'avenir, établissent, entre
cesdeax classes de condasanés, des différences, qui doi-
S6 DE& PRISONS.
▼eut influer sur leur régime. Les premiers , soayèni
eondamnés pour des fautes, que ropiuion volt avec une
rerlaine indulgence, conservant toujours rintégrké
de leurs droitset la jouissance de leur fortuite , pendant
la durée de leur peine, et exempts, aprèsson cxpiraticm,
de l'infamie légale , qui elle-même est une peine véti-.
table, surtout quand elle est sanctionnée par Tinfamle
morale, ne doivent pas être confondus dans le .même
local et assujétisaux même règles que les autres, dont
la condamnation n'est presque toujours que l'expres-
sion de l'indigoation publique , et qui, privés de 4pus
kors droits de cité et même de celui de possession , ne
sortent des prisons que chaînés de i' opprobre insépara-
ble d'une pimîtion iofamanle. Il faut donc encore
sépareir cesdeux classes defirisonniers, ou, aa n^c^ina, si
l*on est obligé de les réunir dans la méaae prison , afi-i
signer à chacun un local distinct. .
Ce qui commande d'ailleurs impérieusement cette
séparation , c'est la différence qui doit se trouye»*,. daa^
la discipline, pour ces deux classes, Néiressairement)
aostère à l'égard des condaaiaés pour crime^v ^lU.s'é-'
cariera peu des règles généralesde discipline poqr p^ux
qui subissent des peines correctionnelles. Seqlon^ottt oni
peut prendre, pour la sûreté, desprécautions plwxigou*-
reuses et plus ostensibles qu'à l'égard des prévenais. U
B'est plus nécessaire ici de cacher, à leurs yevxoae sur-
veillance, qui fait partie.de leur peine t et qa(e. cooi-,
mande la prudence. Partout , daiis lesateli(dr<99 deos lœ
préaux, dans les dortoirs, ils Vivent avotr« des s9r-
veillans spéciaux , dont ils ne puisseoit éluder le^ visi--
tes, ni tromperies regards. .....
C'est encore une coin^quKce de leur éUt àfi CQPin
DE LA DISCIPLINE. ^y
ticalières ou pistoles. La loi «st la même povr toÉs,idb
la richesse ne doit avoir aucune infliience sur «on «xë*
tutîoa : lorsqu'elle prononce une (^ine ^ tous ceux qui
7 sont condamnés doivent la subir d\ine manière uni-
forme, et sans que le plus ou tnoins d'aisance des pri^^*
sonniers puisse y appotler ta moindre modificâtioiii.
Pourquoi te panvre seroit-il réduit à coucher kur la
paille, au milieu d'un nombreux dortoir, tandis que le
riche reposeroit seui, sur la plument le duvet ? jii l'uci
tt Fautre sont condamnés à la même peine , p6ulrqix>i
Texëcation de deux. arrêts analogues pi;ésenteroit-eHë
ane bigarrure si choquante? L immoralité n'a-t-elle
donc pas suffisamment efFacé entre eux toute inéga^
Kté? et le riche doit-il, jusque dans les fers, jouir des
avantages d'une fortune, trop souvent scandaleuse^
mais toujours indifférente aux yeux de la loi qui 1'^
condamné? •
On accusera peut-être cas principes d'exag^j^ràtioii s
on citera des exemples de condanmés par: voie de po^.
lice correctionnellfl* pour lesquels cette exécution lit'*
téralede la loi, seroit presque révoltante; on deman-
dera s'il est juste que l'écrivain , puni de quelques mois
d'emprisonnement y pour une phrase Lrnprudente ^
soit confondu avec tous les voleurs et ' les geiis sans
aveu, qui subissent la même pieine, et si Ton peut, sans
une rigueurvoisinederinjusticcy lui refuser le ipoyea
de foir cette odieuse compagnie, en prenant une
chanibre particulière. En convenant de ces cohsé-*
quences fâcheuses, nous répondrons que ce n'est point
à Tadmitiistration des prisons à les réparer par une
exécution inégaie de la loi; que la loi- doit; toujours
7.
90 DiÊs misoNs.
s'esf cntdr teHe qii'eUiBefil^ ot qti*^^ \tif^\v0fé^M àè
détails tiô.peflVent entrer jeti compiiraîsôn fivec Udai)^
gër de la vider. $î lé lëgidateàr a puni de lar Tfi^mjé
peitié èeim tlassesdhe coupables, c'i^st. qu'ils <^ni )^^
mémi^s moyens de réprci^olt eohvenablés a\î)( nos ei
aè)c i^ïrÉfd; -^et, sous ancïin pr^teitt^* H ti@ vlôilétre
^rmls dé rompre cette égalité. Jarn^î^ l0 îpî ne 4pît
èirè 'ëfi)d^> {ainais elle ne dbît recevoir vin^ tfx^cutîqii
itimmplëtt»^ Si iëlle est bonne , on ^n t^^neilieF^ les
avantagés; si dte est tiianvaiiè , Qn en ^Utira la durieté
ôci rinjustfte , et oh la- réformerai ^ài^ potni de
dëmi-^exécatîon, |)oint d'indulgence illégale; (fsyain^
palliatifs ne servetit qu'à fermer te&yeUx ^^T 1^ vice de^
lois ; n font iqu^ôn lès exécute têltes q^'ellfis sont t pouf
qu'on puisse les appvécier» Gè printtpe* doit ^ervîf de
règle fondamentale pour rexécution des j|rr$la de la
)usticp.-
Ces cotiséquenpés prouvent , avec une nouvelle évi-
dence^ I21 nécessité de distinguer les condamné^ pai^
voie de police correctiomieH^ , des condaAiué$ poqr
ednies. Le peu de tem{j8 que àta^ ordinairement la
captivité des premiers^ via perversité moil^s profonde
^n'on leur supposé , leur iloihbre^ i^néraletnel^t plus
patlt , dans les arrondissemens ou Us sont ré^artis^ ^ue
celui des condamnés pour crimes , qui s'^ccuujiuleiit t
fendant deB années entières, dans les prU<>o$ cen-
trales » elc* été. , toutes ces circonstance» doivent in-;
fluerâur ladiscipKne^et diapen<«iii de prend ret àr^ard
' des condamnés par voie de police correctionnellls^ des
tai$ia^ aussi sévères que contre ceux qui Subissent
des* condamnations infamantes^ Cotte diatincttcin est
sârtQut n<kessâîre^ Tégard des condamnas, dopt la
M^ntioii doit être très-€ourte.v<l9*p(tiplirl ^jrègl^
fjDÎ conviennent à la rëclusÇottr^ sont s^ns apfiUcuUQa n
«(luind il s'agit d'ian empnaonneflieoàUe qu^tqiie&iiioÎAi
Il n'en est pas tout-à-fait de même de conac dQOt .la
^ine doit durer plusieurs années. Les règles :de disci-
pline, relatives au travail et à lliabUletn.ent des CQftt
damûës pour crimes, doiirent leur être commune^^
«ur tous les antres points » ils doivent rentrer,, ^nâ.qw
ceux qui sont condamnés à atoins.de six mois.d'çmr
prisonnemeot , dans Tapplication àe$ règles qi}^ nai#
venons d'établin
»
Section ii. Dest condamnés pour crimes. .
La nécessité de garantir plus fortement la sâreté des
prisons, qui renferment les condamnés à des peines
infamantes, est la première cause qui oblige de pren-^-
dre, à leuir égard , des précautions beaucoup plus sé^
tëres qu'à Tégard des autres. Là v l'outes les règles
doivent être obs»îrvées à la rignein*, et il ne- peut-être
permis de se relâcher d'aucun article du règlement.
La présence continuelle d'un surveillant^, dans chaque
atelier, pendant les heures de travàth et dans les préayx,
à Finstant de la promenade , e^f absolument indispen^
sable. On ne doit jamais souffrir que les condamnés
restent seuls , abandonna à enx-* mêmes: les p\m
grands intérêts y sont attachés; la sâreté pubKque,
l'amendement des prisonniers , etc. On aura donc sein
de mettre un préposé dans chaque atelier, et Ion exi-
gera qrfîl n'en sorte jamais', sans être Relevé. Qu^on ne
s'effraie pas du nombre de surveîllans, que ces me-
sures semblent exiger; les entrepreneurs des tràvatax
sont intéressés eux-mêmes à faire inspecter leurt/dttr
idè DES PUISONS.
^rieiB « *el Pon fera , de TobUgation de fournir iiti chét
par alelier^ une des cb«rges de leurs marchés. Us se
l^rétéront volootitors À une condition qui leur sera
)>1qs utile t|a'onéreifse.
Ces aorveillans seront chargés de la police ijutérieùre
des ateliers, d'etnpécber les prisotiniers de causer du
tronbte ^ ou de quitter leurs métiers. Obligés à un Ira*
vailtrontinuel, les condamnés devront y être occupés,
«QtantHile tempsiqu'H sera possible, sans compromettre
leor santés Les surveiUans tiendront la main à ce qu'ils
soient toujours en activité : cette application continue
sera, en même temps, un moyen de police, et pré-
viendra bien des désordres.
Il n'est pas moins essentiel , pour la police et la
sûreté des prisons destinées aux condamnés, d y intro-
duire Tuniformité des vêtemens. On conçoit combien i)
est important que Ton puisse reconnoître, sur-le-champ
jei à la première inspection , un détenu , soit dans riii-
téneur de la prispYi , soit à l'extérieur, en cas d'évasion $
.et rien n'est plus propre , qu'un vêtement uniforme et
remarquable, pour rendre les évasions diflàciles, et
signaler le prisonnier fugitif, ayant qu'il ait eu le
lemps de changer de costume. Cette uniformité n'est
pas moinsutile dans la prison , pour faire distinguer^
d\in coup d'oeil, les prisonniers des préposés , soit dans
les cas, assez rares , de sédition , soit même dans toutes
les occasions de rassemblement, comme l'office divin
ou les instructions. Leur habit , et celui des employés ,
qui doit en êtreérès différent, et néanmoins uniforme»
serviront très-utilement à distinguer les groupes et à
en prévenir la confusion , toujours très-dangereuse »
dans une prison considérable.
\
DE LA DISCIPLINE. t0>
L'habit uniforme des prisonniers , pour procurer les
avantages qu'on en attend , devra être d'une couleur et
même , s'il est possible , d'une forme aiséeâ à reconnot-
tre et difficiles à aItëreir.|Nous indiquerons , en parlant
de rhabillement, la coulèu^ et la forme qui nous pa-
roissent convenables. Quanta présent^ il nous suffit
davoîr fait septir la nécessité d'un vêtement unifor-
me, sous le rapport de la discipline.
Il est clair que cette règle exclut absolument la pei^
mission d'apporter du dehors aucun vêtement aux
condamnés. Ceux avec lesquels ils auront été amenés
leur seront retirés en arrivant; on les déposera dans le
magasin , où ils les retrouveront à l'expiration de leur
peine ; et, dans tout cet intervalle, ils ne porteront que
l'habit de la prison. Il ne peut y avoir d'exception que
pour le linge ; comme il ne peat jamais faire un signe
de reconnoissance très-remarquable , et que la société
tonte entière est intéressée à ce que ce moyen de pro*
prêté et de salubrité ne manque pas aux^ détenus,
on pourra leur permettre d'en recevoir du dehors*
Mais le gardien, sous sa responsabilité , aura soin de
l'examiner avec la plus grande attention et de ne l'ad-
mettre que déployé, pour qu'on n'y puîsse^rien cacher.
La discipline doit encore avoir pour but de coopérer
à l'amendement moral des détenus, en les empêchant
d'y porter mutuellement obstacle. Le premier et 1e
pins puissant des moyens qui lui appartiennent, con-
siste ^ entretenir le silence dans les ateliers ou les
antres lieux de rassemblement, et surtout à empêcher
les conversations générales entre les prisonniers. Ou-
tre que Tordre seroit toujours troublé d'une manière
sérieuse, par des'entrelteusjàécessairement bruyans^ Ul
V
if^'i HES PMSOM. '
êsî toiifmirs indispensable ' de prévenir ie seaèdbré
<|o'ils peuvent occasioner. C^est dans ees occasions
qae les grands criminels se plaisent à donner auic ab-
é'es détenus leurs infânies et fonèstes iiistraetibnsf
qn'àfFrànchîs du jonç'^e Topinî^î^rt éi d'estnénagemens,
que leur conseîlloît encore aiifrefois TîntérÉt de leur
défense, ils se plaisent à raeôater tous tes détails de
leurs honteux exploits. La discipline doit prévenir
jûsqu^à la possibilité de semblables désordres» pro-
pres à détrui^-e tout reffèt à^ leçons de morale que^*
PoD dohàê aux prî^nniers, et des réflexions salutaires,^
que doit naturellement inspirer ta situatk>n où ilâi Se
trouvent.
Moins contraires à Tordre public ^ leséjEiCretlens par-
ticuliers et intimés ne sont pas; peur l'ordinaire, moins
pernicieux. Souvent entremêlées de leçons enipoison-
liées > ces fatales confidences sont presque toujours des
itistrumens de corruption ; et la discipline doit , en gé*
lierai , avoir pour ob}et de les interdire entre les con^
damnés.
Il faut avouer que cette tâ^è n'est pas s[ins diffienl**
tés; il est presque impossible d*empêcher, à touè les ins-
tauîi, des prisonniers, qui vivent ensemble, d'avoir des
conversations particulières. Il y auroit même une sorte
de cruauté à priver tous les détenus, indistinctement ^
dé la cônsolatioii d'épancher leur eœor dans celui d'un
de leilrs compagnons, et de confondre leurs peines ponr
en adbticir ramértumë. Le cœiir de l'homme e^ fait
pour aimer, et c'est surtout dans le malheur, qu'il en
sent le besoin avec plus de force. Telle est l'énergie de
ce sentiment^ que l'homme le plus vertueux, con-^
damné- à* passer* ses jout'S^tins une prisoh , confinodri
DH" LA mSCGPLINE. i o3
avec dé$ crinlinek, ne pmttth se «Mfeadce ooiMtjim^
tnent du désir d^aîniei* i^ii d^ dfs proteriUf et de lot
accorder ttne confiance (jtii lui eàt hit Horreur, daiis
(ies temps pins heureux. Par an tous te^ hbrnmes dés^
ho/iorés, il s'en trouvét'à qile^ii'nn, dont Teitërieur
pins aimable , le caractère pkis dôtix i la faute liioins
odîense , lui paroltront d*eë lilôtifs de prtférencé et
'd^iniérét : si quelque l^er àèirice , si (fuelques rap*^
ports de travail ou de chambrée , vi^nhent encore les
rapprocher, ils seront presque amis; et, pùut peu que
le coupable ait le repentir de sa fiiuté , tt le désir de
rentrer franchement dans la route 4e la vertu, Tunlon
de ces deux hommes peut devenir une vëi^iféble ami-^
lié. La discipline dbit-élle proscrire une liaisen aussi
pare , aussi respectable ? ne doit-elle pas , au Montrai re^
Fencourager, comme un g^aîîd p$ià dé fait vers son bot
principal, la correction du côtipâblé? Si cette intimité
n^a rien de criminel, peut-on, sens barbarie, priver
de cette consolation des malheureux, qui en ont si pea
sur la terre ? D*un autre côté , le danger de la corrup-**
tion est imminent; il faut donc le prévenir^ mais le
prévenir sans vexation. Tel est le problème que doit
résoudre là discipline.
Le moyen d'y parvenir, seroit dé pi3sér en règle
générale la prohibition dèë énti*etiens particuliers. Oh
ne pourra jpoint , sans dôtité , les empêcher toujours :
il y a tant dlnstans oi\ deux pirisoniiiérs peuvent se
réunir sans témoin^! Mais la surveillance qu'on exerce
à cet égard , et la craiiite du chàlimeilt réservé à toute
désobéissance , serviront au moins à rendre plus rares
les occasions de s'isoler , et ^ |^ar cela inéme, déjoueront
tes projets de ceux qui voudroient essayer de séduire
io4 DESPWSQNS.
leors compK^ons, en ne l^ar perna^tt$Bt'â^ar(Ar avec
€QX que des entretieiH p9V^ fréqriçDS., et sbweni în«-
terro^pos» Ce n'est qoe par, insiniiation ^ qu'à Taide
de longs détours , que k crime .peut gagner des prosé-
lyte». La répétition des mêmes idées ^ présentées d'a-
liQrd. avec les pins grands m^nageniens, peut seule
habituer à la pensée du crtrae, et y entraîner l'impru-
dent, qui écoute de pernicieuses leçons. Il y eût peut-
être résisté ^ si , pressé par le temps, et Cbrcé de se cir-
conscrire dans de laconiques invitations- au *mal , le
séducteur n'ayoit pu éviter de montrer à nu , et .d^nr
:totite sa laideur, lé spectacle du crime cherctiant à re-
çiruter des complices. On évitera donc les principaux
dangers de la corruption , en rompant , par une sur-
veillance assidue, les enlfetiens particuliers des déter'
nus , et la consigne des employés sera de séparer ton-*^
jours les prisonniers qu'ils verront s'isoler > pour se
£»ire des confidences, et de ne jamais, laisser seuls en-
semble deux condamnés^ soit dans les ateliers, soit
clans les dortoirs , soit danS: tout autre Ueu» .
^ L'exécution de cette règle générale empêchera , nous
l'espérons, que les plus scélérats n'entreprennent avec
succès de corrompre leurs compagnons , sans ôter, à
tous ces malhenreux indistinctement, la consolation de
verser quelquefois leurs larmes dans le sein d'un coufi-^
dent. Un seul regard , une main serrée avec tendresse»
réchange de quelques phrases, suffisent pour adoucir
les tourmens de la captivité, pour faire goûter à un
malheureux les charmes de Famitié. Il ne faut qu'un
moment pour cette consolation. La dépravation est
plus lente; illui faut plus de temps pour faire ses déplo-
rables conquêtes; et la même surveillance^ qui aura
DE Î.A ©USCIFLiNE. loS
MtQtM les projets^ Il ^éduetivqr, aura laisse à deax ior
fcH'tQi^S'le lernps de se confiier leurs pieines; et de
.pleurer. ensemble sur leurs familles.
Au surplus, le gardien et les inspecteurs ont, dans
1<! dmit de. répartition des prisonniers par ateliers et
dortoirs, le moyen le plus efficace de prévenir tous les
daufçersde la corruption mutuelle, sans plier aveuglé-
ment ^us le même joug, tous les détenus. Parmi tes
condamnés , et surtout parmi les criminels condamnée
à la réclusion , il en est beaucoup qui ne cherchent pas
à faire des prosélytes; et qui, frappés pour une pr^
mière faute , dont souvent la misère fut la cause, su-
(bîssem avec résignation }eur peine, et aspirent à re«
tourner à leurs anciens travaux, quand ils auront
.satisfait à. la justice. Ces condamnés ne sont ps dange*
rçux les uns pour les autres; loin de s^engager mutuel-
lenaentau crime, ils s'entretiendront plutôt dans le
souvenir des occupations et des jouissances domesti-
ques, qu'ils regrettent, et dans Tespérance de les re-
trouver, à Vexpiratidn de leur peine. Avec ces déte-
tuA, on n!aura pas besoin d'une «discipline trop soup-*
çonneuse, et il suffira de tenir la main, d'une manière
générale , à Vjeaiécution.des.règlemens.
. Mais il est une auti^e.classe de condamnés, à Tégard
desqneU on ne peut jamais prendre trop de précau-
tions, et sur qui les préposés devront avoir conti-
nuellement les yeux. Une légère expérience suffira
pour les faire distinguer des premiers. On y verra tous
les condamnés par récidive; tous les gens sans profes-
sion, ou 9 dont la profelteion apparente n'est qu'un^
manteau, qui couvre, celle 4^ voleur; tous les vaga-
bonds; tous ceux qui , sans moyens connus d'existence.
:2»fr
j«5 6ES MISONS.
oiit-étë arrêts et c6i»darâtiëfr, poiiiracriimedod^', 16fat
du Ireii ()e leiir fiaissàffce. O'e^tl psktmt tes homme$ qiie
se recrutent les bandes de voleur^; c^est toujours eux
qui chei«eheut, par la séducttou^ à s'acqtiérir des
jvdeptes. Avec ces prisonniers ', il ne faut jamais souf*
frir le moindre îrelâdhèmeât à là dtàçipliné $ ôq aura
soin de ne pas les confondit , sans n^cessit<^ , avec les
antres condamnés; mais , atitâilt que possible , en 1^
réunira dans les ateliers particuliers, et^ si on est obligé,
par les localités , de lès bisser àv^c tous les antres , on
l^j Surveillera de près^ 11 leur s6ra absolument défendu
de cbmmtiùiquer en particulier avec les autres déte-
lius ; et , aussitôt qu'on s'appércevra qu'ils se livrent à
des conversations cônfidêntiéltes» oti les changera dia-
teliërs , pour rompre leurs liaisons et déconcerter lenrs
projets. Le gardien pourra toujours prendre la même
mesure, à Tégard de tous défends, dont le^ relations
avec les autres lui paroitroiént su^etes : cette (agilté
rentre essentiellement dans les attributions de l'auto-
rîté administrative qui lui est confiée.
Ces précautions; qui Vottt pour objet qnô te jour
proprémciït dit, sei^pient illusoires, si les prisonniers
étoient réunis , pendant là nuit , sans surveillans , et ,
surtout , si on lesfaisoit coucher à deux dans chaque lit.
Cette communauté , beaucoup trop intime, appelle ,
sollicite même les confidences et la séduction ; c'est uii
piège, qu'il seroit impossible d'^ter, méÉne pour les
caractères les plus fermes; Un compagnon de lit est
presque un ami ; el d'ailleurs, comment empêcher un
"^cours complet de séduction, entré deux -hommes qui
habitent la même chambte , qui reposent sur la même
touche ? Les plus fortes.considérations morales se rëo-
L^
DE LA BISCIFtlNE. a^
iMSdnt' déhc' ai^ motifs cfue not» 'a?crins 'd^ indt^
«foies; pônv ftitre sentir la nëcieissilé de Ut soUtnde
CH APITï!^E jt.V- JD^ la discipUne pour hs fsmmes
, . . et Jes ,0nfans^ .
L£s principes de la dUdplîne sont les mêmes ppiit"
ioas tes sexes et pour tons les âges. Les fenimes et les
enfans oût les mêmes devoirs que les détenus mâles;
comme eux , ils doivent rbbéîssaiice aux supéneiirs j
la soumission aux règlemens, le respect à la déceticé
et à Tordre général. Les mêmes autorités doivent avoîi^
^administration des prisons qui tes renferment, Toutes.
les bases'3pnt donc les mêmes . et il ne pourra y avoir
<le différence dans la manière de les traiter, que rela-
tivement au service de santé et au genre des travaux^
Ce^ modifications, purement de détail , seront du
ressort du médecin et du conseil des prisons, et ne
peuvent être exposées dans un traité général.
La nature des choses indique.- également que Ton
n^aura presque jamais besoin d^emplo^er les grandes
âiesaresde discipline, avec ces deux classes de détenus,^
iloât , en général, on n^aurà pas à craindre la violence^
ais les administrateurs seront toujours les maîtres
^'y recourir au besoiii, et sous leur responsabilité.
CHAPWRE V. Delà sanction de là discipline.
ïh n'y a qu'un moyen d'assurer rexéeutioii det
règles.que nom veuâosde trueer, el d'empêcher qu'eUe»
ne restât in^puis^i^tefi , entro les mains des autorilÀ
>«« DES PRISONS.
•
changées rie les faire respecter; c'est d-atlâchcr.des
peines à leor violation , et de faire en sorte qu'elle
soient toujours appliquées aux contrevenans. Il faut
donc, pour compléter le système de discipline des
prisons ', déterminer les peines, que feront encourir les
infractions anx règles qui la composent , et la compé-
tence des pouvoirs , chargés de leur application.
Nous ne parlerons ici lii des fautes des gardiens, ni
de celles des préposés : c'est aux inspecteurs des prisons,
c'est au ministère public à poursuivre les actes arbi*
traires, les malversations, tb en général, toutes les
actions répréhensibles qu'ils peuvent commettre, et
que leur gravité éleveroit au-dessus des simples fautes
de discipline. Quant à celles qui n'excéderoîc^nt point
ces limites, elles ne d<^vent pas être punies par les
mêmes moyens que celles des prisonniers : la destitu-
tion ou le renvoi en seront ordinairement la peine ; et
c'est aux inspecteurs à provoquer ces mesures , auprès
du conseil des prisons , toutes les fois qu'ils les croiront
nécessaires.
* Notre objet , dans le moment actuel , est de déter-
miner le genre de punition qu'on peut employer à
l'égard des. prisonniers. Il faut d'abord distinguer si la
faute qu'ils ont commise rentre dans la classe des
crimes on des délits, ou si elle n'atteint pas ce degré.
Dans le premier cas, c'est aux tribunaux ordinaires
qu'il appartient d^en connoitre; les autorités adminis-
tratives des prisons n'ont ici , comme chargées de la
police 9 que le pouvoir de dénoncer le fait et son auteur
présumé , et de rassembler les renseignemens qui peu-
vent faire connoitre la vérité. Elles ne peuvent aBer
DE LA DISCIPLINE. 109
«lû-ddà ; ^sëtâèmeilt elles ont le droit de prendre f
tomme lïièstire-administràtive , tontes les précautions
i{uileQr sembletoîent nécessaires, ponr empêcher le
désordre de se perpétuer^
Dans le secoiid cas, c'est-à-dire lorsqu'on n'aura à
reprocher ^uX détenus que de simples fautes de disci-
pliae> comme le refus de travailler, le bri^it dans les
ateliers ou dortoirs , Fivresse, etc , ou de cescon*
traventions légères, qui n'excèdent'poînt la compétence
de la police municipale v comme les injui^s sans voies
défait , etc. , les autorités surveillantes, c'est-à-dire les
inspecteurs, «t, dans certaines Uniites , le gardien ,
auront le pouvoir d'infliger les pimitions convenables,
à la charge d'en dresser procès-verbal , et d'en faire
leur rapport à l'autorité immédiatement supérieure. *
On se rappelle que nous avons divisé les peines de
discipline en deux classes : les unes consistent dansja
privation d'un avantage, dans le rçfus d'une permis-
sion , ou dans un simple changement apporté à la dis-
position des prisonniers dans l'intérieur; les autres
sont plus proprement des peines, |t; consistent. d#ns
l'addition d'une mesure de rigueur, assez légère , aux
règles ordinaires de là discipline. Les premières seu^
lement seront à la disposition du gardien , parce
qu'elles sont la conséquence naturelle de ses attribua
tions ; mais les unes et les autres pourront être pronon-
cées par les inspecteurs..-
Dans le premier ordre de ^es pçin^ ^ on ^rangera ^la
privation de là promenade dans les préaux , la défense
de recevoir des vidtes pendant un temps déterminé ,
celle de jk prociurer les.aUme99 ou les boissons, tolérés
flaoslaprifiiOn* $ans faire partie du régitY)e.'<)F4Jl:ilMr^a
latratislalioTi <1f>s déteims d'qn atelier ou d'pn dortoif
4aqs UA autr^» ete.^i».. Le gardien puisera. , dans cet
usage de son pouvoir^ la force nécessaire pour faire
i&xécnter ftçs cwdres» et les détei^u$ y trouveront ^une
garantie contre se$ caprices. Quapd le gardien nç
pourra priver de certains avantages^ et refuser cer-f
XeAnm pernii«3ipî?3.« qne dans de^ cas déterjfipiîpié^^ çt à
ja charge d'en dresser procès- verbal , il y a tout lieu
xi^ croire qu'il n^.le fera point i^rbitrairemc^t, et^saos
motifs légitimes. -
Dans la leçondia ^la^^» se trouverpnt /Jes peines po;-
^itîve$ ; les uaes seront afQjctives, et les autres pure-r
msnt igOomipieuses* H est impossible ^ dans un^tçaité
qui embraj^se tout ren$eiDbIe<^esprisonsd'un royanmef
4e spécifier tputçs les. peipe^;» qui peuvent être infligées
mvi prisonniers. Les considérations locales et les habi-
tude de chaque provirice doivent nécessairetnent y
introduit» des différences, qyi empêchent qu on ne
puisse, avec WGçès,. établir ^H système, dç péq^lité
gëdéral et uniforpie pour les prisons, parce quejes
mêmes, peines ne peuvent être employées partout ^i|
moins qu'on ne se borne à ces peines, générales et va-
gues^ qiii font peu d'inxpressîçi^ , parce qii'elles n^
tiennent pas auiiL habitudes et aux affections particu-
lières à chaque localité. ÏJ yai^t jdppp piieux, tai^^en aux
conseils des prisons à déterminer^ dans chaque arron-
rondisseaient , les peines qui pourront être les plus
efficaces, et en même t^emps les plus appr^furîé^ à
leur «tuation. Nous nou$ boruerpu» ici à fi^oser. de$
règles géiiéiiJ«&, qui réduiront àt un $y$t^e^nj£o;i^ç
1)Ë tA ÇISCIPUNE. Ml
kk variété des peities. de dî$cipUnfi qui pourront 6tre
tifablies^ par les fèglemens particuliers, dans chaque
département.'*
^ Dans le thoîx^ cammt d^ns Tapplication des peines
de discipline , on prendra l^ii)Ouris en coDsldération
rage et le sexe des détenus^ On remarquera aussi que
certaines pHYatiouSt très«^(Skensiblé9 pour les uns, s^-^.
Foiént ahsfi^iiment indifférentes peur tes autres; telle-
serol^, par exemple ly l'interdietfon dit tabac à fuiper;
H en rÀnlte la nécessite d'établir trois sortes de* pei-«
nés, applicables sftix hon[>m^sfailSt aux femmes etauK
enfansi fixais comme, indtfpendainni^nt de cette pre-
mière dfofindtion , la natpre de la faute commisie^ le.
caractère dn prisonnier , ses habitudes cpunnes, etc. ,
peuvent avoir une grande influence sur l'effet q«e les
peines produiront *stir lui', il semble utile de lais^r
aux inspecteurs Une assez, grande Ifitit^de dans le çhpix.
des peinf s applicables à telle on telle faute.
Notis avons déjà fa^t entrevoir de quH)c nature^
pourrdièiit éti^e; ces peines 4 1 obligation de porter un
habit parlicc^er , Tapplscalipu à certains, ouvrages ,
moins agréabies bu fans pénibles que les travaux ordi*
nairés» le séjour dans urle enceinte étroite et grillée',
an milieu des préaux, tandis que les autres prison 1
niers fomroient tibpement de la promenade, enfin le
séquestré absolu dons les cas les plus graves : telles sont
quelcfues-^nnes de celles qu'on peut iniU|;^ 3ux dé*
tcDos , avec toutes lès modifications qu'entratnerofient
les localités.
• La dernière peine doùt on a parlé , le séquestre* ne
eoa;isterai.)âmaisqu'à être séparé desàutres p^sonniersi
denaaaièreànepQuvi^rseréuQirà f nx. Toute .rigCifuri(
iiîÉ mS PRISONS.
<|rii n'ianfolt pas directement cet^abjet en vue , eh sefâ
soigneusement' écartée ^ et, si le bon ordre exige qu^uo^
prisonnier soit temporairement privé déxomt^cmib
quér avec ses compagnons , la justice et rhtimatiité
s'opposent' à ce <|ne cette mesure puisse jamais'compro-
mettra? sa santé ou ses facultés morales, par les rigueurs
accessoires qu'on y ajout eroit-. Aussi, quand tut prison-*
ilfer devra être séquestré, oh ne lè pbngetrân point
dans un cachot humide, infect, creusé à vrngt.pieds
sous terre, où le moindre des maux soit ehèore de
vivre dans une obscurité complété' et perpéttielie ;
mais une chambre , placée' dans la partie la plussainB
et la pluS'éleVée de la prison, sera le lieu de fôrceet de
correction, où* lès prisonniers tnrbulens ou-sédilienx
seront réduits à Timpossibitité de nuire, ou punis des
délits qu'ils auroîent coronrHS. L'air et la lumière n'en
seront point exclTis , comtne si c'étoit des moyens d>ë-
vasion ou de révolte. Des portes épaisses , de gros ver-
roux, des barreaux rapprochés ^ et nnesurveiUance
iévère, remplaceront avantagensement Phonîicide pro-
fondeur des basses fosses, et la sûreté publique serë^a-
ranf ie> sans que Thumanité ait à gémir de voir Tappa-
reil d'une vengeance cruelle, dans les lieux consacrés à
l'exécution des ordres de la justice. '
Tellessontlesbasesfondameutales dusystèmede pë-*
nalité, qui convient dans les prisons; il nons reste à dé-
terminer la compétence des personnes auxquelles sera
confié le soin de maintenir la discipline^ Chargéspâr-
culièrement de cette honorable et pénible mi^ion ,' les
inspecteurs des prisons devront, par cela même, être
investis d'une portion d'autorité judiciaire sur les pri-
sonniers. Il seroit peu'G0nvefia|^e que des personnesL
DE Î.A 01SC/l?LmÊ. Hî
étim^b'esà la priiaofi viussent > elgercer.utie^iiJîeUQà
cxtraor(liiiaii*e. C'est à l'autpritë chargée de T^xéciUiott
desrèglemens^ qu'il fatit remettre le droitet le pouvoir
de l'assurer , et , en la confiant aux inspecteurs^ on sera
ceriaiu, tout à la fois> de rexécutioa complète, ck^
règlemeus et de la justice sans rigueur .qu!exèreeroiit
ces niagistrats paternel»;
^ Quaièt aux bornes dans lesquelles celte aoloriti de^
vra être circonscrite, elles soat naturellement celles
des tribunaux de police municipale. Les in$pecteui*s
sont, pour les prisons» ce que les officiens municipaux
sont pour les comnrumes. Tout ce qui ne sort pas de la
classe des coiHraventioi^s sera donc de laurcompét^dce.
U.&aii: de laquelle s'étendraà^deuxgwcesd^ jfai^t^i
les âi^raetions m^x règlement iptérieur^ 4es prîsom »
qui ne^seraieiit pas légalenieut répi*^hei:isible^ darqSiia
société « m^is qui le deviennent par h qualité d^ dér
jtenu^ , et le^ fautes que la poUce municîpa^ei e^K WJ^^
nàirenieot chf^rgé^? de. réprifuer. Çellesrci pputr^^t
aeQkséire j>ii»iesde peines anaio^ii€>s à celles qu'appl^
queat les tribunaux de police; quant aux autres, dm^
.ples.cQanLtrave«Mioi]fsii des règlemisns d^ disciplineintér
lâenr^. elles ne devront :pas entraîner des peÂœs ^aasÂ
graves. . . . ; . ;
Getta distii^ction établiraïune nouvelle ett impottante
division de la compétence. Les impectencs de service
l^urriint V seub et de leurs propre autorité, pranostoer
les peines encourue^s pour la v)<>lation des règlement
intérieurs. Quant aux autres, ils ne pourront ks |)ro^
xioncer.qiie provisoiremejat^. et. à la charge àjt lés ftârfe
ratifier à la prochaine assemblée de la commiâ^ioR^
Mais ces . assemblées n'ayaut Ueu que tous les Juatit
8
î i4 DES PRISONS.
jours 9 le» sentences *de Tiuspecteur de service devront
s'exécuter provisoirement, à moins que le prisonnier
condamne n'ait déclaré en appeler à la commission.
Cet appel aura TefFet cle suspendre Texécution jusqu'au
jour d'assemblée. Dans tous les autres cas, elle aura lieu
provisoirement, et sous la responsabilité de l'inspecteur
de service, qui ne pourra s'en décharger qu'en faisant
ratifier par la commission la décisioii qu'il auroit prise*^
TITRE IV.
nu RÉGIMB PHYSIQUE^
L'flfOMME condamné à perdre sa liberté a toujours
droit à l'existence; et, si le résultat de la captivité est
de lui enlever tous les moyens qu'il avoit de subvenir
aux besoins physiques qui l'assiègent continuellement,
la loi doit suppléer à toutes les ressources dont elle le
prive f en lui fournissant les choses nécessairies à la vie,
qu'il ne peut plus se jN^ocurer. L'autorité doit égale*-
ment prendre des mesures pour préserver la santé des
détenus contre les maladies qu'engendre la captivité ,
et pour réparer les ravages qu'elles y occasioneroient ;
car, les prisonniers étant dans l'impossibilité de trou*-
ver par eux-mêmes les secours dont ils ont besoin, la
loi doit leur laisser tons les moyens de soutenir et de
conserver leur existence, ou les remplacer par une
protection et des soins équivalens, tant que les arrêts
de la justice n'ordonnent pas leur mort.
A la vérité , quand la société prive un de ses mem-
bres de la liberté , dont il a fait un usage criminel ,
elle ne peut s'engager à le faire jouir, dans les prisons,
de toute l'aiisance et de tons les agrémens dont il jouis^
DtJ REGIME PHYSIQUE. iiS
wii ail teni(Jk de sa prospérité*, elle ne lui doit que te
strict nécessaire, c'est-à-dire les choses dont la priva-
tion coDfipromettroit sa vie et sa santé. L'austérité de
cette règle est basée sur la justice la plus exacte. Celui
qui a mérité d'être privé de sa liberté , doit supporter
tous les résultats directs de la peine qu'il a encourue*
« Le prisonnier qui se conduit le mieux », a dit , avec
tout l'ascendant de la raison , un Pair de France ^ qui
a consacré sa vie entière au soulagement de tous les
maux 9 et dont le nom s'attache à tous les bienfaits que
reçoit l'humanité , « le prisonnier doit toujours^sentir
« qu'il est en prison , et que la prison est une peine du
<c crime ou délit qu'il a commis. — La prison où le
ce condamné serait assez bien pour ne pas souhaiter
« toujours d'en sortir, seroit , par cela même , un dé*
a sordre dans l'intérêt de la justice j dans Tintéréfl
« social. »
Le régime physique doit donc avoir pouix objet de
maintenir^ par les moyens les plus simples, les pri-^
«onniera dans le meilleur état de santé possible en cap-
.tivité. Il doit tendre, d'une part, à conserver leur
santé ^ s'ils jouissent de cet avantage ^ et de l'antre , à
réparer les désordres qui pourroient l'altérer. C'est
sous ce double point de vue que nous examinerons le
régime physique, qui nous paroîtroit convenir dans
les prisons > soit pour l'état de santé, soit pour celui
<le maladie«
CHAPITRE P^. Des prisonniers en état de santé.
Avant d'entrer dans le détail des moyens propres à
conserver ou à réparer la santé des prisonniers, j'ai à
remplir un devoir que m'imposent la jRstice et la
reconnoissance : c'est de publier les secours précieuse
ïi6 DES prisons:
que m'a fournis un rapport , qu'on m'excusera facile*
ment de ne pas louer ici , et dans lequel un méidlécin
justement célèbre , dont le dévoûmént pour l'humà^
nité s'exerce sur toutes les classes et t^hez tons les
peuples , a consigné le fruit de ses réflexîoiis et de sou
expérience isur le régime de santé" à introduire dans lefc
prisons. Etranger, par ma profession , aux connois-
sances médicales , j'ai été heureux de trouver, dans leè
écrits mêmes des membres de la Société Royale des
prisons 5 des autorités à l'appui de mon opinion ^ on
des lumières dont j'avois besoin pour éclairer ma
marche datïs une carrière nouvelle pour moi. J'y ai
puisé des aperçus pleins d'utilité, et surtout des dec--
trtnes irrécusables et fécondes en conséquences; j'y ai
recoïinu quelquefois des erreurs que j 'a vois commises,
des détails qui m'étoie^it échappés; et quelquefois aussi
j'y ai vu confirmer, par l'autorité la plus encoara-
geante , des idées que je n'eusse présentées qu'avec dé-
fiance, si elles m'eussent appartenu exclusivement* »
Loin de nH)i cependant la lâche flagortierie de m'é^
clîpsèr entièrement, pour mettre à couvert sons de»
tionis illustres des pensées q«i , bonnes oii mauvaises y
m'appartiennent en propre, et dont je dois porter
toute la responsabilité. Je ne dois pas dissimuler ici que,
malgré ma juste défiance de mes forces, je n'aï pas cm
, devoir sacrifier, toujours et aveuglément, mon opinion
à celle d'hommes dont le nom seul est presque une
autorité, mais qui repousseroient eux- mêmes avec
indignation un hommage aussi servilé. J'ai cru pou-
voir examiner les raisons qui les ont décidas à em-
brasser certaines idées, peser celles que je crois avoir
de , penser ilifféremment; et, «quand il ne m'a pas été
possible de changer ma manière de penser, j'ai regardé
DU REGIME PHY3IQUE. 1 1 ^
ç&n}me tpon devoir <lç dénoncer courageusement. La
inodestie est iipe excuse aussi fausse qi^nsuffisantet
qiiand il s'agitdii bien de l'humanité) il ny a point
de motif, quelque spécieux qu'il soU^ qui piiijfse dis-
penser de publier une vérir« que Ton croit utile. ^'
' L'hygiène des prisons., ou cette partie du régime
physique qui co.ncern^ les prisonniers dans Tëtat de
santé , a , elle-même , un doublç objet à remplir t
jM'éserver la santé deS fléaux qui* peuvent l'altérer, et
fournir aux prisonniers tous les secours nécessaires
.pqur Tentrelenir. Ecarter les choses nuisibles, procu-
rer les choses nécessaires, tels sont tes moyens qui
doivent conduire au but de Thygiène, la conservation
de. la santé. Nous verrons, dans un second chapitre,
comment on doit chercher à réparer la santé» quand
plie csst compromise, ou, en d'autres ternies, en quoi
consiste le régime des prisonniers dans Tétat de maladie.
Section \^^. Des mesures préservatrices^, ou des
moyens pr^res à préserver la santé du danger du
séjour dans les prisons.
La santé , d^ns les prisons , est ordinairement oom-»
promise par des causes générales, qu'il faut découvrir
et combattre, si Ton veut y entretenir un état satisfais
sant de santé.
De toutes les choses nécessaires à Texistence de
rhômme, il n'en est point dont il ait un besoin plus
pressant , et surtout plus continu, que l'air: il n'en est
peat-être p^s^non plus dont les mauvaises qualités lui
soient plus funestes. Dès qu'il cesse de remplir le»
conditions qui le rendent utile, il devient un poison
redoutable ; il porte , au sein des hommes les plua;ro-
n8 DES PRISONS.
bustes , la mort , accompagnëe de toutes ses horreur? ,
la langueur et la décomposition , ou les fièvres putrides
avec toufe leur fougue. Jamais aussi ses résultats ne
sont plus terribles que datis les prisons, parce que^
nuHe part ailleurs , Tair ne se décompose aussi rapw
dément. L'air vicié est donc le premier ennemi que
l'on ait à combattre dans les prisons, pour maintenir
la santé des détenus.
Pour que l'air soit salubre, il faut qu'il soit sec et
pur : sans le concours de ces deux conditions, on n'a
qu'un air vicié , plus propre à empoisonner les sources
àe la vie , qu'à faire jouer le double ressort de la circu-
lation du sang et de la respiration.
La première condition , la sécheresse , tient absolu -
ment à la situation. Une prison , bâtie dans un terrain
marécageux , et enveloppée de brouillards continnels ,
ou privée, par sa position ^ de la bénigne influence des
rayons solaires , ne peut jamais être remplie que d'une
atmosphère humide , et l'on s'accorde à regarder l'hu-
midité comme l'un des vices de l'air les plus dange-
reux. Ce n'est point ici le lieu de dérouler l'effrayante
et incontestable nomenclature des maux qu'engendre
cette funeste qualité de Tair ; mais qu'on lise ces pages
éloquentes , on des médecins , aussi éclairés que sen-
sibles, signalent les effets désastreux de l'humiditc
permanente , et l'on verra que , s'il est im danger dont
il soit urgent de préserver les prisonniers , c'est surtout
celai de vivre dans une prison que sa position rendrott
naturellemenl humide. Qu'on ne croye pas y remé-
dier jamais par des précautions dé détail , par des me-
sures sanitaires; ce sont de vains palliatifs qui peuvent
bien dissimuler le vice radical d'un mauvaise exposî-
DU REGIME PHYSIQUE. i j 9
tioii , mais qui ne rempl^ercNat jamais l'avantage
indîspeusabte d^une situation feyorable.
C'est donc dans rétablissement même des prisons^
et dans le choix de leur emplacement , qu'il faudra se
préeautionner contre Thumidité* Quant aux moyens
d'en corriger les effets, lorsqu'on n'a pas su s'en ga-
rantir, réservons-les pour les cas où des prisons, déjà
construites , seroient assez malheureusement situées^
pour élre plongées dans une humidité permanence.:
Jes palliatifs sont précieux, quand on ne peut pas atta-
quer le mal à sa racine.
Nous avons vu que l'air, pour être salutaire, doit
être sec et pur. L'exposition peut seule garantir la pre-
mière de ce2| qualités; la seconde ne peut résulter que
du concours de c^ tte condition avec certaines précau-
tions, et surtout avec la propreté la plus scrupuleuse :
autrement, l'air pourra bien être sec, mais il ne sera
point pur, et la s^li1brité ne sera pas moins compro-
mise dmis un cas que dans Tautre. «^ .
L'air où nous vivons est incessamment altéré par
les émanations étrangères dont il se charge : de là ré-
sulte le danger des grandes réunions d'hommes, où
Ton ne respire plus , après un ceatain temps , qu'un *
air empoisonné. Les prisons y sont plus exposées ea-
eore que tout autre établissement; le rassemblement
sar le même point d'un nombre d'hommes^ souvent
di^roportionné avec l'étendue du local , les mauvaises
dispositions. physiques de beaucoup d'entre eux, et
quelquefois aussi la nature des I ravaux auxquels ils se
livrent, concourent, avec activité, à dénaturer l'air
qu'on y respire. On sait d'ailleurs qu'il Suffit de la, res-
piration et de la transpiration , pour cori*ompre en
ï2t) BESPRKQNS..
peu de temps nne assev grande massé d'ath Le e^nn
ordinaire des choses, mèrhe satis qu^aiicon accident
4*aît aggrave, exige donc des soine conlinueb pour
entretenir la pureté de Taîr.
• Iid première précaution à premlre^ c'est de tie ja^
-mais entasser dans une prison plus de prisoDoiers
qu'elle n'en peut contenir, et, quand onn'y aur^ admis
que ie nombre convenable de. prisoiitiiersy il faudra
encore avoir soin de renoui^eler fréquemment la masse
d'air, sriit d'une manière générale , mais temporaire ,
en ouvrant les portes et les fenêtres dans toute leur, larr
geur , soit d'une manière plus insensible , mais conti-
nuelle, an moyen de courans d'air entretenus par dâs
veMilateurs : on doit toujours faire concourir ces deuic
moyens de salubrité. ^
On parviendra bien , par leur secours, .à purger I^
bâtimêns de Tair vicié qui s'y étoit accumulé, surtout
si les fenêtres s'ouvrent jusqu'au haut des apparte-
meus, et que les ventilateurs soient placés «dans les
angles et le plus près possible du plafœid , à cause de la
tendance de çert;lins gax à s'élever toujours et à sé-
journer dans les coins; mais il n'est pas moins impor-*
tant de retarder, autant que possible, cette décompo-
sition de l'air, qui force de lui donner un écoulement
)>ériodique. La seule présence de l'hûrame étant suffi-
saute pour altérer l'air et en nécessiter le rénouvelle-*
ment , il faut écarter avec soin tout ce qui pourroit
augmenter ou accélérer cette altération. La. malpro-
preté est Tune des causes qui y concourent avec le plu&
d'énergie , par la nature et la quantité des miasmes
putrides qu'elle accumule et abandonne dans leslieox
•sôuiMés<pdr sa présence , et qui ne tardent pa$ à infcc*
DU REGIME PHYSIQUE. i^ii
1er i'âlr ati ils sont ]>oinpës; i>'ailleurs ki malpropreté
expose les prisonniers aux accidens les plus fâcheuxs
aggrave les > maladies les plus simples aîonte une ef-
frayante énergie à celleS' qui ont des caractères pins
prononcés; elle engendre; même souvent ces maladies
honteuses ) dont les résultats sont aussi dégoÂtans* que
«rorigine en est ordisiairement repoussante. Far là elle
-ten4 encore indirectement à corrompre Tair, plus ra<-
pidement vicié par des malades que par des hommes
sains. "Tou^ ces HéauxV nés d'un seul, prouvent la né-
^cessité'de le combattre avec persévérance. Nous avons
indiqué, en parlaàtde la discipline ^ les.moyens d'en-
tretenir la propreté des personnes et des lieux qu^elles
'fîaiiitent;' on devra tenir soigneusement la main à
l'exécution de tous les règlemens de ce genre.
Les bains, dont nous avonsdéjà.recomDfiandé Ta-
rage, sont un des plus surs préservatirs coptre tous lés
niàux enfans de la malpropreté. Utile en fout tempes,
te moyen de salubrité Test peut-être plus encore en
hiver, que dans^ la belle saison. Destinés principale-
-mept à dégager les^ pores de la peau de twiteé les stih-
•stances étrangères qui les obstruent, les bxiins sont
surtout nécessaires peiidant l'hiver, ou le chauflage,
-toujours grossier, quW peut fournir aux prisonniers,
4es tient continuellement plongés dans une atmosphère
'poudreuse» Les bains y pris en hiver, doivent toujours
être' chauds, Xa dépense qu'entraineroit le chauffage
d^ine quantité d'eau suffisante pour tous les prison-^
iiiers.^ paraîtra peut-être excessive ; mais on peut la
dimimier de beaucoup , et même la rendre presque
insensible, en faisant servira cet usage le feu , (onjours
nëceçSfiire dans les prisons , pour la confection' des ali-
123 DES PRISONS.
mens et là préparation des médieamens : on peut
même y appliquer le feu destiné au.chaufTage des ate-
liers. Un appareil assez simple sutBra pour tirer parti
de la chaleur produite par les poêles ou par les four*
neaox , sans augmenter sensiblement la dépense géné-
rale* On doit accueillir avec faveur tous le^s moyens
économiques , dont Teffet serc^t d'assurer aux détenus
un avantage y que la crainte de la dépense auroit peut-
être fait ajourner.
Les moyens employés pour chauffer Teau des bains
•donneront en même temps la facilité de passer au fea
les habits et les bois de lit , pour détruire la vermine
et les germes de Tinfection.
.' C'est encore une attention indispensable, pour le
maintien de la salubrité , que de préserver les prison-
niers sains de tous rapports avec ceux qui seroient at-
taqués de ijialadies contagieuses. C'est dan» le second
chapitre , destiné au régime des prisonniers dans Tétat
de maladies, que nous détaillerons les moyens d'exé-
cution de cette mesure.
Quant à la surveillance, qui aura pour bat la pro-
preté des bâtimens, elle devra s'exercer sur toutes les
^parties qni les composent, mais particulièrement sur
uî) objet trop important , pour n'avoir pas déjà occupé
les méditations de ces hopomes qui ne dédaignent au-
cune occasion de servir leurs semblables , quelque
méprisables que paroissent , aux yeux du vulgaire , les
sujets qui attirent leur attention. Je veux parler des
lieux d'aisance, dont letat a une infkience très-grande
sur la salubrité des établissemens dont ils dépendent
Jusqu'à ce jour, il faut en convenir, ils sont loin d'at-
teindre le point où il seroit à désirer qu'on les portât :
DU REGIME PHY SIQUE. 1 23
soh qae les moyens employés n'aient pas été assez ef-
ficaces ponr diminaer les inconvëniens sensibles qu'ils
eniminent , soit qa'on ait exécuté avec négligence les
mesares proposées , dans tontes les prisons , les lieux
d'ais^mce sont disposés avec si pen d'adresse , que ,
malgré les soins asndos que Ton prend , dans quelques-
imes , pour les entretenir dans un état satisfaisant , ils
présenient toujours un foyer d'infection , qui répand
dans tout le bâtiment , et surtout dans les chambres,
dont ils sont ordinairement voisins, les exhalaisons
les phjs pernicieuses. Le seul moyen de parer à cet in-
convénient majeur, est peut-être l'emploi des fosses
mobiles et inodores, déjà en usage dans les prisons de
Turin , et dans plusieurs autres établissement publics.
La nécessité d'une vidange fréquente et périodique,
est moinsnne charge qu'un avantage incalculable pour
k salubrité. L'introduction de ces machines, dont Tu*
tilité a déjà été reconnue et appliquée , seroit donc une
amélioration très-précieuse dans le régime des prisons^
C'est par l'emploi de semblables moyens, que l'on
parviendra à écarter des prisonniers les principaux
, dangers auxquels leur position les expose. Nous avons
du nous* en occuper, avant de passer au détail des
choses nécessaires à l'existence, que l'administration
doit leur procurer : ayant de conserver la saiïté, il fal-
loit la garantir. *
Section ii. Mesures conserçairices , ou moyens d'en-
tretenir la santé des détenus.
TARAGRAPDE PREMIER. De la nowriture,
La nourriture , l'habillement , le logement , sont
124 ÏMES PRISONS.,
des besoins communs à tous les hommes.: lés "ptfSQf^rr
fiiers les^éprouveiit .cotnmo les autres; ilsiromt^A^
perdti le droit de leis satisfaire;, mais ils eo. ont pep4o
tes moyens. La société doitdcHic y suppléer : iel est l'ob-^
}et de cette partie du régime physique ^ qm ji pour but
de conserver la santé et l'existence des prisonniers, ^
Leur nourriture ) le premier des besoins de rhon»mey
doit être abondante et salubre, c'est-à<-<lire capable
de réparer leurs forces et d'entretenir lettr santé. La
nécessité de la leur fournir une fois* reconnue., ilest
clair qu'il faut le faire* complètement et ne pas y
pourvoir à den^, on d'une manière préjudiciable à
leur santé. L'économie, indispensable dans toi^ le
service des prisons , et surtout dans cette pantie du ré-
gime qui occasione des dépenses journalières, oblige
en même temps de ne leur donner qu'une. nourriture
fort simple. Heureusement c^est ici un-vérttable avanr
tage que produit la nécessité : la simplicité des alimens
est, pi'esque toujours, une garantie de leur salubrité;
elle seule, d'ailleurs, peut donner les moyens de ne
pas restreindre la dose nécessaire au soutien des forces
de l'homme, et de nourrir suffisamment les prison-*
nîers, pour une somme modique. Leurs besoins réels
sont si grands, elles ressources qu'on^ peut y oppos^r^
si éloignées de les atteindre , que la prudence et l'hu-
manité font un devoir de l'économie la plus sévère,
dans l'emploi des fonds, qui seront alloués pour Ten^
tVetien des prisons. On ne devra donc donner aux
détenus que des alimens simples et peu coûteux, mais
toujours abondans. Ge n'est pas sur la qu^intité néces-
saire qn'il faut chercher à faire des épargnes , cest sur
la nature des alimens : pourvu qu'ils soirnt sains et
Dû REGIiyiE PHYSIQUE. lafi
eon venabrlenrent pi épatas , conditions ^ui ne coi^lèiit
qu'tin bbi) 4boix èiqt)elque$.8CHmt on devra sW conr
tenter^ sans chercher le pltfsrou moins de délîcatesf q.
La société doit a«x prisotitiiers le nécessaire, eUe ne
leur doittp^int de ^ùoissdflces ; et d'aîlteurs , aiimnt de
péu^Faiti Mpei^flo, ii f^ndlroit attendre qu'on- a'eât
pin» rien d'es^i^l à dési rér «
Gefi^ndànt, « i'adminiatràtkai tie pênt se croire
obligée de' fournir aux prisonniers phis que la nourri ^
fute iaéceiQ9ail*e, qui<sera' inévitablement fr^igale'y il f
auroit une ci^uaufë inutile et contraire à Teapritet^H
bntde4ia'loi à refuser aux détenus, qui en auraient le
moyen», là<permissiofei de se.prO€uretqueiqne3)alijnn(0i||^
exiro0rdisaires , soit en ï^é achetant da pHrix de leu|*
travail, soit eii' les i^cevant des per^nitQi^ du dfihor^
Si la loi ledi'' donne la f^cullé de faif e qi^ellpies l^gei'^
profits, il faât biètn qu'ils puiil^eiit les âfpploj'er à h\Vf
usage : cette permission a mâme l'atyailt^e.de lies tor
coura^r 4u tj^avail^ qui leûli prcHrure un adou(;ias^-
ment pasâagerw L^s prisi^nniers pourront donc aj outer
d'ettx-nciéf%i^s un suppMnoent aMx vmes que. Tad^aifiisr
tration leîir fournira;; aiiisL leur ïtontriture se «ompp^-
sera des aiiflàens qui{40itr àeroRft dotinés , à tous ^
conikne régime ordinaire de la pârîspn^ et de teul: qu'ils
pourroni y a|outer comme supplémentaires.
Là nourri^re ordinaire des détins doit être abour
dàiïte, c'est'à'idii'e au moins égale aux besoins de ceux
à qui oo' 1^ donne; car ce^ de ia rélatioti entr^ le
besaîn , et les moyen» d'y satisfaire , que résultant
Tabondance ou 1^ pénurie, 11 e^t sans doute impossible
de proportionner la quantité de la nourriture aux bèr
aoios de chaque prbonnier en ^af*ticuliery et il faudra
126 ^ES PRISONS.
nëcessairement se contenter d'un terme commtiti c5t
approximatif, qui contienne à la généralité des déte-^
nus; mais l'abondance résultera de la fixation de ce
terme à un taux assez éleré , pour qae nul de ceux à
qui on l'appliquera n'éprouve de privation, sur la
quantité d'alimens qui lui est nécessaire. Si un seni des
prisonniers» abstraction faite toutefois dt ces hommes
dont l'appétit extraordinaire forme une véritadbile ex-
ception y n'a pas une dose d'alimens équivalente à ses
besoins , la nourriture n'est pas abondante ^ et doit
^tre augmentée. *
' Pour concilier l'économie avec cette abondance re-^
lative , dont tous les prisonniers doivent jouir, on peut
les partager en plusieurs classes , auxquelles on doime-»
roit la nourriture à plus ou moins forte dose , suivant
la proportion de leurs besoins. Cette distribution pro*
portionnelle , impossible , si on vouloit l'étendre aux
individus, devient d'une application facile, lorsqu'on
la restreint aux masses. Ainsi on peut faire des détenus
deux classes; l'une composée des enfans au-dessous de
quinze ans , et l'autre de tous les adultes, et donner à
la seconde une plus forte quantité de nourriture qu'à
la première : la. même division pourroit être établie
entre les hommes et les femmes, lesvhommes faits et
lès vieillards, etc Par là on éviteroit l'altenaative^
soit d'une perte réelle , en donnant trop de nourriture
à ceux qui mangent le moins; soit de l'inconvénient
fâcheux de réduire ceux qui mangent l# plus à une
portion insuffisante .pour eux : chacun auroit ce qu'il
lui faut , et rien au-delà ; il y auroit abondance sans
dilapidation.
Mais il ne suffît pas que la nourriture soit aboo^
I
■ \
i
DU REGIME PHYSIQUE. 127
jante , il faut encore qu'elle soit saine , et cette vérité
n'a pas besoin de démonstration. Les alimens qu'on
donnera aux prisonniers doivent réparer leurs forces ,
entretenir leur santé , et non pas devenir pour eux un
fardeau inutile ou dangereux. Chacun est convaincu
de l'évidence de ces principes , mais peut-être n'a-t-on
pas assez cherché à les appliquer dans la pratique. La
salubrité des alimens, comme leur abondance, est
parement relative ; on ne peut l'assurer par des règles
invariables. Des alimens très-propres à soutenir les
forces des uns, sont souvent capables de détruire la
santé des autres. Il ne peut donc pas y avoir à cet égard
de règles absolues; elles dépendent toujours, plus ou
moins, des circonstances particulières.
Ces principes, incontestables en eux-mêmes, seroient
sans doute inapplicables dans un détail trop minu-
tieux; il faut savoir se borner, même en demandant
des choses justes et utiles. Aussidans cet instant, .comme
plus haut , en traitant de la quantité des alimens , je ne
parle que des masses et jamais des individus. Sans
doute ce n'est pas une chimère que de chercher, d'une
manière générale, à approprier la nourriture à ceux
à qui on la donne. Uexemple de certaines classes, pour
lesqudles on a souvent proposé et exécuté des règle»
partîculièresde diététique, les gens de guerre, les mate^
loU, etc., prouve qu'on peut très-bien s'occuperdu choix
des alimens les plus convenables en général pour telkou
telle classe, telle ou telle profession , et appliquer dans
la pratique le résultat de ces spéculations. Des méde-
cins estimables ont consacré leurs veilles laborieuses à
tracer ces règles d'hygiène spéciale. Auroient-ils con-
aumé un temps précieux à ces méditations , ^'y sergient-
liS DES PHISONS.
ils livres successivement avec une ardéitr tbujônvl
nouvelle, les aufoîent-ils enfin publiés i^i- des époqne»
difrérentes, s'ils n'avoieut cm fermement à leur .utilité
ëi à -la possibilité de tes mettre en pratique? Mais ce
qu'ils ont fait p6ur tes marins et pour kssoldats^ pour-»
quoi ne le ferôit-on pas pour les prisonniers? Pour-»
quoi ne chercheroit-on pas quel est le genre de noar^
riture qui leur convient le mieux? La nonriritiire âani
les prisons né peut-elle pas ètre^appropriëe à Tëtat crà
met ordinairement la détention V et nrnérai! modifiée
suivant les différences qn'ent rainent encore les circons^
tances locales et les conditions partieolières à chaque
triasse de prisonniers ?
Les prisonniers, à raison de leur captivité et du
genre de leurs travaux ordinaires, doivent être rangés
dans la classe des ouvriers sédentaires. On sait que ces
iiommessont, en général, ceuxdowt la santé est la pliié
mauvaise , chez qui les digestions se font le plus diffici-*
fement et qui ont le plus besoin d'un bon régimrè dië-^
tétique; leurs altmeiis doivent être asftz nnnrrissans
pour réparer leur forces altérées par un (ravaU- assidu
et pénible , et , en même temp$9 d'une digestroii assez
fac.ite pour ne pas incommoder des hommes toujours
Renfermés dans des afïpartemehs étroitsetprivésd'airv
et souvetit forcés de travailler dans une posifioô gé-^
Yiante. Il en est dé même dés prisonniers, et ces condi-
tions de la nourriture sont encore plus essentielles
pout ttix que pdtir les ouvriers ordinaire^ , parce que
les causes qui les rendent nécessaires agissent sor eak
avec bien plus d'énergie encore. Je voudrois àttasl que
leur nourriture fâè choisie dû manièreà combattre ries
fune&tes eifetisde la captivité^ 6t du chagrin ^ Paittnie^
DU REGIME PHYSIQUE. x ag
la flaccidité de^ solides,, la . disposition aax affections
scorbqtiqueÀ où adynaaiiques. Peat-être seroit-il asse^;
facile d'atteindre ce but, dans âncon accroissement de
dépenses. Nous allons exposer nos vues à cc)l égard.
Un usage, fondé sur la loi , donne pour nourrîturt
ordinaire aux détenus, du pain et une ^upe. Je suit
loin de proposer aucun changement à ces dispositions,
qui me paroissent propres à remplir mes intentions ; et
même , s^il est un vœu que j'aie à fornieï*^ sous ce rap-
port, c'est qu'on exécute partout Tordre du législa-^^
tenr, et que, dans toute la France, les prisonniers aient^
tous les jours, la soupe qui leur est due, et ne soient pas
l*édults à la seule ration du pain.
• Mais , tout en approuvant ces bases , qui me^parois-^
sent suffisantes pour atteindre mon but , je Voudrois
qu'on les appliquât de la manière la plus favorable à
la santé deis détenus, et qii^on leur fit trouvek*, tout à la
JTois, dans leur nourriture , Taliment nécessaire à leur
existence et un préservatif contre les maux qui les me-*
nacent continuellement. La soupe , qui £ait partie né-*
cessaire de ce régime, est susceptible, par sa composi-
tion, de remplir très*faciiement cette indication ; la
nature des légumes qu'on y fera entrer, et dont une
partie peut se cultiver dans la prison même , me sem-
ble un moyen très-puissant, soit comme préservatif,
soit même comme curatif , que Ton ne doit pas négli-
ger. Le choix des viandes est encore loin d'être indif-
férent , puisqu'il en est qui disposent précisément aux
maladies qu'on a le plus à craindre dans les prisons. II
est donc vrai qu'on peut , par le choix des denrées que
l'on emploiera à la confection de la soupe, lui donner
des propriétés plus ou moins convenables à ceux ppur
9
i3o DES PRISONS.
qnî elle est destinée. Cela étant , ne seroît-on pas réelle-
rnenl coupaBlè, sî on ne s'applîquoît pas à lui donner
celles qui peuvent étfê' utiles aux prisonniers? C'est
ici le Heu d'entrer dans quelques développemens.
En général , là sôupé des prisonniers devra avoir
pour objet de neutraliser les résultats fâcheux de la clô-
ture perpétuelle , du peu d'exercice que prennent des
déténus, et de l'effervescence ordinaire de leurs hu-
hfieurs. Il me semble que beaucoup de végétaux frais
doivent y entrer, et qu'on doit surtout choisir ceux
dont l'effet est de purifier la masse du sang et de
calmer Tirritation des nerfs , toujours exaltée par le
chagrin et par le genï'è de vie des prisons : c'est au
niédecin, dans chaque ville, ou même dans chaque
'ariondîssement,*a încfiquer, concurremment avec les
autorités que ce soin concerne, celles des plantes indî*
^ènes, qui lui paroîtront les plus convenables» et les
liioins difficiles à se procurer. On aura surtout égard,
pour celte prescription, aux circonstances du lien, de
la position i et des maladies endémiques ordinaires, à
la contrée ou à la prison. On aura soin également de
déterminer les viandes qui devront être exclues, comme
ifnalsàines , de la fourniture des bouchers : ces précau-
tions seront suffisantes pour le règlement général.
Mais il sera bien d'examiner ensuite, surtobt dans
les prisons considérables, comme les maisons cen-
trales , si tous les prisonniers devront manger la même
soupe. Les mêmes raisons qui nous ont déterminé
à réclamer leur division, relativement à la quantité
de la nourriture, subsistent, pour nous y engager de
même pour la composition de la soupe. Celle qui con-
viendf oit aux enfans , ne sera probablement pas celle
DU REGIME PHYSIQUE. .i5i
qui seroit boqne pour les hommes faits .on .pour les
vieillards. Pourquoi n'y mettroit^on,pas lesdlffércinccis
qtie cçs circonstances comnian^nl? Objectepa*t-on
le surcroît d^nibarras q,u!entraineroit la confection
de trois soupes diCTerentes? Mais quel est le caisinieir
qui ne suffise* très -facilement à une besogne ao^i
simple? Craindi:oitf-OQ une /augmentation de de'pensf},
à raison du plujs grand nombrede vaisseaux qu'il fau-
droit échauffer? Cette crainte seroit mal fondée, puis^
qu'un $eul fournea4i , rempli de charbon de terre , hetft
échauffer à-la^fois , par plusieurs orifices , cinq à six
chaudières qu bassins : on en a des exemples dans
beaucoup d'établissemens publics. C'est donc sans rai-
son valable , qu'on se refuseroit à une amélioratipn»,
qui, sans aucune. augmentation dans les dépenses , eét
capable dC) produire de très-grands avantages.
Qua^it au pain, objet. principal de la nourriture,
on ne rpeut.pas lui donner de qualités ^particulières :
.celles .qui lui sont .propres sont assez salutaires pour
qu'on s'en contente; niaifi^il faut qu'ilôt bien con-
.fectionné avec.de bonne farine. Le mauvais pain est
un alinieut dangereux; et, .comme c'est le fond de ki
nourriture des .prisonniers , on doit veiller, avec le
• plus grand soin , à ce qu'il soit de bonne qualité.
La nourriture des prisonniers se composera donc du
pain y à La. dose qui seraTixée , proportionnellement^
l'âge des prisonniers ;• par exemple , une livre et demie
pour Jes ^nfans, et deux livres pour les adviltes, et
d'une soupe , tantôt aux légumes , tantôt à la viande.
,Ici la division religieuse de la semaine nous pai*oit
bonne à suivre, même sous les rapports physiques. 11
• est bon de couper chaque semaine par deux jours,, où
i32 DES PRISONS.
la nourriture soit toute végétale : les autres jours, la
soupe sera composée de viande et de légumes. M. le
docteur Pariset a rendu sensible l'avantage de faîfe
concourir la gélatine , extraite des os , avec la viande ,
|)Our la confection de la soupe grasse : il a démontré ^
qu'en substituant une foible dose de gélatine à une bien
plus grande quantité de viande, qu'on pourroit ainsi
soustraire à Tébullition, on auroit une soupe aussi
bonne, et beaucoup de viande de reste, qu'on pour-
roit faire rôtir; et, ci^mme la viande rôtie ne perd
qu'un tiers de son poids , tandis que la viande bouillie
se réduit de moitié , les prisonniers y trouveroicnt ,
tout à-la-fois, une nourriture plus succulente, plus
copieuse et plus agréable. Ces avantages précieux doi-
vent engager à introduire, dans toutes les prisons,
l'usage de la gélatine : son prix modique ^ et la grande
quantité de substance nutritive qu'elle contient, la
rendent infiniment ntile. On a calculé que deux onces
de gélatine, qui ne reviennent pas à cinq sons, nour-
rissent autant que trois livres de bœuf; il est aisé de
voir par là combien son usage est avantageux. Toute-
fois, il ne faudra point la substituer entièrement à la
viande ; les prisonniers y perdroient la nourriture so-
lide qu'ils ont encore après la soupe, et , si on emploie
la gélatine pour faire la soupe , ce ne doit être que
pour avoir le moyen de conserver plus de viande à rô-
tir. On sentira l'utilité de cette réserve , en pensant
qu'elle sera, en grande partie, applicable à l'infir-
merie.
Les jours maigres , on réservera tous les légumes ,
qui auront servi à faire la soupe , pour que les prison--
niers les mangent ensuite ; et la soupe se composera dti
DU REGIME PHYSIQUE. i33
paîn, trempé dans l^eau, qui aura été employée pour la
caisson des légumes, et qui sera assez chargée de leur
substance, pour faire un bon bouillon. ,
Les boissons sont encore an puis^sant moyen de pré-
venir, ou de repousser des affections dangereuses. Le
ym , pris modérément , et dans les circonstances con-^
venables, a des qualités que rien ne peut remplacer
et qui le rendent précieux , sans que son usage jouma^
lier soit indispensable. Quant aux autres liqueurs fer^
meotées, elles peuvent quelquefois être bonnes, comme
anti-sepliques, mais on n'en doit pas désirer l'usage
habituel pour les prisonniers , parce que leur utilité ^
comme breuvage ordinaire , n'est pas bien reconnue :
d'ailleurs , la raison d'économie ne permettra guère
d'en fournir aux détenus. La. boisson générale ne pourra
donc être que de l'eau ; il nous semble même qu'on
n'en doit pas fournir d'autre aux prisonniers.
Mais, comme les liqueurs fermentées. peuvent être
utiles dans certains cas , et qu'il est des hommes aux-
quels l'habitude les a rendues presque nécessaires , il
devra être permis aux prisonniers de, s'en procurer à
leurs frais : cette permission ne pourra jamais s'éteur*
dre aux liqueurs fortes et distillées; jamais on n'en
doit souiTrir l'introduction dans les prisons. L'èau-de-
vie. Tes liqueurs de cette famille, et celles qu'on en
compose, loin d'être jamais utiles, sont toi^jours peir-
nicieuses pour la santé; elles détruisent l'estomac, en-
ildniinént le sang, augmentent T irritation. nerveuse,
et favorisent ainsi le développement de presque toutçs
les maladies qui désolent les prisons. On doit donc les
proscrire entièrement
Quciiit aux liqueurs fermentées, il esi si facile d'on
i34 Î>ES PïllgÔNS.
aËuser, qae leur emploi doit méfne être scM^is à une
surveillance ri^goureiise et à des règles exactement ob-
servées. Le vin , par exemple , la plus salutaire de
toutjes'ces liqueurs, est la cause la plus générale et la
plus commune de l'ivresse : contment parvicndra-t-ori
à en garrantir toujours les prîsomiîers, si on laisse du
vin à leur disposition ? Sera-ce en fixant la quantité
que chaque prisonnier ftourra s'en procurer chaque
jour? Ce moyen seroît bon, s'il ii'étoit pas aussi facile
de F'élodert en achetant du vin sous plusieurs noms.
Celui qui auroît plus d'argent que les autres, se pro-
curerbît aisément dés prête-noms, qui , pour un foîble
partage, lui feroient avoir autant de vin qu'il en pour-
roît désirer. De cette manière , il seroit impossible de
prévenir l'abus dont nous voulons nous garantir, et les
règlemens les plus sages pourroient se trouver éludés.
Pour , empêcher cet abus, il n'est qu'un moyen, qui
paroîtra peut-être rigoureux à certaines personnes»
mais qui me semble indispensable , et pris dans l'in-
térêt même des prisonniers. Le vin , pour être utile ,
n'a pas besoin d'être pur; un mélange d'eau, à juste
proportion , né le rend même que plus sain , et pré-
vient toute possibilité d'ivresse. Je voudroîs donc
qu'on ne permît de vendre aux prisonniers que du
virt mêlé d'un tiers d'eau , ce qui n'empêcheroît pas
de fixer encore la quantité que chacun pourroît s'eh
procurer. Au moyen de ce règlement, on pourroit
laisser jouir les prisonniers de l'usage du vin , avec ses
avantages^ et sans aucun de ses inconvéniens.
Nul n'auroit le droit de se plaindre de cette mesure.
Si le régime commun de la prison doit se borner aux
choses nécessaires, l'utilité doit être la règle des per-
DU REGIME PHYSIQUE. x35
missiops qu'on accordera aux prisonniers, à reffet d y'
ajouter un supplément. On ne doit leur laisser la fa-
culté de se procurer que des alimens pu des t^pisson$
qui puissent être utiles, et surtout qui ne puissent ja-
mais être nuisibles. Les permissions qu'on leur accor-
dera ne- doivent pas seulement avoir pour objet de
leur procurer une jouissance , mais de leur procurer
une jouissance profitable : à plus forte raison encore ,
ces permissions ne doivent contrarier en rien le bon
ordre et la régularité de la discipline, autrement'elles
deviendroient un mal réel. Ainsi on ne devra jamais
permettre aux prisonniers de boire ou de manger hors
des heures destinées aux repas : une légère infraction
à cette règle transformeroit bientôt la prison en une
scandaleuse taverne , où les journées entières se passe-
roient en débauches. C'est assez faire entendre qu'on
doit en chasser absolument ces cantines permanentes ,
sources fécondes de désordres pour les détenns, de p;*o-
fils illégitimes, et de véritables exactions pour les geo^
liers. Des voix éloquentes se sont déjà élevées avec
force contre une tolérance aussi funeste, qui devroit
être révoquée , pour le seul inconvénient que i?ous si-
gnalons en ce moment, celui de fournir un aliment
continuel au plus bas des vices, si beaucoup d'autres
raisons , plus fortes encore , n'en commandoient ini-
périeusement la suppression.
Au lieu d'une cantine , tenue par le gardien , je vou-
drois que l'on permît à plusieurs marchands, ri^çqf
et agréés par la commission des inspecteurs, de verjidre^
à l'heure des repas seulement, aux prisonniers, qnelr
qnes alimens et quelques boissons particulière^ , <\ut07
risés par les règlemens. Ce marché , qui auroit lim en
i36 DES PRISONS.
présence d'nn employé , seroit a$suj[éti à tontes jtesme-^
sures dé précautions nécessaires ponr prévenir les ajbn;^
qui pourroient s'y glisser : le gardien n'y anroit d'autrç
rAie que celui de surveillant. Quant aux prix, ils se-
roient fixés, semaine par semaine, d'après une mer-
curiale , et affichés dans les ateliers et préaux : on évî-
teroit ainsi tous les ipconvéniens des cantines des
prisons , Tinvitation continuelle à la débauche , les
exactions , le monopole , et la dissipation subite des
foibles ressources, que Içs dét^nuji se procurent par leur
travail.
£n permettant aux marchands accrédités d'arriver
jusqu'aux prisonniers directement , pour leur vendre
certiiines denrées, il faut prendre garde que ces com-
munications ne deviennent dangereuses ,^ et ne four-
nissent aux détenus , soit des moyens d'évasion, soit
seulement la possession de certains objets prohibés^
C'est par la craitite de ces inçonvéniens, qu'on a cru»
jusqu'à présent , devoir laisser aux geôliers le monopole
des comestibles. Mars il seroit facile de les éviter, avec
un peu de soin, et en employant certaines précau-
tions, pour régulariser less^chats de bors^nset de vivres,
que Ton pourra permettre aux prisonniers. Les mar-r
chands n'auront jamais ta permission d'entrer dans 1^
prison proprement dite , c'est-à-dire dans la partie
des bâtimens occupés par les prisonniers, mais ils de-^
vront s'arriêter dans le prëaq extérieur, ou préau de
séparation. Chaque atelier, dans le plan que nous pro-
posons, ayant un de ses rnurs commun avec ce préau ,
on y ouvriroit une tuearneon œil de bœuf, suffisant
seulement pour le passage des objets, q^ne (es marchands
pourroient apporter aux prisoniiieri. Dans les prispn^
DU REGIME PHYSIQUE. 187
coo3iroites sur un antre plan , et où les ateliers né
donneroient point sur un préau extérieur, on établi-^
roit ces lucarnes dans un corridor, dans un réfectoire,
on dans 'tout autre appartement placé convenable^
ment, et les prisonniers y seroient admis à Thenre
fix^e pour la vente ; les marchés se feroient par ces ou*
vertnres , qui seroient assez élevées au-dessus du sol ,
pour qu'on ne pét y atteindre du préau sans faire un
certain effort. De cette manière , on verroit toujours
facilement ce que les marchands introduiroient dans
rinlérienr, et ils ne pourroient jamais rien donner
aux prisonniers , à Tiusu du gardien ou de son préposé.
De leur côté , les prisonniers, se trouvant dans les ate*
liers, toujours exhaussés au-dessus du soK verroient
très-bien toutes les marchandises, mais.ne pourroient les
atteindra , de sorte que les marchés se concluroiént de
part et d'autre, en connoissance de cause, et sans mo-
tif d'inquiétude.
Ces lucarnes auroient f/^ outre l'avantage d'établir,
dans les ateliers , un cour^Éht d'air, qui y est indispen-
sable. D'ailleurs elles seroient sans danger pour la sa-
retéy quelques barreaux de fer, de bons contrevents,
et surtout les dimensions de ces ouvertures, suffiroient
pour prévenir tout inconvénient.
.J'avois d'abord pensé que Ton pourroit se passer de
réfectoires, c'est-à-dire d^appartemens spécialement
consacrés aux repas. Les dangers de la réunion des pri*
sonnierasur le même point, l'accroissement de dé-
pense que nécessiteroit cet établissement, et la crainte
que des motifs rigoureux d'économie ne forcent à y
sacrifier, ou seulement à ajourner d'autres améliora-
tions non moins précieuses, m'avoient amené à cher-
i38 DES PRISONS.
• • •
cher, si Ton ne pourroît pas suppléer à Tusage des ré-^
fejctoîres, au moyen dçs ateliçrs,qjiî fournissent d'eux-
mêmes june répartition des prisonniers commode ei
permanente : ce plan n'a pas obtenu le suffrage 4u
Conseil général , et je n'hérite point à y renoncer. Les
réfectoires ont des avantages, qu? rien ne peut rem-
placer^ pour la régularité, dont il est $i important à%
faire une habitude avix prisonniers, pour la possibilité
de distribuer commodément et avec ordre les alim^Qs,
de faire observer un silence rigpi^reux , et d'occuper lô
temps des repas par une lecture instructive et /édifiante:
D'un autre côté , il serQÎt fort difficile f. même avec les
plus grands soin^., d'entretenir une exacte propreté
dans des ateliers où les prisonniers pr^ndroient leut
nourriture. Sous ces divers xapport^, on ne peut donc
que recommander l'usage des réfectoires; et. je me faiç
un devoir d'abandonner un projet , que j'aurois peut^
être hésité à proposer, si je n'eusse cru y trouver iin
moyen de faciliter et d'acc^^er la réforme du système
des prisons^ ^
Quant à l'inconvénient de réunir les prisonnier^
dans le mêqie lieu, qui me paroît toujours menaçant
pour la tranqmllité générale , on pourroit l'éviter, en
divisant le réfectoire en plusieurs sections. On choisira
entre ce ^loyen et les césures d'ordre et de sûreté ,
que nous avons indiquées , pag. 42 , à l'occasion du
jiassage çt du séjour des prisonniers dans le lien destiné
aux leçons de l'instituteur et aux exercices r#)igieuxv
Des précautions spéciales seront toujpurs ii^cessaires à
^instant des repas, surtout dans les prisons d'une po-
pulation considérable.
DU REGIME PHYSIQUE. iSg
PARAcnAFHE DËUXiiME. Des vêteifnens^
Les vétemeaa sont encore un objet très -important
dans le régime physique. La santé des prisonniers, le
bou ordre et le maintienméme de la discipline y sont
intéressés. On a vu , lorsque nous traitions de la disci^
pliae , combien des vétemens uiiiforipes et faciles à ^
reconnoître, sont utiles dans une prison; mais s il est
à déârer qu'ils présentent aux fonctionnai i*es chargés
du maintien de la tranquillité, les moyens d'atteindre
ce bat plus sûrement , il ne Test pas moins que les
prisonniers y trouvent la commodité et la salubrité
convenables^ et qu'ils soient suffisamment garantis
contre les rigueurs de Thiver , sans être obligés de gar-*
der l'été , des vétemens bous pour le temps des froids i
mais incommodes et même dangereux pendant la sai»
son des chaleurs.
L'expérience des plus habiles médecins a établi que
Inùe des causés lesplusfctives du typhus, ce redoutable
fléau des prisons et des camps , étoit l'accumulation
d'habits en laine , dans un endroit fermé et habité par
deshommei^. La facilité avec laquelle la laine se charge
de tous les produits de la respiration et delà transpira-
tion, fait, des étoffes qui en sont composées, dtf véritables
foyers de Contagion, quand ellesont été imprégnées de
ces miasmes délétères. Ces dangers ne sont jamais
plus imminens que dans l'été, où la chaleur plus ^
forte développe des émanations plus abondantes, que
l'air, privé d'élasticité, ne peut chasser, comme dans les
gelées de l'hiver. C'est donc surtout en été, qu'il faut
éviter de déposer des vétemens de laine dans les cham-
bres habitées par plusieurs personnes. Heureusement
,4o DES PRISONS.
aussi, la chaleur nous force, à cette époque de Tannée;
à quitter les vêtemens chauds , dont nous ne sentons le
besoin que lorsque la saison , devenue rigoureuse , leur
ôte tout danger. Admirable combinaison de la boiité
divine , qui nous avertit, par les sensations purement
physiques, delà convenance ou des dangers de nos
habillemens ! Cet avis de la nature ne doit pas' être
perdu pour les prisonniers; il faut leur donner, comme
aux antres hommes, des habits d'hiver et des habits
d'été , et , si , ce que je ne puis croire , Tintérét de ces
malheureux ne suffisoit p«'iSi,pour déterra iner au surcroit
de dépense, que nécessitera cette amélioration, c'est au
nom de la société toute entière que nous solliciterions
une réforme, qui la délivrera de \a crainte de voir, à
chaque instant, la contagion sortir de ces*prisons, que
notre avarice auroit refusé d'assainir. Cette dépense
sera d'ailleurs si légère , eu égard à l'utilité qu'on doit
en attendre; que l'épargner seroit une économie anssi
. frivole qu'imprudente et inhumaine. Ce seroit même
un faux calcul pour l'économie^ car les maladies pro-
duites par les vices de l'habillement coùteroient bien
plus en frais de cûrë , que la fourniture des vétemens
convenables» Voici au surplus les règles que l'on pour-
roit suivrife à cet égard.
Les prisonniers seront tous vêtus de même, qqd
que soit leur âge; les femmes même seront habillées
des mêmes étc^es que les hommes, et la iorme seule^es
vêtemens distinguera les sexes. L'hiver , tout rhabille-
ment sera composé d'étoffes de laine, teintes d'une
couleur uniforme , et qui sera la même pour les hom^
mes et pour les femmes. Dans l'été , une portion de
l'habillement sera en toile de chanvre , mais il y eia.
DU REGIME PHYSIQUE. i4i
4iara tobjours une partie en laine , surtout dans left
départ emens septentrionaux. La forme devra égale-
ment ètredifTërente suivant la saison , et propre à te^
nir chaud en hiver et à ne point surcharger en été.
Ainsi, Içs hommes, qui se contenteront, Tété, d'une
simple veste à manches en laine , et d'un pantalon de
toi tel, auront en outi'e, l'hiver,^une capote et un païiUft-
Ion de la même étofle de laine. A la même époque,
les femmes recevront une camisole semblable. Dans
rété, un seul jupon de laine et une camisole de toile ,
pourront ftire leur habillement. Les habits d^hiver
resteront tout Tété dans le magasin , et ne seront ren-
dus aux prisonniers qu'au commencement des gelées
seulement.
Ces vêtémens doivent être uniformes , nous l'avons
déjà fait voit ; mais le choix de la couleur qu'on leur
donnera n'est pas indi£férent. On doit faire en sorte
qu'elle soit solide, éclatante et facile a distinguer, de ma-
nière qu^on reconnoisse, sur le champ, un prisonnier à
Thabit qui le couvre. La couleur rouge , par son éclat
et sa solidité est très-propre à cet usage ; mais, comme
elle est affectée aux galériens, et que rien n'est indiffé-
rent dans les (caractères extérieurs des peines , il faut
éviter de confondre avec eux les condamnés à la réclu-
sion ou à l'emprisonnement.
La couleur jaune paroit convenir parfaitement à
cette destination. Eclatante et peu susceptible de chan-
gement , elle auroit l'avantage de faire voir de loin et
même dans l'obcurité, les prisonniers, qui en seroient
revêtus. On y trouveroit donc la plus grande facilité
pour surveiller tous leurs mouvemens , soit dans les
ateliers , soit dans les préaux , et pour les apercevoir
i4o DES PRISON&
'tde plus^aiii'^ s'ils cbercihoierrt à s'évader , tandis cpi'im
iiabit d'une coiiletir terne lenr doaneroit bien plus de
tnoyeas de se soartraireà la surveillance ou aux recher>-
ches. La couleur ^aune ia encore l'avantage de n'être
yportéCi'paraHCiine classe delà société, et, en la donnant
aux prisonniers , oa 'n'a pas à craindre d'avilir un
iiabit honoreible. 'Elle ^evîendroit donc le caractère
r^écîfique des prisonniers, qu'elle empêcheroit de
•confondre jamais avec aucune autre personne.
» D'un autre c6té le choix d'une couleur inusitée,
'<jon»me'leJaune,1eurrendroît les évasions très*dif&ciles
et très-périlleuses , en leur ôtant la ressource d'échanger
'leurs vétemens conti^ d'autres , dans le cas où ils se-
roient parvenus à échapper aux recherches, pendant les
'premiers moment de leur fuite. Qui voudroîtse' charger
d'un^habit infâme et dangereux, et s'e^poserà^élre pris
pour un condamné fugitif, -ou signalé comme- le« com-
plice de «on évasion ?
• 'On peut encore rendre ces échanges plus imprati-
«cables, en imprimani a^<K habits des prisonniers un
second earactère^pëcifique^ celui de^a forme, qui ser-
virdit encore à les faire reconnoilre , dans le cas, sans
doot« très-rare, où un prisonnier, échappé depuis
qtiéiqnè Uemps , seroit parvenu à changer la couleur
de son habit au moyen d'une teinture. Pour t cela, il
'faudroit adopter- une coupe différente de< celle des véte-
mens que portent les personnes Mbres , et difficile à dis-
simuler^ LeS' moyens d'exécution rentrent dans les
fonctions de l'ouvrier ; il- a suffi d'indiquer ici ces pré-
caution»d'une mapière générale.
Ces règles seront communes aux hommes et aux
ifemmea.,- lésions ^t les autres porteront, comme on
DU REGIME PHYSIQUE. 143
»Ta vn, les mêmesiéloflFes, et Totî potirra suivre, dans la
coTifectîon, de leurs, vêteïnétis les ïnâîcatîoTis qîîe nous
avons données. Les toudâiimés ne'p'oui^rônt se dîispen-
seride porter ce cdstiYiYi^. Quant àiiîç prévenus , il se-
roit înjti^e de les y astreindre d^urie 'rhanîère obliga-
toire. La ptésômptîon de leur innocence ne permet
pas qu'on les force de porter , avant le jugement , cette
livrée du criitie- ïls conserveront 'donc toujours le droit
de se vêtir d'hal^hs ordinaires, et dVn faire venir du
dehors , sous Tinspection du g;ardieh. ' Cependant ,
tomme les habita, avec lesquels ils àùroh't été arrêtés,
dévrôrtt ordinaîrèàient ëtçe mis en réserve , comme
pièces de côrivîctiôft , et que, soit par cette raison , soit
par dënitfnent , ils pbùrroiènt se trouver privés , tem-
porairement'ou' toujours, des vêtemens nëcessâîres ;
toutes fés ibis que lés habits qu'ils aùroîent né suffi-
ront pas pour les vêtîr cônlplefttcméhf , ' on devra y
suppléer, e'ù leur fo'urnissatit, sur lé mobilier de la
prison', déé'têteméns'suffisans pour les mettre à Fabri
deVîncféttiencé des saisons, et leur procurer une ténue
décente.' Lé coéûr saigné et la pudeur gémit, à la vue
de ïûâthedreux priisonriiers , dont quelques lambeaux
épàfs déguisent à peiné la hudifé.'Cet' état déplorable
n*est pas inoinspernîcîëiix que contraire au boii ordre ,
et il est toujours 'de la nécessité la plus urgente de le
faire éeS3er, quand 6n n'a pu le prévenir.
'Les niênies motifs régleront la conduite de Taclmi-
ili^ration dans la distribution rfu linge. Si des vête-
mens appropriés à la saison sont nécessaîreis a toutes
les classes de détenus ^^ le .besoin de. changer de linge
est encore plus pressant , soit dans l'intérêt privé des
priâonniiers , soit dam celui <le la santé générale. C'est
i44 DE!â PRISONS,
an défaut de linge blanc qu'on peut attribuer un grand
nombie d'épidémies; il est donc urgent de préserver
contre te fléau la société toute entière. Les ^prison-
niers ne devront pas garder plus de huit jours leur
linge de corps» ni coucher plus d'un mois dans les
mêmes draps., Condamnés et prévenus, tous doivent
suivre cette règle générale. Il leur est permis de se ser-
vir dé linge à eux appartenant , mais en se confor-
mant au règlement pour les époques de changement.
Ceux qui n'auroient pas assez de linge pour en chan-
ger aussi souvent , en recevront de la maison, dont ils
seront tenus de se servir. Comme Fobservation de ces
règles intéresse directement Tordre public , on y tien-
dra strictement la main. Toute contravention sur ce
point sera punie de peines de discipline.
Ces détails, et surtout Tinspection sur le lavage et
l'entretien du linge ne pourroient convenir aux ad-
ministrateurs ordinaires, dont nous avons plus haut
demandé l'institution» Ce n'est qu'à des femmes qu'il
appartient de prendre ces soins assidus et minutieux,
dont le genre de leurs connoissances et leur active et
obligeante charité les rendent plus capables que les
hommes. Je proposerois donc de confier l'adneiinistra'-
tion du vestiaire et de la lingerie à des dames charita-
bles, qui se livreroient à cette régie, sous la direction
des inspecteurs. Ces mères des prisonuiei's ne devant
être revêtues d'aucune autorité, nous n'avons pas dû
en faire mention dans la nomenclature deé fonction-
naires chargés de la surveillances des prisons.
PABAQBAFHE TROISIÈME. Vu COUcher,
Lfi but de l'administration dans la disposition des
DU REGIME ^PHYSIQUE. {4^
prisons^ Toe doit pas être d'accumuler le ptu^ {jf^nd
oomj^re d hommes possible dans uû espace (^QQoé i
naais de feire ea sorte que tous ceux qu'il dpit copr^
tenir puissent y loger , san^ s'incommoder mutuelle-
mÊBt et surtout sans empoisonner l'air , quelquefois sjl
raret qp'on y respire. Comme c'est surtout pejadapt 1^
nuit que les émanations des corps sont plus abQndap.te«
et plus pernicieuses, c'est aussi sur les lieux où les pri-
swniers doivent passer ce temps » que l'atte^Uoa doit
se porter plus spécialement. Les observations i^e noua
avo0s à £aire sur cet impartant objet, rouleront donc
sur deu% poiots principaux , la disposition et l'ei^tre-*
tiea des cbaaibres ou dortoii^ , et la manière don^
clique Ut , individuellement , doit être tenu*
]!fans ^vons déjà fait sentir un avantage de la soli*-
tude Qocturne , povu* le maintien du bon ordre ; c^
Q$a|^ n'est pas moins nécessaire dans l'intérêt de la aalu-
brilë. RLen n'est plus propre à vicier Talr, à faire naître
et i propager la contagion que la communauté de cou*
cher. D'aîUeiirs la désastreuse facilité qu'elle donne y
point multiplier outre mesure le nombre des prison,-
«iers que peut contenir chaque dortoir, est une .non-
yeUe raison pour ne pas cesser de réclamer une di-
vision des pri^n^iers , qui leur assurera toi]joqi:s un
Ipgement plus spacieux ^<yielques effortSique l'on fasse
pour en mettre le plus possible dai^^ I^ mèçie prisoj).
Sans doute I cette grande réformuç entraînera de^
dépenses nouvelles , surtout si elle force d'agrandir
TeoM^einte de certaines prisons, ou d'ea cpnstruire dei
nouvelles pour suppléer à ri^ufBsance de celles qui
existent; peut-être un légef surcroîjt d'iinpdts sera-t-il
i^iMM^e pour y parvenir. M^ cas coQsidçration^ *
lO
tJ6 DÈS MISONS.
ce me semble , ne doivent pas faire reléguer pstttâ
les théories impraticables ^ une amélioration, dont l'u«
tilîté est si généralement reconnue. Quand les classes
les pins heureuses de [a société détacheroient quelques
diamans de leur parure et retrancheroient à leur
table quelques snperfluités , pour sauver les détenus
des dangers de la contagion et de ceux de ta cornip-'
lion morale, quel impôt seroit plus juste , plus res*-*
pectable, que cette contribution imposée au luxe en
faveur de Tinfortune? C'est surtout dans Tintérét des
hautes classes que le législateur cherche à prévenir et
à réprimer la plupart des ci*imes , c'est à ellesà subvenir
aux dépenses qu'entraînent leur poursuite et leur pu-
nition ; et l'impôt destiné à Tamélioration des prisons
devroit surtout frapper sur les superfluités du luxe ,
qu'elles sont en grande partie destinées à garantir.
Si Tétat des finances permet un jour d'exécuter le
voeu que je forme, et j'en ai la douce espérance, cha-
que prisonnier aura une chambre particulière et y
sera toujours seul , pendant la nuit. La nécessité de
la surveillance exige que ces chambres ou cellules
soient toutes de la même grandeur, placées sur la
même ligne et toutes accessibles à Tœir du préposé ^
qui couchera dans chaque corridor, où les chambres
donneront d'un côté et de l'autre. Un corridor et les^
deux rangs de cellules formeront un dortoir, corres-'
pondant à un atelier, dont il sera la contre- partie. Cha-
que cellule ne pourra contenir qu'un lit , et ce lit sera
assez étroit pour ne pas admettre plus d'une personne ^
mais asse2 large pour lui laisser une juste liberté de
mouvemens. Qn aura d'ailleurs le soin de fermer la
porte de chaque cellule au moyen d'uae grille en bois^
DU RÉGIME PïttîSlQUE. i^j-
garnie crtm 'rideau de toile. Le prisonnier* ffeMirra oi?-^
dinairement ouvrir dette gritle lui-métne , mais' en
fK>urra la fermer en' dehors, quand on le croira néces--
$aîre. Il est bon aussi que les dortoirs soient toujours
éclairés pendant la nuit, tant pour la facilite de la^mv
veiHatbce que pour la commodité des prisoanîers*. -
Ces dispositions générales et pe^rmarventes ne sali&«
roient pas à elles Seules pour 'assurer la salniifjté.dea'
dortoirs. Il faut y joindre des précautions, quefr«expë^
rience a fait regarder comme iudispensabIes.'Môu^ eii
avons déjà indiqué plusieurs , eii parlant âes moyens
d'entretenir la salubrhé en général : tels sont le sohi
de laver plusieurs fois dans l'année , à Teau de ^ciiaurf
les murs, les plafonds, les lits^et toutes les boiseries;
de placer , comme dans les ateliers, des véntilateort
dans les angles les plus élevés de la pièce, et, dans cern*
tains cas, de faire des fumigations aciduleSr propres à
neutraliser ou à absorber les miasmes putrides,. qn€
l'air tient toujours en dissolution dans les lieux habi-^
tés. Mais le détail de ces mesures d'hygiène appartient
à la médecine ; c'est aux savans qui la professent qu'est
réservé le droit de lès prescrire; et, satisfait d'avoir in--
diqoé les points sur lesquels on devra recourir à leur
expérience, je me hâte de rentrer dans mon sujet>
en traitant des soins qui sont du ressort de i'admims>'r
tration pour le maintien de la salubrité.
Les dortoirs étant disposés et assainis, suivant toutes
les règles de la prudence et de l'art , on devra tenir la
main à ce qu'ils soient toujours entretenus dans un
état de propreté qui ne rende pas infructueuses les pré*
cautions qu'on aura prises , lors de leur établissement.
C'est par des soins jpumaUers qu'on obtiendra cer^sult^
les clMmb^>f»nett^4eifet j«&fi^tFflSQ]}|(çe^^
que saison ique icie mt t'w m^Fi^ ^ilfffHft l# fi^
graoiie attention à n« bi^P ^jouni^f 49W Iff I^H-?
meBS aucune mslfvrQpristé.
Qoaiil au coucher eo l^i méi^ t U sepr^ '^W^.im^J
é'uiie couchette en bois, 4'ui»p (^i|(jm^a 4>ji|ltr^7er-
•ia , d'ww paire de éf^^ ^4'\mp(0i^ ^Pi^ KQMKierJKAf/^
en faune, 6|]ivant la l^ifo» ^t h J^Mno^t q^uf t^i^ii^
ia>a «<i)4e U prwn- ftn *»W 9pîp ^ r^pWYeler t^u»
kd c|u|i»9e )o)ij^ L? ^MMe iJe 1^ P9i)^9|$$p fl <îi> >r»y^§î»
fiCd'avoirqoeU|ues^fs cje r/eçhiGii^, PPPi^ PP}?Y4Mr H*
^r âOQces*! veipppi fit w wp» W WÇ j&>i? 9^ »pn^ 7 JVi?-
yeloppe de W paiU^ssp et dp |ra|/:çr?)fî fJe «^ag/a/e prir
eonuier* L^s dfap» ^pvroijt être lay^ e^ changés, 911
moins une fofe p^r TOo» , e^ niéipp plps spnyepjf, $f^ 1^
ntfcewté rey.ig€pU- l^f àf>Ttoîr^ puiji-jmêipe^ ?«W»i
fréqqeotivoent Ij^yës 9 graphe i^fi , et Ton ^pra t^jaJQim
eoiu d'en iaypir m ^\^wi4^nç6, ffij^fmi d^Pf te« ««?gpf
supérieurs 9 p<)ur les l>e§oîn^ ^^ 1^ prppr^é^
C'est eu Tèle de§ iosp^teuf$ et 9 l'e^fictjitqdç d^
gardiens et prép^^ésique sera rés^fv^ le sipip d'j^^smr^
la stricte exéirutioii ^.? to^tf s/çes ri^l^es , dos)t ^e Cffn^^fs^
[a pi^niière p»rtîe49 SÇgÎBRP physîqu/e ^ l'hy^îèpii i^A>
prisons.
CHAPITRE n. Du, r^me des prisqnniefs ^
' maladie.
' Les précautions les phis sages , les soins lee plus aaai*
dus ne peuvent prévenir tons lesacddens, j^xquels fitf
«xposée la santé des hommes, même dans Tétat d9
liberté. La captivité repd eaoor^ yliis fréquttititt I0
DU Rl^fMfe ftfV^UE. f4$
éffeé^né mmdSiyf^. Lé fêgimé t^tié iibn§nt»m&in^
àitj^t^ hbH (Jôûr con'^ér^ér là sâi^té , m p^i cou^éfrif
à ceai qfdf l'orit pérdèë. Il est d'aiUteitrs àk h p\tA
^fitndé imp6t*tafriicéy pdikv éniei là éoiitaf»?<ni , de n4
poSht Msser les mafàclè^ avec teût qai soût éftcôini
sains. If faut donc nécessairement qne chaque pftfkih
aH ifner infirmerie , 6i]i Ton cnverf à' , sans détei , tdns
les prîsdririi^rs doht la satitë parottrôlt altérée.
CcHMHenl céYfé pafrtie importante de la prison doii*'
élè^ëtte ctfristroîté et distribuée; comment lés pt\éb)Êk^
t^en y ééront-ils adr^is ëi traités, et qnèl^eS ^éi^èùt
Béir phrUMiiés c^à^^éës^ dé la desservir et de FadiVimis^
firër : t'est ce que nousf allons èxan^i^r dans les tf oié
sèfèlions sui-i^antes.
SEQtion rv Pu matériel de V infirmerie.
On se fappelfera que nous avons réservé pour Fin*
firmerîe le préau contenu entre les quatre ailes de bâ-
timent , qui forment la prison proprement dite : il
nous semble que cet espace sera suffisant pour y ééablir
une inûrmerie^ propo^rtionnée à ïa prison, et que
cette' position centrale sera avantageuse, sous plusieurs
rapports. La surveillance est toujours moins exacte
dans^ les infirmeries qne dans la prison commune :
là , on pourra s'en dispenser presque entièrement ; Tes
malades seront suffisamment gardés par la disposition
seule des lieux, puisque, s'ils parvenoient à s'échapper
de Tinûrmerie , ils n'y gagneroient que de retomber
dans la prison générale, où ils trouveroient toujours
nne surveillance active. Un autre avantage que pré-
sente cette situation , c'est la fadilité d'isoler de tous
côtés l'infirmerie des bàtiméns , en réservant tout au-
*5o ^ HE» PItt$OH3v
tour im«|irtfaa^ nécessaires soit pour là promenade de%
inaiadestf'fioit pour le service de Tinfirineirie ; enfin,
lesniatladés y jouiroient d'un cakne,.qni ne seroit trou-
blé i ni par le tumulte des autres prisonniers , aux
heures de délassement , ni par aucun bruit venu du
dehors. *
On pourra faire à ce projet une objection , qui ,
au premier coup d'oeil , a quelque chose de spécieux ,
mais qui ne me parent cependant point «fondée : on
dira qu'une infirmerie a surtout besoin d'air, et que
ce seroit l'en priver, presque absolument, que de l'en-
fermer dans une double enceinte de bâtimens» Pour
apprécier cette objection , il faut d'abord remarquer
que ces deux enceintes, dont on exagère les eflPets, ne
^sont pas assez rapprochées l'une de l'antre pour s'op-
poser simultanément au libre accès de l'air, et pour
en entraver, d'une manière sensible, la circulation.
Le large préau qui les sépare , suffit pour établir un
courant d'air, à l'intérieur, assez considérable pour
assainir la prison. Quant à la seconde enceinte , c^est-
à-dire aux bâtimens occupés par les prisonniers , les
constructions dont elle se composera , seront toujours
plus basses que l'infirmerie» à raison du plus grand
terrain qu'elles devront couvrir, proportionnellement
à leur population. Une prison doit être habitée sur
tous les points, et, par conséquent, il est inutile de
lui donner plusieurs étages, quand un seul suffit pour
loger tous les prisonniers. Ces bâtimens pourront donc
n'avoir, pour l'ordinaire, qu'un, ou ,. tout au plus,
deux ëtages : l'infirmerit , au contraire , resserrée dans
un terrain beaucoup plus étroit , devra , presque tou-
jours, en avoir un plus grand nombre. On pourra
ou RËGIMB PHYSIQUE. i5i
d^nUleurs , en exhaussant davantage le plafond des ap-
fiartenEiens , la faire dominer sur la prison , et , comme
«Ue en sera séparée, de tous les côtés, par une espèce
de cour, Tair y circulera toujours facilement^ les bâ-
timens de la prison n'intercepteront pas davantage les
rayons du soleil, qui arriveront toujours librement a
Tinfirmerie, surtout dans les étages supérieurs.
Quant aux dimensions de Tinfirmerie , elles seront
déterminées par le nombre de prisonniers que devra
contenir la prison , et la proportion présumée du
nombre des malades à la totalité des détenus^ On a re-
marqué , dans certaines prisons , dans celles de Paris
notamment, que le nombre des malades s'y élevoit
presque au cinquième, dans lequel entrent , pour un
treizième au total , les galeux. Cette proportion , qui
est très-forte , n'est heureusement pas une règle géné-
rale : j'ai vu des prisons très-considérables , dont l'in-
firmerie ne renferme pas le dixième de la population.
Le terme moyen seroit également éloigné de l'un et
de l'autre de ces résultats. Mais j ici , il ne s'agit point
de moyen terme; il faut calculer, non sur ce qui est
probable , mais sur ce qui est possible; et l'expérience
ayant prodvé que le nombre des malades peut s'élever
au cinquième, ce seroit s'exposer au malheur d'avoir
une infirmerie insuffisante, que de s'éloigner de cette
base. La prudence commande donc de disposer tou-
jours rinfirmerie pour recevoir le cinquième de la
population générale , et dans les prisons, où cette pro-
portion est ordinaire , de mettre l'infirmerie en état
de recevoir le quart des prisonniers , pour parer aux
ëvénemens imprévus. Il ne s'agit plus maintenant que
4e déterminer l'espace que demandera chaque malade.
iHi DES PRISONS.
p©tif connoltre exademetit la grandeur qwe doîf stmît
tiiïtstrùttie.
C'est tin principe admis, pènr la comstrnétîoù des
hôpitaux, que chaque malade dort avoir six toisds et
demie cubes d'air à respirer. On â crfcuié que cette
quantité étoît indispensable , ftiaîs sufltsatïte, pour ïes
)>esoins de la respiration , et qu^une qoâTitité moindre
^eroft trop promptement ahérée. Cette règle doit s'ap-
pliquer aux infirmeries, comfmc aux hèpîtatix ordr-
îiairés : elle détermixie ainsi d'afvanfce la dimension
des salles destinées aux malades, qcret qu'en sort le
lïombre. II est! d'àïHeurs looîonrs facile de la concilier
avec réïtehdue dtf terrain dont on- pettt tîîsposer, en
éïevant plus on moins le pfafond des salles , ftisqtï'à c)e
que l'on ait atteitit la proportion convenable r mats,
dans aocon casr, les saïles à deux rangs de lits ne doi-
vent avoir moins de vîiîgt-sept pieds de* fergenr, sa*-
voîr, douze pieds pour la longoenr des lîfs , et quinze
pieds d'intervalle entre les deux rangées de' Et's , espace
nécessaire pour le service de l'infirmerre. Quant à Ia(
longueur, elle est subordonnée au nombre des malades,
et doit être caktilée à raison de cinq pieds ejt demi par
chaque lit , y compris on întervafle de trois pieds entre
les lits, dont la largeur sera de deux pieds et demi.
Ces dimensions excéderoient la longueur du terrain
que nous proposons d'affecter à Pinfirmerîe, si Pon
voutoii réunir tous les malades dans une même salle ;
maïs rien n'empêche de lesdiviser ; nous verrons même
lo«t-à-rheure qu'il est enttre eux des divisions néces-
saires. Alors on aura récours aux éfrages supérieurs
•pour y .placer une partie des mafadès; mais an aura
soin d'observer que le séjour (fens les salles du haut.
DU RE6ÏME PHYSIQUE. xS5
ati^desstt^uè desqd^sf sfe t!^oi!iMrolkttt d^atftre^ sàllès
dëjà rempHëâ dé rtidlâde^, est moitié sain, à l'aison de
Fâ^enKsioA coiitiDu«lle â'éé rûissuïùés, (jfdi y eotrompent
1-air phis ^otâpl^fiïefît ef&t dsim h bas. tf fdudrd dodc
tetqoar^ j mmtë fi^ôihs de ^abd^s , priypof Hbûtiené-
mBât à U massé d'air, et y survèWer , avec plus d'af-
t^tîofi^ k pureté de cfè Hoide. Saîvaâft ta disp^sitioti
^ëraltè de l'infilt^erie , qm dépendra fonîotirs du
piaû adopté pQN># VêûsettMt de la prison , on pouriti
s'arrafvger, daM bdistrîbtilion , pour mettre, h moins
possibkf, tessaâiéidé i«ialad«i9 Ftnie au-dèsiâus de Fan-
tre, ât ker altériiet B¥€t kfs divers appafrtenhfens libres ,
dont on a hésaSm dûm toute infirmerie. Dans notre
pkaii> cettts ob^tvation ne reçoit pas une applicatf oà
nécessaire ; mais il a feikù prévoie te cas orf tin antre
plan seroit ^^vi , et tracer dés règles applicables à tous.
L^infirmériedèd prison^ se composera, !• des salles
destûiées au s^our dé tons les malades ; 2« d'une pbtir-
made; 3^ d^u«fé €hanrd[)'re de quarantaine, à laqtielté
sera smti^xée une ^tle de consohations ^ 4^ de salleà
de bains et pièees de décharge.
Les salles de malades doivent être divisées an moins
♦
en tFins parties : l'une , pour les maladies: ordinaires ,
qtri soM du ressort de Itf médecine , proprement dite ,
et q«i'on peut , sans inconvénient , réunir dans 1^
même loc^ , en prenant les précautions en usage dans
les hApitâux ordinaires; une autre pour lés ajfFections
exférîenres , qni concernent la chirurgie , et peuvent
donner Heu à des opérationsjjHenfin , une froisrème;
susceptible eïte-même d'iincn^Ptivision , pour les ma-
ladied contagîeoses> ou sotipçonnées^ de l'être, )et pour
celtes qui sont incompatibles avec Tordre et le calme
i54 DES PRiSOî^S;
qui doivent régner dM^isun hàpitalt tdletiiittexrëpi*
Jepsie. On plaeerolt, dans cette portion réservée , les
prisonniers atta<]ués de la gale y de la phiktsie pulmo*
naire, ou des maladies vénériennes. Qnant aox in-
firmes par vieillesse, on suite de maladie « commeils
né sont pas positivement malades, et qu'ils n'ont pas
tm besoin conjltant des secours de la médecine, on
peut leur assigner un local particulier, même dans le
bâtiment ordinaire des prisonniers. L'air par et abon-
dant est leur principal besoin , et on y anra pourvo , en
assignant pour leur logement la partie la plus saine,
la plus élevée et la mieox exposée du bâtiment. Les
n^aladies caractérisées , mais sans soupçon de conta-
gion , peuvent être rangées sous une règle commQnet
et réunies dans les mêmes salies.
La pharmacie consistera en un simple laboratoire ,
propre à faire des infusions , décoctions , et autres pré-
parations de ce genre , desservi , suivant le besoin qu'on
en aura, par un ou plusieurs hommes de peine 9 et ac-
compagné d'un dépôt, subdivisé en cave, grenier et
montre , contenant toutes les drogues dont le pharma*
cien devra faire usage.
. Pour la distribution intérieure et le détail du mobi-
lier nécessaire , on ne peut donner de règle plus sûre^
que d'inviter à prendre poqr modèle et à imiter sera-
puleusement les hôpitaux des principales villes de
France , et particulièrement ceux de Paris. En géné-
ral., ces établissemens ont été l'objet d'améliorations
très-utiles et très-biea^rigées , parce qu'elles ont été
confiées aux homniedj^BpIus capables d'en sentir la
nécessité , et d'en survemer l'exécution. Honneur aux
médecins » dont les lumières et le zèle ont concouru
DU REGIME PHYSIQUE. i55
^\me m^mière ^ active à la réforme des hâpitaux,^
qa^IIs avoient sollicitée avec tant de force ! Honneur,
aux Goavememens qui ont entendu leurs éloquentes
réclamations, et qui ont fait^ du séjour de toutes les
douleqrs. , les plus beaux monumens de la charité
publique !
En appliquant aux infirmeries les priaclpeè admis
dans les hôpitaux ordiiiaires , on évitera , autant que
possible , de mettre des malades au rez-^e-chaussée ;
^t , si Ton y e&t contraint , on emploiera , pour pallier
cet inconvénient , toutes les précautions qu*indiquent
la prudence et. la science médicale. Le plancher des
. salles sera suffisamment exhaussé au-dessus du sol; il
sçr^ pavé en dalles, avec une rigole, pour favoriser
les lavages fréqnens; les lits seront eux-méniçs élevés
à plus d'un pied et demi du plancher. Mais , en géné-
ral , on fera mieux de mettre les malades dans les étages
supérieurs, et de réserver le rez-de-chaussée pour
toutes les dépendances de Tinfirmerie. On peut voir
(pi. III, fig. 5 et 6)^ la distribution du rez-de-chaussée
et du premier étage d'une infirmerie, telle que je la
conçois : on lui donneroit trois étages; le second con-
tiendroit seulement huit lits^ et le troisième sept , ce
qui, joint aux dix du premier étage, feroit vingt-cinq
lits disponibles, nombre égal au quart de la population,
dans une prison de cent détenus, que j'ai prise pour
base de mes calculs. Au moyen de la disposition que
j'indique, les malades auront toujours de l'air; le so-
leil parviendra toujonrsgi'riiifirmerîe, et tous les vents
avu'ont , au besoin , accès dans leurs salles : la salubrité
dépend , en grande partie , de ces conditions.
Les sallçs, pour profiler de ces divers avantages,
m DÈS ^Rlkijïâ
tàtûs éh éptédvetâ'iTïcor\iréîûetï&, iélrdnf pêtëéék èe fe^
ûëives opposées les titfe^ Mix àntre^, siticeptîMéisr èè
^'ouvrir jtisqu'avi haut de la pièce , él garrtîes dSe carfreîJ
dé grosse toile, p'Oiir s'opposer, en été, à la trop gratiicfé
àrdètit' du sbleiî. K y atirâ toujdarà lïne fenêtre âpi'M
chaque Ht , et sa largeur sera celle de rintérvalle laissa
éïitre détix lits , c^est-à-dîre trois pieds*
l^uaiït au mobilier, ît &efà égalerhëirt caïqué sirf
detuldés hépitai^x. Chaque malade aura son lit garni
éfutïë paillasse, d'édeux matelas, d'un tVàversiri, éé
deux draps , et de deux eoutérturcs de laine. Les Kti
seront disposés de manière à ce qu'on puisse f ^âàplét
des rideaux, quand fé médecin lé jugei*a' coÙvenaMê.
On donnera, erf ôuti^e , à ehaquë malade , toui les pe-
tits meubles à son usage personnel f sans en excepter
lés plus vils en apparence , qui souvent sont les pluà*
utiles, quoiqu'on néglige assezî souvent d'en muiiir
chaque fit : les objets dont se composera ce riiériù mo-
bifièr, seront une cuiller et urie fourchette, liri gobeîét,
deux ou trois pots, des sandales, un bassin, uti cra«-
choîr, et une chaise percée. Auprès de chaque Itt, on
placera deux piaïichés, Tune pour lés alîmètts, fatrfre
pour les mé^icamens; le' toyt sera matqué du m&ne
numéro que le lit.
Un conçoit qrte Firifirmérie doit être gà'jpnié d'une
quantité suffisante dé linge, soit poiir lés besoins or-
dinaires, soit poui^ faire des Bandages où compresses,
dans les cals d'accidens , ou d'opérations chirurgicales.
SBGTroTf ir. De ^admission et du iraiiefnent des
mtdcfdes' h Vinfitmerie.
Nous avons vu, au chapitre de la discipline , par
DU RÇfilME PHYSIQUE. >57
gqielles mesures 4e priiçaptipn on ponrroit emplchejr
rintrodiiçtion de germes peslileotiels dans la prison }
il n'est pas moins important de prévenir les ravages «
et d'arrêter lies progrès des maladies qui $'y déclafe-
rpient^ en mettant ^ san^ l^^'^i^ a Tinfirmerie, çep^
des dëtenvis qui eq seroient attaqués. 11 en résulte, pouf
le méd^cjq, robligatipii de faire, à la prî^ii, de^
visites jourpa}ijères , poqr 3'^;ssiirer d^ Tétat de s^ntff
des prisonniers. Ces visites nç çeroipn^ pas toujours
suffisantes pa,r elleç-nièmeç, §prtout dans les pri$on|
considérables, pu le médecip ne peuf: p^s donner k
chaque jndiyidii pn exarp.en asse^ approfondi, pour
reçonnottre des syjqqptômes, $p:uy(ent inaperçu^ 4e tou^
autre qqe du maladç, §i Top pe Irpqvpit le moyefj
^'intére^er les prispqnier/i eux-mén)es à provoquer
leuf envoi à rinfir^^ejpîp. l\ ep est nn bien simple ^t
bif p patprel : ç'e§t (^is leur r^ndrç au^i agréable qui(
possiblje le séjour ^ Tinfirm^rie, Pour c^l^, il suffif
qu'ils y trouvent un régime convenable , et par cpn-
sé(|uenjt plus dpii:f que dan^ Tét^t ordinaire ; alor$ i\f
ne négli|f rppt aucune pcçajsiop de passer à Tinllrm^r
né. JLçs mojlndre^ opcidçiis qu'ils ^prouverpîept, ;çe-
ront (exactement anpoçcé^ ap aiédeçin f et Ton o}^-^
tiendra ainsi le résultat «ïésiré , celui de n'i|nprçy au-
çqQf f]es circonstance^ propres à donnçr de$ inquié-
tpde$ $i3r Yii^X '^nitair^ de la prison : oç sera ensuit^
ap m^d^çip ^ y^^^ ^^ 1^ nécessité d'envoyer à Tinfir'»
merîf ç^xkif, ipui 1^ demapderopt. Il devra souvçpt fair^
jpstiçe des piptîfS| simples pu factices, dont quelque^j^
détenus se servirpiept pppr être adçi^ à l'ipQrmerie ;;
fnai^ , 4ans apçqp çnç^ up malade n^ restera jamais j à
i58 DES PRISONS.
n'y laissera que ceux qu'une indisposition passagère ne
niettroit point dans le cas d'exiger des secours parti-
culiers.
Quant aarég^e intérieur de l'infirmerie, au traî--
tement qu'y recevront les matader , et ao tefnp6 qu'oa
les y laissera, c'est au médecin qu'il appartiendra de
donner tous les ordres de détail. La diversité des ma-
ladies , et les différences que doivent apporter dans le
traitement et le régime, l'âge , le sexe et le tempéra^
ment des malades , ne permettent pas de poser ici de^
règles générales» qui ne feroient que circonscrire le
pouvoir dxi médecin, auquel il est indispensable de
laisser beaucoup de latitude. Gomme nul autre que lui
ne peut , avec connoissance , donner les ordres néces-
saires , et qu'il y à souVent des mesures d'urgence à
prendre , le principe fondamental du service de l'in-
firmefrie sera l'exécution littérale de tous ses ordres,
pour ce qui a trait à l'administration journalière ; mais
quant aux mesures générales, et à celles qui n'auroient
jpour objet qu'un changement , sans nécessité urgente ,
dans le régime de l'infirmerie, il ne pourra que les
provoquer , soit auprès de la commission des inspec-
teurs , soit même , dans les cas importans, auprès du
conseil des prisons pour l'arrondissement.
Subordonné aux circonstances, le régime des ma-
lades doit être abandonné à la prudence du médecin ,
et varier suivant ses indications. Mais on peut toute-
fois poser certaines règles générales, qui feront le ré-
gime commun de Tinfirmerie et dont on ne s'écartera
que d'après Tordre exprès du médecin,
La nourriture, ordinaire sera celle en usage dans les
hôpitaux : quand le médecin jugera nécessaire de là
BU RÉGIME Ï<HYS1QUE. tSg
éhànger, ît en fefa l'objet précis d'une preseriptïom
Dans tons les cas elle sera toiljonrs meiiienre et plus/
agréable qne celle des prisotiniei-s en boiine sauté, et
surtout on y joindra ordinairement do vin , à moin?
qne le médecin ne le défende. Cette addition suffiroit
seole pour faire désirer aux prisonniers de passer à
rinfirmerie , but que nous voulions atteindre.
Les vêtemens bons pour Tétat de santé sont insûffi-
sans en cas de maladie. L'homme souffrant , toujours
plus sensible aux change mens de terhpérature que dans
l'état ordinaire, et , presqoe toujours, privé d'une
partie de ses forces, a besoin de vêtemens qui puissent
Fenvelopper et le tenir chaudement , sans gêner ses
mouvemens. Il sera donc utile d'avoir des habits d'in*
firmerie, qu'on fera vêtir à tous ceux qui y entre-
ront : on y trouveroit un bien précieux , celui de ne
pas renvoyer les malades, après leur guérison , au
milieu des autres prisonniers, avec des habits qu'ils
auToient portés pendant tout le temps de leur séjour à
l'infirmerie, et qui pourroient infecter la prison toute
entière ,^en y.répandant les miasmes pestilentiels dont
ib se seroient chargés. Aussi, dès qu'nn prisonnier
aura reçu Tordre de passer à. l'infirmerie , on lui fera
quitter ses habits ordinaires, que l'on gardera en
dépôt dans le magasin général , à moins, toutefois,'
que la maladie ne soit contagieuse, auquel cas ils se-
ront mis dans un dépôt particulier', après avoir été
soigneusement désinfectés; on lui donnera, en échange,
les habits d'infirmerie ^ qui seront composés d'iin bon«^
net^ d'un pantalon, et d'une robe de chambre ou grande
capote , eh toile pour l'été, et en éta£Pe de laine pour
l'hiver : ils changeront aussi (le Unge , et en prendront
^a i^ielqiVuoe de ces msiliidie^ coiit^^Q^^s ^^i Ma"
gent à une ^p^ra^on absolue ^ comme l^s yéo4ri@9$.
912 tes galeu?£, auront pour leur s^lie 4u*}ii^ 99^f\p'
euliier , qui ^ pour éviiçr la. pi*opagatîpa (4e lç«:u^^ ai4a«-
(jies, ne sera jamaU appliqué à un aqtr^ iji^a^^. IVi^t çç
qui leur aura servi seni exclusivement ré$efvé ppur
lepr saile ; le séquestre doit être akao}!! , §m tpu« )e$
pQÎnt^, entr^ ces ipdlade$ qt les autres d^tepus, spU dau$
\^ prison commune , ^it h ripfiriwrîe- .^
ïmlëpendammçnt de ce^ soin^ puremeut physiques»
que réclament les p/îspnpiers ^diuiis à l'infirmerie ^
leur état exige encpre des secpurs de plus d'up geure-
|jf moral ^ sppvent I4 plus grande influence sur
la s^nté de^ prison^ier^v. Souvent les maladies qui Iç»
pppgept f PPt PPW fcausç le chagrip <le la ca^plivit^,.
Vi^uinilîation , Ifi 4^plaisir des mauvais tr9itemens : jC^
^ça doi^iç up gran^d iPpy^P d^ cgire. qpe d^ «^haoger
<^t état si fâcheux e| de leur faj.re oublier f aula^t qffi^
ppssibl^, lef pein^ qui oqt fdtéré leur cop^itutipo.
Combien n'eH'îl p^ d« çes, m^lheureu^^ que Tidëe,
s^/s cessa renai/sisante de Fétat ignomituieux et pénî-^
l^e ofài il sont rédqitSi, la brutalité dés> commande*
m^u^Si ripjuMice et-^ l'arbitraire qui, tr^p souvent,
p^^is3ent les dicter et surtout T^m^ui d'up long séjour
dans une triste prison conduisent à p^ précipités dans
la tombe ! H ne faut peut-être pour combfitcre ces fu-
nestes effets , qu'attaquer directen^ent la irause qui les
produit 9 écarter de lesprit des malades les idées affli-
geantes qui l'assiègent s^ns.eess^, et y faire. çpplerl^
baume du repos et de l'oubli* C'est en substUpapt d«
faosts traitemeus k une discipliue upccss^irepien^ apf *
DU REGIME PHYSIQUE. 161
1ère et souvent exercée avec dureté ^ que Ton obtiendra
ce résultat désirable. On ne peut donc trop fecom-
nriander aux employés de l'infirmerie la ^plus grande
douceur et les raénagemens les plus attentifs pour ces
malheureux , qu'on leur confie, non plus pour les pu<-
nir , rnais pour les rendre à la vie et à la santé. Qu'ils
ne traitent jamais durement les- malades , qu'ils les
servent avec complaisance, qu'ils s'abstiennent sur-^
tout de parler devant eux de ^rs, de cachots, de
supplices , de tout ce qui pourroit troubler le calme,
dont ils ont tant besoin , en retraçant à leur esprit
des images sinistres. Il sera facile à ces employés
de leur montrer une aménité, qu'ils ne connois-
soient plus dans leur triste situation. Ils n'auront que
peu d'efforts à faire pour que les détenus sentent la diffé-
rence du régime des guichetiers à celui des infirmiers.
C'est ainsi que, par des traitemens doux, une con-
duite humaine et des égards , on parviendra , en grande
partie <i à détruire^es impressions morales qui influent
d'une maxiièresi fâcheuse sur la santé des prisonniers.
A ces moyens, purement moraux, qui dépendent en-
tièrement des préposés, on peut en joindre d'autres,
qui tendront au même but, en paroissant ne s'adresser
qu'aux, sens. Ainsi il faut éviter, dans l'infirmerie,
tout ce qui rappetleroit l'idée de supplice et de capti-
vité. Qu'on n'y entende jaijiais le bruit des chaînes ou
des verroux; que ces. sinistres barreaux qui, dans les
salles ordinaires, affligent et brisent les regards, dîs-
paroissent de ses fenêtres. La sûreté n'en souffrira pas,
si les malades sont g^^rdés à vue , comme on doit tou-
jours le faire ^ et si l'infirmerie est placée au centre
des bâtîmens , comme nous l'avons proposé.
1 1
i6i DÉS *RÏS6î<S.
Ô'n peut aussi déguiser âdroiterhieni Fàspect des ap«
parteiiieris ei leur Àter , par differehs moyens, toute
appâréhcè dfe prison. Un idiedecin , doué d\irie longue
expérîentè dans le service d'une îtifiririerîè bîèn con-
nue, a proposé d'introduire dans lèshàpitàux, Tiisage
d'y âîttactiér des îirâncliés d'artres vertes. Il y trocive
le dbublfe avantage de fournir un ventilateur agréable
et naturel et d'écarter lès însécles du lit des malades.
J'îgiiôre jùsqu*à quel point on pourrait compter sut
. ieïiè ûiilîté dés rameaux îr&is ; mais je crois que , dans
tous les cas, on gagneroit beaucoup à appliquer cette
idée à l^infirmerîe des prisofts. Là décoration riante et
gracieuse que présenfe le feuillage , lés idées douces et
paisibles qu'il rappelle , cette imagé imparfaite , mais
précieuse , dés beautés de là nature , qu'il retraceroit
. ^u milieu des cachots , èôntribuèiroiént , plus d'une fois
peiit-étré , à charméi- lés dôûléùrs d'iirt malheureux et
à accélérer sa guérisort. <2ûé dans Un dé CéS niomeus
trop rares , où le câlmè de rabattement succède à de
vives et ïongues sbuffrHncés, Ses yedît se pointent Sut
une verdure agréable , qu^îl îi'àvoit pafs éAcôré àpéf-
çue, une douce agîlatîon fait palpiter àon cCfetir, depuis
long-tempsfl'étriparï'irifortune, des idéësmoins som-
bres ont frappé son esprit; le premier regard Ta Iràns-
porlé loin de celte prison, àéjotir dé larméS, dôhtîes
murailles nues et unifoflfiéS atlîrisloiént ^n âmé et
vérsoîent dans son coèùr le pôiSOn d'un énntii mortel,
iîarévu t^s bois, lèà champs, lé haméâd, témoins
dés Jeux de son ênrancè, dîs plaisirs de éâ jéuùessé, dés
travaux dé son âgé liiûr. Son vieux père, sa fendre
épouse , ses petlts-énfans se présentent à sâ pensée ,
non plus tels que leâ lui peîgnoîeni seé sombres rêve^
. DU RE&iMÈ PHYSIQUE. i65
rîès , eri pfble à \à ïnîsère , à la honte et maudissant
Ifautéûr de lëin» opprobre, hiaU conservant de lui un
soûveniir iâdulgentet afPectnéux, appelant de tùu^'
leoirs vœiit l'époque de s^on retour et travaillant avcd'
airdeuf pout ^ détivraticé. Potif la premièi^è fols peut-
être depuis sa cajptivité, îl a pu pemer sanà doùléiir
âu:x personnes qu'il aime; pour la prenîièré fois il'
prononce* avec un plaisir pur leurs noms chéris et iiè
èraint pé^ dé reposer son àdië dans leur souvenir:
tantesl puissante, sur toute une suite d'idées, rih-
fiùencè des jprèmières impre^ions.qui l'ont accom-
pagnee!
** Bîëntàt , il èàt vrai ,. ces illusions se dissipent et font
' ptàidè a la triste réalité; mais le bien produit par cet ins-
tant dé bàhliéùr hé &è perd point. Le prisonnier retrouvé'
ses souvenirs, mais désormais dépôiHUés de cette amer'
tunie qui empoisonnoit toute son existence ; de douces
lârines baignent ses paupières et soulagent enfin un^
douleur trop long-temps concentrée. Une mélancolie'
traiiquille remplace le désespoir sinistre qui lé ifé-
chiroît et lui permet de reconnoître et d'apprécier leè
soins dont il est Tobjet: heureux, autapl qu'un prison-
nier peutrètre, il se voit entouré d'une active soUîci-
tade^qui prévient ses besoins, adoucit ses maux et veillé
sur ses jours. Au lieu de ces paroles dures et menaçan-
tes, qui retentissoient toujours à son oreille, ou dé cette
' indifférence cruelle , qui accueîUoit avec des sai*cas-'
mes ses plaintes les plus justes, il n'entend que des
discours de paix et de consolatiori , des ordres salufai-*
Tes 9 des informations soigneuses sur son état. Il bénir
les hommes de bien , qui se consacrent au soulagement
Je ses Couleurs et la société, dont ils représentent , il ^
364 DES PRISONS.
son égard, la bienfaisante protection. Le calme. rendit
dans son âme, ses nerfs, long-temps exaltés, par la
douleur, se relâchent doucement, le. repos ferme ses
paupières, et un sommeil paisible vient lui rendre des
forces et un bien-être depuis long-temps .perdu pour
lui. La vie d'un homme est sauvée , et les soins de la
charité ont fait ce prodige. Tels sont les effets que Ton
peut aUcndre de la mesure la plus. simple, pourvu
qu'elle soit en harmonie avec le cœur de Thomme. Il
n'est pas une seule branche du régime des prisons, qui
ne présente le moyen de concourir au bien-être et
même à la réforrne morale de leurs tristes habitans.
Mais , pour savoir tirer parti de ces ressources» il faut
joindre à la connoissance du cœur humain, cet ardent
amour de Thumanité, dont nous avons le bonheur de
connoître plus d'un modèle^
Section m. Des personnes employées à tinfirmerUm
On voit, par tout ce qui précède, que le choix des
personnes chargées du service de Tinfirmerie est loin
* «
d'être sans importance ; on y aura besoin de deux
classes d'employft , les of&ciers de santé et les hommes
de service. .
Dans les prisons peu nombreuses, comme les maisons
d'arrêt de certains arrondissemens, oùdixàdouze hom-
mes, tout au plus, attendent Taudience de police cor-
rectionnelle ou la mise en accusation, qui les fera trans-
férer à la maison de justice du département, le nom-
bre des employés de l'infirmerie ne devra pas être
considérable. Un seul médecin, un seul infirmier
pris parmi les prisonniers , sufBront, dans tous les cas^
DU REGIME PHYSIQUE. i65
^ut làdesseryir. Mais il n'en sera point de même, dans
'les plaisons centrales, où les détenus, accumulés deplu'
'siénrsdépartemens sur le même point et destinés à une
longue captivité , élèvent quelquefois la population jus-
qu'à six ou sept cents et même au-delà. Alors le système
d'infirmerie doit être plus compliqué , plus de persoQr
nés y seront employées, et les fonctions y seront plus
réparties. C'est de ces grandes prisons que nous nous
occupons surtout en ce moment.
Le premier et le principal des employés de l'infir-
merie , est le médecin ; c^est sur lui que roule tout
Téusemble de l'administration , de lui que relève tout
ce qui tient à l'infirmerie. Ses ordres sont d'une im-
portance tellement grande et surtout tellement ur-
gente , que rien n'en doit jamais entraver ni retarder
l'exécution. Aussi le médecin, dans l'intérieur de l'in-
firmerie , doit jouir d'une entière indépendance et
d'une autorité absolue ; il peut et doit commander
tout ce qu'il juge nécessaire $ous le rapport du régime,
et les proposés doivent exécuter aveuglémentses ordres,
«ous peine de châtiment pour les uns, et de destitution
ou suspension pour les autres.
Il sera souvent indispensable d'adjoindre au méde-
cin, un chirurgien, chargé spécialement du traite-
ment et de la suite des maladies extérieures et surtout
des grandes Opérations chirurgicales. Le chirurgien
devra être aussi indépendant que le médecin , dans les
salles qui lui seront réservées; mais quant à l'ensemble
de l'infirmerie , comme il faut nécessairement un chef>
ne fùf'Ce que pour éviter des conflits négatifs , qui
tourneroient au désavantage des malades, il est im?-
possible de ne pas accorder cette suprématie au mé-:^
i66 DES FRISONS*
decin , parce qiie , dans toii$ leç cas et it^Mi
prisons > il y aura toujours \\ti^ Tnid^lm\ ou dq ws4xj(f^
lin docteur réunissant le$ deux protections, V^f^iS^
quHl n'y aura de chirurgien spécial que dans (^ pri-
sons les plus considérables. J)u reste , quand Iç8 face-
ttons seront divisées , le rnédecîu et le cbiruffiei]^ [ouï-
ront tous deux des méuEi^. av^ta^^s et des xnè^i/^
prérogatives, sauf le droit de çoXnn^^Mider en çbe£»
toujours réservé au médecin;
Tous les jours, Iç médecin et le chirur^^ien , soit en
commun , soit séparément^ devront faire la visite d^
salles de malades. Ces visites , $elon Tuss^ge , i^^rqift
tpyjours lieu le matin. Ils devront également vi^tef
leis' prisonniers arrivans, qui auront été déposa dai^
la chambre de quarantaine et ceux qui, 4étçnqs U^pui^
quelque temps, paroitroient malades ou se déclarer
roient tels. De temps «n temps çt, s'il étpit possib^ç «
au moins utie fois toutes les semaine^ , ils inspçctep
roiçnt la prison toute entière et port croient leur çxamiçp
sur la tenue des chambres et des ateliers. Ils auront
également soin de surveiller, d'une manière générale^ /
Texécution de leurs prescriptions, et cpust^teront , ft
des époques, indéterminées, mais assc;^ fréquentes,
Tétat desalimens et celui des médicameas, soit em,-
ployés, soit à la pharmacie. Le méidecin et le chirurgien
seront les maîtres de se réqnir pour ces diverses fonc-
tions ou de les exercer séparément j cependant ils de-
vront toujours procéder ensemble k 1,9 vi^^te des pri-
sonniers entrant ou soupçonnés de ^]^al^die.
Ces soins, assidus et souvent péjriibles, devront ^tre ré-
compensés convenablement. Dans les grandes prisons,
le médecin et le chirurgien auroient^ indépendamment
DU I^QIWS fWfSHQVE. 167
gtm traîtf ment f^xe et 9v^(fi$^ , un Iq^ejmtnt , ^E^umni
C9(térieare^ dan^ If^ pHfÇns maîn^ Qqpsiî()érabl?9 f cp
logement et Içî titre ^ naédacl^ 4^ prUqn$ «piliraiil
pour in^eamiaer le médeciu ft fMiPiie pwr ^fre <}é»r
rer ces^ foaoctions à de^ bpmime^f ?ri géi^^r^l* pln^
avides de3 moyens dç sp rendre vtU^ e^ <t'étettdre
les limites de la science ,' qvie d'én^oUimens et dr
prorogatives, Toqtes le^ fois i^iW ^'agir^ d'un aersîee
public , on troqyera toaÎQV^s des o^çciioiî ^ËAposés à>
s'y livrer avec dévouement»
11 y auroitles plu^gr^nd^ av^nt^es k dpnmr pour
aide au médecin et au çbirurgieix de rinfirmeriei ui>
élève qui y resteroît ordinaireniQnt yntilît^desftprd^
s^ce^ pendant Vi^tervaUe îuévît^ble àesi iiîsites, est
évidente ; un ^âèye 1 djf jà îqitîé a |a pqnnwwwifte dp
l'art de guérir , et qui auroft s^ivî et éU|di^ cl^UP
maladie , dè^ son origine , seruit $?wl çagfikk M Ifts
veiller ^veç frujt 1. déporter un prompt, r^ipède 9uic
accidens imprévus, qui peuvent ^^v^nx^ ^i néiiîf^iter
des mesures urgente^ , eî d'ep repdre 91^ roédflfsî© uii^
compta détaillé et satis£fisaut. )\ e«t d'a^lWurs b&wt
coup de parties du service, qui^xig^pt pli;^ çpffi deTijee
telligenee^ dpnt la muUipliçitf$ a];>aprlpeçQit tout le
temps du médecin et qu/ç Toq. ni^ sa^TQit ^il^dad^nns»!
9m ii^firmier^ . Qn pourra les^ cp^fiev à l'élève,
^crçi^ion de cet eï^spW douqprft w^wre m mfiyen
fepile et précieux dç recueillir %w^ les r^iwjgMmenir
utiles à ravjnï,çemept de la ^cieutce médicale^ que. prpr
d^irop^ k§ çfc^çryatiops fftite§ ^ rîrifiriî3t?rfe* On i^b^rr
j^rpit Vftlèye , sftqs la direction d\i m^dpçlRi dfr4enlr
t^rçgi^trç def p^^diçis et d'y (consigne?. ton^aW
ï68 DES PRISOm
marques auxquellieÂ' elles aiiroîênt donne lieu. Cette
mesure, qui semble d'abord n'avoir pour objet que' lés -^
progrès de l'art de guérir en général, tburneroît eh
même temps à l'avantage réel des prisonniers, en don-^-
nant à l'autorité des renseignemens exacts et répétés
sur l'état sanitaire dans chaque prison , sur les itiala-
dies qui s'y déclarent le plus fréquemment , ou qui
résistent le plus au traitement, sur les causes qui peu-
vent donner lieu à ces résultats , sur les moyens de
les combattre, etc.... Ces rapports, envoyés au côn-
èeil général des prisons, indiqueroient les améliora-
tions dont le régime de santé seroit susceptible, sur tous
les points à la fois et prépareroient ainsi une réforme
continuelle et générale.
A ces trois fonctionnaires il faudra nécessairement
joindre un pharmacien , qui , suivant IHmportance de
la prison , sera tenu d'y résider ou seulement d'y ve-
nir plus ou moins long-temps chaque jour,- poitr les
besoins de l'infirmerie. Il devra trouver une pharma-
cie toute montée pour les préparations qui ne consis-
tent que dans l'emploi des médicamens simples, que
l'on fera toujours venir tiu dehors. La pharmacie d'une
prison ne peut être une manivfacture de produits
chimiques, mais on doit y préparerions les médi-
camens composés qui peuvent être ordonnés.
. Tels sont les hommes, doués d'une instruction spé-
ciale , qui seront attachés à l'infirmerie. Ils devront être
secondés parun plus grand nombre de personnes , des^
quelles on n'exigera que la force physique et une intel-
ligence ordinaire. Le pharmacien aura souvent besoin
d'hommes dé peine chargés de F^ider dans la partie pu-
rement mécanique de ses fonctions. Le service des salles
DU REGIME PHYSIQUE. 169
• • • • *
n<?cessîte également l'emploi ^l'un certain nombre
d hommes qui , sons le nom d'infirmiers , seroîent
chargés dé tous les détails qu*il comporte. Leurs fonc-
tions ne sont pas toujours les mêmes , à raison da
genre dé malades auxquels ils donnent leurs soins;
quand ceux qu'ils gardent sont seulement attaqués de
ces maladies contagieuses, qui forcent à les séquestrer et
à les assujétir à un traitement fixe, mais qui ne leur
enlèvent point leurs forces, les infirmiers ne sont
charges que de surveiller ces malades et de leur ren-
dreles offices, pour lesquels leur intervention est in-
dispensable. Mais, dans tous les autres cas, les infir-
miers sont chargés, outre les soins à donner aux ma-
lades, d'entretenir la propreté dans les salles, et généra-
lement de tout ce qui en concerne le service.
Cette différence en mettra une grande dans le nom-
bre d'infirmiers qu'on devra employer dans l'un et
l'autre cas. Ainsi, dans les salles de galeux, qui ren-
trent dans cette première classe de malades dont nous
avons parlé , les soins relatifs à la propreté et à la tenue
des lieux devront être abandonnés aux détenus eux-
mêmes. Quant aux infirmiers, ils ne seront chargés
que des communications nécessaires entre ces salles et
Textérieur ; ils auront également l'emploi d'aller cher-
cher les médicamens, de faire les frictions et de soi-
gner ceux des malades, que des circonstances particu-
lières rendroîent incapables de se servir eux-mêmes.
Les fonctions de ces infirmiers ainsi restreintes, il
n'en £audra qiAn assez petit nombre pour faire ce
service. On a calculé que trois infirmiers suffisent pour
soigner qiiatre-vingt galeux.
U n'en est pas de même des épileptiques: comme
lyp DBS PRISONS.
leur m9ladie $e manifeste par des accès, dont la violçft^
ne peut être contenue que par la force , il faut toqjomps
dans les salles qui leur sont destinées, un uopabre de
«uryeillans double de celui des malad^^ Sa;ns çc^le
précaution, on seroit exposé à de fréquentes al^riiicis ^t
les malades eux-mêmes ne seroieut pas soignés convena-
blement. Les lits de ces déténus doivent aussi être garnis
de Vappareil usité, ponr contenir les épileptiques dai^s
les accès qu'on a su prévoir.
Qqant aux salles destinées aux malades ordinaîr^^,
qui. bien loin de devoir être contenus, n^ont plus i|i
la force, ni la possibilité de se servir eux-mêmes,
elles sont comme le moyen terme entre les autres. 11
y faut plus d'infirmiers que dans les salles de galeux ; il
en faut beaucoup moins que pour le^ épileptiquçf.
Dans les hôpitaux l ojn met ordipaurement un iôjEir-
mier pour dix ou douze lits; il sefoit bon d'adopter c^t
tisage dans les infirmeries des prisons.
Tous ces employés pourroîent être pris parmi las
détenus eux-mêmes'; outre l'économie évidente que ce
choix présenteroit, mais qui n'€;st jamais qu'un avan-
tage secondaire , on y trouveroit celui de pouvoir don--
ner ces places , à titre de récompense , à ceux qui 9'cn
seroient rendus dignes par leur bonne conduit^ et de
faire servir les malades par des camarades , nécessaire^
ment plus doux que des étrangers, soit à cause de Leur
position dépendante , soit à cause de l'idée où ils ^ot
toujours, qu'eux-mêmes peuvent avoir un jour besoin
des secours qu'ils administrent. On vya plus loîq que
ce genre de récompenses entrera pour beaucoup dan3
notre système de réforme morale.
Quant aux ^roolumeqs , propres à faire désirer ces
DU REQIME PHYâlQUE. %n
pl^eâ^ aqx déteousi * il e^t inuUle <de s en otcupt r* lit
prix des cQmiDbçîqns, qui serqiit payéea d'après oà
tarif publié et afEché^ et 1^ .i^oi^rriture commnae de
Tinfirmerie, qui sera donnée aux infirmiers, suffiront;,
avf c rédemption de travail ordinaire , pour les leur
Fendre tries - a^éables. De^^tinëes à être doiuiées
comme récompeip^, les places d'infirn^iers seront dis«-
tribuées d^ps la forrpç qi>e nous iqdiqueroiis ultërieu>-
rement, mais tou}ours avec l'avis du médecin, qui
aura un veto absolu contre les sujets qui ne lui con«-
viendroijent pas. Cette exclusion ue le§ rendra pas in>-
dignes d'une autrç récompense , mais empêchera
<|u'ilsne puissent recevoir àc^ titrée la place d'infirniieo.
Quand le médecin aur^ de$ mécontentemens graves
contre un infirmier , il pqi^rra le suspendre provisoire-
ment et provoquer $a destitution.
Les fonctions des infirnf^ierscQBsisterqHt à servir et
sqigner lef mj^lades, à se feuir prêts à exécuter tous les
f^nbresdu médecin, à f^iire les lits, balayer les salles,
ouvrir îfs fenêtres , allumer et entretenir les poêles, ser-
rer et porter le linge. Leurs Uts seront placés aux quatre
coins desselles et ils veilleront alternativement pendant
la nuit. Mais cqmrpe il i^K toujours un chef eKtre plu-
sieurs hommes chargé^ concurremment des mémos
fonctions, il y ap^a W. infirmier principal ou major,
dont remploi sera de maintenir Tordre, de surveil-
ler la distrjbA^tion de^ médicamens et lexécution des
ordres immiédia^ts d[q médecin aux infirmiers ; il
' tieiidra le cahier dej^ visites et veillera sur la conduite
de seç sikihordoqnés.
Cet infirmier, à raison d^ la plus grande importance
de ses attributions , pourra , si le médecin le juge né-
\^^ DES PRISONS.
cessaire, être pris hors de la prison et recevoir uoe
haute paye. Cependant, s'il se troavoit nn détenu ca-
pable de les remplir, il faudroit le choi^r de pré-
férence.
11 convient de rappeler ici une règle générale, qui
est surtout applicable aux infirmiers : c est de ne jamais
permettre aucune communication entre Tinfirmerie
«t la prisqn et de ne pas soufirir que les mêmes em-
ployés servent pour Tune et pour Tautre. Les infir-
miers, chargés tout à la fois de soigner les malades et
de les garder, seront les seuls préposés que Ton puisse
,y mettre ; ils ne pourront jamais aller dans la prison
.commune ; de leur côté , les guichetiers ne pourront
pas aller dans Tinfirmerie. Si, pour plus grande sûreté
^t pour mettre sa responsabilité à couvert , le gardien
croit devoir mettre un préposé à sa discrétion dans
Tinfirroerie, il en sera le maître; mais ce surveillant
ne pourra pas plus que les autres passer de la prison à
rinfirmerie , ni retourner ensuite à la prison. Ces pré-
cautions sont indispensables, pour empêcher les mala-
dies contagieuses «le se répandre hors de Tenceinte qui
leur est assignée. Enfin ce préposé sera au compte du
geôlier' et n'aura d'antres. fonctions que de veillera la
. sûreté -, sans pouvoir se mêler en rien de l'infirmerie ,
.si ce n'est pour aider les infirmiers sur Tordre exprès
du médecin.
Telles sont les règles d'après lesquelles on peut éta-
blir le régime physique des prisons, soit pour Tétat
ordinaire , soit dans le cas de maladie. Avec ces soins ,
on parviendra sans doute à prévenir les épidémies , à
entretenir l'existence des prisonniers et à leur conser-
ver, aptant que possible, une bon|y santé. Ce sera
DU REGIME PHYSIQUE- 173
beaucoup assurëitient , et plût à Dieu que nos vœux
pour cette partie importante de ramëlioration du sort
des prisonniers pussent un jour se réaliser entière-
ment !
TITRE V.
DU RÉGIME UOBAL.
CHAPITRE I", De Vohjei du régime moral des
prisons. .
Le régime physique a;, en général, pour but de
conserver les prisonniers dans Tétat où iksoht et de les
rendre , à Vexpiration de leur peine , aussi forts et aussi,
bieaportans qu'ils Tétoient lorsqu'elle a commencé.
Le régime moral doit faire bien plus : il doit rendre
les prisonniers meilleurs qu'ils iri'étoient à Fépoque de
leur arrestation. Si lés condamnés , qui ont subi leur
peine , sont encore aussi enclins à Toisiveté ^ à la dé**
bauche, au crime qu'ils l'étoient auparavant , le régime
moral est radicalement mauvais , et il faut's'empres^
ser de le réformer. Toule peine, qui ne tend pas à cor-
riger t!elui qui la subit, est un acte de tyrannie inutile
et atroce. Elle expose même la société toute entière
aux plus grands dangers; car une détention temporaire,
infructueuse pour l'amendement du condamné, ne sert
qu'à irriter cette âme perverse et à la précipiter de
nouveau dans la carrière du crime. Enchaînez un
animal domestique et paisible, il deviendra féroce ;
l'homme sans honneur, qui aura subi un supplice inu-
tile pour le ramener au bien, ne rentrera dans la
société que pour Fépou vanter par de nouveaux forfeiti
i74 i>ES FRISONS.
C€6t att ré^rtie moral à prévenir tfe ïnâlhenret a jus-
iMter l'^t^t^iîcdtibn des peintes pat lèùrS résultats. Telle
e^lë tfitbé împôrifaiite et difficile dont iious allons es-
saj^er de tracer lesrègles>Trop heureux, si nos réflexions
présentent quelques aperçus , dont pourront tirer parti
les hommes puissanset éclairés, dont le zèle et les lu-
mières préparent ûite grande et sahitaîre réforme, dans
le système des prisons firançoises!
Jusqu'à nos jours, on paroît avoir constammetit fifc-
culé devant les difficultés de cette entreprise, qu'exagè-
roient encore de pernicieux préjugés. On se figure, ou
répète trop souverit queJès pn^onnierà sont des hom-
mes pt^lUs pour lÀ société, et qu'une juste défiance
duît tbujtiurséloîgnW d'eux, ftprè* TexpiratioVi d^ leur
peine. Funeste erretijf , qùî réégît iilr ëile-mème , et
qui \ en 6tânt au:st coildat}it)ê!s libét^és la faculté d'exer-
cer une pj^c^eèsion utite et hotiorâMë, lés poussé au
criihè ifxar le dtfsespùil* et troUvë , dans lès nouveaux
désordres dttnt elle est lA èàuàe première , de nouveaux
motifs de s'affermir ! Oii ëroît les priisouuiei^è incorrî-
giisles et oïl lès àbandô^tië à eU^^-mémèé ; on èé con-
tente d^enclialher pbui- itti x^ïtipâ leurs mains coupables,
et oti ne daigne p^s s'occupe^ de toucher leui* c'dbilr et
defarrather au erttné. Fàltt il i'ëtôrihër âi^th eeïa
que remprisontteniettt sttlt sôùvèht une sorte tïé pré-
Heiaînntioti à l'échafeéd ? Combien dé riiâlïieuffeoi ,
après avoir Subî ëvèt tëëîgnatidh îa fiénie d'hurlé pte-
ttilèîifc faute, rentrolénl daùs là société aVéc le &ésiv
siïirtre de rëparer les ét^Hs de iéur jeunesse, (jdi, re-
pousses par litiè ptiivërtHoh iiiJuMeilSe èl àvéuglfc, pri-
vés de travail et as^llU^ de tentatibtis trop fortes pour
iiti eœur (Vaglle , fetoînbënt dans dè^ ègareméiis qu'il
DU ïvEGïME Moral. ,75
«àt été facile de leur faire éviter , si Ton* n^eût pas
comntencé par déclarer l'entreprise imposslble^et vien*
nent grossir la liste effrayante des condamnés en réci-
<]ive! Tels sont les funestes effets d'une opinion injuste
et cruelle, qui , aprës avoir empêché que la détention
légale ne devînt un puissant moyen d'aiàend^ment
moral pour Id» condamnés, punit encore ses victimes
du mal qn^elle leur a fait.
Est-ce donc là ce qu'a voulu le législateur, lorsqu'il
a prononcé la perte de la liberté contre ceux qui en
abuseroient! Est -ce pour qu'ils apprennent tons les
secrets de la scélératesse, pour qu'ils dépouillent les
derniers sentimens de rhonneur, qu'il les condamne à
une captivité temporaire ? Non , non : c'est interpré-
ter d'une manière trop lâche et trop cruelle s^s inten<r
lions généreuses, que de croire qu'il n'a cherché, dans la
répression du crime , que le triste plaisir d'une ven-
geance facile sur un scélérat obscur, ou une garantie^
aussi insuiBsante qu'illusoire., contre les futurs dépor -
lemei^s d'un homnie dangereux. C'est Tamendement
du coupable qu'il a surtout voulu préparer, au moyen
de ces peines , qui donnent en même temps un salu;
làîre exemple. Si les prisons ne pouvoient produire ces
résultats néèessaireS; il faudroit fermer lespriisons, et
renoncer à des institutions aussi funestes.
Mais , non , la captivité n'est point le noviciat dii
crime. Gardons-nous de désespérer de tous ceux qui
ont le malheur de perdre leur liberté! On peutsortîç
vertueux dés prisons destinées à renfermer les cou-
pables, et il existe des moyenç d'empêcher la corrup-
lion morale de s'y répandre-, comme une maladie
contagieuse, et d'empoisonner tous ceux qui les habi-
176 DES PRISONS.
tent; il est même permis d'espérer la diminotion de
son désastreux empire , et de lui arracher une grande
partie de ses conquêtes. Qu'un régime moral, sage-
ment combiné , ramène à la vertu ceux des prisonniers
qui ne Font pas quittée pour toujours, et qui, heureu-
sement , forment le plus grand nombre ; que des res-
sources suffisantes et assurées attendent , à leur sortie,
ceux qui anroieht l'intention de travailler, et qu'une
funeste méfiance laisseroit sans ouvrage ; de nombreux
exemples prouveront bientôt que tous ceux qui sortent
des prisons ne sont pas voués irrévocablement àa
crime. Jamais l'homme n'est incorrigible; celui qui
paroît le plus dépravé , est encore susceptible de ren-
trer en lui-même , et d'abandonner la mauvaise route
où il s'est égaré : mais il faut savoir le toucher, il faut
trouver les moyens de rendre de l'énergie à son âme
avilie; et si', trop souvent , les efforts demeurent in-
fructueux , à l'égard de criminels plus endurcis que
les autres , ce n'est pas qu'il soit absolument impos-
sible de les ramener , mais c'est qu'on n'en a pas su
trouver les moyens.
D'ailleurs , les hommes d'un caractère aussi rebelle
ne sont pas aussi nombreux qu'on poui^roit le croire.
Ces criminels, que certaines personnes peuvent re-
garder comme incorrigibles , sont , heureusement ,
assez t*ares, surtout dans les prisons proprement dites.
C'est dans les bagnes que l'on rassemble presque tous
ces brigands de profession , qui, en petit nombre eux-
mêmes ,«sont les moins susceptibles de repentir entre
les condamnés ; presque toujours , les crimes qu'ils
commettent , ou leur vagabondage , les conduisent
aux travaux forcés : mais dans les prisons , dont nous
DU REGIME MOiVAL. 1,7
noiis occupons spécialement , quels hommes voyons^
nous pour Tordinaire ? des misérables , qui ont volé
quelques poignées de blé , ou ^u'on a condamnés pour
tout autre vol , accompagné d'une circonstance ag|ra-
vante, comme la nuit > la domesticité, TintroductioD
dans une maison habitée ; des fripons maladroits , qui
ont altéré une date ou un chiffre; souvent 'un malhea-
renx, qui a levé la main contre Thuissier, qu'Hun créan-
cier impitoyable envoyoit saisir ses modestes proprié-
tés , ou un chasseur fougueux , que la chaleur de la
passion a poiissé à une sorte de rébellion armée. Qui
oseroit désespérer de ramener au bien la phipart de
ces hommes, et peut-être même de les y ramener
tous? Qui niçroit la possibilité , la facilité même de
les rendre à l'honneur, en soutenant leur repentir, et
.CD donnant a quelques-uns les moyens d'éviter la mi-
sère , après l'expiration de leur peine ? Cette correc-
tion sera plus aisée à opérer qu'on ne le pense généra-
lement , pourvu que de pernicieux conseils et la sociétjé
des grands criminels ne détruisent pas l'eifet des soins
qu'on prendra pour y parvenir. C'est dans cette vuç
surtout que nous avons recommandé , au titre de la
discipline , la division des prisonniers.
Lie régime moral a un double bot à atteindre : uon^
seulement, disposer les prisonniers a s'abstenir du mal,
mais les amener à pratiquer le bien. Il ne doit pas sç
borner à arracher de leurs cœurs les penchans déprar
vés, qui les entrainoient au vice , mais y faire germer
des inclinations heureuses , qui lés conduisent et les
soutiennent dans la carrière de' la vertu. Nous exami-
nerons, dans deux chapitres « les moyeos d'^irrivQrà
l'un et à l'autre de ces résultats.
17« DES PRISONS.
ïîïtÀPlTRE II. Des moyens d'écarter du mal tes
détenus^
Le premier objet du régime morai sera, ainsi que
nous venons de le voir, de détourner les criminels, des
égaremensqui ont attiré sur eux la sévérité de la loi et
de leur faire éviter d'y retomber. Pour y parvenir , il
faut détruire , autant que possible , tes causes qi'ii les
ont entraînés au crime, et qui pourroient les y préci-
piter de nouveau. Ces causes peuvent se rapporter à
trois, Toisiveté, la débauche, et les erreurs qui faus*
sent le jugement au point d'influer sur les sentimens.
Chacune d'elles agit avec une telle énergie , qu'il est
essentiel de les combattre individuellement et aVec la
plus grande vigueur.
Sans doute il ne suffira point , pour compléter
l'œuvre importante de Tamendement des prisonniers,
d'avoir détruit les causes qui auroient empêché leur
retour à la vertu. Ces résultats , purement négatifs, ne
seroient pas assez puissaus pour les soutenir et les diri-
ger dans cette carrière nouvelle pour eux. Mais ils sont
indispensables pour préparer leur âme à recevoir des
impressions plus positives et plus efficaces , en les déli-
vrant d'inclinations perverses, qui faisoient autant
d'obstacles aux bons sentimens qu'on cherchera à leur
inspirer. C'est des moyens de détruire ces obstacles
que nous nous occupons dans ce chapitre,
Sectiow I". De la nécessite et des moyens de comhatUi
Voisiçeté.
Cause infaillible de la misère et trop souvent du
crime, l'oisiveté a entraîné la perte de presque tons
DU REGIME MORAL. 179
câéûx qn'enferihe l'enceinte des .prisons et lès jprécipûi-
tera dans de nouveaux abîmes , à l'expiration de leur
peine, si Ton n'a pas soin de les en garantir pour Tave-
nir. Tout pi^ressenx indigent est d^à criftiiqel ^ au
moins dans le cœur: En butte au bespiq,. sans, avoir
l'énergie nécessaire pour le combattre d'une manière
honori^le» il succombera bientôt à une tentation, trdp
lorte ponr une Âme énervée par la .fainéantise ; il pas-
sera le jour à mendier un pain qu'il auroit pu ^agner^
la nuit, à enlever par la violence ce que ses importuni-
tés n'auront pu arracher pendant le jour; et la loi,
protectrice de Tordre social , ne t^rdera^pas à lui enle-
ver de nouveau la liberté » dont il fait un si indigne
usage.
On ne peut se flatter de quelques, succès pour l'a-
mendement de ces coupables, qu'autant qu'on les.pr^-
muniroit contre l'oisiveté , source première de leurs
égaremens.
Mais l'oisiveté n'est pas seulement dangereuse ,
comme trateiant à sa suite la misère et ses conséquen-
ceales plus déplorables. Elle est, par elle-même., une
cause active de dépravation ; et quand même elle ne
devroit avoir aucune influence sur les moyens d'exis*
tence, i\ faut en garantir tout hotnme, que l'on veut
conserver à la vertu , ou ramener dans son sein. L'inac-
tion, en laissant errer au hasard un esprit inoccupé,
l'abandoime sans défense aux inspirations les plus
pernicieuses. Une occupation continuelle et réguU^e
peut seule. éloigner ces dangers. Il faut donc faire en-
sorte qne les prisonniers ne restent jamais entièrement
désceuvrés, si l'on veut les soustraire aux pensées cor-
mptrices , aux rêveries criminelles, auxquelles est
]6o DES PRISONS.
continadlènlieiit lifté Vhommè qoi né trâvsfiRê
point.
Oecuper tous lés moniem des prift^ntiiers, p<Air )^
délivrer ded dangers actnetl do dësceovreme»t ; le^ gi^
ranlir pour Favenir contre le goût dé ToisiTetë ^ en
les amenant par degrés à ramonr du trarail; tdi est le
double rapport, sotis lequel on doit elier éher à corakaC-
tre la première cause de leurs écarts ^ i'oisiveté. Ce sera
l^objet de deux [i^aragraphes distiticts.
dfis prisonniers*
Pour mettre les prisonniers à Tabri ^è pemicienx
conseils de l'oisiveté , il faut avoir soin de ne les aban-
donner jamais à un désœuvretttent r ohiplet et de les
occuper continuellement, fèt-ce même dans Tumque
but de remplir leurs momens. Lorsque le corps î^
gite , que Tesprit s'applique à un objet déterminé, les
idées importunes s'éloignent, le callme rënatt dans
l'âme, à l'insu tnéme de celui qui éprouve cet heéreux
changement , et l'habitude du travail peut souvent
même en damier le goût.
Une occupation constante et unifonne a d'ailleurs
Tavantage de concourir ptiissamment au maintien de
L'ordre , en prévenant tous ces complots qu'enfantent
le désœuvrement et Feimui , et qu'on ne pense jamais
à ourdir, cfiiand on se livre habituellement au travail.
Sous ce premier rapport, le travail n'étant consi-
déré que comme un moyen de prévenir les dangers
actuels de l'oisiveté , il suffit qu'il soit proportionné
aux forces des condamnés et qu'il n'expose leursantét
ta par l'emploi de substances insalubres ^ ni par des
&
DU REGmE MORAL. iSi
pertUfe^ gênantes et incommodes. L'humamlë ne
f>éiit rien demander de plus» et tes pcëcHutions suffi-
sent poQt qae les prisonniers évitent fous les naaux
^'«^traine l'oisiveté , sans être eKcédés par des tra-
va«ix 4rop pénibles.
L'homme,. dans toutes les positions ,a besoin de dë-f
tassement, et pom* qnele tisraildes prisonnii^rs ne dé-
tienne pas meurtrier pour eux, il fant Bécessairemeal
leor accorder quelque rel&che. Mais il est si important
d'empêofter qu'ils soient jamais complètement dé-»
sœovrés, que Von doit faire 4Xk sorte 4|ue leors promet
nades ou récréations soient ton)oars 4!împloy«es d^one
aâiamè|« positive et non pas abandonnées à uae sittiplis
cessation de travaux on à des conversatioBâ icorruptrir
ces. li^exe^iple desmatelots, que Ton oblige souvent de
danser sur le tîtlac , est \me leçon dont on doit profi-
ter pour les prisonniers , en a jant ^gard à la difiei'ente
position des on$ et des autres. Ainsi, on devra favoriser,
par t4Ms les moyens possibles , rjotraductâon dans les
priions de ces jeux d^'oxercice, qui procnreot lin mou-r
ornent salutaire et une distraction réelle par Tintérêt
que l'esprit y prend. Tels sont tous cens <des écoliers
et quelques autres plus populaires aicor^ , auxquels les
bomAes de tons les Agés , iJans certaines classes , s'exer-
cent «ntve eux les joorsde réjouissance. Outre les }eux ^
qwé'^tt permettrpit akisiaux prisosmiersdese procuirer
par eux- mêmes , en se conformant aux rè^leatiens , on
peyirroil mjême leur fournir quelques-uns des objets
qoi y servent , par exemple , des balles ou «des quilles.
Cetl^aUention ne seroit pas perdue , surtout dans nos
prisons. En France t plus qn aiUenrjs fw>nt-étre^ on
trauvv 4lana les bémmes de tous les âgesi une disposi*^
)S3 ©ES PRISONS.
lion a agir , qui feiroit saisir avidiMikept eefte otehèmk
de passer le temps, tobjoerssi long, de La caffiivité»
et les prisonniers y trauvei^ient , toot à la fois, une
distraction ifinoçente et un exercjise utile ]pour la santéi.
Quant aux dimanches, où les travaux seront nécessai-
rement interrompus, ils seront occupes par les offices
et les instructions religieuses et'parks soinj»parlicu->'
tiers , que les prisonniers seront 'tenus de donner à là
propreté. Le reste de la journée-^sëra consacré aux dé*-
lasseihens, dont nous avons déterminé la nature , mais
toujours de-manièreà éviter l-înaction.
' Cette activité continuelle , outre les avantages réel^
qu'elle aura, pour maintenir Tordre et pom empéchep
les prisonniers dese livrera des réflexions dangereuses,
aura de plus celui de faire connottre el apprécier, le
travail à des hommes qui, souvent,, ne le détestent
que faute d'y avoir été habitués dans la jeunesse* Sans
doute on a essayé dé iàire travailler la plupart d'eotrii
eux , on leur a proposé de l'ouvrage; mais. on n'a pas
assez insisté pour les y assujétir y et la première r^jni*-'
gnànce a suffi pour les éloigner à jaroaîsil- un ^tat dont
les côinmencemens son t' toujours difisioiiesw II en résnlte
que 'ces homnies ne connoissent du travail que lesépi->
nés , parce qu'on ne les a pas ferces.de surmonter les
premiers obstacles qu'ils renconiroient^ De là cette
horreur presque innée de beaucoup de prisonniers
pour le travail.
Il est vra que ce n'est point avee des pai^oles ^e
l'on parviendra à rectifier le jugement faussé des cri-
minels par fainéantise ; tous les motifs qui peuvent les
engager au travail , leur ont déjà été présentés et il$
lès Oint dédaignés ; il seroit donc presque tcEQjouTs itm^
DU REGIME mOI^AL; î«Ç
tile d^essayèr de noureau un moyen foible et më*.
Mais ce. que Ton n'a pas tenté, reste à faire-, et Toa
ne doit pas le négliger : c'est -de les assn}étiir an travail»
pendant un temps assez long, pour qu'ils aient vaincu
cette première répugnance, qui écarte toulours leij
hommes trop foible&pour la surmonter d'eux-mêmes
et sans contrainte. Dans la société, nulle- fosce ne pou-«
voit les obliger à s'occuper d'une manière constante et
régulière ; les premiers pas ^ont toujours pénibles, dans
quelque carrière que ce spit ; les premières difficultés ,
les premières fatigues rebutaient ces esprits sans éner-
gie ; ils abandonnoient leur métier , et ne connoissant
du travail . que la difficulté de l'entreprendre ,. et le
plaisir de s'y être soutraits, il$ a voient dû lui vouer
une répugnance presque invincible.
Msâs obligés, dans les,prisons , à un travatleontinu
et rég^é,. pendant uacertain temps; ils s?hsd)itueront^
sans y penser, à une vie laborieuse , dont ils n'avoienl
aucune idée. Le travail est lui-même leremèdl; de la
pat%sse; c'est en s occupant qu'on eq prend le.goût et
l'habitude; tel souvent a est fainéant qc^e pour n'ar
voir' pas été contraint au travail Faisons donc trar
vailler les. prisonniers, pour les dégoûter de l'oisiveté.
Mais gardons bien que l'occupation, qu'on leur dour
mera, ne soit propre à fortifier leur première répu-
gnance et à la justifier dans leur esprit. Que leur ou^
vrage ne soit ni trop pénible , ni rebutant, qu-îl offre
un gain assuré et suffisant » et l'on pourra ^ ayec quel-
ques attentions, amener les condaroi^és les moins la-
borieux à s'y livrer sans répugnance. Si l'on obtient
ce premier résultat , leur amendement est presque
^eciiÂn.> tontes les idées d'ordre «'encbaînf ot : le tra-
1^ ÔÊS PRISONS.
▼aM'dfeiïrtê Hèéé la pltis iiéltè et ia ptas Ibrte èthi ^iro-'
priétë;' et de l'idée dé propriété ai <îelles d'oTpdrelsocîal ;
de proMté, Se justice, î! n'y a qu'an pas. C'est ainsi
^e le travail peut , seul , plus que tous les autres
moyens , avancer là eoUrectîon des coupaWes.
Nous allons chercher , dans tin second para^aphe ,
eomihent On pourra garantir les pfisonnîers contre le
goAt de roîdveté , en faisant naitre en eux Tamonr du
travail.
. T^A^onAVUS PXUiLmiE. J}eê,mfiyp^d'ameuer les prison^
rmrH à l^ amour 4^ travonU^
PREMIKBE DIVISION. Dcs 4noyens de faire dësirer le travail aux
prisonniers.
Obliger les prisonniers aii travail'ne snftt poiht:
cette contrainte, botine pour lès délivrer â'un ictfsit
S«stippcH*tablé , et pour les tenir assajétis À vm joug ,
qu'il faut avoir porté qnelque temps pour tresser de k
trouver pesant , seroit capable anssi de leur inspirer
mi nofiv^l éloignement pour le travail , par sisile de
cette indépendance akière ^ l'honmle , qui s'irrite
de la contrainte et s'indigne de l'obéissanise forcée. H
faut de^c , autunt que possible , la dëgoisér on lai don-
ner pour appui le consententetit des prisonniers , et
faire en sorte qu'ils paroissent suîvire leur penchant;,
on du moins se déterminer par cboix au travail ^ qui
doit foire 1^ règle générâtes On y arrivera plus fincile-
ment qâ'on ne le pense peut-être. Les prisenmers «
même les plus paresseux , ne «ont pas aussi éloignés
fpj'on le croiroft 4n désir de travaiHer. La captivitét
le régime austère auqnel ils sottt soumis pour ia
DU flËGIMË MOttÂL. i«$
H^one, l'un ^des ressorts les pkis pmssans sar le ccèué
de ci^s hommes , rimpossibiltté de se procurer, autre*
meut -que par 4eur travail, les moyens d^adoucir leur
pdsilioii , et surtout le poids du temps, le plus pénible
de tous leurs maux , inspirent à presque tous les pri-
souaiers ie désir salutaire du travail. On a' vu les
femmes les plus vicîeiases, les hommes les plus îndo-
lens., les brigands les plus rebdles , tous ennemis dé-
clarés du travail dans la société, soumis dans les pri-
sons ail besoin général de fuir Tennui et de soulager
leur misère, demander avec instances une occupation,*
<pii'pAt les distraire et apporter quelque adoucisse-
mefê à leur sort. Quand des députés de la Convention^
vÎMfèrent , en l'an IH , les prisons de la capitale , c'est
à la Salpêtrîère, c^est dans la bouche des femmes les
plu» dépravées par la débauche , qu'ils entehdirént ces
mots : " Donnez-nous du t Aivail , nous ne demandons^
« que du travail. » Tant il est vrai que l'homme n'est
ennemi du travail qu'autant qu'il trouve des moyens
plus prompts ou plus faciles et plus conformes à ses
goûts, d'acquérir Fobjét de ses besoins naturels 6ii
faeticesc, et que lui enlevftr ces moyens, c'est le fendre
*labàrienx<
Cette vérité jette un ^rand jour sOr le problème qui
nous occupe , et met sur la voie pour le résoudre. Les
Criminels ont commencé à être paresseux, parce que
te vwl , la falsification des actes , l'escroquerie , leur ont
paru des moyens 'plus faciles et plus agréables de sa-
lîsfeîre leurs passions , qu'un travail continu' et sé-i
tlentaire. L'emprisonnement , qui les enchaîne' ati
tmlieu d%ommes sans propriétés , et par conséquent
leor renél impossibles le vol ^ le feux et toa*; les autres
m DES PRISONS.
acles^ d^io^^robitë 9 sur lesquels ils a voient fondé leors
espéirances , ie^ dispose dé)à par lui-même à prendre
la seule voie qui leur reste pour améliorer leiff situa-
tion, celle du travail. Pour les y déterminer toat-à-
(ait , et leur faire même désirer ardemment de Toccu-
patipn , il suffira qu'ils aient senti la privation de
quelques-unesde ces jouissances 9 dont tous les hommes
§e font une. habitude, et Timpossibilité de se les pro-
curer, autrement qa'en travaillant.
L'expérience justifie cette théorie; si les prisonniers,
Q^iéme simples préveJius, demandent du travail; s'ils se
plaignent souvent de la modicité. de son produit , sans
néançioins cesser de s'y livrer avec ardeur ,. c'est qu'ils
n'ont pas d'autre moyen de se procurer quelque aliment
ou quelque autre substance, comme, le tabac , dont le
besoin est devenu plus fort en eux: que la paresse, qui
a terrai leur vertu. Cetteftndication de la nature sera
notre règle ; elle nous montre les moyens de détermir-
ner les. prisonniers au travail : il faut employer ces
moyens , et n'employer qu'eux ; ce sont d'ailleurs
peut-être les seuls justes et les seuls efficaces*
. Je proposerois donc de n'y^ contraindre les prison-
niers par aucune violence; les mesures qui en sont-
empreintes sont trop voisines de l'injustice , et trop
propres à révolter. Le travail , imposé par la violence,
est ^ une sorte de supplice, et notre but est de le faire
aimer autacit que possible. Il est une autre sorte de
contrainte plus douce , plus juste en«méme temps , et,
selon nous,. bien plus efficace > sous tous les rapports-:
elle, consiste à n'accorder aux prisonniers les foibles
douceurs 'que peut comporter le régime des. prisons,
que lorsqu'ils s'en seraient rendus dignes , en travail»-
DU REGIME MORAL. 187
hùt , et de ne leur laisser parvenir âucm». somme
d'argot avant cette époque. Au lieu de recevoir la
«oupe et les légumes ou. la viaade, le prisonnier va-*
lide ne recevjrott que sa ration de pain, tant qu'il n'an-
roit pas demandé à s'occupier ; séquestré pendant les
jouTii^ entières , de manière à ne pouvoir détourner
les compagnons laborieux, il ne jouiroit point des
promenades, et des récréations communes* Aucun
^conrs. du dehors , soit en argent , soit en vivres , soit
en vêtemens, ne pourroit lui' être remis pendant ce
temps de privations, qni commenceroit dès Tinstant
de Tanivée des condamnés dans une prison pour
pônes , et se continueroit jusqu'à ce qu'ils eussent de^
mandé de l'ouvrage.
Aussitôt que les condamnés arriveront dans une pri-
son, montée d'ateliers en nombre suffisant pour les
occuper tous, on les enfermera séparément dans des
chambres fortes, éclairées seulement par un entodfinoir,
qui admette la lumière , sans permettre à la vue de.se
porter au dehors. Ils y resteront jusqu'à ce qu'ils aient
demandé de Touv^-age; et, pendant. cet état de sén
questre, ils ne pourront«pàrler à personne. Le prépo-
sé , chargé de leur porter la nourriture , ne leur adres*
sera jamais la parole , et ne leur répondra que lorsqu'ils
demanderont à travailler. Seulement , en les amenant
^ans la chambre, il leur donnera lecture des règlemaas
dont nous expliquons les dispositions, et qui seront
inscrits en gros caractères et affichés dans l'endt^jjt le
plus apparent ^e la chambre. Les murs seront entière-
ment nus et unifprmes; l'affiche seule coupera cette
vue nM>notone , et les regards du prisonnier n'auront,
panr s'arrêter, qu'un sei4 Ql^et, qui lui rappellera con*
i» DES PRISONS.
linwUemêttt le setil moyen «fu'il ail péur • sertir dé
e€tte ennuyeuse posUion* Il iioa^ aeaiMe que ces pri-
▼atioBi^f ce régime faslidieux et sévère y Im feroîent
bienlât désirer le travail , et que kii*mèm« vieodroit
démander une occupation , qu'il eût peut-être repeus-
sée avec horreur^ si on avoit voulu Ty rontraindre par
la force, et qu'il embrassera avec joie, en y trouvant
le remède de lous ses mauXi
Ainsi amené à désirer , à solliciter ce travail, qu'il a
fui , souvent au péril de ses jours , (^ toujours aux dé-
p^as de son honneur , le prisonnier en sentiroit bien-
%àt kt dottce^ret les avantages. A l'ennui de la solitude
suecéderoient ces jouissances de la société, aiTxqueÙes
le cœur de l'homme est toujours si sensible ; une noor-^
ritureplusabdndante, et plusagréable en même temps,
répareroit ses forces abattues par les maux de Tâme et
du corps ; le système absalu de privations^ sous lequel il
géfiiissoit, cesseroit de l'affliger; il pourroitvoir ses
amis , ses parens , recevoir leurs secours et leurs ccHfr'
solaticHis; il ponrroit , du produit de ses sueurs,- se pro-
curer tjuelques soulagemens , qu'une administration
éeettome né peut lui fournir.? et c'est au/lravail qu'il
devroit cet heureux changement ! Combien ne seroit-
il pas tKsposd à aimer ce bienfaiteur, cet ami ^ ce con-
solatcnr,qu'îl avoit toujours méconmi,et àqm'il devroit
le» premières larmes de joie, qu'il aît< versées depuis la
pert e de sa 1 iberté l Et sa , un seBljo^ir, il pouvoir regarder
le trwKiiMbmme l'unique sourcedubonbeurqii'i4puisse
attendre, combien Tamendementde ce cœur perverti ,
mais susceptible de correction , ne seroit^ilpas avavycé !
Chaque jùur fortifieroit les impressions du premier,
chaque joue verroit crodtne son amour. pour le travail,
DU REGIME MOHAL. i6$
son cofirag^ poor en surmonter les difficultés; et si
parfois on moment de découragement venoit le sur^
prendre , il ne faudrott , pour lui redonner toute sort
énerj^, qtie lé souvenir de l'état malheureux d'dù Vu
tiré le travail î et ta comparaison des avantages et de
la douceur de la vîtf Ijaborieuse , même dans les pri-
sons. Le travail ne lui présenteroît que des idées con-
solantes, et il s'habitueroit à penser avec plaisir à xm
devoir, <jne ^ mauvaise éducation lui avoit rendu in-
supportable. '
9Bnxx£M£ jDiTisio:(r. Des moyens de rendre le travail agréable
aux prisonniers.
ARTICLE P'. Vu choix des travaux.
Cè ne seroît point asseas d'avoir astreint les- prison^
niers à une vie laborieuse , si Ton tie savoit pas ies re-
tenir dans cette excellente voie, en leur inspirant* Ta^
mour du travail. On n'y parviendra, avec quelque
certitude, qu'en leur donnant des travaux, qui ne leur
déplaisent point. &)ns doute, dans le choix de ceux
qae l'on imposera aux ékmdamnés, et qui font partie
de leur peine , on ne devra pas se décider uniquement
par leur gtiât particulier; mais il seroit dangeroix et
contraire à un bon sjsIènSe d'amendement moral ,de
ie négliger tont-<-à-fait. Les condamnés, surtout ceux
qui ont croupi dans une longue oisiveté, ne peuvent
pas être traités comme des hommes ordinaires. Leutf
esprit est comme celui defs enfans, il faut le Éménager,
ie former avec soin , le diriger vers les objets <pi'il doit
i»nbrasser, iieudre aimables ceux qu'il doit aimer ^
odiènrceux qu'on veut qi^'il haïsse^ et surtout se gar-»
igo BÉS PK1S0N&
derde refran£U4&bef^ par l^appareil da devoir, qu'on dé«
sire l'amener à remplir par inclination. Il faut donc
ménager , avec la plus grande.attentioii ^ les heureuses
impressions' que produira sur eux le retour à xme vie
active, et ne pas émousser, par le dégoàt qu'inspirent
des occupations pénibles ou ennuyeuses^ ce commen->
cernent d'amour du travail , qui est comme le signal
de la renaissance de la vertu.
Ainsi , on devra écarter du choix des travaux qu^.on
établira dians les prisons, ceux qui sont si |>énil>le$ on
sirebutans, qu'ils sont par eux-mêmes un supplice.
Les ouvrages dont on charge les galériens , depuis qu'ils
ne sont plus employés comme rameurs, ajoutent poa^
beaucoup à rhorreur qu'inspirent lès bagnes, et s'op-*
posent avec force à la conversion des criminels qu'on
y renferme. Croit-on que les malheureux, que le fouet
du comité Contraint de se^traîner dans les égoûts,^our
les débarrasser des immondices qui les encombrent,
ou dans le bassin des ports qu'il faut souvent débon«
cher, conçoivent, dans ces déplorables journées, le
moindre goût pour le travail? £t ces. Hollandais qui,
enchaînés à une scie énorme ,' passent tout le temps de
leur captivité à débiter des bois de teinture , pense-t on
qu'ils trouvent un grand attrait, à des travaux aussi
mécaniques? Ils travaillent, la rage dans le cœur , et
ce travail devient pour eux le plus horrible des sup-
plices;, il ne se présente à leur esprit qu'entouré de
î'appareildes rigueui^s, qui peuvent seules les y assnjé-
tir et de tous les dégoûts qui l'accompagnent ; et , reu;-
dus à la liberté, ils repoussent bien loin d'eux toute
idée qui ramène au travail, et se plongent de nouveau
dans labime d'où on auroit pu les tirer par un régime
DU REGIME MORAL. 191
pkis ]nAe et moins pénible. Aussi , le nom de' forçat
libéré inspire presque autant de terreur que celui de
brigand , parce qu'on sait que les condamnés aux tra-
vaux forcés sortent presque toujours des bagués, aussi
•ignorans et plus ennemis du travail qu'ils ne Tétoieut
auparavant.
. S'il en est quelques-uns qui^; à l'expiration de leur
peine,. trouvent encoi'e le moyen d*exercer une pro-
fession estimable, c'est toujours parmi ceux qu'une
industrie particulière, ou la faveur de quelque personne
influente a séparés des autres condamnés, et fait em-
ployer à des travaux moins rudes et moins ennuyeux.
Souvent , dans les ports, un condamné qui a de l'ins-
truction , trouve à s'occuper dans les bureaux ;' il en
est d'antres que les habitans de la ville prennent chez
eux en qualité d'ouvriers ou d'hommes de journée ;
presque toujours, ce sont des, forçats qui cultivent les
jardins du 'gouverneur. Tous ces malheureux passent
assez doucement le temps de leur peine ; quand il est
écoulé , ils exercent encore dans la société l'industrie
qui les a soulagés dans les fers, et l'opinion publique
semble leur tenir compte des efforts qu'ils font pour la
reconqnérir.
Ainsi , parmi les forçats , tes uns sont perdus à ja-
mais, tandis que les autres parviennent à reprendre
dans la société le rang d'un de ses membres.^Cetle diP"
férence«dal)S la destinée prend sa source dans le régime
moral, et surtout dans le genre du travail auquel on
lefra assujétis. Les uns , occupés d'ouvrages dangereux
etpâdibles., qu'ils n'ont pas choisis, mais auxquels on
les a contraints par la force; les autres, chargés de tra-
vaux conforoies à leur inclinatijon ^ à leUPS^Connoi^-
r
i^a DES PRISONS. '
sanceSy à leurs habitudes primitives; ceux-ci, té&ÈM
avec tous les brigands du royaume , portunt en com-
mun un )oug intolérable , qu'ik cherchent 4 rendre
moins pesant en se racontant leurs horribles exploits ,
et en. s'eucourageant à en commettre de nouveaux ;
ceux-là, disséminés au milieu d^hom mes pi^J^es, auxr
quels ils feroient horreiir, s ils ne parotssoient repen-
tans de leurs fautes , et avec lesquels ils ne reçoivent
que des leçons d'honneur et de niépris pour le crime :
voila les différences qui font de ces malheureux deuic
classes si distinctes Tune de Tantre. L^expérience nous
montre comment .les uns se dépravent encore, tandis
que les atitres reviennent à la vertu , en subissant \^
même peine, modifiée par le régime moral et surtout
par le genre de travail. Tâchons d^étendre auxsimples
.prisonniers les principesdont les galériens llpus offrent
d'avance l'application.
Pour que les travaux qu'on leur imposera concou-
rent à leur amendement , il faut qu'ils se rapprochent,
siutant qne possible , de ceux, dont nous reconnoissons
les bons effets sur certains galériens. Nous verrons uU
térieurement comment on poorroit pousser les cooser
quences de cette analogie, jusqu'au point de lui faire
^produire , de la manière la plus étendue « les fitiits
qu'on^ peut en espérer. Mais pour que les travaux ne
déplaisent point aux prisonniers et ne les dégoûtent
point,. par eux-méme§, d'une occupation réglée, il faut
qu'ils n'y soient pascontraints, au moins d'une n^aniàre
apparente, qnél'ouvrage en lui-même ne soit pas rebu-
tantt et qu'il convienne;, autant qne possible, à chaque^
prisonnier en particulier, à raison de son industrie pror
pre et de son goût , en sorte qu'il s'y puisse déterminer
. BU REôrME MORAL. igî
par choix , etf c^n'il caAlhuieik s-y livrer de bonne vcm
](mlé, après P^ivoirâotrepi'bssintrépiigoAnco*
OuetffoeS'^imteiirs <Hit: proposé .de ne peirnieÉtre qo
choÎK qu'à une cerimritt clofine de coodamnés, pao
exemple, à ceux qui sotit conékmvtiës à uusinipieeinH
prisonnemettt', et de tre poîçl oonsulter Içs autres sot
les travaciK qui leor coiiviond^poient' phis ou méiiis/
Cette dbliiietmn meparott an inaîds>lnès-riigoiiFeii(e;i
mais eiiead'^iîlienrsk dangci-^ rëol et inévitable , de
compromeltre lontei» les cspéraocesd'aïuendenciefit^qnè
IW ponrrok avoir^ pour tes c&iidamnës à {a réchisioii.*
Nom avons dë)Ji' Unk seiilir cen^blc^ i 1 esl importait
pouf k r-ëforme morale que le^» détenus se livrent âveq
une certaine lionne- vukintë au travmt qu'en leur im-*
posera. Il fmidpaî4 y renoncer presque tonjaors, sib
ne ponvtHeiit \ras choisir ieiirs travaux. Pourquoi donc<
j)ar ui)e application tn>p sévère et »ia) coRubinëe dô
principe de la gradation des |^»e9, initrodoirait-on
(lan»cel4^d« la rëd^^^on une tigiieiH*, absekiment con-!
traii% an bn^dè la loi, Kameadément du condamBoél
Qq on le force atr l^dvsnl, rien db pins juste : la loi et la
raison {e^comniaiKl en t; maisqn'cHi moins on -loi laissa
la liberté de- choisie ToinVrage , qui Iwi eovHrient' te
mieux, parnviceuxetaM^s dans la* prison. Qùy gagnera
S(His tous fes rapports : Tonvrage sera naieu* feît , lé
prisonnier sent nnilns mëcoiitent ^ par conséquefit
moins indofcîle, et sa correct ioti s'avancera de tout- èa
penchant qui l'entrahiera vers son travail.
Ia liberté' du choix n'aura de bornes q«ie dans, tel
règles que nous avons posées plus haut, pouP la népar-»
tition- des prisonniers dans leîsfitelîersv ainfei uii<eqm
itoimé, signalé comnie gratidfcpîttwnrt, we ptinvra
ï3
Î94 DES PRISONS.
choisir un métier, qui seroîi exclusiveiuent et néces-
sairement attaché à un atelier, dont il ne poqrroit être
ouvrier , parce qu'on y craindroit sa présence. Mais à
cette ,exception prés , on lui permettra de choisir tel
ouvrage qu'il pourra faire dans son atelier. Les autres
prisonniers pourront toujours choisir le métier qu'ils
voudront , même quand il n'exisleroit pas encore dans
la prison , s'il peut y être introduit sans inconvéniens.
D'après ces principes , on conçoit qu'il faut établir
dans les prisons plusieurs genres de travaux , surtout
de ceux auxquels s'occupent particulièrement lesciasses
les plus pauvres de la société. Ainsi , dans tous les dé-
partemens, on devra établir des ateliers de tailleurs, de
cordonniers, de couturières, etc.; on fera bien aussi
d'en établir, où puisse s'exercer l'industrie locale, qui
varie d'un département à l'autre , et souvent même
dans les divers arrondissemens d'im même départe-
ment Dans cette classe se r^ngentles drapiers , les tis-
serands, les chapeliers , soit en feutre., soit. en paille,
les bonnetiers 9 etc. Tous ces ateliers conviendront à
ceux qui connoissent déjà lesniétiersqui y sont établis,
et ceux qui n'ont pas d'industrie spéciale pourront
également y être employés cofume apprentis , suivant
lenrs dispositions. On aura soin de n'admettre dans
les prisons que des métiers, qui n'altèrent pointla sauté
iie ceux qui les exercent, et qui çie soient pas tellement
méeaniqoes , qu'on ne puisse s'y livrer sans ennui.
L'exercice que Irait l'esprit, pour exécuter avec intelli-
gence un ouvrage un peu compliqué , est , pour ceux
qui en «ont capables, une excellente introduction aux
leçons d^ Uti morale. Il ne faut négliger aqcun de ces
moyens, (et surtout ne pas abâtardir sur un bloc de
DU REGIME MORAL, tgS
marbre un esprit capsible'des- calculs dtt totïiitietce
et des combin^iisons de là mécamque.-CSepeiidant H est'
des homhies^ponr quiies travaux puremeutn^arritiels'
sont les seuls convenables , soit que leur esprît'u'Mt*
pas le ressort nécessaire pour s-élever* au-dessus d'une-
occupation corporelle, soit qu'habitués à un travail de
ce genre , ils n'en désirent point d'autre* On fera bien
de leur réserver cette ressource , et , sur leur deinaude,
on pourra, autant que le permettront les localités, leur
donner les moyens de s'y livrer. L'habitude qu'ils en -
ont depiiis leur enfance leur fera envisager sans repu--
gnance, et méaie avec plaisir, un genre dV>uvrage/
qui , pour tout antre, seroit insupportable^
Jusqu'à présent, nous n?avous parlé que des travaux *
auxquels on peut se livrer dans Tint érieilrt des maisons
de forcer la loi française et la manière dont, on rap-
plique semblent exclure entièrement le^ travaux* en*
plein air : car je ne donnerois pas ce nom à. ceux que>
l'on 'peut faire indistinctement dans les préaux ou
dans les - ateliers. L'espace , qu'on pourroit leur consa-
crer^ seroit nécessairement toujours si élroit , qu'on ne:
doit pas compter sur les ouvrages, en petit oonibreet
peu lucratifs, que l'on pourroit y faire. IX'ailleurs ces
travaux , restreints au seul temps de Tété, ne seraient'
pas d'une utilité bien: grande et ne foraieroient,,dans
tous les cas, qu'une exception peu importante; On peut
donc regarder nos détenus comnie irrévocablement'
condamnésà des travaux sédentaires, dànsles bâtimens.
îl faut en convenir, toutefois; cette réclusion peiv
pétuellè , ce séquestre absolu de la société, qui ne laisse '
ensemble que des hommes frappés de La réprobation^
légale , et quilesrend, pour des années enttères,;éâraa« *
1^ nm^ mû&oam
^1^ àr \mm wpcîlk>)if»s ^ ^t pet» pn-op^e à prodiûne lea
<^i9iiK qtt/<H)f4^t aJtemke dinM f»m» légale > pour Far
i|fii»4«E]^ent<^m9ff^ (kl eoeilaii»i^« J>e& qanMLératîoojs
dfvtn intérêt, pl9$ pyos^Âot pootréii^eoeoye, senfiblecU
sQllîcUeir, ea fsNva»i> d^ prâoimibca^ VemfAoi des>lcar
ym^% ^jdir'mwê et en ptei^. ain. Il y a uae sorte d'î»-
jl^ticeeldf'inhnfiSMijUé àknr reftiser uae:fdoulté9dont
joiiUsieot les candafpiii^3 aiix travaux foncés, qneJaloi
a^K)nln pniMn|»U]$:sévèneinent; et quand on voU. le&
canditfiKiés.Y malfca les fetignea et le réginie désespé-
raoli des bagi^»', prëfisDer qxaelqiiefois la peiue plm
f^rwedesgalèneft à.cell^ de lartfabistuft, pour ceoaep-
ver le droit jda Bespiiieff encoire un, sàr pur ei se déiîvner
iha k'enou^ux et insalubre séjour, des pcisons., ou se
demande pourquoi le peine inférieure compoi^e une
rîfjueuF quiin'esl pas dans la plnsu forte. La réclusioii,.
cpii duJEê au n^oiilsi cinq ans y qui peut s'élendre à dix
et^Q^éfue à vngt ans^, eu cas- de séci^ive, est, âous
^ oeotains rapports^ tisop pénible , pour 1« degré qu'elle
occaope dans nokise législation pénale^ Gondemner un
iBalheui]9uii à passer vingl ansde sa vie daiisi une pri-
mn 9 sans pouvoir m» ssml jour sortir , ifiénie. pour trar
^laâler, dé-eette atmosphère empoisoimée,. c'est lui
eâÂlever la/oonsoIatioR, qu'on ne veSùhe pas aux gale-
rians, de respirer tsir commun.: c'est presque le de-
vimer aux maladies età; une mort lente, mais cer-
tame»
Là loi n'a p» vouloir ce» bonaibles résultats, mais
Testéeution littérale desesdisposiUoaalesproduiti. Tant
qu'oa les exécutera de roâme , il faudra s'y at^eudce ,
et la peine de la reelusîqn poumt étse coosidjérée, dans
ceEtains<cas et pour certains individus, oomm^ plus.
DU REGÎIVIE MORAL. tg^-
pàiiblé'cpié celle deslravaiiK forcés. ]Viaisf)Cmrqiièî^N&
'|»ernnèttrèk^o«i fiah Au« èûndafAnësà la rëdârion , ou
fkHàt, à lu 'petite qtfi ta remplaeerolt, daYis^âticttiVe^Ci
'système ^f^criité , àe se livrera ilés travaux êfti^pleSn
i»ir, ai >0Kt^^etir des maisons et force., oii j^h seroAëM:
enferteé», ff^nôà^t là troît , 0ù penèar^tlteh ^sm^Wcfp
^i^gdirrenses ^dam^rtains dépiftietntm? Atitnôym tite
t!e chan^mewt , i>es prisons ne Ber€fi'efy|'^«fs'c|tie'd^ ^^
fèx>cs>(k i«|giie&, d^uti degré«:m(yfffôf4>g0ui%iit^«ét «iidinis
:inimians*qiiéi6s>bagtiesi^aHtiMeis. 1^
tMiToil |rtas fe 'rept^clre 'îrfe c^rn'proiiîettre te s^méi^v
«û retmmt 4>a ifbèi^é^ 'et tde ^d^il^ ll^ pëhi^ KKN^t i^
peu ée itiseèriKEfment , ^«l'^eMre d^ik f^è»Kes &e Hiveim
àegtéSj ie «hôk îsôU pudique tdii}6âils iHkdi^ttM
at}xx!ondamné^^ et qii on ne piafvtenn^ à^otiSfel*Vëf à
lafttisgraveisa trtsfte Bit|irériei«Fté, qt^ par Cfïgis crolMés
iUëga!lé3 et ta <\ùt(^é â UM lîîscipiiTie $fi(tdlen)b)«; lié
^ondan^ftë , en «ntfaûi dans la pristm ,«« Wôî'MlpIf*^
'destendtift thins scm towi&èao; îa p^iï)àrt dô pîrfeibh-
niertse Irvrerôîent» avéc»SïiCéè»t<t tkdtttè, à^e^tiDiiiiiiiK,
qiV'îls connolttettt ffreséfi^ tèlià , et «è ^s^c^tà fih t*^
diiîtsàfaire, dam l'ftgeJrtiAt-, V^pjwhtî^^'d'iift Th«-
lt«5r , fpi'îls Tïe pontrôîent faÀUftb sàK^éW èfa'4i»^>Jftftrîfë-
ment.
Les trâvîMit etfërfeûrs, «^t cbhh^W^» ^iii pfenv^A
*tré îhdivîdaèh V pi^ècnfei^^ Ààx ëonàattii^ «en-
tres dans la société les moyens tte i^ctrrtpBfr tifflertièWtv
cSiâtUtt daiifi èon pays. Uh ttt<èoh> tm j^éR^r, uu
tetraasîier troutietït twjbôrs de i^tfufvtàgé ; tittife crrtni
Tpil^îdaAs Tènc^éW'e tùti îjftîïhertt , a appris mi de
ces fftêlietSj <fni tfô pèfivèVtt à'exe*cèr que dans une-
manufacture ti à là ftivtfor â\nre entrbprîsè gftiéifafe^
igS DES PRISOTs^S.
ne: trouve pliis chez lui les moyens de subsister; son
industrie,. qu'il d tournée vers la fabrication d'objets
•commerçables , lui devient inutile dans son hameau.
D'ailleurs, la plupart des métiers qui s'exercent en
iipianiiracture exigent des ressources au-dessus de celles
d'un individu, et les grands capitalistes peuyentrseuls
rassembler les fonds nécessaires, pour entretenir leurs
ateliers d-instrumens et de matières premières. Les
condamnés n'auroient donc pour ressource, à l'expo-
.ration de. leur. peine, que ces manufactures, déjà si
difficiles à contenir , par le nombre d'hommes qu'elles
Tas^rilibleut sous les mêmes lois, et pour lesquelles des
criminels libérés ne peuvent être que de dangereux
'lauxiliaires. Ils quitteroient leur ancienne, demeure,
leur famille , le foyer paternel , soutiens précieux des
bonnes Tésolutions, pour aller s'entasser dans des vUles,
.^Q naili^i d'une population inquiète et remuante, où
ils. a<$qtterroient bienlôtje goût de la débauche, de
la.paresse et de l'insubordination. De tels ouvriers, si
la misère vient encore ajo^iter à leurs défauts l'aigreur
du mécontentement , seront-ils bien éloignés d'exciter
,ces mouvemens tumultueiix, qui agitoicut naguçre une
puissance voisine de la France ? 11 y a donc %in danger
réel à n'apprendre aux prisonniers que des métiers de
manufacture , et Temploi de leurs forces à des travaux
d'utilité publique en plein air es^ très- propre à les
remplacer avec avantage^ . . ^
Le Gouvernement lui-même trouveroît , dans cette
modification, des avantages marquans, même sous le
rapport de l'économie. D'abord , il pourroit employer
les, prisonniers. à une foule de travaux d'une uJLilité
universelle , dont plusieurs même sont d'une nécessité
DU RÉGIME MORAL. 199
urgent^!, et que le manque de bras, ou plutÂt de îùsààs
pCKir.les pciyçr ^ empêche d'entreprendre. Des canaux
projetés depuis ilong- temps, des routes importantes,
toujours tracées sur les plans, sans être exécutées sur
le terrain , la construction ou la réparation d'édifices
publics dans, les dépairtemens , la fixation de ces dunes
envahissantes, qui menacent d' engloutir dans leurs
sables la troisième ville du royaume ; tels sont , en aper-
çu, les importans ouvrages, qu'on pourroit exécuter,
en employant, d'une manière convenable , les forces el
rintelligence des condamnés, et en faisant tourner au
profit de la société la peine qu'ils ont encourue en vio^
lanèites droits.
En xhême temps, le Goci^vernement , directement
intéressé dans ces tràvaul « aurait, sur les'prisbnniers^
nne autorité immédiate, et recueilleroit le fruit de
lear& travaux , sans être encore grevé des bénéfices des
entrepreneurs. Maître de fixer la main d' œuvre, il
pourroit , en faisant sur les prisonniers une éconpmie,
bien jiistifiée par l'obligation où ils sont de travailler
pour d'intérêt public , leur donner encore une rétribu-
tion .quotidienne , supérieure à celle que leur aban-
donne, comme à regret, l'avarice privée. Il.auroit
également le moyen de récompenser sans frais les
fNreû.ves de talent ,! de zèle ott de retour à la vertu , que
doni^éroient les prisonniers , soit parmi avancement
quelconque , soit par une gratification , soit par Tap-'
plication à tel ou tel genre de travail.
On troiiveroit d-ailleors , dans l'emploi de ces tra-
vaux < un .moyen de graduer les peines, qui manqpe
absulfijnient dans i'atat actuel dei ctioses. L'emprison-
I uement et la' réclusion , qui sont des peines d'un ordre
«ob • DiES PRBSONS.
toat ^diiréc^nt ^ m confondent par le faîi^ate Jeur
acolioD , poSsqtie les condamner à ces àcax peines saut
Mnfemies dans les raênnes prîsbm , et ensfftoyës wrx
ménies tpavjHix ; mais avec le chan^uiefit propo^ ,
«m distingiieroît ats^ment les divers geiires»de fieîtiesv»
«n divisant les travaux en fikiswcirs dasKS, à 99fièfm
de 'leur £aciUté , et d^i pkiSicm nnoins d'agrémeni qails
fiDésentent. On potirroît mâme y tronver on n^yeik
dr'étendne F^hdle des peines , éyidensmeal: trep i < s-
tteinle^daus notre lé^latto»^ et de les rendre^ par
leur rariétë, pius appropriées à chaque espèce de
Il nous semble donc qne ce changement iqni vnmis
un M&veÊÊOBÈ , modtfierote èsseutieilcaieat rëtat de
ishoses aetneUauroît des avantages préeieax^ Isonsfaesn-
tet>u|> dé HRpperts.
Sans dotfte €Ha ëi«vera pisrs d'ime objeetsim trantre
«se pri^êC) et cet» snrtoot qui ont intérêt à b VMiSèr-^
^ration de l'wdre de i^ioses qpie nous voyons ^ ne msin-
ipieront paè cfe raisons pour k trouver Uen fiféSétMe ;
ih eKagéMront la diifictt<l4é de garder uM tnnltil9Kie
tle^«»idamnës tmvailknrs, répandus s«r kisorfece du
royanme y et l'opposeront à la Cftcilîté ^fne préseniont
AosprtsoftS) oà an seni goîclietîér tient sous les v«r-^
noax , «t fait trembler d'^i eoisp d'dtil dès eenlalnei
été prisonniers. C'est en invoqaant rMpér{enc«>f eVst
^ ci ta«t des exemples fonruaUers « ^ue nous réfbmrdns
d'avance cette objection.
Comment parvient-^on a eontenir à% m411e foi^s»
que certes on ne retient pas entre <fnatre mnraitlés »
tandis qu'ils déchargent des navires ? Comment pré-
:vieAt-en leurs évasions ^ lefirs révoltes ? Au ilv^ft*
• I
/
DU BEGim: MdtlAL* mi
d'fMie siiTTerltence active et d'utie Morct ferwire sitift-
sftote; car il ne faut pas cimre cpie IcalbiSy dont ils^ont
charges, soient de véritables obstodcsà l-ë^asiiOaé II "M.
si facile à un hoaiane <(«i a les «immis libiies, «de se 4é^
barrasser des chaînes les plus solides , que Vèa comp^
'teitNi vaineniétit sur ce seeoui^ pdiir retenir les for-*
^& 9 si cm -ne les sitrvâUoit d'aiileors âvtc le plus
grand soin.
Il en est de même des railkannes comiatnnés anx
travaux publics : c «st em |^ei<i air, c'est en rasfg tstm^
pag^e qu ils 5e livrent aulE ^Mi^rages qu'on leur ilnçiMe ;
nm n'a fnènie pas à leur égard la ressoutce ^s ba^fs
flou r lies renlent>er chaque }Our, puisque souvent ils
90ttt barraqués ,. comme dails vn^ camp, sur le lien de
iairs, travaux. Ces deux exemples prouvent qit-il eet
^ciled appliquer plus en grand le système ties tra*-
vaiix/exlérîeurs 9 et le second donne précisémeat te
iuodèie que Ton devroit suivre. Ge' qne Tofi faift bîeé
pmMV les forçais et pour les déscrteors^ pou^ioi tee ht
feroit-on pas pour les atUres c^xadamnés? Est-il plus
dffficile de garder les uns qsnie les autres? Quel inx!oii-<-
vënmit y ai4f*ait'il d ailleors à eticl^ttier les condîam^
feiés à hi réclusion, ou à la peîtie correspondahfe ^
eommeeii enchaîne les forçats? Ce ne «ont pa^ lés
f«rs ni les boulets qui sont infamans, te$\ ta diirpoâi-*
lion delà loi qui applique Tinfamie légale à telle ou
tétle>péihe. Si Ton veut conserver la gratlation de l'op-
probre entre les diverséis classes dé condânVd^à, elfe
seroit suffisamment marquée par la différence de llia-
biileaient et parcelle des ii^vaux. L'opinion saui^it
l>ien distinguer ks forçats , ^tu3 de r<^uge et enif^ôyf^s
4ans les ports > aux travàtrx f ^tvës à teot»s htt» , dt*<
202 ^ DES PRISONS.:
•antres condafnB& qui\ couverts xle vétemens îaiines*
'exëciiteroièat des travaux publics, dans les departemens
deJ'iotëneur, comme elle sait distinguer les niili-
-tiiires sous leurs moustaches et leurs uniformes gris
-«t noirs ( i).
' t On' fera sans doute une 'seconde objection , fondée
tsur le nombre de troupes nécessaire pour garder tons
ces condamnés , et la répugnance que Tonsapposeroit
^aux militaires pour ce genre de service.
- Quant au» nombre des trçupes, il sera toujours plm
que suffisant; il n'y a point de nation , si dépravée
«qu'elle soS{, chez laquelle le ncMmbre des coupables ap-
fproiche de son état militaire. Ainsi y en supposant que
le nombre de soldats employés à la garde des condanv
tiés dût être égal au nombre de <^es derniers , il ne
faudroit qu'une portion peu considérable de Tar-
:mée pour faire ce service. IVIais une escorte n'a jamais
ibesoin d'égaler eo nombre les hommes qu'elle est char-
gée de garder. L'avantage que lui donnent les armes
qu'elle a en sa possession , sa tactique et sou organisa*
tion en corps discipliné , lui assurent une supériorité
évidente , que multiplie encore la surveillance perpé**
Quelle qu'elle exerce. On en a un exemple frappant
dans la manière dojnt on garde les prisonniers de
guerre : un foible détachement suffit pour contenir et
«
(i) Dans plusieurs villes» notamment à Milan et à Berne , etc. »
les prisonniers sont employés à entretenir la propreté dans les
différens quartiers , et à arroser les rues dans la saison 'des cha-
leurs. On ne cite aucun accident, auquel cet usage ait donné lieu.
L'exemple de ces villes est une nouvelle preuve de Ift facilité
qu'il y auroit k appliquer les condamnés à des travaux , qui se £q^
Toient hoi^ de Tenceinte des prisons.
DU RÉGIME MORAL. 2o3
mener, quelquefois assez loin , même en pays ennemi,
une forte colonne de militaires aguerris , mais désar-
més et soumis à une surveillance, qui prévient et ar-
rête tous leurs mouvemens. Les soldats aùroient bien
plus de facilité encore à garder les prisonniers ordi-
naires au milieu du royaume , où les évasions îseroient
si difficiles , et les secours si prompts en cas de révolte.
Toutes les circonstances, qui sont si favorables aux
prisonniers de guerre, n'existent point pour les con-
damnés, que chacun s'empresseroit d'arrêter et de
remettre entré les mains de Tautôrîté , en cas d'évasion.
Il ne faudroît donc qu'un nombre d'hommes assez
restreint, pour garder les condamnés, occupés de tra-
vaux extérieurs , et il n'y a point de département, dont
les garnisons ne fournissent , même en temps de
guerre , assez de militaires inoccupés, pour garder bien
pins de condamnés qu'il n'y en aura jamais dans les
'prisons.
• Mais, dira t on peut-être aussi, les militaires vou-
dront-ils se charger de ce service , et ne trouveront-ils
pas au-dessous de leur dignité de garder des coupables?
Ouï sans doute, ils s'en chargeront volontiers , et iU
n'auront pas le faux honneur de croire qu'ils ne peu*
vent servir la patrie que contre les ennemis du dehors,
f t qu'ils ne lui doivent pas leur secours contre ceux ,
plus dangereux encore, qu elle nourrit dans son sein-l
N'y a-t-il donc d*autre gloire sur la terre, que celle
d'égorger des inconnus, parce qu'ils s'appellent Angloîà
ou Prussiens? Et les militaires doivent-ils être abso-
lument inutiles en temps de paix, pour ne pas désho-
norer leurs lauriers^ Eux-mêmes sont loin de le croire,
cl leur conduite dé5avoué hautement cette injuste sup«
2o4 DES PRISONS.
»
position. Nft^ soûl ce fias des militaires, ^oi forment la
garai^qn des j)orls^ et qui -conconrent à la garde des
tuigaes? Ët^uei régiment s'est cru avili , |K)nr avoir
été cantonné à Brest pu à Toulon? Ce seroit donc à
jtort ^ que Ton t:raindro»t de trouver de Top^^ositiou à
ce prc^t dans Fesprit des militaires; ils céderoient
sans répugnance aux ordres de lenrs supérieurs, pour
ce service comme pour tout autre. Quant auxof&ciers,
ils sentiront aisément tout l'avantage d'une organisa^
lion , qui occuperoit utilememt les loisirs des soldats,
ojotretiendroit parmi eux une discipline régulière, et
Jes habituerott à.la vie des camps, pendant H repos
de la paix et dans l'intérieur du royaume.
C'est ainsi qu'on ponrroit essay^x d'employer les
condamnes à des travaux extérieurs. ,Quant à |>rései^t,
il »e peut en être question , piiisque les .peiiiefi qui
peuplent les prisons emportent une clôtune perpéluijelle*
Mais si les législateurs qui veillent à nos destipées fu-
tures, portent un }oQr la réfornie danfi nos lois ^pénales,
€m "elle est si néceesaire , pourquoi ne cha«igeroit~on
pas ia réclusion , l'emprisonnement même en des
peines correspondantes, niais qui n';e«cluent .pas la
possibilité de travailler en plein air? Pins d'im exem-
ple prouve qu'on peut très -facilement les enaployer
à des. ouvrages de maçonnerie^, de oharpente.» etc.-
Les prisons d'Oxford et d'Ilchester^ furent construites
par les prisonniers mêmes, qui 4evnient les habiter,
et tout le monde s'accorda pour reconnoître l'infelii-
gence etla bonne volotité qn'ilsymontrèrexit (i;.àidoiic
<i j Diepa» qiKÎ ïùtm ouvragé a été envoyé «i lu Socîéië Royale^
)*ai apprU^ dan» un ra^qport très-*i]itére6sant , fait par un de se»
DU REGBlE MORAL. 2o5
des prisonniers , employés h forger euK-aiénies leurs
fers, et à placer lés verroux qui dévoient se fermer
sur eux , onè mâ^té à a iiappori amtssi fem^taMei quelles
espérances, ne peut-on pas concevoir de ceux qu^on
enyploîeroit à des ti-avaux , phis agréables pour eux, et
stirtout ])lns encourageans que la constmction d'une
prîsoTT !
Vhh c'est asse'K m'occuperd'mî phin, qui n'est ins-
piré que par Ife' <Msîr de voir la condamnation des cou-^
pables produire tout à lîa fois le bien de la société ef
la correction des condamnés, ^^espère qu'on nie par-**
dônner»cette digression , sî c'en est une , en faveur dn
motif qdî l'a dictée.
'i
membres y M* le marquis Barbë^^de Marboîs , que toutes les r<?pa-
rations, dont avoit besoin la maison de dëtention et àe correction
fie RcMien , appelée Bicâtp* , on & été faitea pap les d^ëtenufr eux«->
iil4ipm,:<{iû s^en sout^ acquiti^ dr la. nçMUi^èro k plus salîsfuir:
saute/ C'est eux. <|u^'ozi 9, chargés de tous les, travaux^ de maçon-^
nerie , plâtrerie , charpente , et de la confectîoa des couchettesi.
M. de Marbois fait remarquer que tous ces travaux , outre l'éco-
nomie qu'ils pitictirent, sont bien plus &yorabtesàla'sanlé que'
la tisseruidiiiie , et pense que Ton pourrbit faire bâtir des priscNis-
Qjeur«Sypar le&détcoiasfuir-mêflaes., en fàUanI; d'aboird bâti? p«f^>
des ouvriers libres l'enceinte extériei^ire, eten abaMonnfmt 1^
reste des travaux aux détenus , barraqués dans riatérieur. Çe^
Tœu d'un magistrat aussi éclairé qu'humain , prouve combien il
seroit désirable et fkcile en même temps, d'employer les détenus
à des travaux, qui conserveroienl leur santé, et leur donneroidDté
une profession utile. Je prcf>Dse ici. de denaecà ce pso^t^ toute
^exlen9ion«do^t.il es^t çus^eptifaid, àm?< le q^oU unené^mf^-s^f
ix>it jug^e convenable.dans notre Lé^blation oriouiu^c'.
2o6 DES PRÎSONS.
ARTICLE IL De VutiliU des travaux,
I. De remploi du gain fait par les prisonniaca,
R
Les prisonniers se livreront sans répugnance à un
* travail proportionné à leurs forces, qui n'auroit rien
de désagréable en lui-même , et qu'ils auroient choisi
parmi ceux établis dans la prison. Ils peuvent même
y trouver quelque plaisir , s'il se rapporte à leurs an-,
ciennes habitudes, et aux connoissances qu'ils ont ac-
quises. ]V|ais pour que cette bonne volonté soit durable
et qu'ils continuent à travailler avec ardeur, il faut
encore que cet ouvrage leur présente une certaine
somme d'avantages, soit immédiats, suit à venir. Ils
en seroient bientôt dégoûtés, s'ilétoit improductif, et
ne payoit pas les sueurs dont ils l'arrosent. Ceux à qui
le genre de travail, auquel on les emploie, étoit fa-^>
milier avant leur captivité, s'indigneroient de trouver*
si stérile le métier, qui jadis nourrissoit leur famille ,
et les apprentis seroient bien éloignés de prendre du
goût pour un état, qui laisseroit leurs peines sans ré-
compense. Pour que les prisonniers travaillent de bon
cœur , et avec fruit ; il faut donc que leurs travaux •
soient rétribués suffisamment; s'ils ne s'y livrent que
sous Tempire de la nécessité, le succès des soins qu'on '
prendroit d'ailleurs pour leur amendement, est com-
promis de la manière la plus grave.
Ces considérations ont paru assez fortes pour déter-
miner le législateur à abandonner , en grande partie ,
aux prisonniers , le produit de leurs travaux. Uéquité '
permettoit sans doute de retenir tout le gain , qu'ils
peuvent faire pendant leur captivité. Les condamnés
DU REGIME MORAL. 207
«lôivent réparer le tort qu'ils ont fait à la société par
leurs crimes ; il n'est pas moins juste qu'ils supportent;
au moins e;n partie , les frais de leur détention et de
leur entretien , qui sont une conséquence de leur mau-
vaise conduite. Le moyen le plus naturel qu'ils aient
d'acquitter cette double dette , c'est de rendre leur tra-^
vail utile à la société , et d'abandonner à son profit
tout le bénéfice qu'ils po^rroient en tirer. Mais la ré*
paratian du crime ne doit jamais s'opposer au but
principal de toute peine légale , la correction morale
des coupables. Priver ces malheureux de tout le gain
que peut leur procurer leur travail , ce seroit les en
dégoûter infailliblement , et leur faijre prendre en hor*
reur cedont on doit chercher à leur inspirer le goût:
On a d'ailleurs senti l'impossibilité de tirer aucun
ouvrage de ces hommes, s'ils n'étoieut conduits à s'y
livrer par aucun intérêt personnel. C'est par ces mo-
tifs que la loi du 22 juillet 1791 a posé les bases de la
répartition des salaires gagnés par les détenus, en or-r
donnant que, sur le produit de leur travail, un tiers
seroit appliqué à la dépense commune de la maison ,
que , sur une partie dès deux autres tiers , il leàr seroit
permis de se procurer une nourriture meilleure et plus
abondante , et que le surplus seroit réservé , pour leur
être remis, après que le temps de leur détention seroit
expiré.
Cette distribution est aussi juste que sage ; elle con-
cilie tout à-la-fois la justice, l'intérêt bien entendu
des détenus et celui de la société, qui y trouve une
réparation du tort qu'elle a éprouvé , et une légère in-
demnité > pour les dépenses qu'entraîne la détention
des condamnés, Il faut donc s'y conformer avec exaç-
3o8 DES PRISONS.
tttuclef e* lentria msnn à ce. que !a pi'ëv'oyaftce de fe
loi ne 4evi€Bne pas miil'îie, par les malversations de
ceux qui sont intéresses à fo vîolep. Trop son\^nt , la-
double retenue, qnî s'exei'ce an profil de VEtat et des
prisonniers, pow» rëpoqiaé de leur sortie, est détournée
en grande partie de sa destination légale , etva grossir
l« scandaleux trésor d'administrateurs inftdèks'. La
fbornièurf^des travaux, dans laquelle les gardiens on les
^a%ï#res chefs des prisons s'entremêlent dans des vuea
cupides^ leur fournit le moyen de faire d'ilHcities bé-
néfices sur le salaire des déteni?s', en ne leur remettant
à ce titpe qu'unesoname inférieure à celle qo'iteeli-
^nt des personneéf qui tes font travailler. Le seul
moyen d'empêfcher ces exactions, c'est de rendre ks
geôliers et les autres administrateurs, salariés et p«r-
manens, entièrement étrangers à to»>t ce qui concerne
les fournitures d'ouvrage et le paiement de la main-
d'œuvre, et de ne souffrir qu'ils se mêlent des- traviaux,
qne pour maintenir IWdre et la tranquillité dans le»
ateliers. Tout le reste seroit abandonné aux inspec-
teurs ; eux seuls seroient chargés d'intervenir dans les^
marchés entre les prisofmiers et les personnes qni con-
sentiroient à les employer, de toiKher le prix éemain-i
d'oeuvre, convenu en leur présence entre le prisonnier
et la personne du dehors qui lui donneroil de l'on^
vrage , d'en faire la répartition entre le détenu et lo
fisc, et dé conserver entre leurs mains toute U porUon
attribuée au premier. >
Il ne fiiut pas croire qne les détenns mamyneroient
d'ouvrage,parceque legeéh'ernese mettroitpas^o qnâte
pour leur en procurer. La journée des prss<»nniers est
toujours assez modi\[}t)e ^ potir que l'on aime » Ic^ fyw0
DU lif^ClME MfbRAL. 209
tnivâilleT) et c'est une erreur de croire l'intei-ven^
tion des giedliers nécessaire , dans cette partie de
Tadmittiatration. Bien loin de faire avoir plus d'oè-'
▼rage auxprlsonniers, ils écartent {^utôt leé persoiine^
qui seroient disposées à leur en donner, pdr les exae^
tions et les abus d'aulorffé qti'ils se permettent. Màfî^
un inspecteur, dont les fonctions gratuites garantii^
sent le désintéressement , et. qui ne doit d'aitléuir^
garder l'autorité que pendatit une semaine, est , soiris
tous les ri^ports, infiniment préféi^ble à un ^tnpïofê
pemranetit) qui cherche à ^ faire un révenu dé ses*
conctissiofis.
U reste à examiner comment devra lêtre régie la'
portion dessalaires, qui reste attribuée aux prisonniers^*
après la dëtracti<m du tiers, pour ks dépenser dé fsî>
maison. ? .
C'est avec une prévoyante Wen èà^è qiie U tôt W
voulu niettie en réserve, pour t'épdqtte d^ laSèrtiè' dc^
prisonniers, ime partie âé lefur gain joiâFtiâl4er^ Ëll«î
feinr assure pat là le^nîoyeins de v^i^re, pénd^fnt li^
premiers momens de lè<it rentrée dééis^ la so<!iété y éP
d'attendre /sans être plâeés dans l'alt^f^iftative dé la
«eodiicSté orcfdii cvimvé, qu'ils aient eu te temps à*é^
Qtftcr , fHur leur bottine (Conduite', la tiéStdfhté ^ qui Pè^
poftsse tout tondànutié libéré. Ces honumes oiit û'àU-^
hors toujours cont#6 euic le'sbûi/%nîr deiew premièi^è^
&iite,qin ém()éche deles employer de préférence à ûett«
dont la réputation cbt iiitaete , et, à léélns de ciittdds^
tances particulières, sur lesquelles on lie peut cof«^èrj
comme Iç défaut d'ouvriePS'^lMisle^Énèii^e genre vM^tSM
lent remarquable V ^affection d'un a^ien mâitre, etc«,
ib«at«qpo^àmt*««s.«ptoi. La r^wrve
4
MO DES PRISONS;
crite par la loi a pour objet de pourvoir aux beisoins t 1
qui viendront les assaillir à cette époque et de facili- ]
ter les premiers . pas de leur retour dans la société.
D'un autre côté, s'ils veulent reprendre leur ancien
état, ou en exercer un nouveau , qu'ils auroient appris
dans la prison , ils ont à faire face à des frais d'établis-
sement, qu'ib ne pourroient remplir, si la réserve ne
leur en donnoit les moyens. Le prisonnier, à Taide
de^cette économie , peut , pendant quelque temps , at-
tendre qu'il ait trouvé de l'ouvrage; il peut acheter
des instrumens nécessaires à soii industrie , pour les-
quels il n'eut sans doute point trouvé à emprunter.
Toutes les bourses sont, fermées pour un homme qui
a éti^ en prison. Cette retenue est donc un secours in-
dispensable aux prisonniers , et un moyen de les faire
rentrer dans la bonne route, en leur assurant, pour Ta-
v^nir, une ressource, qui prévient le clécoaragement ,
et les délivre de cettç idée désespérante et cruelle que
la misère les attend à leur retour dans la société , et
qu'ils n'auront , pour s'y soustraire , d'autres moyens
que le crime, qui les a déjà perdus.
Mais , pour que la retenue puisse produire c»s heu-
reux effets 9 présenter aux détenus une perspective as-
surée , et; chasser par une espérance consolante de si-
nistres inquiétudes, il fapt qu'ils puissent y compter
sans hésitation , et que rien ne puisse les priver de
cette ressource , qui ne sera entièrement utile qu'au-
tant qu'elle sera certaine. Puisque le législateur a voulu
préparer par là aux prisonniers une existence assurée,
pendant les premiers temps, les plu& difficiles pour eux
de la nouvelle ère qu'ils vont commencer ; puisque
cette bienfaisante économie est presque indispensable,
DU RÉGIME MORAL. lu
|>S pour les garantir d'une rechnte, le fonds, dont la des-
'"• tinatioii est si importante, doit être inatta(|tiable. Rien
^^'' ne doit l'entamer, et le prisonnier doit être assuré àt
le rroifver intact à la fin de sa captivité. Il faut qu'il
sôît sûr, en travaillant , que ses peines ne sont pas per-
dues; qufe chaque instant, oti il s'occupéWilement^ lui
prépare une ressource pour l'avenir , et que rien ne
peut la lui enlever.
S'attacher à sa propriété , et surtout à une propriété
que l'on a gagnée à la sueur de son front, c'est faire
un gratitd pas vers les idées de justice et de probité.
Celui qui a gagné par son travail un niodeste pécule
est ^toutes choses égales d'ailleurs, plus disposé à res-
pecter la projpriété d'autrui , que l'homme qui a hérité
ses richesses et qui n'a eu que la peine de naître pour
devenir propriétaire. Aussi , l'idée d'un petit capital^
acheté par de longs travaux, est-elle une de celles» qui me
paroissent le plus propres à achever la conversion d'un
coupable repentant. Il faut donc s'appliquer à la faire
naître et à l'entretenir dans l'esprit des détenus ; et ,
pour atteiiidre ce but , il faut que la retenue , que l'on
fera sur leur gain, ne puisse être que pour eux, et qu'ils
soient bien convaincus qu'on n^en détournera rien.
Inviolabilité dés fonds de retenue , évidence et clarté
du compte de chaque prisonnier , tels sont les prin-
cipes, qui doivent former la base de cette comptabilité.
Il faut que chaque, détenu puisse toujours savoir à
quelle somnie s'élève son petit trésor, et qu'il soit sûr
de le trouver intact, à l'expiration de sa peine.
Ainsi , on n'y pourra prélever aucune somme ^ sous
quélique prétexte que ce soit ; les fautes, que les prison-
niers cop^mettroient , ne devront jamais être punies
2ia DES PRISONS,
ni même réparées aux dépens de ce fonds inviolable,
et s'ils causent quelque toil ou font quelque dégra-
dation, qu'il soit juste de leur faire payer, on ne
pourra exercer c^tte répétition que sur la portion desa-
lairei qui leur;^^]?oit été remise sur-le-champ, ou eu
cas d'insufQsayèe, d'après le mode de recouvrement
des condamna tioQ& de dépens; mais l'excédant des sa-
laires, sur cette portion affectée aux besoins journaliers,
sera toujoucs mise en réserve et capitalisée, pour leur
être, rendue » ài'expiration de leur peine.
Quant k la quotité de cette réserve , la loi ne porte
aucune fixation et laisse à la prudence des administra-
teurs à déterminer quelle portjan , sur les deux tiers at-
tribués aux détenus dans leurs salaires, pourra leur être
remise sur-le-champ, pour leursbespins journaliers. Il
est bon de conserver aux administratenijirs cette latitude,
qui leur permet de faire du fond^ des prisonniers l'u-
sage qui Ijeur paroit le plus avantageux, eu égard aux
circc^^tances particulières à chaque individu» Mais il
DQUS seoible^euméi^e tepips qu'ils ne doivent en user
qn-avec.une grande circonspection » et que la portiez ,
qu'ils remettront sur~le -champ aux prisonniersi, ne
devra jamais excéder la moitié de ce qui \em est attri-
bué en totalité, c'est-à-dire le tier^ de tout le salaire. Ils
doivent phitôt en prgfiter pour ^ugmc^nter le plus, pos-
sible la pofftipn réservée , sans leur refii$er trop, sévère-
ment le moyen de se procurer quelques - unes de ces
jottissapces quotidiennes qui peuvent seules les engager
au travail, et qu'ils se procurent, au moyen de ia
somme qu'on leur remet sur-le-ebiin){». Il seroit peut-
être bo» d'adopter la règle quenl'on observe dans la
prison de (iâind, ce beau modèle des étabUssemeus de
DU REGIME MORAL. 21 3
correction. Les prisonniers ne peuvent jamais avoir
plus de six francs en leur possession ; quand ils justi-
fient les avoir dépeiisés d'une manière utile, on leur
donne de l'argent, jusqu'à concurrence de cette somme
seulement, sur celui qui leur appartient et 'qui reste en
dépôt, jusqu'à Tépoque de leur sortie. Cette règle, avec
les modifications nécessaires pour qu'on puisse l'appli-
quer à nos prisons, sëroit un excellent moyen de police
et de correction morale , en ce qu'elle ne laisse jamais
^ntre les mains des détenus des sommés considérables,
instrument toujours puissant et souvent dangereux.
On conçoit que , dans le nouveau système d'admi-
' nistration que nous proposons, le maniement et la con-
servation de tous ces fonds ne peuvent être abandonnés
aux geôliers ou concierges. Simples gardiens des pri-
sonniers , ces préposés ne peuvent avoir avec eux au-
cun rapport d'intérêt, et l'on doit éviter avec Soin de
leur donner une branche d'autorité, qui mettroit les
prisonniers dans leur dépencfencè. C'est à l'inspecteur
de service qu*il appartient de recevoir le salaire dçs
prisonniers et d'en faire la répartition ; e*est donc
entre ses mains qu'il sera versé , soit par Tagetit du
Gouvernement, quand il s'agira de travaux publics,
soit par les pailiculiers , quand les prisonniers auront
travaillé pour eux. Nous exposerons, dàtis la troisième
partie, les détails de cette comptabilité et les moyens
de la rendre aussi élaire que possible*
' n. De FatilHé future des travaux.
JSvvs n'avdns cherché-, jnsqti'à préset^t, qu'à faire
aim^ i^ traarail am prisonniers, et à faire ensorte
21 4 DES PRISONS.
qa ils s'y livrent de bonne volofité. C'est dans cette
vue que nous avons proposé divers moyens de. les
y attirer t soit par la sorte d'agrément compatible
avec leur situation , soit par Tutilité actuelle des tra-
vaux, qui n'est elle-même qu'upe autre espèce d'agré-
ment plus sérieux. Ces moyens pourront amener les-
prisonniers au travail et préparer ainsi leur retour dans
la bonne route; mais il faut en même temps jeter un
regard prévoyant sur l'avenir et , en les accoutumant
au travail 9 leur faire trouver , dans cette excellente ha-
bitude , une ressource contre les rigueurs du sort, au-
quel ils peuvent être exposés. Il ne suf&t donc pas
de les rendre laborieux ; il faut encore faire en sorte
que leur travail soit capable de fournir à leurs besoins.
On devra donc » surtout ^ chercher à leur procurer
une industrie, qu'ils puissent exerce&dans la société , et
dont l'apprentissage ne soit pas pour eux un temps
perdu. Cette attention aura d'ailleurs pour effet deleur
donner une nouvelle ardeur poiur des travaux , sur les-
quels sera fondé l'espoir de leur existence future. On
conçoit qu'ils ne se livreroient qu'avec répugnance t
ou tout au moins avec peu de zèle, à un métier, qui
ne devroit leur être d'aucune utilité dans la suite. 11
est certaines branches d'industrie, que l'on cultive peu,
ou qui ne présentent que l'esppir d'une occupation
temporaire, soit parce qu'elles sont peu productives,
soit parce que les objets qu'elles livrent au commerce
ne sont pas d'un usage général , ou ne jonissent que
d'une vogue passagère. On évitera , autant que le per-
mettront les circonstances locales , toujours impérieu-
ses, de les admettre d'une manière exclusive dans les
prisons, qi^elques efforts que fassent pour l'obtenir ks^
DU REGIME MORAL. 3t5
#
entrepreneurs ou fabricans, qui y trpnveroient quel-
que intérêt. Ne vaut - il pas mieux qu'un prisonnier,
soctant de captivité , sache faire des habits ou des sou-
liers , qu'il puisse être menuisier , charron ou boure-
lier, tous métiers dans lesquels il est sûr de trouver de
Toccupation , que s'il avoit appris à faire des fleurs ar-
tificielles , des éventails on tout autre objet de mode ,
qui ne lui présenteroit qu'une ressource très-précaire et
surtout très-incertaine?
On fera bien aussi de ne pas employer les prisonniers
à ces travaux purement mécaniques, qui n'exigent au-
cun apprentissage et qui consistent uniquement dans
l'emploi de la force physique. Ces travaux ne produi-
sent jamais qu'un gain extrêmement modique et ne
procurent point une occupation sûre, à cause du grand
nombre d'hommes qui peuvent s'y livrer et qui s'of-
frent au rabais pour les faire, parce qu'ils ne sbnt pas
capables d'autre chose* L'homme qui a passé vingt anis
dans les prisons d'Amsterdam, à scier ou 'à râper du
bois de Campêche, peut-il espérer d'exister dans la so-
ciété, avec une aussi misérable industrie ? Réservons
ces tristes ressources pour ceux , que le défaut d'intelli-
gence ou de bonne volonté rend incapables d'en trou-
ver d'autres; mais gardons-nous d'en faire une règle
générale dans les prisons , qui renferment une foule
d'hommes, capables d'exercer des professions plus uti-
les pour eux et pour la société , auxquelles' on peut
aisément les former pendant leur captivité.
TROiaiBAUl DIVISION. Des moyens d'encourager les pi4sonniera^
au traTaîL
r
Il ^t eacoce im moyen d'animer au triavail et a
2i6 JàSS PRISONS. >
r^ccoinpliasement de leurs autres devoirs, des homme»
qui ont toujours hesoiii d^être soutenus dans la bonne
voie; c'est de décerner quelques récotnpense&à ceux
qm se distingueroient par leur zèle ou leur habileté
dan$ la confection des ouvrages qu'on leur donnera. Il
est peu d'hommes, qui ne soient susceptibles de quel*
que émulation, surtout quand on propose à leur ambi-
tion un prix capable de la tenter. L'honnenr et Tinté-
rét, habilement mis en jeu, sont deux ressorts dont
Teffet est presque infaillible sur le cœur de Thomme.
Il ne faut pas négliger ce grand moyen d'amendement^
qui peut avoir sur l'esprit des prisonniers leis eiïets les
pins avantageux , pourvu qu'on l'emploie avec discer-»
nement.
Les objets des récompenses doivent être fort sim-
ples , pour pouvoir être plus multipliés ; mais ils doi*
vent être asseas agréables , pour que les prisonniers les
d^irent ; car offrir des récompenses qui ne flattent
point , c'est déprécier l'action que l'on veut récara-
penscr. Cette observation devra diriger dans Temploi
des récompenses. 11 faudra bien se garder d'avilir cer-
tains objets ^ qui peuvent avoir beaucoup de prix aux
yeux de quelques détenus, en les donnant à ceux qni
les dédaigneroient* Ainsi , par exemple , les rccoro*
penses purement honorifiques , comme une place pai;-
ticulière et distinguée aux offices, etc., peuvent avoir
une grande influence sur certains prisonniers , pourvo
qu'ils ne le^ aient pas vu prostituer à ceux de leurs
camarades , qui les mépriseroient et les tourneroient
en ridicule. Il est bien des hommes , et la majeure
partie des prisonniers est dans ce cas, pour lesquels
une simple distinction est un attrait insuffisant pour les
DU REGBIÇ MORAL. a 1 7
arracher à la paresse ou leur faire sarmonter tout autre
défaut. Avec eux il ne faut jamais employer ces récom-*
penses purement honorifiques; le mépris qa ils en font
déprécieroit , aux yeux des autres , ce moyen d'ému«
Intion et les éloigaeroit eux-mêmes du but où l'on
vent les amener. Il en est d'autres, sur lesquels l'hon-
neur n'a pas perdu son pouvoir et qui recevroient
avec joie et reconnaissance une distinction flatteuse.
La conversion de ces derniers est presque. assurée:
quand on est sensible à l'honneur, on est bientôt ver*
tueux et on peut avoir la meilleure espérance de ceux
qui désireront ces récompenses. Ce sentiment est la
marque, d^une âme encore généreuse dans ses écarts,
et les inspecteurs pourront la. regarder comme un
indice certain des bonnes dispositions de ceux qui le
feront paroitre.
Malheureusement, les prisonniers sensibles à ces
récompenses , ne feront presque toujours que le petit
nombre. Il en est tapt^ sur lescfuels l'honneur n'a voit
aucun pouvoir , même avant que l'infamie légale sem-
blât les en dépouiller tont-âfait ; tant d'autres, dont le
cœur palpite encore aux noms d'honneur et de probi-
té , mais dont la mis«re rend a Leur^ yeux la moindre
somme d'argent, un bien préférable à tous les autres,
que Ton ne peut guère compter sur les récompenses
purement honorifiques pour stimisler, en général 9
Tardeur des prisonniers.
Il est un genre de récompense, dont la valeur est gé-^
néralement appréciée par tous les hommes, et dont
TefFet est presque toujours assuré. Je veux parler des
primes ou des récompenses en argent. Il n'est, dans les
prisons^ presque aucun individu, que la promesse
2i8 DES PRISONS.
d'une haute paye, si légère qu'elle soit, ne détermine
à faire quelques efforts , et à travailler avec plus d'ar-
deur et de soin. Nul d'entre eux n'est insensible aa
plaisir d'adoucir, ne fût-ce qu'un moment, sa triste
existence, et la prime qu'ils peuvent gagner, en se dis-
tinguant par leur travail, leur procureroît quelques-
unes de ces jouissances , qu'ils goûtent si rarement en
prison. Oh conçoit que ces primes ne peuvent jamais
être que très -modiques, parce qu'on n'aura jamais
lieaucoup de fonds à y consacrer; mais il n'est pas né-
cessaire qu'elles soient considérables , pour exercer une
salutaire influence sur les prisonniers. On en voit un
exemple dans les gratifications de l'enseignement mu-
tuel > dans la haute paye des militaires : une somme >
en apparence méprisable , suffit pour accélérer les pro-
grès, pour faire désirer un grade ou le passage d'une
compagnie danis une autre. Quant aux prisonniers,, le
peu de ressources que cet état laisse à la plupart d'entre
eux , est un sûr garant de l'effet que peut produire sur
eux l'espoir de la prime la plus légère.
Cette récompense est d'ailleurs susceptible de mo^
difications, suivant le caractère et les dispositions dqs
prisonniers, que Ton peut reconnoître assez facile-
ment. Celui-ci, sansparens, sans famille qui l'attende
au sortir des prisons, et dont il doive consoler la mi-
sère ou partager les travaux , ne pense qu'à son bien-
être actuel , qu'aux moyens de se procurer certaines
jouissances personnelles dont il esit privé. Les récom-
penses pécuniaires et présentes auront sur lui le plus
grand empire. Tel autre , trop pauvre pour ne pas dé-
sirer une récompense plus avantageuse qu'honorifique^
gémit continuellement sur la misère y où sa détention
DU REGIME MORAL; 2x9
laisse une nombreuise famille , et sur la difficulté de
reprendre un métier qu'il a interrompu , et tpxi en-
traîneroit de nouveaux frais d'établissement : l'espoir
de trouver ,. à rexpiralion de sa peine , son pécule
augmenté d'une petite somme , enrichi de quelques on^
tîls propres à son industrie, ou â\me légère quantité
de matière ouvrable, est capable de > lui donner une
ardeur pour le travail , et une reconnoissance affec-
tueuse pour ses bienfaiteurs , qui' sont très-propres à
ramener la veftu , dans un cœur qui l'avoit oubliée. Il
versera des larmes de joie , à l'aspect des secours que lui
accorde une charité prévoyante, en voyant la subsis-;
tance de sa femme et de ses enfans assurée , par les prix
que sa bonne conduite lui aura mérités. Avec quel
courage il ^ remettra à des travaux , qui lui procurent
Te^péraijce, la pli;is douce des consolations ^ et qui
l'entretiennent danS; les pensées les plus salutaires et
les plus morales ! Quelle récompense pourroit être plus
agréable, quel prix pourroit être plus doux que ceux
auxquels il voit attaché le sort de sa famille?
, Il en est de cette espèce de récompense comme de
toutes les autres; il ne faut pas l'employer indistinc-
tement à l'égard de tous les pri^mniers, et la prodi-
guer à ceux sur qui elle ne devroitrpas avoir d'empire*
D'ailleurs, ce sera toujours, la gratification la plus dis-
pendieuse , et l'on fera bien de la réserver pour les cas
importans, de manière à éviter la mesquinerie, sans
entrer dans de trop fortes dépenses. Mais pour ne pas
priyer ceux qui préféreraient une prime de ce genre,
quoique modique , de se faire par là une ressource
pour l'avenir , on peut permettre aux prisonniers qai
auraient mérité des primes, payables sur-le-champ.
220 DES PRISONS.
delesëefaaiigeri!ontredes bons ëqoivalens, ofi plntdC
.un. peu supérieurs , qui se rapporteraient à l'époque
•de leur libération, et que Ton acquitteroit alors , en
argent ou en matière à travailler , à leur choix. S'il en
étoil quelques-uns, qui fissent cette sage réserve, on en
devroit concevoir les meilleures espérances, il ne févÂ
pas s'interdire ce moyen de connoitre et d'apprécier
les prisoilniers»
On peut encore, à moins de frais et d'une n>anière
plus efficace peut - être , récompenser une continuité
ide bonne con<Hiile, en chargeant ceux des détenus qui
-s'en reodroien t. dignes* de certains services domes-
tiques, qui leur sembleroient plus doux que les tra-
vaux ordinaires, comme de nettoyei* les chambres,
de faire les lits, de s'occuper, k Tintërtenr seulement ,
:de la distribution' du linge, enfin, de faire le service
de l'infirmerie et de la pharmacie. Ces fonctions ne
,seroient confiées qu'à des prisonniers, qulauroient mé-
.rite cette distinction , et à qui elles paroitroient avan^
fageuses et convenables. Mais il faut ne les conférer
qu'à titre de. récompenses, et ne point y appeler au
Iiasard ceux dont la figure ou les manières plaîroient
.plus ou moins aux préposés en chef. C'est par une dis-
tribution économe de ces divers avantages, que l'on
peut se procurer à peu de frais un système utile de ré-
; compenses. Il sirffit de ne pas mettre plus d'arbitraire
dans les faveurs , que dans les rigueurs ; et si ces der-
. n^res ne doivent être appliquées qu'à ceux qui sont
légalement reconnus les avoir méritées , il faut , de
^ même réserver pour en faire des récompenses, et n'ac-
corder qu'en connoissance de cause et pour un objet
.déterminé, toutes les douceurs dont on peut laisser
DU HEGIBO' MOBAL. 21^21
]Duir les pmonnierfti iadépefidamoieiit de la règle
commune.
Telle seroit, entre autres , la permîmon de culAirrer
quelques petites portioiïs ^s pr^iix«£n général, on ne
sauroit trop encourager le goût de la onlhire , aoit pour
l'avantage matériel qu'en tire la société « «oit à cause
de la douceur des mœurs que cette occupatkm deanë
ordinairement à ceux qui s'y livrent. Ne poorroîfc^en
pas , avec quelques modificatiQBS que commanderoat >
les localités ^ introduire le î^urdinage dans les prisons
et en faire un. mode de récompetiae? Oneonçoît qo'à
raison de l'exiguité. néceasawe du terrain » il sera im--
possible d'en faire une occupatioppi généfile et penna-*
nente ; mais on troiiveroil saw doute k moyen d'en
faire unouvraged'eTMreptiQn, ooé sorte dedélassenient^'
susceptible d'être acqocdé, auxpinsottnier&qdiseitnettt'
capables de s'y livrej?,,et qui llauilDÎeiil iraétitë. ILseroîa
facile de ré3eryer, dans les: préaux, destiiiés à kLpeo>-*-
menade des prisonniers , l'espace nécessabe pour éta^^ '
bjir quelques petitSt jardins partieuliera, dont lacvltore*
serolt abandonnée » pendant une saison , à ceux d'entre
eux f que Ton croiroit pouvoir récompenser de eette
manière. Cette ré^rve^ qui reslreindroit ua peu la *
largeur du. préau, n'auroit aucun inconvénient véri-
table , puisqi]^'elle n^e^traverpit point la libre circula- -
tiott de l'air. Les jardins « séparés du promenoir par ^
une claire-voie , seroient fermés à def poor la- eodser- >
valion des productions; et la sàreté de la prisone^ge-
roit que l'on n'y pût cultiver aucun» arbre ni aqcene '
plante à hante tige» qui pussent servir à masquer des'
démarche^'illicites ou dangereuses. Comme cette con-^
cession ne devroit jamais devenir un privilège penoia^
oax DES PRISONS;
lient » on nérobtiendroit que pour une saisàii, à tnoind
que, dans Tinta'valie , on ne se fut rendu dîgne d'une
nouvdlé réconipensedo méine genre. Mais, dahs^tous
les cas, on feroit bien de s'arranger pour qUe tous les
prisonniers postant avèirl-espréràuce fondée d'obtenir
à leur tour la culture d'un jardin , pourvu qu'ils se
séieat bien conduits. ' >
i Le jardinage ne ^pouvant être danslès prisons ni une
crioeupàtion permanente, ni une occupation générale,
comme celle des ateliers, mais devant être considéré
comme un sîmpie iâélas^meht , les prisonniers qui
auront obtenu ïa pièrmission de s'y adonner ne pour-^
ront y coiosacrer foute léut journée. Ils y péi'droient
l'aptitude qu'ils auraient acquise aux travaux ordi-
naires, et quand la ^saison ^roit écoutée, ils ne se re-
meifroient plus avec h même avantage à leur ancien
métier. Oh fera -donc bien dé ne leur donner , pour ce
tra^l d'agrément, que lé temps ordinaire des récréa-
tions; ils y trouveront un exercice salubre, agréable,
et en même temps lucratif. Le peu de temps qu'ils
pourront consacrer chaque jour à la culture, fait voir
qu^iU ne pourront avoir un bien grand terrain à leur
disposition; mais on sent que, dans une prison , on
ne peut pas détacher xm grand espace pour le trans-
former en jardins particuliers, et les prisonniers au-
roient le temps proportionné à l'étendue de terrain ,
qu'on peut raisonnablement leur accorder.
On trouvera encore d'autres moyens, qiienoùs n'a-
vons pas besoin d'énomérer ici, pour récompenser
la bonne conduite des détenus* On peut laisser à la
sagacité des autorités locales le soin de les déter-
miner.
DO REGIME MORAL aa5
Quant au niode de distribution, il esl loin sans doute
d'être indifférent : les formefi sont toujours prëdensea
quand elles ont pour objet d'assurer la justice d'une,
mesure , et d'écarter la possibilité de l'arbitraire. Noua
eu donnerons les détails 9 dans la troisième p^^rtie , ea
parlant des récompenses ; il suffit de. pos^r ici en prin«
cjpe que c'est à la commission des inspecteurs qu'il
appartiendra de décerner, à ce titre, les honneurs ^
les primes , les permissions, les fonctions, et, en géné-
ral , tous les avantages réservés pour exciter Témula-
tion des prisonniers.
Tels sont, en général, les moyens que Fon peut
employer, pour délivrer les prisonniers de l'oisiveté et
pour leur faire aimer le travail. Si l'on parvient, avec
leur secours , à leur inspirer ce goût salutaire, le grand
ouvrage de leur amendement sera bien avancé. J'es-
p^e que là marche que j'ai indiquée , suivie par des
administrateurs zélés et habiles , pourra conduire au
but que nous désirons atteindre. Sans doute il est dès
e^iritsândociles , auprès desquels bien des efforts se- ■
Toient inutiles , et que le meilleur régime et les admi-
nistrateurs les plus expérimentés corrigeroient. diffici-
lement; Plaise à Dieu que cette méthode ne soit in-
fructoeuse qu'à l'égard de ces malheureux, qui ne.fe^
ront pas la majorité des prisonniers! Loia de nous
toutefois l'idée de les abandonner à leur dépravation:
il n'y a point de conversion impossible. Si l'on, ne
réussit pas, c'est qu'on emploie de mauvais moyens;
et à l'égard de ces grands coupables, l'amendement
n'est pas une chimère;. c'es(' seulement une conquéie
fins difficile , mais par cela même, plus glorieuse que
celle des prisonniers moips endurcis. Aussi, quand les
324 ^^ PRISONS;
efforts Seraient restés inoliles sur eux , il ne faudrdit
poini désespérer da succès des soins qu^on prendra des
aotres prisonniers , mais continuer avec plus d'ardeur '
à poursuivre leur amendement par tous les moyens
possibles. Dë)à préservés dé Foisiveté, peut-être même
de la paresse par le travail , il restera à les délivrer
des autres cmises de corruption , qui agissent si puis^
samment^ quand rien ne les arrête, et dont il est indis-
pensable de pnrger les prisons, pour obtenir quelque
succès dans l'entreprise importante de la correction
morale des prisonniers.
Sbcyicf II. Bâ la népessUé et des nwyens de pré^nir
Us ptisemùers conire la déhanche.
Âv noasibrc de ces causes , il en est peu d'atHsi ac-^^*
tivès et d'aussi générales que la débauche. C'est pres<*
que toujoors par Tinconduite que Ton préiadc au-
crime,' et si l'on ne peïit pas dire que tons les dânii-*-
cfaés deviennent crimineb, en trouvera qne, dans*
bien de&cas y les criminels mit commencé par être dé*
bemcfaés. Qu'on interroge teos ces grands coispaUes
qui n'a«oieat d'autre profession que l'habitude du
crime et qui sont encsnre les derniers parmi les con-
damoésy qu'on porte un cofip d'oeil' scrutateur sur les.
premiers! temps de le«trriei,>ei Vo^ verra que , livrés
cka l'enfance aux débaucfanales plus inliàoaes et fes plus
précoces i ils ont svcé >» pour ainsi dire , avec le lait , le
ndépris des lois divine et humaines, ou que, parvenus,
à l'âge des passions, sanft qu'une bonne édncalioi^ oo
un camelère assez ferme leur eussent donné la lorce de
résistar au torrent^ ils dnt été entrirfnésr par dessédoc*-
DU REGIME MO]|AL. 3^5
lions trop pins$aiite$ pour jep^ ;.et , utie fois,éçartë$ du
chemin de l'honneur ^ iii'oiit pkis chçriehë que danslç
crii^ un abri contre le& rigueurs de Topinion justement
trritëe*
C'est en biR^vant les loi&de la pudeur et de la décence
publique, qu'on s'accoutume, à mépriser l'opinion et à
fouler aux pieds les devoirs les plus sacrés. Tout s'en*
chaîne : rhounéte homme respecte également l'inno*
cence et la propriété', la pudeur du jeune âge et la for-
tune du riche; les principes de morale et de religion;
qui lui défendent l'injustice la plus légère , ne lui dé-
fendent pas moins rigoureusement toute atteinte à
rinnocence; ils retiennent son cœur prêt à faillir, et la
force de son caractère , exercée à combattre toutes les
passions, lutte avec avantage contre les plus fougueuses.
Mais celui qui n'a pas su se faire un rempart contre
les premières tentations qui venoient l'assiéger , qui a
cédé, sans combat, une facile victoire à sa passion nais*
santé , a déjà conçu» par cette foiblesse i une flexibilité
de caractère, qui^peut l'entraîner aux plus grands excès;
bientôt il sacrifiera tout à ses désirs: repos, fortune,
considération , tout sera foulé aux pieds, pour parvenir
à scm but. Il ira jusqu'à sacrifier l'innocence, la répur-,
tation, le bonheur d'une infortunée, qui n'a eu d'autre
tort que de loi plaire ; et , satisfait de sa cruelle victoire^
il s'applaudira en public des larmes de la pudeur et dn
désespoir de l'innocence.
Uqe fois parvenu à ce degré de perversité , l'homme
est-il bien éloigné àes crimes les plus vils? Celui qi|i,
sous les i^parénces de la bienveillance, a porté la mort
dans un cceur.qui l'aimoit, jiàsqu'à se sacrifier pour
lui y et qui n'a cherché à s'en faire aimer que pour le
i5
22C DES PRISONS.
vouera ('opprobre , est^H bien du-des8iis de ce faussaire,
qu'il* regarde avecinépms sur l'échafeud où il est aita-
cbë ? Non , non ; H n'a plus qu'un pas à faire pour se con-
fondre dans la foule des plus obscurs scélérats, et, si la loi
ne punit pas ses premiers forfaits , malgré leuréclat , il
saura bieutdt , par des crimes assez vils, provoquer
cette justice, tardive , {mais inévitable , qui avqit épar-
gné ses premiers attentais , mais qu'il aura rendue
inexorable. Son 4ine s'est habituée à IHnjustice , il a
déjà passé le but, en y joignant l'ingratitude h plus
atroce; etf si quelques idées d'honneur mal placé le
préservent, pendant quelque temps, de certaines fautes,
pour lesquelleis l'opinion n'auroit pas eu l'indulgence
coupable, qu'elle aaccordée à ses^dépprtemens, une pas-
sion> trop violente pour son âme dégradée, renversera
bientôt ce foible obstacle, barrière impuissante contre
des désirs toujours satisfaits çt toujours renaissans.
La débauche ne se borne pas à énerver l'âme ; trop
souvent elle rend cruel , sanguinaire , et , à la honte de
l'huilcianité > ne veut plus 'quelquefois que d'une vo-
lupté ensanglantée : triste symptôme de l'efiFroyable
dépravation d'une âme qu'elle-a empoisonnée! Ce vice
est donc une disposition prochaine aux crimes les plus
vils et les plus odieux ; il en devient d'ailleurs une
oiïcasion perpétuelle , et y sollicite constamment les
cœurs quHl subjugue. Les liaisons qu'il établit entre
des personnes corrompues, qui s'excitent mutaeile-
tnent à mépriser la vertu et l'honneur, le besoin, tou-
jours a<^f, de satisfaire des désirs ruineux, l'aveugle-
ment d'un esprit fasciné par sa passion , qui ne voit
qiie l'objet de son désir, et qui foule aux pieds toutes
lés barrières qui l'en séparent , voilà les funestes <x>n-
DU REGIME MORAL. 327
séquences de la débauche , voîlà par quel chemin est
entraîné , presque à son insu , celui qui n'a pas eu le
courage de repousser ses premières atteintes.
Si ce fléau est redoutable dans la société , coffnbien
ne l'est- il pas davantage dans les prisons^ rendez- vous
forcé de tous les hommes immoraux! La débauche
établit toujours entre ses victimes ane'intimté, qui ne
peut qu'avoir la plus funeste influèncto sur celui dont
le cœur étoit le moins dépravé. Plongé ati milieu d'unif
foule d'hommes pervers, dont tés insinciations et les
exemples le sollicitent continuellement de partager
leurs infômes plaisirs , résistera-t-il toujours à leurs
séductions? et s'il y cède une fois, combien ne sera-t-il
pas près d'imiter tous leurs égaremens ! Le compagnon
Aé débauches d'un scélérat n'est pas loin de devenir
son complice : tant il y a de liaison entre les difFérens
genres de dépravation ! tant l'iinmoralité' se Commu-
nique rapidement , entre ceux qui goûtent les mêmes
voluptés !
Les moyens de prévenir ces malheurs rentrent dans
la discipline , et nous avons déjà indiqué comme pro-
pres à amener ce résultat , la solitude nocturne , là
surveillance la plus scrupuleuse, pendant les visités que
reçoivent les détenus , et surtout l'exiictitudc du gar-
dien à tous les devoirs dé Isa place.
B est inutile d'insister de nouveau sur la nécessité
de la solitude nocturne. Quant aux visites du dehors ,
elles ne sont que trop souvent faites pour détourner lé
condamné de la bonne route et pour renouer des liens
funestes à son innocence, que le temps eût peut-étté
rompus sans retour. On doit donc porter la plus grande
attention sor cet objet d'administration , duqutel dé^
:i!28 DES FIUSONS.
pend, en grande partie, Famendement des prison-
niers. Les permissions pour visiter les condamnés ne
doivent être données qu^avec la plus grande circons-
pection> mais elles ne doivent jamais être refusées sans
motif. A Dieu ne plaise qu'en recommandant la pru-
dence 9 le, paroisse vouloir priver les détenus de la coti-
sation la .plus . douce et quelquefois la plus utile , en
leur refusant la vue des personnes de leur £amille ! Ce
qpe je désire « c'est que, dans cette circonstance , Tim-
moralité ne vjienne pas usurper les droits de l'inno-
cence. U est ju^te , il est même presque toujours salu-
taire de laisser parvenir dans les prisons^ l'épouse au-
près de son époux, les enfans auprès de leur père. Le
prisonnier» dont l'âme s'ouvre quelquefois à ces idées
si douces et si morales de famille, de ménage, de
bonheur domestique , est plus près de se corriger et de
revenir à la vertu, que celui qui , seul avec lui-même ,
ne connoissant plus que des jouissances et des maux
individuels, semble avoir renoncé à jamais à la société
de ses semblables.
Indépendamment de ce motif, qui est assez décisif par
lui-même , n'y auroit-il pas une cruauté gratuite et bar-
bare à priver, sans raison , un malheureux de la triste
consolation de mêler ses larmes à celles de sa femme et
de ses enfans? Les noms respectables d'époux et de
père ne sont jamais perdus pour un condamné:
doit-on lui refuser légèrement la jouissance du peu de
droits qui lui restent ?
Mais , si l'administrateur permet souvent sans diffi-
culté à ceux que joignent de semblables nœuds , de se
voir dans les prisons, il doit repousser avec une inflexi-
ble séyérité ceux qui n'ont d'autres, droits à cette per-
DU REGIME MORAL. 22^
mission que Fintîmité qui résulte d'une ancienne
complicité , ou de liaisons trop coupables pour ne pas
justifier un refus. Pour un brigand, c'est une espèce de
chasteté que de vivre dans un honteux concubinage >
et il n'est pas rare de voir ces hommes citer, avec une
complaisance immorale , la compagne qu'ils ont asso-
ciée à leur existence vagabonde, comme s'il s'agissoik
d'une épouse légitime et respectable. C'est en accor-
dant inconsidérément l'entrée des prisons à des per-
sonnes, qu'on devroît en écarter avec soin , que l'on» y
compromet souvent le bon ordre et la sûreté. Telle
femme d'une profession équivoque, tel homme, sans
domicUe et sans recommandation , ne demandent à
visiter le compagnon de leurs désordres, que pour ral«
lumer dans son cœur le feu de la lubricité, entretenir
son ardeur pour le crime , qui se fût peut-être éteinte
sans ces entrevues corruptrices, et quelquefois pour
concerter une évasion et préparer de nouveaux at-
tentats.
L'inspecteur , d'après la connoissancé qu'il aura ac-
quise des détenus et les raisons qu'il aura de craindre
certaines visites, fera bien de refuser cette permission,
dans les cas où elle hii sembleroit dangereuse. Mais ,
pour ne pas être exposé à faire une injustice , en pri-
vant un détenu d'une innocente ehtrevue , il devra
prendre toptes les précautions possibles, pour reconnoi-
tre les droits qil'auroit à la permission la personne qui
la sollicite. Il l'interrogera, il pourra même consulter
le maire de sa commune, pour être à même de juger^
SI elle peut , sans inconvéniens , être admise dans la
prison. Car il ne faiidra pas toujours le permettre à
ceux, que leiir^ rappoïls avec le prisonnier semble--^
i3o DES PRISONS.
roieut en. renç|re susceptibles. Quelquefois un mari
n^est dans les fers que pour avoir cédé aux perfides in*
fiinuatîoQS de sa feipnie; l'enfant , égaré par de mau-
vais conseils , expie dans la captivité , la perversité dç
ses parens ; un frère , une sqeur ne cherchent à parler
à leur frère détenu que pour faciliter son évasion.
Dans tous ces cas, malgré les droits apparens que
donnent les liens de la nature , il est indispensable de
refuser Ji^autorisation demandée. Mais Tinspect eur ,
qui ne connoît pas )a famille des détenus, ne peut pas
apprécier ces, d^gers, ^ moins qu'il n'en soit ins-
truit par les aqtorités locales. C'est pour obtenir ces
renseigpem^s qu'il devra recourir au maire de la
comnùiune, autrefois habitée par,l^ prisonnier, ponr.
^voir s'il doit accorder on refuser la permission ^ et
il fera bien de lui écrire lui - même à ce sujet , pour
çn obtenir une réponse véritablement instructive.
Imposer k tous ceux qui veulent entrer dans ia pri-r
son , l'obligation de se munir d'un certificat ,. ce se-
r4)it faire de cette mesure de précaution une formalité,
qu'on remplirait peut-être avec trop de facilité. Le
ressort Sfif^t bri^é, s'il deveuoit d'un usage général ;
il vaut jpieq^ç laisser aux inspecteurs la faculté de s'en
servir au, besoin, que de leur faire un devoir banal d^
^Vemploye)* dans tpus les cas.
Cette ifiform^tiou ne sera utile que lorsqu'il ç'agira
cj'apprécier une demande , forn^e sou$ les noms resr
pectables d'époux, de père et mère ou d'enfans , ou par
des personnes, que leur état et leurs qualités particuliè-
res éieyeroieut assez au-dessus du soupçon, pour qu'on
leur permît, sans difficultét de parler à un détenu, dont
la conduite ne parpîtroit pas defoie inspirer de crain-
DU a£ GIME MORAL. tS »
tes. Dans tous ces cas , l'inspecteur ou le magistrat
compétent pourront , suivant les inspirations de leur
prudence ,• accorder sur-lechamp la permission , ou
prendre des renseignemens préalables. Mais quant aux
personnes , sans recommandation , sans domicile , sans
état fixe, qui viendroicnt demandera visiter leur ca-
marade emprisonné , on fera bien de refuser toute
permission. Cependant cette interdiction ^e sera pas
absolue et forcée. On pourra toujours , si la nécessité ea
est démontrée, accorder des permissions particulières^
même à ces personnes suspectes; mais c'est une faculté ,
dont on ne devra user qu'avec circonspection : les<plus
grands intérêts y sont attachés.
^ Â quelque titre que la permission ait été a(:cordée,
on ne devra pas laisser seuls ensemble le liétenu et la
personne admise à le voir ; on a déjà vu , au chapitre
de la Discipline , que ces entrevues ne pouiroient ja-
mais avoir lieu qu'en présence d'un préposé. Mais
comme la permission accordée est la preuve que les
autorités n'ont vu pucun danger, à ce que la personne
admise put conférer avec le prisonnier, le préposé ne
pourra jamais s'immiscer, malgré enx, dans leur con-
versation , ni même l'écouter. Ce n^est que dans le sein
de l'amitié, qu'un malheureux prisonnier peut déposer
les tristes secrets qui pèsent sur ^n cœur. Introduire
un tiers dans ces communications , c'est leur retirer
tout ce qu'elles ont de confidentiel et de consolant,
jl^uel supplice, pour un détenu, qui vx^ix, quelques ins?-
tans son épouse , après plusieurs mois de séparation,
de ne pouvoir lui adresser aucune parole , qui ne soil
recueillie par un guichetier ! L^ présence d'un surveil-»
tant retiendra dans son cœur toutes les pensées secrètea
j3 j DES PRISONS.
qui Toppressebi et qu'il eût été si doux pour lai de
confier à la discrète sollicitude de son épotise. Assailli
par ces idées affligeantes , qu'une entrevue iYnparfaite
n'a fait que ranimer de nouveau , sans lui permettre
de les épancher en liberté, il est plus mfalheureux
qii^anparàvant, et c'est une faveur incomplète qui en
est cause. Laissons donc au moins les détenns jouir
entièrement d'une permission, qui ne doit jamais être
accordée légèrement : il eût peut-êtj*e été moins dur
de la refuser tout-à-fait que de Taccorder à demi. Les
précautions, que nous indiquons, nous paroissent d''ail-
leurs (suffisantes, pour prévenir tous les dangers, que
l'on pourroit craindre ^ à l'occasion des visites.
11 n'est pas moins important de porter un œii vigi-
lant sur la conduite des gardiens, qui, souvent, pour
tin misérable intérêt , favorisent des désordres, qu'ils
doivent prévenir de tous leurs efforts. Il ne faut souf-
frir, sous aucun prétexte, que les geôles soient un lieu
de réunion pourles prisonniers et que des réjouîssan-
tes scandaleuses prennent , sous les yeux du gardien
lui-même , la place du travail et des leçons de morale
et de religion, qui doivent occuper le temps des prison-
niers. Il est plus qu'inconvenant de voir les g^eôles
transformées en cabarets ; et , si les règlemens de disci-
pline fixent) avec une scrupuleuse exactitude, la dose
des liqueurs fetmentées, que Ton peut permettre aux
'^condamnés, lesigardiens ne doivent pas avoir le moyen
d'én&eindre eta-mêmes à chaque instant Une règles
aussi importante pour la santé des prisonniers que
pour leur amendement.
Ce n'est point epcore assez de prévenir , par des pré-
^ cautions sages ^ les occasions qui pourroient entrs^er
DU REGIME MORAL; a35
Ijssdéieaus dam des excès ftuliestes et rouvrir; par la dé-
bauche, lenr âme à tous les excèé de Pimmoralitë.
Qaelques soins qo^on ait pris, pour empêcher la cor-
ruption de s^introduire ou de se propager dans les pri-
sons, il sera souvent bien difficile de défendre les pri-
sonniers contre leur propre perversité et dé prévenir
des désordres fâcheux. Alor« îl faudra recourir à la sé-
vérité,'remède pénible, mais indispensable , pour cm-
pêcherie mal de s'étendre. Ainsi, quand un prisonnier
se sera rendu coupable d'atteintes graves au^ bonnes
mœurs , on pourra , on devra même , l'en punir, par
l'un des moyens qui appartietinent à la discipline, à
moins que la faute ne soit assez grave pour être réser-
vée aux tribunaux ordinaires.
Mais il est, dans ce genre ^ des 'fautes trop légères
pour mériter une punition positive et qu'on ne doit
pas cependant laisser absolument sans répression. On
peut les punir par une exclusion des récompense^, que
le détenu auroit méritées dans Tintervalle; et, pour que
cette punition fut plus sensible, on la rendroit publi-
que , lors de la distribution des primes et des autres
récompenses, en déclarant que tel prisonnier, par son
travail on sa bonne conduite , avoît mérité une ré-
compense ^ dont on énonceroit le modeiet la valeur, et
l'on ajouteroit qu'à raison de la faute qu'il a commise ,
qU'On auroit soin de spécifier avec les précautions
qu'exige la- prudence, il a été jugé qu'il en seroît pri-
vé. Celte flétrissure pubKque et l'idée 'de privation et
d'opprobre^ qui s'attacheroient nécessairement, dans
le souvenir du prisonnier , à celle de sa faute, seroient
sans doute propres à le détourner d'une rechute et à
produire sur les autres une impression salutaire.
.334 ^^ PRISC^S.
Section ih. Delà nécessité de détruire certaines er-
' refirs , qui s*ôpposent à l'amendement des prison^
niers, et des moyens dy parvenir.
Les moyens que nous avons indiqués nous sem-
tleroient propres à préparer Tesprit des prisonniers
à Téducation qu'on doit leur donner. Moins heureux
que les çnfans, ils n'ont pas seulement à.s^prendre
le bien, il faut d'abord qu'ils oublient le mal; et les
précautions, que nous invitons à prendre, sont dirigées
vers cet important préliminaire.
Mais ce n'est pas encore assez d'avoir écarté d'eux
les fléaux de l'oisiveté et de la débauche. Presque tous
les prisonniers ont Tesprit faussé par des erreurs, qui
n'ont que trop, influé sur leur conduite, et qui sont
ime des principales causes de leurs égâremens. Il faot
ies délivrer de ces funestes liaisons d'idées , si l'on
veut travailler avec quelque succès à leur amende-
ment : car , tant qu'un prisonnier regardera le travail
comme une sorte de supplice , et le vol coi^me la ma-
nière la plus avantageuse de se procurer Les choses
pécessaires à la vie , il ne faudra point penser à Ini
inspirer le goût du travail , et l'idée de la justice. De
même , il sera bien difficile d'arracher de son cœnr
un penchant secret vers ses désordres passés, tant qoHl
se croira dévoué pour toujours à l'opprobre et à la
xnisènç, et qu'il ne se verra de moyens d'existence que
dan3 le crime. De telles idées sont incompatibles avec
toute espérance d'amendement. On aura donc tou-
|ours ces deux obstacles à vaincre, la prféférence don*
née au vice sur le travail , et le découragement pro-
duit par le désespoir. Le$ détruire sera Touvragie de
DU REGIME MORAL. 235
tout le rëgicEie moBal , et -nous exposerons siiccessive-
IBjent }es moy^ofiy qu'il nous parok convenable d'ém^
ployer ppur y réussir.
Mais on ne pourra le tenter avec quelque espoir de
succès, tant que Les détenus se trouveront dans une
position, qui feroit naître ou qui entretiendroit ces
funestes idées. La première chose à faire , et celle qui
doit nous occujper en ce moment , est donc d'empê-
cher que rien ne combatte l'effet des moyens , qui se-
ront employés pour détruire ces dangereuses erreurs ,
et d'en tarir la source, avant de les attaquer elles-
mêmes.
On ne peut se (e dissimuler, dans Tétat actuel des
choseir, la perspective qui attend les prisonniers à leur
sortie des prisons , est propre à les jeter dans le dé-
couragement , et à leur inspirer l'idée que , manquant
de travail , cl privés des secours de la charité , sur les-
quels ne doivent pas compter des hommes perdus de
réputation, et d'ailleurs asaez forts pour travailler,
ils ne trouveront que dans le crime les moyens de
soutenir leur existence future. On conçoit les effets
désastreux d'une pensée semblable , toujours présenté
à l'esprit d'un prisonnier. Comment espérer de lui
donner jamais du g<Jôt pour le travail, et de le lui
faire préférer aux périlleux loisirs du crime, quand
il ne voit on ne croit vbîr que dans ce dernier parti
la possibilité de vivre ? Comment lui inspirer lé moin-
dre ardeur, s'il est découragé par ces accablantes
idées? On n'y parviendra jamais, tant qu'on ne mon-
trei'a pas aux détenus le travail , comme une ressource
infaillible pour eux , et en même temps comme le
partage inévitable de tout condamné libéré.
236 . DES PRISONS.
. La législation seule peut poser ces fondiemiens né-
cessaires d'un bon régime moral pour lès prisons, en
assurant les moyens d'occuper les condafanés libérés ,
et en les forçant , par les moyens justes et politiques
qui lui appartiennent, à employer utilement leur
temps. Toutes les fois qu'un condamné libéré man-
queroit d'ouvrage , il devroit pouvoir en trouver dans
des établissemens publics, qui seroient institués ou di-
rigés pour cet objet, et où ils seroient reçus, de préfé-
rence à tous autres travailleurs , sur lé vu d'un certi-
ficat du maire de leur commune, constatant leur in-
digence , leur désir de travailler , et les causes qui les
oilt empêchés d'avoir de l'occupation. Ce n'est pas que
nous proposions de marquer une prédilection dérai'-
sonnable pour lés criminels qui ont subi leur peine ;
mais cette classe d'hommes a besoin de secours par-
ticuliers , que nous réclamons en sa faveur. Les hom*
mes probes et sans tache auront toujours sur les autres
un avantage, que la loi n'a pas besoin de confirmer;
quant aux condamnés libérés, ilfaut, en assurant
leur avenir , rendre possible leur correction-, et mettre
kl société à l'abri des nouveaux crimes, auxquels l'ex-
poseroit leur désœuvrement.
.; C'est dans ces vues d'utilité générale, et de morale
pu|)lique^ qae4e^propose l'établissement de fabriques
ou de tous, autres travaux, auxquels on pût employer
les condamnés , a|irès l'expiration de leur peine ^
quand ils ne trouveroient pas ailleurs d'occupation.
Le comnierce ne doit point s'alarmer d'un plan , qui
n'a pour but de concentrer, dans la main da Crou-
vemement , aucun monopole. Ce n'est pas pour faire
un bénéfice , mais c'est pour employer utilement âe&
DU REGIME MORAL. aS;
hotbines âAQ^reax» qije l'on élabliroit ces maisons
de travail , absolument étrangères à toute idée de fa-
biicaiion exclusive y et seulement dirigées vers Tobjet
qu'on se propose , l'occupation des condamnés libérés;
D'ailleurs, ils n'y seraient jamais admis, qu'au dé&ut
des établissemens particuliers , et les fabricans, qui ao^
roient refusé de lenr donner de l'ouvrage , ne pour*"
roient pas trouver mauvais que le Gouvernement vint
à leur secours/ en les occupant d'une manière avan«^
tageuse pour l'Etat.
Il y auroit peut-être encore un moyen facile et
précieux , de donner à ces hommes une occupation
permanente , aussi utile à la société qu'à eux-mêmes:
c'est la colonisation. L'expérience a déjà prouvé que
la transportation , qui n'est que la colonisation, appli-^
quée comme disposition pénale , a voit en général le»
effets les plus heureux sur ie m(H*al des condamnés^
Tout le mondç sait combien les divers éïablissemen»
de Botany-Bay sont remarquables , par l'ordre qui y
règne., et la conduite exemplaire des transportés. 11
semble que la plupart de ces criminels aient laissé
leurs mauvaises ipclioations dans leur ancienne pa-
trie , et que , devenus une nation nouvelle , ils n'aient
rien conservé des vices, qui les ont fait chasser de Fan-»
cienne. Enfin , si , dans ;Une société toute composée
de condamnés , il ne se commet pas sensiblement
plus de crimes que dans celle dont les mêmes homr
mes formoient le rebut , il faut en conclure que la
colonisa^tion a opéré un heureux changement daqs
leurs habitudes morales.
Je ne viens point ici proposer d'appliquer entière-
ment cette .expérience à nos condamnés libérés, et $)e
238 DES PRISONS.
&ire d'une peine usitée chez nçs voisins ta perspective
de leur avenir. Il est loin de ma pensée ^e vouloir
bannir à perpétuité des hommes, qui ont satisfait à la
loi 9 en subissant leur peine , et qui doivent rentrer
dans Texercice de leurs principaux droits, et notam-
ment dans celui de respirer toujours l'air de la patrie f
mais n'est-il pas en France , sur cette terre, où Ton se
plaint quelquefois d'un excès de population, des ter-
rains vastes, qui n'attendent que des colons, et qu'il*
seroit de la plus grande utilité de soustraire à la stérilité
toujours croissante qui les désole? Je veux parler des
Landes, dont les envahtssemens continuels cesseroient
peut*étre enfin d'être un objet d'effroi pour nos dépar-
temens méridionaux, si une population active, et assez
' nombreuse pour opposer une digue aux usurpations
continuelles de la mer et des dunes, s'y établissoit pofiir
les cultiver. Les propriétaires , voisins de cette plaie
de notre territoire , pensent généralement que la mise
en culture des Landes arrêteroit leur effrayante pro-
gression. Si cela est , et l'on n'en peut guère douter ,
d'après le nombre et le poids des opinions unanimes à
eet égard , pourquoi ne feroit*-on pas, de leur défriche-^
ûient, une branche d'occupation, pour les condamnés
libérés? On concéderoit, à ceux qui manqueroient
d'ouvrage , on qui auroient quelque-autre raison pour
le désirer , une certaine quantité de terrain dans les
Landes, sous la condition d'y transpc^rter leur domi--
cile et de s'y établir pour les cultiver. Il est peut-être
beaucoup de ces malheureux, qui saisiroient avidement
et avec reconnoissance l'occasion de devenir proprié-
taires , bonheur qu'ils ont si long-temps envié , et qui,
parvenus à ce terme d'une ambition qui les a entrai*^
DU REGIME MORAL. aSg
nés à de condamnables écarts , ne chercheroient pluis
qu'à faire oublier , à force de vertus et de probité , la
tache qui souille les premières anilées de leur vie.
Ainsi se formeroit , au sein de la mète-patrîe , une
colonie, où chacun , animé d'une noble émulation , et
soutenu par cet esprit de corps, qui donne toujours
naissance à des idées d'honneur et de gloire, s'efforce-
roit de conquérir , pour lui et pour la société dont il
seroit membre , l'estime et l'affection des autres habi-
tans de la France. Je ne sais si une illusion flatteuse
ne m'entraîne pas au-delà des bornes de la réalité,
mab il me semble que des établissemens de ce genre
pourroient avoir les résultats les plus heureux et don-
ner à là patrie une population foute entière de bons
et laborieux citoyens , au lieu d'un grand nombre
d^individus, disséminés sur tous les points, et aussi
dangereux par leurdésœuvrement que par leur perver-
sité*
Mais quand ces espérances seroient trompeuses , et
que l'on n'obtiendroit pas, dans Fordre moral, tous
les avantages que cette colonisation semble promettre ,
on y trouveroit toujours le bien inappréciable de
mettre en valeur des terrains considérables, et d'op-
poser enfin une barrière à cet envahissement perpétuel
de la mer et des sables sur nos plus belles provinces.
Déjà de simples particuliers ont tenté , non sans
succès , de défendre les côtes de la Gascogne contre le
fléau qui les menace continuellement; le Gouverne-
ment seconde leurs efforts, et les semis de Brémon-
tier , s'ils n'atteignent pas entièrement le but qu'on se
propose , montrent au moins la possibilité de réussir
24o DES PRISONS;
dans celte entreprise. Mais ce ne sont pas des efforts
privés, quelque secondés qu'ils soient , qui. peuvent }a
consommer. Il faut les bras de tout un peuple pour
soutenir 9 par un travail journalier ou par des ouvrages
durables, les attaques réitérées des éléraens. L'exemple
de la Hollande existe, pour montrer ce qge. peuvent les
hommes , quand ils ont à défendre leurs toits et leurs
propriétés. Donnez les Landes à des colons, et peut^
être les Landes seront enfin bornées et fertilisées.
Sans doute les colons , qu'on enverra dans ces' can-
tons , auront besoin de secours de la part du Gouver-
nement ; mais ils ne les attendroient pas vainement
et l'intérêt bien entendu de l'Etat feroit une loi d'en-
courager, par tous les moyens possibles, des travaux
aussi essentiels à sa prospérité.
Cette colonisation deviendroit bien plus facile et
plus avantageuse en même temps , si Ton adoptoit le
système des travaux à l'extérieur. On commenceroit
par faire exécuter les premiers travaux de défriche-
ment par les condamnés , barraqués à la manière des
militaires ; et , à l'expiration de leur peine , on leur
donneroit les terrains mêmes qu'ils auroient disposés»
pour en jouir comme propriétaires.
C'est ainsi qu'on trouveroit , dans la colonisation ,
un moyen précieux d'occuper les condamnés libérés,
qui concourroit avantageusement avec les ateliers pu-
blics , que nous avons proposé d'établir.
Mais ces divers établissemens , pour atteindre le
degré d'utilité dont ils sont susceptibles, devront con-
courir avec les dépôts de mendicité. Il faut que le^con-
damnés ne voyent, dans leur avenir, quç la perspeç-
DU REGIME MORAL: ^4ï
tîve inévitable du travail^ agréable et coufbrme à leurs
goûts, s'ils s'y livrent de bonne volonté, après avoir
regagné la confiance qu'ils avoient perdue; utile et assu-
ré y s'ils. conservent le désir de s'occuper, sans en trou-
ver par eux-mêmes les moyens; forcé et peu lucratif,
s'ils retombent dans l'oisiveté et se mettent dans le cas
d'être renfermés dans le dépôt de mendicité.
Je voiidrois que le maire de la commune où un con-
damné libéré est envoyé en surveillance , s'informât >
semaine par semaine , de ses moyens d'existence ; et ,
dans le cas où il ne pourroit et ne voudroit pas tra-
vailler, le dirigeât , soit sur une maison de travail , où
il trouveroît de l'ouvrage , soit sur un dépôt de men-
dicité, où il seroit également occupé. Le condamné en
surveillance ne pourroit pas éviter cette alternative^
travailler, soit chez lui-, soit dans une maison publi-
que de travail ou se résigner à une nouvelle captivité ,
dans le dépôt de mendicité; et, pour prendre à leur
égard celte dernière mesure , il ne seroit point néces-
saire d'attendre long-temps : toutes les fois qu'ils n?"
justifieroient point être suffisamment occupés et ne
demandéroient pas à être envoyés dans une maison de
travail , ils seroient en présomption de mendicité , et
l'autorité seroit fondée à s'assurer de leur personne.
Mais cette réforme importante ne peut s'effectuer
que lorsque les dépôts de mendicité seront établis. Tout
se tient en législation, et tant qu'une partie reste* im-
parfaite , l'ensemble est vicieux. Espérons que le zèle
de nos législateurs , animé par l'exemple et les regards
d'un prince qui ne s'occupe que du bonheur de ses
sujets, dans toutes les classes , nous donnera bientôt les
institutions qui nous sont nécessaires !
16
^^ti DES PUISONS.
Les idéas f ikwsi féxiss^ que dragercusea^ que nous
0V(Ui^ cherché ks nioyens de détvuîre > ne soiU pas ks
«eoles t qui s'oppo^sent à la cori eclioii: ^s eoncUininés.
JHoiis avttM d^)à w occasion d W aigoaler pUisieors
autres, 4aiis lecaufs de cet ouvrage > et loy t LVnaesible
4h régime que nous indiquons est destiné à les eom-
hattre. C'est à U s^acité des autorités locales à faire
Vapfulieatiou de ces principes anx eîrconslance& parti-
jpuUères , qtii peuvent varier pour chaque individu*
CJ9APITREIIL Desmçyefis dominer les fmsonniers
au bien*
Ji^SQYj'i^i» nous ne nous sommes p^cup^fi que de
carnbafctire lesobstVles, capaVles d'empêcher le retour
des prisonniers à la vertu ; nouj^ ayons ch(srché les
^noyens de prépaver leurs espriU et leurs cç^^rs à rece-
voir les leçons , qu'on leur donnera » lei^ impressions
qu'on tâchera de leur feire ressentir^ et surtout à les
d^g^g^des entraves^ qui pourroient )es reteixir d^as
une voie funeste , malgré tous le& soins que l'on pren-r
'dr^ pour les en arracher. L'oisiveté, la déhanche, les
|^é}ugés ordinaires a cette classe d'homnies , tels sont
les epnemis dont il falloit les délivrer, avant de cher-
fsher à foire germer dans leur cœur les saliit^ires ins-
Rations, qui devront les ramener au hlen. U wÀèê
reste à examiner quel but on doit se proposer dans
celte grande entreprise , et pi^r quels moyens ou y piL*ut
parvenir.
Les prisonniers , dont la co|ida/nnati<H> n'est pas
perpétuelle i sont destinés à rentrer dans la société; Us
sont donc> après l'expijration de leur peine, réputés
DU HÇfilME MORAL. ^43
^Qjes d'^a ê(r^ encore niembres. La peine qi)'ils or^t
su|>ie est , tout à-la-fois, ime ex^itiatlon de leur faute ,
çt iifi^ a>Q.y«A en>plojé pour les préserver d'une re-
chute ^ e| Tcm doit présun^er quelle atteint ce but: tellq
doivent êtfç du moins la peqsée du législateur, lors.-?
qu'il établit qpjÇ peine, et Tespoir du jqge', lorsqu'il
«ppJiqj^e Ifik Ipi. Cependant le$ coixd^ni^iés libérés ppt
toiijoj^rs à lijtlçr contre nue défaveur positive , qui leç
signale , en général » comme des hommes pervers, que
le châtiment n'a fait qu'exaspéref encore , et qui , plu?
endurcis cpie jamais, ne rentrent (Jans la sqciété qu's^-
yec d3Ç intentions plus hostiles ç,t des mayens plus
étendus dé lui nuire. 9 qu'ils n'en aypient avapt j^or
c^^tivité. .
3i cette rigueur de l'opinion n'est pas injuste, $i I9
plupart 4çs pwo^ijtiçrs n'apprennent , pendant leur
4|tjefxtiou , qu'à commettre le crime avec plus de mé-
^^o.4<c (çt s'ils sortent des priçon^ plus ai^W^v§ qu'ils
n'y étoient entrés , c'est que le régime moral y esjt
.^éciil^m^lit yiciau^ : il deyoit rendre leç prîsopniçfs
di^pfi§ de rentrer daiïs la çocîété , et l'on regarde gén^-
ral^e^ coi»piç pl\l§ dépravés que jamais cçi?^^ qqji"
j qnt ét^ sjoumiç. IJi^ç peine légale pe doit pas ^voir
im s^^\bj^]t^lie résultat. La W\ u'a jamaî^ pu vouloir
quç» |\ar l'effiçt d^ se^ di^)o§itions répressive^, le m^l
qu'elle^ cherche à çmpieçher s'accrût encor^. IJ faut
ÉJQnc réfprmer ce ré§în?.e , qui détourne entièrement
\n sys^èwp fi^^ <3u biit auquel il doit tçndre , faire
lîi^ ^orte q^'i^ re^de le;§ prisonniers nieilleurs qu'ils
fi'étpl^t, av^ut \p U^mpis poq^açré à leur correct î pi» ;
et, ç'il e$t jtt§fe qg'uTi coA'^ajpné libéré ne p^îs^e p^
si44 BES PRISONS.
que rhomme qui n'a jamais failli , qu^il puisse au
moins , à l'expiration de sa peine , réclamer celte in-
différence, qu'on éprouve à la vue d'un inconnu, dont
les qualités ou les défauts ne peuvent se découvrir qu'à
la longue. Si le régime moral est bon , les condamna
ont droit de trouver cette disposition dans les esprits,
car son effet doit être de faire de chaque prisonnier
un homme nouveau. La présomption d' improbité ,
qui s'attache à toute personne qui a subi une captivité
pénale, est la condamnation la plus forte du régime
moral des prisons. Essayons de la détruire, en rendant
à la vei tu ces hommes, qu'on n'est que trop habitué à
croire dévoués pour toujours au crime.
C'est une erreur funeste , et contre laquelle nous
nous sommes déjà élevés, que de croire les prisonniers
incapables d^amendement. Il n'y a rien de vrai en
morale, que l'on ne puisse persuader à Thomme, si l'on
employé les moyens convenables , et désespérer de la
correction du coupable, c^est blasphémer la Provi-
dence, qui n'a jamais pu créer un homme pour le
, prédestiner au crime. Mais, parce qu'on a vu se dépra-
ver encore dans les prisons, des malheureux, qu'on n'a
pas même pris la peine d'instruire , et qu'on semble-
roit plutôt avoir cherché à pervertir entièrement, tant
les séductions auxquelles on les abandonne doivent
avoir sur eux des conséqueiices funestes , on en conclut
froidement qu'ils sont incorrigibles, et on les déclare
à jamais bannis de cette île escarpée de l'honneur, où
l'on peut cependant trouver encore quelques rives
abordables, quand on a eu le malheur d'en sortir. Si
Ton avoit tenté la correction dès prisonniers, si l'on
pouvoit se flatter d'avoir employé tous les moyens de
DU REGIME MORAL. 245
faire rentrer dans leur cœur le sentiment de la vertu,
et qjue ces efforts fussent restés infructueux , alorsv on
ponrroit , avec quelque raison , les déclarer incorrigi-
bles, et condamner toute espérance d'amendement à
leur égard. Mais, jusque-là, un tel arrêt est plus qu^
téméraire , et c'est trop mépriser Thumanité que de
croire absolument impuissantes sur le cœur humain
les leçons de la morale et de la religion.
Il n'est point d'homme dont le cœur ne soit acces-
sil;>le à la persuasion, par quelque point ; il s'agit de le
découvrir, si l'on yeut réussir à le louchev , et cette re-
cherche n'est pas aussi difficile qu'on pourroit le croire
au premier coup d'œil. La manière même dont ils ont
été pervertis, indique souvent comment on peut les
corriger. On les a séduits pour le vice , il faut les sé-
duire pour la vertu. Qu'on étudie leurs goûts, leurs
inclinations , leur caractère , et l'on trouvera plus d'un
moyen de les gagner. Le mobile , qui n'aura aucune in-
fluence-sur l'un^ sera très-puissantsur un autre; il faut
les employer toi^ avec discernement ; il s'en trouvera
sans doute qui feront impression sur leurs cœurs* Tel,
sur qui les sentimens d'honneur sont impuissans , ne
sera pas insensible à des vues d'intérêt personnel : le
ressort est moins noble ; qu'importe, s'il est plus sûr?
Ici le but est tout , les moyens ne sont rien : ils ne peu-
vent pas être mauvais, puisqu'ils ont pour objet d'ins-
pirer la vertu. Tel autre, insensible à ses souffrances per-
sonnelles , ne l'est pas à la perspective de la misère pour
ses enfans. Cette idée , habilement présentée à son es-
prit , peut être le plus fort motif, qui le ramène dans
.la bonne route. C'est ainsi que l'on trouvera, dans
tous les hommes , même les plus pervers en apparence»
246 DES ï>tHSONS.
'iine di$pos'îti(>li au bien, qn'îl s'agira sctiletncînl de dë-
coiivrîr, pour ôbtemr sur eux un salutaire empire. Le^
rsTpports des employés, îâ connoîssance personnelle
que Taum Anîer pourra àccjuërir Sur les goûts et les ha-
bitudes des prisotinîeris , et îes observations des inspec*
teurs, feront bÎÊfritôt tonnoitl-e quels sont les ressorts
qui peuvent agir sur tel ou tel détenu.
Cependant il ne faut pas croire que ramendetnent
des prisonniers exige tonfours d'aussi grandes précau-
lîons : elles ïie seront nécessaires qu'à Fégalpd de ces
grands criminels, dont jusqu^à ce jour on isemble avoir
regardé la correction comme désespérée, mais qdi M
forment heureusement qu'une foible portion de la
population générale des prisons. On se troiuperoit gra-
vèmept, si Ton jugeoit de Tétat des prisons de France
parcelles de Paris ou des principales villes du royaume.
Rendez- vous de tous les mauvais Sujets de la province,
chacune de ces villes rassemble dans son sein tous les
gerts sans aveu , sans moyens d'existence , od perdus
de réputation , que Topinion vengertsse ou la crainte
de la jui^ticé ont chassés du Heu de leur naissance. C'e^
dàiis ce méprisable Iramas que se recrutent les band\ps
de voleurs et que le crime trouve de nombreux prosé-
lytes. iPresque tous ils deviennent voieuris de profession,
et c'est dans ires criminels, d'une immoralité pro-
fonde, qUé l'on trouve le plus d'indocilité et de mau-
vaise volonté. ji
Qtie l'on ouvre , an coirtraîre , lès prisons d'un dé-
partement ordinaire, on y trouvera tout au plus un
dixième des brr$anciïers,'que Ton puisse ranger Âans
cette classe. Touis les at^tres &ont des malheureux, que
la misère a égarés, ou des lâches, qui ont préféré le re-
DU BE6IME MOftAL. aif
posd'im jour à ÔAehmMMVibk aclivité; main il n'en
est qu'un trèfe-petit notl^ei qtli frieUt'felMiéisor le tidl
kiir sjcisteiice quoliÂielitie; pl*éi9que tous ont un état 4
dont iis «l'ont pas en keoiiragecle supporter les (ati^oel,
ma dqpt ies prèdoits trop modiques étèieht dkvettâs
insiiffisans , po«it satisfaire à leurs beàoinis ou aux t^
prices de lenn» passions. Dtsns ces années désa^renies «
où Fintempérie des saisons rendoil la misère plus tér^
rible 9 les fMrisons regorgeoient de malhéurenk « q^i
semblolent égarés par te désespoir et non pas déprairés;
Cette multiplication remarquable d«it«s le nonlbi^ dei
détenus^ à ces époques, prouve que la misère est la source
la pUis£écotide de^ critoies, dans les can>pagnes» I>e tous
ces malheureux, que la bonté du Roi a rendus en par-
lie à la liberté , il n^'en est peut-être pas un, qui n'ait
repris avec ardeur un travail , qn'il n'avoit pas inter*
rompu par lâcheté; et surtout il n'en est presque an'
cun, qui ait fait partie de ces associations de malfai-^
teurs , qui effrayent et désolent les contrées entières
et q.ui sont de véritables foyers de scélératesse. On
nanra donc pas besoin, à leur égard, de toutes tes
précautions, que nous allons indiquer plus en dé<*
tail , et qui formeront un système d'amendement nio*
rai, applicable aux condamnés les plus dépravés. Quant
k la majeure partie des prisonniers ; il est aisé de voir
qu'elie est composée de coupables à leur début, que
Ton iparviendroit plus facilement à ramener au bien.
Mais on ne devra jamais désespérer d^oblenir le même
succès f à l'ëgatddesizrrminels par étatVqui , au premier
aspec*,sembèoîent peut-être incorrigibles. Une insiriie^
lion appropriée à leur situation et à leur caractère , et
on ensemble de smas destinés à leur faire eonnoitrc et
348 DES PRISONS.
aimer les objets de la vénération générée, qni fonne^
ront en qaelqae sorte nn système à éducation , poor-
Tont vaincre ces esprits rebelles et leur faire sentir qae
le travail et la probité sont les moyens les plus assurés
et les plus faciles de vivre heureux et tranquille. Que
la religion j avec sa douce et consolante morale^ ses
magnifiques promesseset ses menaces terribles , vienne
consacrer , par son autorité ,'les leçons et les efTorts- des
hommes, et Ton pourra espérer de voir cette ligue puis-
sante opérer Famendement des coupables et les ra*
mener au sein de la vertu.
Sectiou i'^ Be t instruction dts prisonniers.
L'ignorance est la source féconde de la misère et des
vices.' L'homme sans instruction, privé* des moyens
de s'occuper d'une manière avantageuse, ou de prendre
quelques délassemens honnêtes et moraux, est voué,
tantôt aux horreurs de la misère , tantôt aux funestes
ennuis d un stupide loisir. Dans les classes les moins
élevées, l'homme peu instruit est exposé à perdre tout
moyen d'existence, si , comme il arrive fort souvent , le
métier,auquelsonindustrieétoitexclusivementbomée,
cesse d'être employé. Son ignorance dans toute autre
partie ne lui permet pas d'entreprendre un nouveau
genre de travail. D^ailleurs, son esprit peu exercé el
plié depuis long- temps à une profession unique , n'est
plus capable d'en essayer d'antre avec succès. Il reste
donc sans ouvrage, faute d'une instruction élémen-
taire, qui lui eut donné Fidée et les moyens de tourner
ailleurs ses forces et son intelligence. La misère vient
bientôt augmenter l'horreur de sa situation; une
DU REGIME RÏORAL. 249
femme , des enfans en proie aux toarmens de la faim,
achèvent de le pousser au désespoir, il devient cri-
minel, à force d'être malheureux , et Tignorance est la
cause première de son malheur.
Dans les classes plusëlevées^ combien l'ignorance ne
cause-t-elle point aussi de désordres ! quels abirfles ne
crense-t-elle point sous les pas d'imprudens, qu'un
peu d'instruction en eût préservés! Le jeune homme ^
à qui Ton n'a pas su inspirer du goût pour une
science ou un art, capables de lui procurer une profes-
sion estimable ou d'agréables distractions, n'échappe
à l'ennui qui l'oppresse, qu'en poursuivant des plai-
sirs trompeurs, qui ne peuvent que lui inspirer le plos
grand dégoût pour le travail. Toujours occupé de dî-
vertisseqpens futiles ou dispendieux, il acquiert biei^
tôt, dans ces funestes délassemens, l'habitude de la dé-
pense et une répugnance invincible pour tous le$.
genres d'occupation. Â quels écarts ne peuvent pas ea-
traîner ces deux dispositions, qui vont toujours crois-
sant! Â mesure que les besoins augmentent, la haine
du travail augmenta également ; après une jeunesse
passée dans la dissipation, vient une maturité sans
énergie , sans connoissances acquises. Plongé dans
une ignorance avilissante, incapable d'un travail sui-
vi ou d'une occupation sérieuse , il ne peut espérer ,
ni de remplir avec honneur des fonctions publiques ,
ni d'exercer une profession laborieuse , qui le fasse
vivre dans une aisance honorée. Fortune, honneurs,
considération , tout lui manque à la fois. Il ne. lui
reste que des habitudes ruineuses et le goût de
l'oisiveté. Les besoins deviennent plus prcssans, les
passions n'ont point perdu leur fatal empire , il faut
35d DES t>BtSON$.
tout «Misfâire , b fbrturt« est épuisée , oft commet tiiie
èftdsesfiifi. Dès lors , la barrière dû crime ^t ouverte,
€t 4jdî Shit oà l'on s'arrêtera Aatis cett* fiineste car»-
rière?
C'est ainsi cime la paresse entraine également an crime
\e malheOTeui qu'elle condamne à la misère , et ce^
Ini qui n'a pas su orner ât connoîssances utiles une
«xistence, ^n apparence plus fortunée. Un esprit plus
' exercé eût préservé l'un €t l'autre des ftmfestes consé-
quences ée l'ignorance. On peut prévenir uhe partie
tle ces malheurs , en donnant au partrvre une instruc-
tion élém^niaîre , qui ëlère son intelligence au-desius
ties pratiques de la routine et qui fortifie ses bonnes ré"-
soltftions du secours puissant de là religion. Quant aux
airtres hommes, dont l'ignorance est, en quelque sorte ^
,volomaîr-e-, pitîsqu'elle n'est pas justifiée par nndi-
.^gmce , lés lois sont presque sans force pour les préser-
ver d'un fléau ,auquet ils s'exposent d'eux-mêmes: cepen-
dant il seroit digne de la sagesse et de la prévoyance
des Gouvememetes de favoriser la propagation tIes
têonnoissances utiles , par tous les moyens en leur pou-
voir et notamment par des encouragemens habile-
ment offerts à ceux qui les posrèdent.
S'il est nécessaire ^e répandre et de favoriser Tins-
imction dans tontes les classes de la société , il ne Vtû
pas moins de dissiper les ténèbres, qui, trop long^
temps ont obscurci l'intelligence des criminels. Cette
tâche ne sera pas sans difficultés, à l'égard des prrson-
nient parvenus à la maturité de l'âge. Leurs organei
endurcis , autant p^r une longne inaction quepar rin"
éocllilé, qnelqfuefois presque involontaire, qu'ap*
portent les hommes faits aux leçons qu'on leur donne,
DU REGIME MORAli. 2H1
ne se prêtent plus que flifficîlertient aux première*
ÎTistnictîôns , aux commencemens, toujours pénibles ,
fies connoissanéeè, dans quelque genre que ce soit.
Maïs une âiscipline régulière et tons! anie iet ries encom
ragemeiis, distribués avec adresse, les plieront à nn
apprentissage ou à des leçons , dont ils sentiront bien-
tôt toiit le prix. .
Nous indiquerons, h mesure que l'occasion s*en
présentera , le§ moyens de les déterminer à acquérir
des connoissances, qui leur seront un jour si précieu-^
ses. Une faudroit rien négliger pour les y amener, et
une partie des récompenses, dont les inspectenrs pour-
ront disposer, devroit être affectée à ceux des prison-
nTcrs, qui seporteroientavec leplusde zèle aux iilslruc-
tionset qui en lireroîent le plus de profit. Cet attrait et
l'emploi de quelques moyens légèrement coërcîtîfs,
suffi rqnt satifs dmite pour plier les pristinnicrs sous ce
joug salutaire. '
Tous les détenus d'ailleurs devront y être assifjétls ,
les femmes comme les hommes, et les hommes faît^
aiissî bien cpie les enfiaiis. Cinstiniclion leur est ^afe«-
ment nrécesisaîi'e et il faui la leur procurera tout prix;
mais totfê n'ont pas besoin des mêmes connoissances.
Celles qui conviennent à un sexe ne conviennent pas
à l'autre ; et , quant ànx âges , la différence est peut'-
être encore plus marquëe>Onpent donc , à l'égard de
l'instruction , partager les prisonniers en deux classe**',
les enftms elles adnltes. L'instruction elle-même se'di- *
visera en àeux branches, selon qu'elle aura pour objef^
renseignement des connoissances usuelles, nécessaires
à toot.homme pour vivre en société , ce que tious apl-
pcllerons Vmstrwtian cmiâj et le iîéveloppement des
253 DES PRISONS.
principes religieux^ seuls capables de donner ane
sanction auxleçonsde la morale, même la plus sublime.
Ces d^eux branches d'enseignement , pour être distin-
guées Tune de l'autre , ne devront pas ^Ire séparées ,
mais s'aider mutuellement. Une solide insllliction
morale préparera les détenus à recevoir , avec plus de
fruit, les leçons de l'évangile , et la parole de Dieu
sanctionnera les enseignemens des hommes et leur
imprimera une autorité persuasive et irrésistible. La
morale est bien foible sans la religion ; mais , appuyée
sur cette base inébranlable , elle peut soumettre les
cœurs les plus rebelles.
^ PARAGRAPHE FBBMiER. De Plnstruction civile*
«
PREMIÈRE DIVISION. De rinstructioii à donner aux hommes faits.
ARTICLE V^, ConnoUaances généraks.
L'iTïSTRUCTion civile des prisonniers consiste à les
mettre en état de vivre dans la société, et d'y exercer
nne profession estimable. Ainsi , apprendre un métier,
acquérir quelqiies-unes de ces connoissances élémen-
taires, qui, en développant l'intelligence, préparent
une ressource pour des retours de fortune imprévus,
et enfin, connoitre et aimer les devoirs de l'homme
social , tel est le but , auquel doit tendre cette partie de
l'enseignement destiné aux prisonniers.
On voit que ce système d'instruction s'étendra né-
cessairement à tout le temps consacré au travail ; et
en effet , la détention des prisonniers doit être em-
ployée toute entièpe à cet objet important. A quelque
moment de la journée que ce soit , et quelque genre
DU REGIME MORAL: 253
de li'avail que fasseat alors les prisonniers, leur ins--^
truction' et leur amendement doivent en être le bufr
direct. Ce n'est pas qu'ils ne puissent en même temps
tirer un juste profit de leur travail. Ce foible gain est
un de» moyens les plus puissans pour les y engager.
Mais les ouvrages , auxquels on les emploiera , ne de-
vront pas être considérés sous le rapport de leur uti-
lité actuelle : c'est leur utilité future pour les prison-
niers, qu'il faut toujours envisager. Nous .l'avons déjà
dit ailleurs, -et c'est ici le cas d'en faire l'application:
s'il se présentoit un ouvrage temporaire à exécuter,
qui n'a{>prit rien d'utile aux prisonniers qu'on en
chargeroit ; quelque avantageux qu'il pût être pour le
moment , quelque bénéfice qu'y pussent trouver les
entrepreneurs des travaux , il ne faudroit jamais sa-
crifier il ces intérêts le sort à venir des détenus , et l'on
devroit préférer à toute autre* l'occupation , qui pour-
roit leuF assurer, pour la suite , une profession utile.
C'est surtout dans l'intérêt des détenus , et pour leur
procurer, des ressources pour l'avenir , que l'on a form^
de^' ateliers dans les prisons; pour que cet établisse-
ment atteigne le but auquel il est destiné, il faut que
les prisonniers n'apprennent que des métiers propres
à les faire vivre , à l'expiration de leur peine.
£n jportant celte attention dans le choix, des tra-
vaux , on évitera de remettre les prisonniers au milieu
de la société ^ aussi dépourvus de tnoyens d'existence ,
et par conséquent aussi exposés à se perdre , qu'avant
leur détention. Mais cette ressource , , que leur aura
préparée une sage et bienfaisante prévoyance , peut
leur manquer un jour : le genre d'industrie qu'ils au-
iiont cultivé I peut n'être plus employé ; les caprices
?S4 I»» PftfSONS.
de b mode, on U parrectiooneinent dçs drt# wécst^
piques 9 peuvent rendre inutUe Th^bileté qu'i(a ati-
jrai«nt acquise. Pour les mettre à Ta^i de ce n9i|lbe«r,
il faut les garantir on les ciélivrer de^ pré^g^ e| de
1^ stupîde incapairité 4e U routlxie^ et^ti? ft^ «affc^
spi'ils puissent suivre le$ progrès 4e lart qni ^%0|ir-
riti on se livrer à une nouvelle induslFie , si )a: pre^
niière l^ur échappe.
Cette amélioration, précieuse ne suroît p^sansiâ dif-
^iie à obtenir qu'on pourrqit le supposcir* U ne faut
pas ime gran^ç somme de connoissaDees , p^ur être
élevé au-dessus de ces malhesteux ouyciers, qiii ne
cowEioîsAeiit qn'u9e seule manière de remuer b na->-
;ir«tie , ou de, prépare? le cbanvre « et que la meûdre
modification^pportée à Içufs outils, ou aux malières
f^efmère^r féduit à la noendJcité , painre qu-ils ne
.eroiant pasqu'otJi p^îs^e, dans i#urs atelieFs^ travail*
If^r autreoiMi qu^ tvavailloiieot Isiir^ père». .
Pow détryire un préfugy?, si élra^gfeet si commun ,
qui ruîn^ des CQii»fmtnes entières , parée qne knrs
habitans aiment miesix manquer d'auvrage^ «pse de
latM-iquf r , au di;!^-neHv|éme siècle , des diraps ]^u&6ns
.qii^ (Bfiux dont s% cpuiii^i^enl 1q$ soldats d'H«iràIV,
que fau(irpit-il ? Bi^m PM du chpse : fait» sentir à ces
^nnn^s ayei^^és p^r la rontinis , qu'il est pospiblt de
traM^li^r aii^^iiinef^t » gt Av«t; plus et fAcîlÂté.quils
^l'oiiit appris à h fî^k^^ ; ^iV^vqc i«in capital peu consi*
éivfhh , ils ppuvQ^t «^ procuf «r de 9«iiv«^ux outils ,
àtiSi métieri^ per/iQ^tianné^ % aviec le^iels ils. fabrique-
ront des «narchandia^f rfe^itebéas àms le eomm^feé,
dont le débit l^s ^^dp^^mi^^oit bi^nlôt d une légère
mise de (onA^* tantdîfi (fUife inQurrcmt de.faisn ^ devant
DU WEGim ïlflORAL. 25$
leurs vieux métiers, qui ne. peuvçût plià» produire
d'objets qu'où leuir achète.
Pour leur faire, comprendre tontes cet iréirUés « il
siiffifoit de leur apprendre ce que l'on ensè^nê aux
enfans les moins fav^orisés de la fortuné, Iii*e, écrire
çt compter. Voilà le modeste appareil scien^tifique ^
dont iU ont besoin , ponr s'élever au-dessus des étroits
f entiers de la routine. L'exercice que leur intatlSgence
fera , ponr acquérir ces connoissances éléoden^aires ,
la développera assez, pour leur faire comprendre Fab*-
surdité dé leurs vieilles et invariables habitudes, et la
teinture qu'ils auront du calcul, leur permettra de
comparer les chances qu'ils courent dç Tun ou de
l'antre c6té, et de ne pas craindre de faire une légère
avance , qui leur donne le& moyens de traviiilj^r avec
fruit.
D'ailleurs , il faut bien se garder de erpire que ces
connoissances soient inutiles , dans l'état ordinaire des
choses*, pour le$ dirigfer dans leurs^ travauj^ jouna^iers,
et qu'elles ne doivent leur servir que dans certaines
circonstances- L'expérience de tous les jours prouve
€on9J>ien les ouvriers instruits ont d'avantage sur les an-
tres. Eux-mêmes sentent bien cette supériprité,snrt^Kit
qi.iandiU l'ont acquise. Si un art mécanique eçt ^scep-
tible d'amélioration , si quelque procédé nouveau a été
décQUverl, q^iel ouvrier sera plus en ét^t de le savoir,
de juger la possibilité et de calculer kes frais , et d'éva-
luer la proportion du bénéfice à la dépense, que celui
qui sait lire et à qui la science des nombres n'est pas
étrangère ? Quel avantage ne trouve-t-il pas encore à
pouvoir lui- môme, et sans recourir à des secours
étraii^ers, mettre en ordre ses affaires et le compte de
256 DES PRISONS.
ses travaux? Et sî , à ces connoissances indispensables,
il Joint encore quelque idée de ces arfs , qui sont d'un
si grand secours dans toutes les professions mécaniques,
s'il a quelque teinture du dessin, de la géométrie, etc. ,
avec quel succès ne se livrera-t-il pas à des travaux ,
qui ne seront plus pour lui Texercice uniforme d'une
faculté corporelle , mais celui d'une intelligence éclai-
rée ! Bien loin de s'astreindre à une servile routine , il
reculera lui même les bornes de son art-, l'enrichira
de quelque procédé nouveau , et ne sera jamais retenu
dans les entraves , où l'ignorahce l'auroit laissé.
Pourquoi ne donneroit-on pas aux prisonniers ou-
vriers les premières notions deces arts ou de ces sciences,
fii utiles dans le métier qu'on leur apprend? Pourcpioî
une portion du temps, destiné chaque jour à leur ins-
truction , ne seroit-elle pas employée à les initier à ces
connoissances élémentaires? Une heure par jour, pen-
dant cinq ans de réclusion, est bien plus qile suffisante
pour apprendre à lire , écrire et compter , aux détenus
les moins intelligens, et le reste de ce temps seroit
très-utilement employé à leur donner quelques no-
tions de dessin , de géométrie , de mécanique , d'archi-
tecture,* de chimie, etc., suivant la profession qu'ils
embrasseroient , et le métier qu'on leur enseignera oa
qu'ils continueroient de cultiver.
En faisant cette proposition , nous ne voulons point
sans doute transformer les prisons en académies, et
faire autant de savans de tous les voleurs du royaume.
Un projet aussi ridicule est loin de notre pensée. Mais
notis voudrions mettre , autant que possible , les pri-
sonniers à portée de recevoir les conseils d'hommes
instruits, relativement à leur état. Nous voudrimis, et
ï>tj BEôiMB Moral. ^s?
c'est imVûQu qM nous fermons poùrj;oii94a»0iivrîèrs
«n glhf)«ral, qu'ils fussent tous eH ëtat d apprécier tes
<H>0âeUs.,, 4e lesdbcQtei!^ et A'en faire une application
raîsoniiëe^ s'îla les approuveot^ Mab ils n'eut -pas be^
soiflL de çonnoissaoces bien étendue» ni l^en profuiidas^
ponr aFnverà ce pc^kit; Quelques notions élëmeqteiirea
de'géoDfiétrîe« Une légère teinture des arts, du^^deseia^
"et de la chimie» suffisant pour qn'ila comprennent le»
docnmens nouveaux^ qui leur parv^ôndrôient^ sur letirs^
professons.
Voilà ce qne noua désWons que l'enseighcmient pro^
cure aux prisonniers : ils ne seront ni dessinateurs , ni
géomètres f ni chioiistes^ nams, s'ib voient une ma-
chine nouvelle ^ si un nouveau procédé leur est indi«-
que, ils pourrcmt obhnoîtrè et apprécier la forme et
l'usage de l'une, les effets et les combinaisons de l'autre.'
Lever le plan d'un métier^ dessiner un meuble , sa-
voir d'une manière générale la loi dea affinités chi--^
mkines^ swt des i^onnoissances ou des itatens très-r
sîndples, qui conviennent à des ouvriers, et qui peu-r
veat leur être donnés très-facilemeni, car, pour le faire^
il n'eu milIenÉent nécessaire que chaque prison ait de»
cours de chimie ou^ de mathématiqoes> Les notions^
doint les détenus aiiroient besoin , peuvent a'acquérir à
chaque moment de la journée, et surtont pcfifdant leurs
tfavaiiXv auxquels elles recevroient une application
directe et immédiate ; ce qui n'empécheroit pas néan*
Hmns que, pendant les heures destinées à renseigna-*
niMti, l'instituteur ne leur donnât les eonnoissances^
qtt'il peut avoir lui-même dans ces diflerens genres.
Yoieif au surplus, comment il nous semblé que de^
vroit étl^ réglé renseignement dans^ les prisons:
^7
jSb des brisons.
Tous itfs ^prisonniers- devront assister ani^' leçons, i
rexceptîonriontefois des vieillards et des malades. Tous
ont un egalbesoin desconnoissances et des vertus,- qti'on
doit leqr yiîncniquer. Une heure par jour sera suffi-
sante^ pour lesdiversgenresd instruction qu'ils rece*
vront , sans les priver trop longtemps d'un travail plus
lucratif Nous parlerons, dans is^ troisième partie ^ des
moyens ingénieux et peu dispendieux, qu'on atrodves,
de les indemniser de cette perte de temps pour le bé-
néfice. Comme les prisonniers ne seront jamais déran-
gés dans leurs études, et qu'ils pourront avoir, tous les
jours, une classe, pendant plusieurs années de suite, on
conçoit qu'on aura le temps de les instruire suffisam-
ment.
Nous avons déjà indiqué les objets, sur lesquels devra
porter renseignement des prisonniers La lecture, ré-
criture et le calcul en ^seront les bases* L'instituteur,
chargé de la charitable mission de les instruire, pourra,
autant qu'il en trouvera les moyens , soit en lui-même,
soit par des secours étrangers , soit même quelquefois
en faisant usage des connoissances de quelque détenu,
joindre, à cette instruction fondamentale, des notions
élémentaires sur les sciences dont nous avons parlé, et
quelques principes sur les arts du dessin , le plus utile
de tous les talens pour les claSses laborieuses.
On trouvera peut -être que. le temps, si restreint,
d'une heure par jour, ne seroit pas suffisant, pour en*
seigner aux détenus ces diverses branches des connois-
sances humaines; mais, si l'on réfléchit à la conti-
nuité des leçons qu'ils seront à même de recevoir, aux
moyens ingénieux par lesquels on parvient, en quel-
que sorte, à multiplier le temps, à ces méthodes pré-
DU REGIME MORAL; 369
ttraseSf qni'accëièrent lès progrès 9 eo faisant àinier
rinstnicf ion aax enfans les moins laborieux , on pen^
sera sans doute que les détenus pourront acquérir ,
pendant leur* captivité, bien plus de connoissances
encore que nous ne proposons de leur en donner : si
cela est, pourquoi ne profit eroit-on pas de Toccasion^
qui se présente, de les instruire convenablement ?
A cet égard, on» peut s'en rapporter à la prudence
et au zèle de Tinstituteur, et le laisser le maître ^de
donner aux détenus toute Tinstruction qu'il jugera
convenable, mais, toutefois, avec l'approbation des
inspecteurs. Il ne faudrait pas lui donner, sur ce point,
une latitude trop entière, de peur qu'il ne passât queU
quefoîs trop légèrement ^ur les connoissances élémen-^
taires et indispensables, qui formeront l'enseignement
général de tous les prisonniers, pour leur donner des
leçons plus agréables, mais moins essentielles. Ainsi «^
Ton ne devra lui permettre de donner aux prisonniers
une instruction spéciale , qu'à titre particulier et seu-
lement .quand ils seront suffisamment instruits des
objets principaux qu'on doit leur enseigner* D'ailleurs^
cette permission ne devra être accordée que sur la de-
mande formelle des détenus, quand les inspecteurs
reconnoltront <^e les notions qu'ils désirent acquérir,
quoiqu'elles ne fassent point partie de l'enseignement '
général, leur seront réellement utiles, pour la profes-
sion qu'ils veulent embrasser. On peut être sûr aussi
que les prisonniers ne demanderont pas d'eux-mêmes
Il continuer des leçons, qui leur prennent chaque jour
une heure de travail lucratif, sans y trouver une uti-
lité véritable.
Quant ^ tous les autres, ils ne devront être obligés
î66 ms VKisom.
ti'assiâter aux leçons <{ae [uscpi'à ce cpi'ik aient a|>pn(l
ce qm leur sera niécesiaiFr. Ainsi ^ quand ik saor cHOft
4ire^ écrire , et faire le» opérations élémeiil»rcs de IV
rilhnoëtique^'ils pomrronfc élre dispensés à'j vemr , et
«employer la jouraée toute «atière an travail cKPdiBaire»
ils seront encore les maîtres de «nivre tes triasses pen-
dant quelques mois^ pouir apf^rendre ks élésnens de la
science ou de Fart, qui s'appliqne directement à leur
Riiétier. Ainsi undétenu*, menoisîer ou ébéniste^ pourra,
s'il y 4 un cours de dessm dans la prison, y IraTatlkr
quelque temps; un maçon pourra recevoir quelques
leçons d'ai'chitecture , un ouvrier de manufacture y
prendre les premières et les plus usuelles notions delà
chimie où de la mécanique. Alais, dans i9v& les cas,
ces études seront absolument facultatives pour eux , et
le» chefs d^ateliers auront soin d^ suppléer , dotant
que possible, en instruisant, dai^s la pratique, leurs
ouvriers des causes et des effetsde chaque procédé qu'ils
leur feront employer. Ces moyens réniiis procnre^-
ront aux détenus une infraction complète , et le»
mettront esa état de travailler utilement et avec intel-*
ligence, à Texpiration de leur peine. S'ils ponvoient
devenir bons ouvriers, pendant leur captivité, ib ae-
toienl bientàt recherchés pour leur t^enl , et Toccu**
' pation qu'ils trouveroieot les préserveroit des rechutes,
que doit faire craindre Tabs^on presque abs(^, où
restent souvent les» condamnés libérés.
C'est ainsi qiK Ton complétera les moyens d^asâurer
L'existence future des prisonniers^ mais ce n'est pas
assez de leur avoir procuré un talent lucratif, il* fout
encore , avant de les remettre au milieu de la société^
leur inspirer les vertus, sans lesquriles il est i
DU REGIME MOfiAL^ 261
d^tre bcMi citoyen* C'est tout à-la-foîs la partie la plus.
di£Ei€iât €t la: plus importante de leur amendement;
mais, sans elle , le but de la réforme seroit manqné ,
. pcrisqn'ellecoiMiste à rendre lesdëtemis meilleurs qu'ils
a'ëlaicot Icirs de leur arrestation.
ARTICLE IL Mùndé.
R£S DAfi honnête homme nn coupable , faire d'ili>
brigand un bon citoj^en , tel est le problème à résou-
dre. L'entreprise est sans doute immense et hérissée-
dé difficultés; peut-être mtoe trouverot^on une sorte
di» témérÎJhé^à-seproposer une tâche, dontbnreeonnott
si bietft' la grandeur. Cependant y quels que soient les
. c^ta^ks de plus d'un genre, q^ie Ton rencontrera cer-
tatoewient dans cetto-mute épineuse , gardons-nous de
désespéi'er du succès. Aidées du-secours puissant d'une
religion persuasive , les leixins de la. morale parvien-
dront jusqu'au- cœur de ces hommes , qui , tous égai»s
dans des voies eorruptrices,seroient devenus peut-être
des citoyeas^ estimables, s'ils eilssent reçu les avertisse-
mens conv^enables à leur position.
D'un autre câté , quand on n'ofatienîdroit pas un
MKreei, aussi complet qu'on ponrroit le désirer , et que
t^tts les prisonniers jae répondroient pas également aux
soins f qu'on- pcendroit pour leur amendement , fau-
drait'il abandonner Tentreprise, et retioncer à une
réussite partielle, dans la. crainte de quelques eiforts
infructueux? JN 'en ramenât-on qu'on sur dix à la vertu,
-cette conquête précieuse paieroit bien les soins qn'on
aurok pris à l'égard de tous, et si l'on peut espérer na
|iareil résohat , doit-im hésiter un seul moment d'emr
afo DES PRISONS.
ployer;]^ moyens i^iii peuvent y conduire? Je me
plais d^ailleurs à croire qu'on obtiendroit bieo pkis de
saccés, et que Ton n'auroit pas à redouter riuutiisté
de ses peines sur les neuf dixièmes des condamnés,
tant est restreint le. nombre des scélérats, véritable-
ment endurcis avant le séjour dans les prisons ^ cause
ordinaire de la plus grande dépravation.
On devra donc s'occuper , sans relâche et avec con-
fiance y du soin de faire revivre la vertu dans le cœur
de tous les prisonniers. La première chose à faire pour
y parvenir , c'est de leur faire connoitre les principaox
devoirs qu'ils ont à remplir, et d'éclairer leur esprit
pour arriver; plus sûrement* à leur cœur. Mais des ins-
tructions dogmatiques en morale sont souvent bien
foibles; la simple raison a rarement assez d'aKrails,
pour plaire d'elle-même, et presque toujours, fmxt la
faire goûter aux hommes, on a besoin de secours
étrangers. Il en est de même , à pkis forte raison , des
prisonniers: déjà prévenus d'avance centre des prin-
cipes, dont ils redontentr^nstérité , ils sont très-mal
disposés à recevoir desleçons, dont le but avoué est sdi-
soiument contraire à leur manière de voir. Les ins-
tructions les plus sages leur paroitroient de sèches et
ennuyeuses dissertations , toutes 1^ fois qu'elles au-
roient pour objet apparent de leur inspirer une vertu
ou de les détourner d'un viee. Ce n'est , en qnelqoe
sorte , que par surprise, qu'on pourra leur £aire recevoir
ces salutaires enseignemaas.
On devra donc éviter , autant que pos»ble , d'an-
noncer l'intention formelle de leur donner des leçons
de morale , mais ne n^liger aucune occasion de leur
^inculquer , presque à Timproviste , des idées sociales
e| des senti mens vertueux. Les prisonniers adultt^ssont
ji^ malades, qu'il £aat. guérir malgré eux, et auxquels
il faut administrer, à leur insu, des remèdes bienfài-
•stftô % dont ils sentiront plus tard 1 utilité.
Ainsi , rinstiiuteur n'établira poini de cours de
morale ) à Tusage de ces prisonniers ; il ne dissertera
point devant eux, à jours et heures fixes, sur les devoirs
de rhomme en. société , sur ses droits et sur les vertus
qu il doit acquérir et cultiver. La seule annonce d'un
cours de ce genre suffiroit pour y faire apporter, parles
détenus^ une mauvaise volonté et une dissipation, qui
rendroient inutiles toutes ses leçons. D'ailleurs ,. on
exige toujours plus, d'unie leçon préméditée et du dé-
veloppement d'un système, que d'un avis, en quelque
sorte improvisé , et d'un principe , incidemment pro«
posé, comme règle de conduite. L'homme , qui fait un
cours de morale , doit prouver ce qu'il avance , déve-
lopper ses principes, et en montrer les conséquences.
Il est toujours placé entre le danger d'ennuyer, ou le
malheur de ne point persuader; tandis qu'un trait im-
prévu , un avis appliqué à la circonstance, font une
. vive impression sur les esprits , et les trouvent toujours
plus dociles et mieux disposés. Si donc on ne doit pas
compter sur le succès cl'un cours de morale , pour les
prisonniers d'un âge miir, il «seroit absurde d'écarter,
pogr cela , la morale du cours d'éducation , qu'on leur
fera suivre. Mais il faut.Vy fondre , de manlèi*e qu'elle
soit inaperçue , et que les prisonniers l'apprennent ,
presque sans s'en douter. C'est peut-être le seul moyen
de faire parvenir jusqu'à eux la voix de la raison; et
la faire écouter, c'est assurer son triomphe.
L'enseignement, pour les hommes fi^ts , se compo^*
/
sera donc , comme dans les écoles primarres, && cf^
cooDoissances élémentaires, qm font là base de to'rfte^
instruction^ la lecture, récritnre:, les caleufs. Maïs
rinstituleur aura soin de faire de la morale son bot
principal, et d'y rapporter avec adresse toutes les an-
tres parties de son enseignement. Ain^, les* lectures
' seront choisies et contposëes^ de manière à hsJ^tttter
les prisonniers aux principes et au ton de la ^inë
morale. Ils écriront des morceaux, capables de fortifier
en eux ces bonnes dispositions, et l'instituteur cher-
chera toutes les occasions de leur donner quelques
avis salutaires , ou de leur expHqtier quelques règles
de conduite» Mais il aura soinf de le faire sans affecta^
tiooy et comme amené naturellement à ces cdns^
qnences. Ces avertissemens imprévus trouveront les
détenus disposés à les recevoir , et pénétreront insen-
' siblement jusqu'à leur cceur , surtout s'ils sont revèf cfs
d'une expression de douceur et d'intérêt pour leS pri-
sonniers , qui indique dans l'instituteur le désir dé les
corriger, et non celui de faire des réprimandes. Les
iiispecieurs , dans, leurs visites, ne négligeront pas
non plus les occasions: de joindre l'ascendant de leur
autorité bienveillante aux eiîorts de l'instituteur.
Quelques conseils sages, donnés de loin en loin^ et
avec l'expression de la bonté , par ces hommes, qu'en-
toureroit une considération méritée, sefoient très-
propres à faire impression sur les détenus.
Les réflexions que nous avons faites sur Tensertlble
de l'enseignement moral ,, s'appliquent également aux
détails, et notamment au genre de lectures, que^roin
peut donner aux détenus. La leçon doit y être cachée
soigneusement, pour ne pas effr^lyer d'avance , mais
DU REGIME âK>tV AL. 2«â
MHS nim envdoppe afises transparente , pour qn'^tte
ne «oit pae per^iôe. Noos l'aTOiis déjà dit, il fantsé-
dutre les pris^tinîens poor ia vert^i ; i4 ne faat doifc
pas la iear préseoter sous une face austère < il sercilt
aiéme Imii de la leur déguiser en quelque sovte 9 )us-
^'au moment ou ils ne pourront plus se 4^endite
contre elle , pance qu'elle se sera empai^é de leur cœur
presque à leur insu^ On ne peut lès gagner que par
«irprise; les instructions et les livres qu'on leur don-
nera 9 doivent être composés dans ce Min&. La veitu
doit ^ra la conséquence , et non ie tette , des leçons
qu'ik contiendront. Il faut feîre en sorte que ceux qui
linmt ces. livres^ puissent tirer d'e^XHOièmes les in-
duetions, où l'on veut les amener. Le raisonnemenk,
qn'on a fait soi-même , .est bien plus penoasif que c«h
loi qu'on eeteipd ou qu'on lit. La raison et Tamom-
propre lui donnent une autorité tonte particulière. Il
fiiut profiter de ce ressort puissant , et en tirer tout le
parti possible. L'épisode du jardinier y dans VEmib,
oà le droit de propriété est développé d'one manière
ai ingénieuse et si frappante, est un excellent modèle
à suivre , pour la manière de présenter et faire corn-
prendreaux prisonniers les idées> sur lesquelles se fofide
TonArp social. Comme ces idées sont , en général , les
moins familières pour eux , il faut tâcher de les y for-
mer , et la. lecture d'un bon livre est le moy^n \é plus
facile et le plus sûr , d'arriver à ce résultat.
Il est donc à désirer que l'on compose , à l'usage
spécial des prisons , le livre , dont la Société Royale a
proposé \e plan , et qqe c^t pqvrage so^t assez éteii4u
et assez varié, pour pouvoir faire la lecture habituelle
des détenus. Toutes les leçons de lecture seroieilt don-
a66 DES PRISONS.
iiée6da<^<:elmey oii^4e4emps en tenfïp&vrdan^l'^&fiMi^
gtle ; l^s exemples décrîlure y seroient^prisé^abéinenl,
«t les .prisonniers * qui aiiroieut complèië leur im*
.troetion, pooFroiei^le relire qqand ils vojiiitroienl ( i).
Qb conçoit que, pour faire de cet ouvrage la lec-
.ture habituelle et presque unique des prisonniers» il
faut qu'ils y trouvent un certain pla^isir, et c'est nne
des grandes difficiiU.ës de cette entreprise. Comment
rendre i^ne lecture attachante , pour des hommes^ fres-
que tous ignorans, grossiers et pervers? Cé-n est qu'à
Taide d'une profonde connoîasance du côenr , el des
dispositions secrètes des prisonniers , que Taotenr par-
viendra, en piquant leur curiosité , et en stimulant
. leur sensibilité ^ aies attacher à la lecture de ses peu-
eées. Il devra donc s'occuper, avec le plnsigrJand>soiii ,
de répandre sur son livre le genre d'agrément, dont il
est suseeptible. . '. ! '
Il n'est pas moins important d'y semer d^utiles le-
,çom, et de faire en sorte que chaque lecture laisse des
ipfipreasions salutaires, dans l'âme de ceuxv à qui elle
est destinée. Cette réunion de qualités rend assez dif-
H ficile la tâche de l'écrivain , qui entreprendra cet ou-
vrage estimable, et digne, par son importance, d'exer-
cer les plumes les plus distinguées. Il faut que son
(i> Depuis que )m écrit ce qu'on vient de lire, )'ai ap-
pris que les iadi cations de la Société Royale ont inspiré deux
ouvrages, qui paroissent avoir atteint le but qu'elle se proposoit.
L*un , intitulé jintoine et Maurice, qui a été couronné , est lou-
vriige de M. de Jussieu , auteur de Simon de Nantùa ; Tautre est
dô à M. Achart , conseiller à la Cour royale de Lyon.' il est intitulé
Laurent où Ua I^r^nniera. La Société Royale lui ^ décerné une
roeation honorable^
DU REGIME MORAL. 267
^yle sq^t ^Uîr , anireë , et cependant à là portée d|e
.8B$ lecteurs , soit pour les idées, soit pôor les senti-*
•flieBS;'qo^il soit aussi amusant que possible', etpour;-
tant qu'on y évite une naïveté, qui parottroit niaiserie
à des hommes corrompus. Comme il faut d'ail-
leurs que , sons toutes ces entraves , il donne à des lec-
teurs, peu disposés à écouler des préceptes, les leçons
liss plus graves et les plus importantes, qu'il leur ap-
fteaae , sans les router , leurs deivoirs envers Dieu,
<»vei*aeiix-*ménies , envers leurs semblables; qu'il leur
vende familières et sensibles les grandes idées de re-
ligi^on, d'honneur, de vertu, de* propriété , dWdi^
êOQï^Xj etc., on conçoit que cet ouvrage est un des plus
difficiles que Ton puisse.eiëcuter, et qu'il est digne
d'eKrcer toutes les niéditatioii& d'un philosophe.
. ' -• ■ • ■
' DXinLiEME DIVISION. De rîiistruction das IleiniiKHi; *
..>... • . ■ . •• • -■ ^ ' ' ■
lifi plupart des règles que nous: avons t^cées, poiir
. la manière dont. on doit instruire les hommes, s'ap-
pliquent, avec les modifications qu'exige la difliéreiice
. du sexe, aux femmes détenues. Comme les honmies,
. on doit les former à un métier , capable de les faire
vivre et de les préserver de l'oisiveté et de la misère.
On doit également leyr enseigner les connoissances
, élémentaires ,. qui forment la base.dé toutes les sciences
humaines, la lecture , l'écriture et le calcul, et travail-
ler , par la morale , à la guérison de leurs cœurs. Mais
il seroit superflu de pousser plus loin leur instruction.
Il doit suffire de leur<avoir. donaé les moyens de de-
venir de bonnes ménagères, et de consacrer à l'ordlre
et à l'économie le reste d'une vie , 4oat les premiers
iSiS DES PRISOMB.
fias Mmml ëië SMrqiitfs par de coopabkt écatto. Si fai
^étentiop produit en elles cet heureoic changement ,
4*Uk» sauront pas à regretter le temfie de lenv capiâ*
wtë- • •
C» n'est p^ saut on plamr bien dans qu'on «e rs^
présente uae de ces nfralheuraKes, rentrée dams le dm»-
. mkîie eanfagal , après i'expiratioa d'one peine , ifoà
auroM eu- pour eUe l'effet d'nne véritable correction.
AuliecLd'yiie femme san» ordre , sans économie ^amii
.ignorante <|ii'ennenûe du tcaTait y négligeant leeoin de
.ses enfans» on ne- leur domant «foe de faneates exA»-
«pies et des conseils pemicienx, le marf trouve, avec une
.douce surprise^ sa compagne habituée an travail, éco-
nome et instruite^ enfin ansti bonne mèn^'qne bonne
ëpou3e. Plus d'une fois.il sentira , poiv lui-même, le
prix des connoissances qu'elle a acquises, pendant un
temps d'expiation si bien «mplojé , et plus d'une fois
il béoirtf les bienfaiteurs, auxquels il doit un bonheur
jusqu'alors inconnu pour lui. Ciétte femme , ]fièh l'op-
probre de ceux qui l'entouroient , fera désormais l'hon-
neur et la satisfaction de son époux et de ses enfens , et
. c'est au régime mord des prisons que Ton devra ce
t résultat, presque inespéré. Puissent mes vœitx n'être
. pas seulement une illusion trop flatteuse ! Poissent-fls
se réaliser ihi four et payer du bonheur de quelques
' fiimiUes, les efforts généreux des coopératenrs de cette
précieuse r^rmel
TROISIÈME DIVISION, De ?in&tructioii des enfans.
QuAHT aux enfans , l'instraction dont ils sont sus-
..fseptiiUe^ exige ^lelqoes. détails.
. Qn eonçoit qu'elle a tocqoaKs pour bot de leur pro-
DU REGIIME MORAL. 369.
adirer àes ilioyen» d'^xtstenee et de fermer lenr cueilrs
À kl "rerto, et que^ pour eux , coitif»e pour les bonw
nie» faits, l'enseignement sera dirigé, d'tioe part ▼««»
Içs connoissances purement productives , et de l'autre
«ers la mocale. Mais hi dtfïérence de leur pontloii tt
JafleMbilitë de caractère, ordinaire aux adoiescéns^ ék!^ *"
j^irônt;, dans le systèn^e d'enseignement destina poisir
^ux , des modifications importantes. Les leçons et la
fiKiniàre de les donner yq»i çonr ienneiit à desoondam^
liés dans la force de Page , ne conviennent point à des»
««niaos , à peine entrés dans la carrière dn crime
, m' ' •
AftTICLE I**". Connoisaancea ^énéralea.
Ti^^st T9if^ que lesen&as au^-dessouë de seize irm
•ÀÎ^nt véritablement choisi leur état, même dans les^
profession» mécaniques , et ,' s ils ont diéjà iàit un ap^
prentissage queleonque , ils y sont , pour la plupart y
•^ peu avftnoés , cpi'il leur est presque indifférent dd
•qontimiier cette profession ou d'en prendre une e^t^*
11 faut tirer parti de cette dispontion 4es jeimes pri^^
^^pnniers^ ^t la towtier à leur avantage* Loin de nous
l'idée de ta faire servir sfdx spéculations d'mk entrepre^
aeuf et de loi abandonner ceà jeunes gens , pour qu'il
les employé à Touvrage , qu'il trouvera le plud tucr^tif
^ur lui 9 sans penser s'il leur est, on non, avantageux.
C'est l'intérêt dea prisonniers et en même temps ceint
de la société qu'il faut considérer ici , et , puisque les
enfans sont, fn général, disposés à apprendre te métier,
qu'on voudra leur donner, {profitons de cette disposition
Êivnrable ^ en prenant, pour industrie commune , une
prof^^ssion , qu4 puisse leur être utile et qui leur assure
lnne existence honniAte et paisible.
m .^-
^xy DES PRTSON&
Gc^nine leur indifférence donne, en général, sàr ce
point, les plus grandes facilités, et qne des- habitudes
prisesdepuîs long-temps lie les attachent pas irrévo-
cablement, comme beaucoup de prisonniers adultes, à
destrâi^ux pénibles ou peu fructueux , on n'a pas be-
soin d'établir poitr eux, comme pour les hommes , des
ateliers, dans plusieurs genres de travaux , qui n*ont
d'autrerecommàndatîoh que d'être l'ancienne et ha-
bituelle occupation de la plupart d'entre eux*. Ainsi,
on pourra se' borner pour les jeunesdétenus, à nn seul
genre ou à deux, dont on leur laissera le choix , et qui
foi*meront la base de leur apprentissage. Mais on aura
soin de ne prendre que des métiers, propres à entrete*
ikir 1^ forces et la santé, et l'on écartera ces professions
sédentaires , si funestes pour les ouvriers qui s^y U-*
virent. Que leinàillet , que lè^rabot. soient leurs instro-
niens les plus ordinaires. Le3 ouvriers qui les em«
ployent font un exercice réglé, qui doit leur être sa^
lutaire, et, si Ton veut donner un état à ces enfans,
qu'on ne leur fasse pas le préseiit* funeste d'une indus-*
trie , qui les mèneroit , par les infirmités , à une mort
préniatpFée.
Néanmoins, comme il peut y avoir, surtout dans les
pays de fabrique , des jeunes gens au-dessous de seize
9XiSj déjà formés à un genre d'industrie particulière, et
qu'il seroit dur et injuste de les remettre en apprentis-''
sage, pour un métier, dont ils n'ont pas besoin et qui
leur ferait oublier leur premier état, il seroit bon
d'établir , outre l'atelier génél'al, un autre atelier par-
tic»lier , destiné au genre d'industrie, le plus géné-
ralement cultivé dans le département, pour ceux
quiy seroient déjà initiés. Onpourroit réunir dans
DU REGIME MORAL. 271
le. même atelier, autant toulefoî's que les circons-
tances le permettront, les autres jeunes gens, qui au-
roient un autre métier, susceptible d'être exercé ilàns
une prison et difTérent de Tindustrie commune.
Quant à tous les autres enfans , qui n'auroient pas
apporté d^industrie déterminée, on les instruiroit, dans
les ateliers généraux, aux métiers établis.
La niême distinction n'aura pas lieu, pour les con-
noissanccs élémentaires, qui forment Tinstruction pri-
maire. La lecture, Técrilure, le calcul seront Tobjet
de leçons générales , pour lesquelles il n'y atira d^autre
exception que celle d'une instruction complète. Tous
les enfans, indistinctement, seront tenus d y assister,
tant qu'ils ne sauront pas lire, écrire et compter»
comme la première section de la classe. Ces connois-
sances sont trop indispensables pour qu'on les autorise
à s*abstenir des leçons qui y sont relatives.
• IL est encore des notions élémentaires, sur quelques
arts ou sciencesy nécessaires au développement de l'in-
dustrie , que nous avons proposé de donner aux hom-
mes faits et qui nous paroissent bien plus avantageu-
ses encore pour les enfans. Il est plus aisé de se préser-
rer de la routine que de s'en débarrasser, quand on y est
assujéti. Théorie est, pour un vieil ouvrier, l'équivalent
de changement de métier. Au contraire, de jeunes
esprits saisissent facilement et avec ardeur tout ce qui
est propre à donner des vues nouvelles et élevées^
même sur l'industrie la moins intellectuelle. On
pourra donc espérer d'avoir quelques succès, en appre*
nant aux jeunes ouvriers, que Ton formera dans les pri-
sons, à raisonner leur travail et à mettre en pratique
les conseils d^'une théorie éclairée.. Aussi il me sembla
^>> DES
à déûrèr (fat leur a^preatî^sege ii€ soîl p9À poi^em«nl
ipéçanique ,€omaie me Vesl qire lro|i souvent celui des
Duvri^rsordinaires. J^'voudroîsqoe lou put leur faire
considérer leur métverde pins haut quott nelefait ordi-
Baûreoient; qu'on joignit à la théorie quelques con-
^oissavces élémentaires de géométrie « de dessin <, d'ar-
chitecture ci vite , de mécanique ^ etc. suivant le genre
qp'ils anroient à cultiver. L'école des arts et métiers
de Chatons, montre ce que l'on peul faire avec de sem-*
Uables moyens; et^ si des condamnés n'ont pas droit
aux m£me& faveurs que les jeunes gens, choisis et re-
çommaadables, qui sont admis dans cette maison , on
ne doit pas cependant leur refuser un avantage aussi
jMrécienx , qu'il sera facile de leur procurer à peu* de
{irais, avec un instituteur et des chefs d'ateliers aéiés et
intelUg^ns. Si Fon établit dans les prisonsqtidqtfea-uns
de ces cours , tons les jeunes gens devront y asMler ^
on conçoit que , bornés aux plus simples élémen», èes
cours ae dureront pas fort long-temps.
ARTICLE U. MdnUe,
Poua la partie morale de l'enseignement, il faudra
suivre une marche tout>à-fait différente de ceHeadop-*
tée à l'égard des hommes faits. Dans la crainte de
heurter trop violemment des esprits faroucties et in*
dociles y nous avons demandé qu'on ne fit point à ces
derniers un cours dogmatique sur la morale , cjtt'oa
ne les effrayât point par l'appareil de leçons austères,
et qu£, pour éviter de réveijler une répugnance et des
préventions encore subsistantes, on ne prît que des
moyens, détournés, pour les ramener, comme à leur
bu RÉGIME MORAL. 373
lûiu; dâtts le theniln de Thôàneur. Lès mêmes pre'-
'eautioii^ n'e éi^iii ^as nécessaires avecies éùfans et trop
àe circonspection avéb eilx'âiiroildesréèallatsfâicheux,
en lès priVûût d'enseignenïéifs utiles, dôn^ ils {ieâveùt
profiter. Ces jèi'ines c6uf>al)les, pour la plupart, ne
haïssent pas la vertu , mais ils Tignoreiît. Sén idëe ne
les réponsse paé ; niais ils n'y troaveht ancuns char-
mes : fatale indifférence , quîies a' livras au crime , en
(es abaiidonnânt sans frein à Tentraiûémént de ïeurs
désirs!
Cette disposition , qiiî est tommilne à presque fous
lés j'eùiies détenus, est favorable et doniïe l'espoir fondé
de les t^amencr au bien, en leiir faisifinl côhhoître et ài-^
mer ce qu'ilé ànl ignoré d*à6orâ. £Uê permet d^'âilleurs
dèleù^pàrlér honneur, probité, vertu', 3à|ttles rebuler,
et dé leur enseigner des principes càpal||H|ie détruire
Fignoratice et de rectifier les erreurs, qui but causé leurs
préihiers écarts. 11 faut en profiler pour leur donner de'
véritables leçons dé morale. Avec eux on ne devra pas
craindre de faire ùu cours suivi et de leur tracer mé-
fhodiquemenf la route à suivre pour devenir honnête
homme. Ce sera Tiine des paKties les plus iillportautes
des fonctions dé Tinstituteur ; il y consacrera l'es der-
niers temps destinés a Tinstruction des eufans et ne
leur donnera ces utiles leçons qu'après qu'ils auront
acquis les autres cônhoissaoces, qui composent le cercle
dé renseignement. Cependant jusqu'au moment ou
coiiïmencera le cours de n^orale, leurs esprits y seront'
préparés , soît par des avertissemens détachés , donnés
datas l'occasion , sans faire partie d'un système , soit
par les lectures auxquelles on les aura exercés.
Comme les hommes , les eufans se foi'miéroni à la
18
274 DES PRISONS. ;
lecture , dans un livre , composé exprès pour eux el
propre à familiariser d'avance leur esprit avec les
grandes idées d'ordre social , qu'on devra s'efforcer
de faire naître en eux. On conçoit que le livre des-
tiné aux enfans ne peut pas être le même que celui
des homhiés faits. L'esprit dans lequel les uns et les
autres recevront les levons et la diversité des motifs
capables dé faire iiïipression sur ces deux classes de
détenus ne permettent pas de leur donner à lire le
tliême ouvrage. En se mettant à la portée des enfans,
on ne pourroit éviter de paroitre futile aux hommes
faits étales mêmes ressorts ne piebvent pas agit sur l'es-
prit déé ubs et des autres. Séroit-il possible d'engager
un enfant de douze ans ^ au travail et à la probité , pa'r
la peinturé de la misère, oii le crime d'un homjme ré-
duit sa fanfdHjl^el de Tinfamie , qui rejaillit , dans nos
mœurs, su^ra postérité innocenté d'un criminel?
Ces moyens, les plus forts que Ton puisse employer
sur l'âme de l'homme , seroient sans force avec des
enfans. Il fatit, pour lès persuader, des motifs plus ap-
propriés à la foiblesse de leur raison, à la nature
de leurs goûts , de leurs habitudes et de leurs inté^
rets. En même temps , cbmme l'enfance et la pre-*
mière Jeunesse sont moins dominées par une passicii
prépondérante que livrées à une grande variété de
désirs et souvent mêtne de caprices, c'est moins un
ouvrage suivi et de longue haleine qui leur convient^
qu'un recueil de morceaux, assez intéressaris pour les
attacher à la lecture et assez instructifs pour faire sur
leur coeur une impression salutaire. Il faut donc, ce
me semble , composer un livre , spécialement destiné
à leur usage , qui , par un heureux mélange de pré-
bu tel^lB^ MORAL. , 275
teiiïes çt cl'ç^çmples, h^biléméat choisis et encadra
avec a$sez iJart poitr torraer un ensernble^syste/nati-
que, ieur fasse, ai mer, alconnoïtre la vertu ei respèic-
ter les devoij's sociaux.
Quand les élèves prisonniers auront terminé iehr,
cours de leclure , c est-a-dire^^ quand ils pour/:ont lire
couramment leur Jlvre* on le leur fera coh«oîtreèn en-
lier, ce qui sera Taffaîre de quelques leçons.,À16rs on
les octu.pera de l'arîthniéiîquè élémentaire, et l'oh
remplacera Ta leçon d'e lecture par ùnbours (le morale/
approprié à leur âge et à leur situation. C'est alors
que rinstitiiteur leur donnera les notions de bette
science précieuse^ qui apprend à Thommé qu'il a de
nombreux devoirs à remplir et que le bonheur consista
à ne pa^ les transgresser. Jt^eitr esprit et leiir cœur >
déjà I disposés pat des lectiires préparatoires , pal* les
bons conseils de l'instituteur et par tout l*j^nsembl0 do
leur éducation > saisiront dvec facilité ces utiles le-
çons. . ^ / ' '
L'instituteur s'appliquera surtout à leur donner des
idée nettes des rapports qui constituent Tétat sociaU
La funeste ignorance de beaucoup de jeunes gens ^ suir
cet'objjet important, est la cause d'une foule de désoip-
dres , qui ne peuvent plus être réprimés que pair le
glaive de la loi et qu^me bonne éducation auroit pu
prévenir. Il tâchera de leur faire comprendre l'ongine
de la, propriété et lés droits qui y sont attachés /le
principe de l'inviolabilité mutuelle ^ dont la société
n'est quela garantie, et les idées fondamentales de jus-
tice et de réciprocité sociale, connoissances qu'on re-
gardé mal a propos comme réservées aux publicistes et
qui i dégagées de l'appareil pédahtesquedont on les en-
à76 DES pfehoM
iburé inlihîeinénl ', devVoîent faire là baie de loufe
jÊ^ucatiôh. ftn'ëslpâ'smoirtsvnripbrfàrit délêiifnibYitrer
ta néceWt^d*ùft€yinàat!cepuHlîqneét dé Teût inspi-
rer dâ rëspeèt polir les dépositaire^ de cét!l!e ànifbfi^^.
Enfin ïî fendra s'éffôfter dfé leur faire cUmpréfîdfré ces
idéeè die btinHei hVoeinVs ël dé dëcencë publique , aux-
quelles lès criminéié Sont si ïioùvenl étrangers. ÎVous
verrons plus loin pètt quels rnôyèns dri devra forfifier,
râr ^ôiisces points^ i met produit par leis leçons dirécfès
«è rîhsfituféar.
Pdiir âcliever isiôn diiVragS , ce fonclîSnnaîre rfévia
i^aire tous £és efforts pouf ouvrir fes cœurs dé $es élevés'
a la Vertu et à la pi^fiqbb de tous les dié^oirs ehver^s^
t)iéttv éïivefsfa société, envèfts^î-nil^rtîfe, âàtit Taç-
éomplisséiYJéiit compose léT Vie dé f honhéJè tiômrae.
Sans doute, pdur ^ediplir cette fâthé iinpdffànfe, Hns-
tituteûf* fefa* bicfii d^avoir retours à iine blassîfîcatioû
tnéthodïqué, à dés études préparatoires et d'employer
toutes les ressources de là logique et de Fànalyse pon^
démonlret à ses' élèves que l'é bonhielir ft'exis^è' (jue
pùut rhôriihie vertueux et qii'il est encore ^leique
éhù^j àn-dessus de F intérêt persotinel, ^nirétèi^écorr*
tiniiétlèYnent Vers te bien ; il tâchera d'àpi^uyer té^ dé-
iùofïstràtfoA^ de toutes les preuves, de tous tés rsfîsôft-
némehs que lui fôurtiira la aialectiq'ue ; mais ses efîorts
setônt infructueux, si lui-même n'est persuadé des
vét^ités qtf if éfiseigùé. Là vertu rie doit pas se ptotêsset
f'roidéméht ^ 11 faut qu'elle se communique par eit-
ihousiasmë; un homme vertueux peut donc seul don-
ner des ieçonsde vertu; et, si Tinstituteur n'est pas Irri-'
même àniniré dé sa flatnme généreuse, c'est eriVàin
qu^il empïoyera les méthodes les plus claires , et ({V^lt
I
DU REGIME MORAL. 477
dévielopper^ les pri/içîpe^ ks pl,a^ iumÂQçpx -U.Rf^ lut-
tera jaixv^is qu'une s^fPf^pf^ uifécpjiKlc^ i| n'y^f^a'aa
a^ii de ^^ y^it.i?, qqi ^jiji^e,4ui rpçfjçrtw <J^ p^rjlwp^
♦ t • ■ f «
temîis<,.<WfzPar ^iç^iB.loogiip et jl^pi^Qivite çjfmM^ ont
perc)u tojiMe IfMr Qf^Hlitë, pËer^-Ma )oi:|g 4^ la ^U^T^I? <t
desioi^ ie^crin^f^k* b^\)kim^ ^w férope juguliépeindail-'
ce, ^ppf^Qdre à ^ly voleiir ^ nosppcl^ la ftrppjrîét^ « à
lin furieux à ino<}éi:er \est transports d'un çarfctfre
îfascîblie.9 ^ Tcnpen;^ de ia piui^ur à 4eywir le protec-
teur 4^ Tiimocencç , ^^ie4iir yef^ffmc^ éprée^kprdl
de Tat^ime et I|U niçmtrer i[iç çbempa .de Tlipnnçur,
qi^'elle ne çcmooj^^pas , tels. «09! Ip^ pi*|oçipa9x dq-
ypifs, qu'il $;'epg^ge à remplir. ^11^ o^mbrrases qualités
qu'e^igefiJL ç0^ impprtaptes {br\içtfapsjt tm poiiçpit qi|e
fente et qp^ Les autorités, ch^rgée^ de çi^QÇQURir à cette
jgumfu^iiofi lie pourront }afnaiA y vQçttre trop C^
spîn.
^I ser^ ^nvi^pt ;?s$ez dif&cile dp trouver, fiauA les.
yi||(ss, où $pn| (él^bUe^lfs prisojqs, un honi me , digne
die cef funçtipns respectables , iXiais pépifeles , qui çq^-
fiçpt^^ s'çM (ihargcr. ÇepeQfiAnt on pourra espérer de
le trpi|ver, parmi les înstîtiHeiirs.ordînaîresde la jeunes-
se* jfui ^ ^éjà h^itués àl>pseignejcnçntçt ^ Tëtyde d^
«JifTéripiis c^r^lèriBS , «ont pbis ppppres, à cet emploi,
/
'2f8; ^ DÉS PRlfe'ôNS/^'^-
'ciii'WdiéàuIre pbrsoftfïèt D^ifiîlètïfb^îÀ!(Â>ïifià«ie pubjt-
'^^^ qtift ijécessaîretiïcirt îîS'Hôîvëiiï àvbii' fijcée , pour
•lEfi'ê^ëip léill-professrcfn ; fet'la'jitete çonsiidératiojDi dont
jouissent la plupart d'entre eux ,.50"^ des. gara.uties de
leur aptitude nipncle knX fonctions d'instituteur desi
prisons. Mars , pour le$ déter nxiner à en accepter 1^
'Vhài%é*/Ufaiirffaî^ qu4ts'(^u^(e^jt y troiivercjuèlqiie'aVan
^tâb^ p^euhîaîre ^t milk ûi&fuiéé'ht toas obliges d'abâii
dohAférftèbr établîssètiîèntf bfo'r^sèiivré'r tout enttersà
• ■ • • ♦ î *
Thraruéfiôti desdétèèîts. Aufeeilient; ik prëféreroîierit
toujours" leur étàt'à' remploi îtigràfetpënîMe d'îns-
truîrèd^s prisonniers et rôiiïie trduyerôît Vpour rerïi-
plÎT ces fonctiods , si importantes pouV Tordre public,
*qtié des^màlheureux , dont la misète' attesterôit Tinca-
•^f>acité.
Il faut donc que les peines de Tinstitutçur soient
bien payéfes/et qu'il puisse contîiiiter de se livrera
rinstrnction kle la îeuhbssé , tout en donnant des soinsà
' la prison Peut-être même sera-t-il nëcessairç d'attacher
à ses fonctions quelques distinctions boQorjfiqne^t
* qui leur donnent plus d'éclat et les entourent d'une
consîdéifîition extérieure, dgîile à l'estime qu elles hié-
rîtènt. Les personnes qui s'adonnent à rînstniction
iniblique, assez ordinairement inclinées , par la nature
même de leurs, études personnelles» et par l'habitude
d'excTtër rémulatioû entre leurs élèves , vers le goût
des distinctions' sociales, ne seront pas insensibles à
quelques marques d'honneur et de confiance publique?
dont seroit décorée la place d'instituteur des prisons.
L'opîiiion réprouve malheureusement , avec tant de
dédain, 'tout ce qui tient à ces maisons de douleur et
d'opprobre, qu'il est presque indispensabl* de relever»
pu REGIME jyiORAL. 279
par tous les moyens possibles , les fonctions de Tinsti-
tuteur, si l'on veut qu'elles soient remplies convena*
blement.
C'est dans cette vue que je proposeroî;s de l'admettre^
avec, voix consultative , aux assernblées dé là com-
rnlssion des inspecteurs, en le chargeant cTy tenir la
plume. Je désirerois également quMl eut le.it^âng et le^
prérogatives de fonctionnaire public, et qu'il raarr:
chat dans les cérémonies avec' les. autorités municî-
pales. Ces dispositions paroî<rbnt peut-être minu-
tieuses; les avantages, qu'on réclame ici pour l'insti-
tuteur, sembleront futiles et indignes de ces hom nies »
' qu'on doit supposer bien supérieurs à des çpmbinaî-
5ons ^ramour-propre aussi mesquines. Mâîs'c'e&t pour
|a muttîtude et non pas pour les sages, que les dis-
tinctions, extérieures soïjt établies. La grossièreté de
l^ien des hpinmes rend indispensable cette manière
de fixer leurs regards , sur les objets Q^ les personnes
qu'ils dqîvçnt respecter. Tel , dont les fonctions et le
caractère sont honorés, ne doit peut-être cet àvantag£|
auquel il a droit, qu'à certaines distinctions exté*
TÎeures, qui frappç.nt jes yeux du public, et tirent de la
foule celui qiu en est décoré. Il en est de même de
rinstituteur des prisons : daps la nécessité de le dis-
tinguer de tous les subalternes, avec lesquels on le con-
fondroit peut-^être, s'il n'avoit d'autre recommanda-
tion que ion mérite personnel , il a fallu l'environner
d'un éclat, qui rejaillît sur ses foactioQs et sia personne,
>t qui loi assurât, auprès de la masse sans instruction ,
la considération extérieure à laquelle il a droit.
8$? ,.j>î:s.»l^^f)^'^
» f
CINQUIÈME DIVISION. De la méthode.
rînsfitutçur, sera la raeilleiirç eskjmiic du n>ëritp de
ce fonctionnaire , en ce qu çlle permettra dje choisir,.
pour Teniplir cette place, tm iwstitul^iir praLpair^
t] 'est une cfes raisons, qiii npxis ont déterminé à fixef
à iipe heiiye par pur Ije temps des leçons, de çfiaiû^rf^.
que rînstî^u^eur n'aîl, çh^î^que jour, qu'^P^ Mnre djj.
son temps a détacher, en faveur dê^ prl^nniers. La
Dnèveté de cet intervalle ne pçrmet pas de le diviser |
Iç3 prisonniers p'auropt pas trop d-uae leçon, au$s|
courte. Ou se trouve, donc dans la. nécessité de faîre^
tjrayaîUer, siïnnlta|:xéçnent, toiis les prjispnjiîe^^ \^9P9j
vipe^, femmes et çnfanç; gotrement, çh^ç^ne de ce^
classe:^ n'aoroit ^u\in tiçrs de la leçon, 011 1^ .maître
.jerolt obligé de rester trois heures à la prkop, ce cji^i
ne peut avoir Ijeu , pi^isque d'une pa.rt \^s prispn^iersL
doivent avpîrpnç heure de leçon çhamiç jour, çt gi»R
l'instituteurne doit, chaque joyr,dop^er qj^'ijpe ^e^tf^
de sori temps. [
Ce prob|ême gar^Jltirpit îpsolubje, si l'oçi p'avoîj^
pa$ la taçulté d'appliquçr atuç priscuss la méth^e df
renseignement n'^^qtuèl. Les ayants^ges qu'elle pré^pte
ne peuvent iamais étrç plus sensibles, qiie. d^ns upj^
cîrçonstançp où ^l s'agit il'instri^irç beaucoup, de Wfr
sonnes , de sexe et d^a^p dilXéreqs , pendant un ea>ace
de temps lîmité. C'est seulement à l'aîdcj dçj'i^n^^^
gnement mutuel , que rînstituteiir pourra suryeî|jer'%
tout à la fois, les trois classes de prisponiers dont U
sera chargé, et que Foçi pourra s'en remettre à qb
BU l^EpiMPr]y|QRAL ' m
^^\ Ji)PTpg[>f flu ^în xl i^strpîf* dew Ptt trois' «m*
pn^opDJpfç^ et ipême i?wr<lf^. ^^ cotiç^j^ jComMen
îl esf . fjpD^j^jrtiqt de refU'QÎpiliif j^e fg^M^akite d'iiMititti^
de faciliter la division des prisonnier^, par f;ir^pmQi{
|}apr çl^y^f , et 4f: les habituer à i^pfi rifgntarUé de mon-
yeng^s .t( d'^c^q^s, qiii n'f^çt pf^. mp» if|flpeMë sw
lie .n?9r^.lt se f:eçpfpiwi5Mte f^neftW P^r un avaola^i
pljysiqne hlen pJTSÇJçnî; dOPSi.k* Rrîiqn» îo'est TèMm
cicct qq'K dpnne<;^n?ç f^QJi^cs^ obligés^ €li«iqné inst^nll
dç.R?psfy. 4?f[ ^W^^ à .^ÇWP §w deïni-cerck« déstiaéi
ff^v: 4^ Ipp^nrç. Opçi^pés pcrtqnjifi toqtfl la jiOiiifnitetdb
fr^y^V^ fip4««tW^ » te^ prîwiwwii* ont besoin il'kwi
ipçdfî 4'iG^$fe%T\f;!l1fsiit , qjû ^Qwr donpe inl ciewioev
{^fn)!fTpi$p|.Riéq^s$^îr|( dw^ leur piQ^iioo, an lieà di
k? îW««Wti?t, epjîQr? par w^e «ii^pl^kalioa falîr
J^ff; dqji^^oa p^ 4si|)fim0i>t comptaTr pour b^ueotqi
l^-^^ qi^e pm<)l^<^Of RCMIJC 1-étode tons les rfcoli^rs «
fp]i pi^n^t 4^$ icl9SSQS ordinaires aux écoles d'enseî-i*
^pr|r|eii| xpiUuQl? |fe n'oiserois oie.flatier avitc de viecix
mfl^înf te» djit mâme Sii«oés qti'avcc de jeunes enfans;
nÇ^aîs , poifr pteil ff^ la inéthode du dievaliév Paulel
^H P9ip$^bje d^ ][«qr rpndre rétude moins odieii^ei» 9è
^)3|drpU41f)^ s'fini()iressar de la choisir, préféfablçpsenl
à tputf autre? I/espéri«>nce est ici en £ivenr fie V'en-
iseignement rpatael. Qq^nd on pense, d'ailleurs ^ quf
401 DES PRISONS.
. • • • ' •
dan$ lès^eoles ffgitifèUtiiTrès, où Toii â pti îtîger Ae
Fappiktktion de c^Ue ^ i^étbéde à rinstruction des
BdiTlti*sv*ii*^itittîôÎ5"suffiseht |>6ùr fe parcourir au
soldat l^rtivôfeis iiVfehïgeiit , fe'cefçlèdçs çonnoissânces
élémtniAites i on^ petit esp^Srcf qiie Cette cbnndëration
pfoWriîà^dëtérmîoer tès^ris'èWnîers à' dei Btuflés,' dont
ils entreverroîent le terme assez près^dleitx.'Ori tron-
wi«:^df«'^ à rînti*§di*dfidù*cle celte rtTëmbde, les avan-
tages^i<îs ptus^i<é;ètéil)c ;tà6l poar lés''^rîsorimëfi5 ijue
-:.it:BSl^ sàtisi dont^ à^Wgrétteî^ (jiie raAoptîort de cette
wëthedt^/qiii est ^otnm^^tiâée 'par la n'éce^ifé, prive
ddçi la faenlté de cdilfiér l'M^'t/-ijcti6n des pr)sdnn!ers
afiiirf>dres(>de la Dôctdiié'Chrëtîenine. Certainement,
ihcétflldJi^^tfb Àî r^nfiplacer le î^Be et lé dévouement,
•vtèJ^tequels fM't^^Visséiîf «lëilrs charit^îès fohè-
lS»m;i:ilia^ .|'iftî|K)Ss?bijilCé'derndfttr^e de prendre un
mite rihode d^ensêîgtt^mèrit:, %lms sac^ïfîet i1q temps
çonsîdërable et prëcfîéliîé, il(<tis -ôMigè'iiié t^6ricer à
rWëede les charger de iiîfetfé'mi^îèTiPr PôuHqiioî faut-îl
qile^des scrupuifs, pëdt-étfe faciles à- levëry^tés em-
pêchent d'employer une méthode, qui n'a rien de con-
traire à la religion, ni aux' bonnes mfœurs, éf qui est
trop utile dans tous les établisslemens pubKcis, et sur-
tout dans ceux dont nous nous oCctipons*^- po,ur. que
nous puissions y renoncer? C'est peut être à rensei-
gnement mutuel qu'on devra les premiers succès, dans
Tentreprise difficile d'instruire les prisonriiers , et de
leur donner, en peu de temps, les diverses connbis''
sances , que nous avons désiré qu'on leur procurât.
Ceux qui connoissent cette méthode , verront que tios
propositions n'ont rien d'exagéré.
DU REGiflVlf Î^OÎIAL. 2'83
Tels'^Attt'/uGhs'ïe pensotis'J léè Woyêfïs de procni'er
^li^ [irf^iitîîers rinstrttcUôrt /*^/&'f;^iîtH(ii*cbn vient,
V<ï4t*â>81^é ^ Icé «ronnoiskahèésfj ptfr'éTVlènt hùVihSncs,
qui leur sii&Ât ttécféssâirts,^ fïoil^Vî^Waiulsf le'Vhorid^ ,
§ans avoir recours aux bienfaits de la charïfé , ou aux
înfâYnw/*èîs»ut*cès dû vStèe.-îfWiïs'^fiV^ns êè&ajë de
fnontrer çooiment on peut faire cette conquête sur
rimmoralîtè,' ien joignànf StiS^^cSîiVibrssânces lucra-
tive$, les s^ublimes enscignemens de la morale; et peut
-êfre, serpft-iîr pemns*;a'ëà|)élfçr qWelgilë suecès ,' de
Teriiploi de ces divers Hïoyciis, dîrîé^avec iele él îh-
Téllîgence/ ' - . n?,...» *^i - ♦-.; .
Çépfendàm/quelqife^^^ l'cin mefte à breù
remplir celle tâche /qûyK;ijnè sôïertt Thâbifeteét l'ar-
'ileur de rinslltuteur!, on^iiê fôtîrï que siVi*.'lé sable*,
tant' que la telîgiotr ne ViéhHW pas consolider l'édi-
fice delà sages$ehûmâïrte:Tff?a\Vrîm frein, W^
*infcn^ puissant *que ïa'ràisoii'la pMs' tléveWjitî^ei A'nè
^â crainte dé rinfahiîë, que rhôrreur me^rne des siifh-
plîc'es, Jpouir reteiiîr et.coni^irîrtiêr la Fougue* des pas-^
éjons. C'est au sentiment 'de la religion , c'est à Tîdée
toujours présente d'iln Dieu, rémunérateur et ven-
geur , qu'il est réservé de cfécîàer la victoire dé
Thomme, sur les passions qui le tyrannisent. Quel n
puissant motif, tiré des intérêts de la terre, pourroit
l'engager à souffrir toutei ces privations, et à y con-
damner une famille toute entière, si le sentiment
religieux rie prêloit toute la force d'un généreux en-
thousiasme-au courage de la probité? Et comment
espérer d'un homme déjà coupable , ce qu'on n'ose-
roit souvent' attendre d'un homme sans reproche? Il
faut donc, pour Içs prisonniers, plus encore que pour
|oq,te a^it/p pejrftdqpe ,* g^i^ Ifi r^eligion viç^i^ie prélcr j
«$Mi ^ppi^i fini^ loçQiis d€ )d iBorak. La mo^ ense^-
jRne ài^Ace yMTt^w%i à b religion ^p|e dgfi^r^ent If
• ' ' • . • ' • • ♦ . • »« .» «
I ■ < f • . ' . . -
I » • » • . • » «
«
l^ff*F*«î ^éRp^itftiref 4e>l>é^ilage fjp |a foi, c'ert \\
çiix à en développer l«ç dogmes , et à prêcher la nip^
^p^lp de )?ç.v?T»Çi!Pt Çf ^qy,t.donç t^^irpeir sjir.die? at-
ff*ibutio,u3 Mif fW5^, jcpie de.p^fipr à 4es laïçç le soîn dp
4<fQner m% 4^P9U? P^ç ÎT^tniçtipi) , qup l'ëgUse a
seple le dçoit d^ dkl,ribja^er. iViissî » rin$tîl»uf eor p'est-il
çhaçjg^ que. <|e jia paçlle pjnrefliept moralç. de rîiislruc-
lîon; ^euljemeotv ^pqiïrr;^, /au besoin, çf si^r ^iQvi^
tptîon de raijniô;)îer , faire les fonçlîons de r^pëtitenr
^e$ epf^q», pwr If, çopi^ç^a^apce IHléra|f du c^lé-
jphisme. P n'cp d|&vra p^$ mpîns , lQ$pi;^e)^ § tous sei
élèves 4ie3 feqtinienç reljgfçw- C'est ïp t^ypir de
tout cl^rétîen ^ d'expîter d^ns ses semblables ramoor
de pieu et de son cu)le. Mais (out ce q.ui es} de doc-
tripe, ^pp^rtîepd^a çpéjfîalemenjl ? Tepsejigpenient eç-
r)ésia3>ii|ue. Qelte dîvUîon^ çioinniaypij^e.par l^ naturf
des choses , prévienijra toute objectîop ^ur IVinpIoj:
de telle op te|le m^tj^iode, pour {'iu^truction des déte-
:qp$, et ras$urera les çopisciences les piu3 scrupuleuse
^ur la purptë des priucip^s, qu'on dQpupra mx prîsonr
^M^rs. Il ne s'agira plus que de choisir, pour institur
tççr , un homme dont on n'ait pas à çrai/idbre qnç 1^,
\
opinions ti'^ligienses déli*'utsènt ToiTvraj^e de Taonid^
iiier^ et ceNt! eanditionrnfoirsr Àimdns à ndiii' tùQsA^
ttr^tit seia point diffiblle k réthpMr.
• Potii' qae les pi isdJiMètsr téçbivetti un<^ Insti^bèfiM
cQtiiplètef ou au ftiotiiéf dëi lé^i^ friicfiiéibse^, sbr
Tarlielé de la' religtonft H faOt qèé r^celéiia^iqM» ^i^i
sera chargé de cette importante nhfiisfon v pnî^ ^y
livrer f dut entier , et étif font qn'H pi/i^ te firircl ^dÂs-
tanfiméiit, et saM purt^rger' ce fardéaltl àVee periotone.
S'il es! détôtif né , par' d'âritre» otcupatipnd tùùt auâd
sérieuses f s'il ne p€^t! péià siiivi'è, iaiVi hitéi^u^f v(M ^
les malhèureti3( , ^lï^il eritMpreml d'inslnrirè <t de n^-
iMuei- àft sein de la religion, H ne feut espérer dé seà
travadx qn'on foiMe snccès. Dans des levons; séparées
par de longs inte^vàlleé, dans des exbortatfoiis^ détâ^^
diiéei et sané suifè, il n^ petA énhbrasser et nfiettit^
mnîi Ui& yeux de ses élèVé^ rénA^mble iMpt^âim- dé
k religion. Ce n'est qUè ^r âest soins aèiidii^ èl ^i^
iU, c(t]'il peut léëf doninéf dé^ inétrucfioii^S vérilëfalé^
tàëM liîitëi^ et cfii'H léS ^end^il# tout k liT fois, ^
faèiles à saisir, et plus fëcOUïféf, ëti \eê prHttïilitt àëiis
un ordre systénSatiqné. Maïs si plusfen/s j^ètrés stt'
chàr^nf, cdncurrernnfecit^ dt:^sérVicè des^riiétfis, qu'd
4né toit l^uli^ tytêi quel que soit le talent de ctecifii
d'eux i ils ne pôui^ônt imipriiUèr à lécrrs èxiiortatior^é
ce caractère d'oni^éet d'ensemble y Si Nécessaire pout
kii ieûâté iiÉstrticlivét. Il sera in!vjk)ssible à piuiîîeura
^soniies de faire un cours côtiipfet et suivi de re-
Kgion , indSspcfniabte avec des hon^nai»» , ausisi i^f»6-
ràùs de ses grandes vérités t que lé soht , éti gëfiéralt ,
toi prisontitSM : ils seront obtins dé s'énf teùit* à d6É
priédiéati(Att ^ ésm liaison VûtÉe avec Fdutré , qyii ne
ai56 Dfi^ PffelSONS;
pq^rroxit faîré qu'une légère impression sur Teip^'t,
des auditeurs. Cet inconvénient est bien plus sensible
encofe , à l'égard des enfans, qui ne peuv-ent se passer;
d'uinê instruction, dognrvatique et suivie, sur la religion;
Un seul çiumônier peu^ la leur donner convenablfc*.
mept; mâEis qui cdncevroit Id possibilité d'un calé-
cbisnii^ , fait par plusieurs personnes ?
I)!un autre côté^ il est très- important > sous plu-
sieurs rapports , que les déténus n'aient affaire.qu'à uu
seul ecplésiiastique. La contioissahce qu'il doit avoir xje-
leurs, caractères et de leur degré d'instruction ^ Tîncon-
vénient gr^ve ^ même aux yeux d'un moraliste, d'uu^
changement fréquent dans la personne chargée de
l'administration du sacrement de pénit-ence^, et la né-
cessité, .pp^Vr TaumÔnier, de se faire aimer des déte-
nus., toul dpit déterminer à charger un scid prêtre!
de ceî service. Dans les prisons nombreuses ( qqel-
qnes-unes ont cinq à six cents prisonniers, et sont
destinées à en contenir,!^ double), Faumânier trouvera
asse^ d'occupation, pour ne pj^s être chargé d'autre»
fonctions. Il seroit bon que ces grandes prisons eussent
un aumônier, qui leur fat spécialement attaché, et
ne fit point partie du clergé des paroisses. Chaque ré-
giment a son aumônier; cette institution honore la
piété du législateur; combien n'est-il pas à désirer,
qu'on l'élendc aux prisons! Qui a plus besoin des cpn-,
solation$ et des secours de la religion , que des mal-
heureux qui, dans une longue captivité , expient de
coupables écarts ! Et si , ^e loin en loin,, un prêtre ^
dérobant avec peine quelques instaus d'un temps eon-,
sacré au service d'une paroisse , vient, àjahâte , visi-
ter ces prisons , où sa présence est tyujjour^ si utile
7i
i
Dû REGIME MORAL. aSy
croît on que le but sera rempli, et que les. détenus
auront Àuffisamnient reçu les cjonsotations, les secours*
les conseils de la religion ? Non sans doute* Il faut
qu'dn aumônier soit, spécialement iet exclusivement,
chargé de ces prisons , et qiu'il y consacre tout son
temps et tous ses soins.
Quant aux prisons peu nombreuses , comme les
maisons d'arrêt de chaque arrondissement ou méitie
lès maisons de justice, elles sont ordinairement peu
garnies de prisonniers^ et ceux qu'elles renferment n'y
soiit pas pour long-temps. Il n'y a d'exception que
dans les grandes villes , où souvent elles regorgent
de détenus. A l'égard de ces deî-nières , il faut suivre
la rèjgle posée plus haut et leur donner un âumÔnier
spécial , qui n'ait pas d'autres devoirs à remplir; n)ais
pour les autres , il seroit souvent superflu de leur af-
fecter un aumônier particulier et sans autres fonctions
ecclésiastiques. Quelquefois même le service de ces pri-
sons jpourra être fait par un prêtre attachée l'une des
paroisses de la ville , quand elles auront un clergé
assez nombreux, pour ne pas souffrir de cette surcharge*
Mais, comme il est bon que ce soit toujours le même
prêtre, qui remplisse ce ministère, on désignera, parmi
toiks ceux de la ville, un ecclésiastique, qui aura le
tîtrfe et les fohctioiis d'aumônier des prisons. C'est à
lui qu^âppartiendrà Tinstruction des détenus , l'admî-
nistration des sacreiiiens et tout le spirituelde l'établis-
sement.
Cette désignation n'empêchera pas les autres ecclé-
siastiqueàde visiter les prisons. Elles leur seront tou-
jours ouvertes; mais ces prêtres n'y auront aucunes foncr
tions, ni aucune autorité; l'aumônier sera chargé de
s
^îi DE^ PRlSOlNfS. ^
ibtit lé Service et lès autres né puurotlt ieiiipru^ que Je
liâfaféVètés missions, qnîiië le dispéûs^rbiit d^aôcuii de
ici deVoîfs. L'bfasèi^vâtîôfa dfe cëitë règle , est îiiclispeji-
sàbfé, p6lir garantit* Futiite dé rénseigiierùènl et le
àacctfs dés le^on^9 d6gn)àtii}ueÀ où iubralcs, que rece-
vront les prisonliièrs.
Jusqu'ici tibué n'avoh^ pa'rle qiiè des Iniuîstfèis ct'tiné
iétiTë religion ; tuais il peut arriver, et i) arriverai
inëtnc auvent; que dés prisonniers dé déiix croyances
iâeifôiit réunis dans là même prison. La Charte, qui as-
iùj^é nos franchises natrohàTes, ne permet pas^ qu'on
j^ùitôe jamais foréér la libeff ëdes èoiièciencés , et Thôm-
îné^ dans les fers, doit toi]jours être le iiiaîfre d'ado-
rer ïlliéù, comme sa conséieuce le lui comniijudè. Ct
séroît iiùnc violer oùvertérVient Tuu des droits lès plu^
précieux dé l'homme en sbcTétë, que dé soumettre au
[ôugcfunerèirgionqtii n'est pas lasienne, celtiiqniale
malheurd'êtrè en prison. Nourris au seiii de l'eglise ôi-
âioliquev supposons-nous y pour un rnoment , dlans la
triste position d'^un.détehu d'otot la conscience même
^'est plus libre. Un arrêt sévei^e l'arrache à sesfoyers, à
ses amis, à sa famille. Privé de toù^e consolation exté-
rieure , il lui restoit celle de la foi de ses pères , de cette
doctrine encourageante é( sùb1imé,qui fait une vertudu
repentir et ûh devoir de résperàhce. C'est au pied de«
àutcls, c'est dans leseînd'uà prêtre,son)ufi;eetsou père,
qu'il cspcrôit déposer lé poids de ses douleurs. Mais
une police intolérante le plonge dans une prison ,. où
Ton ne suit que la doctrine de Calvin , et les lois du
pays ne permettent' pas rexercicê public d'un autre
culte. Plus de ces cérémonies augustes et touchantes ,
auxquelles son enfance avoît ^té accoutumée et qui lui
btj REGIME MORaL 2Ô9
iàiuf oient , aa moins pour un instant, rappelé les jours
où il étoit libre; pins de ces instructions paternelles^ Si
propres à soulager un cœur ulcéré, dont la religion peut
seulx; adoucir les douleurs; plusdeces épanchemenssa-
lutaireSfd^oàrânie révient toujours plus éclairée et plus
Vertueuse; ihais un culte éiustère, dont toutes les prati-
ques attristent son cœur et révoltent isa conscience t
des exei'cices, atixquels il né peut assister sans crime ,
et qui remplacent le sacrifice de la croix , dont il est
privé, enfin des discours , scandaleux pour lui, 011 sa
troyance est attaquée , son culte déprécié , et dont il
n'ose niérae , qu'avec défiance, admettre la morale.
Quel tourment de ne pouvoir pas même reposer dans
le sanctuaire, an'e âme déchirée par tout ce qui Tentou-
re! quel état, que celui où Ton a perdu jusqu'à la liberté
de la prière !
Telle seroit pourtant la déplorable situation à\m dé
nos frères, dans une prison,ioùon ne lui laisseroif pas la
consolation d'adorer Dieu comme radoroiént ses pères.
Devons nous être aussi cruels, envers ceux qui ont le
malheur de ne point partager notre troyance ? Ah !
rendons à ces infortunés le bien que nous demande-
rions pour nobs-roémes! Que leur conscience soit tou-
jours libre, jusque dans les fers : la loi des hommes le
veut et la loi divine avoit dit avant les siècles : Ne
fais pas à autrui ce que tu ne voudrois pas qu'on
te fît.
Cependant cette lelérance ne doit pas aller ^ suivant
moi, jusqu'à salarier des aumôniers non catholiques»
D'après la Charte, la religion catholique est celle de
TEtdt , c'est la religion légale en France , et , toutes le^
fois que le Gouvernement fonde un établissement reli«
19
ïgb bÉS PRISONS.
gîèii* , ce fié lient être cjn'tirt ftâMîsseiftîfeirt cathôl^rt(*.
Aihsi , darié totitèâ \h pH^ôïîs tie France. lè<:iiHe ^éM-
tàl et |)bb!ic doit #tre ceinî dé fe irell^ôil fcâtlrôtît^tie.
Maïs chaqifé j[)*-isôîlrtSer cteît i^îrtrt^ !é fbàtthé é'obëtf
à sa eoriscîéfncè et de se faire assister f^r ïeS hilhtstfi^é
de sa relîgîbii. Tôtis lès cidttes Sèrôlent pèrttiîs Aàtts \H
prisôtis , tous les rhiniàtres y séfoletit aditits, à là thfit^ë
touiefoîs de se Fâifè autoriser; filâîs jaitiâîs ihiié pîiHr-
roîent faîfé partie irfëgranté dfe r^âdmînîsIraUtin^
fcommë rauroôhîer (cdttiblîqtlè. Lnî sëé\ téc^^voîi
comme aultaôriier, uh tràitettient dti tnJsrtfrôyM^ lui
seul seroit cônsîdéiré rbMtlié fdildidnnalVé ^iMîe^
puisque lui Seut séroïl lé hittiistf e de la i^^ti èé
l'Etat; mais les autres )otiiVbIé^t d^ hnVt^ la liberté
possible dans l^xërcite de helis* tnltd La libéHë d^S
cultes ne consiste pas à salarier les ministre^ d^ tMtH
les religiôhis, hi^is à n'en défrhdre tinchnlï et k Ifes cou-
vrît d'une ëgalè pt*otectîoYi. "C'est àîttsî qta^ t'oti potii^
i-oît , ce me semble , cbrttîlîèr là libèrtë dés tt>fi8^
triedces avec le respect à'tt à là iieligiot) ée l'£tM«
iiExnakià Dtvîàiàlsf. De nù^Vrtrctlèil t'eligîc^ï&è {»6ùr ÎA hmkiim
Nv>t7s avofis feit voir t^ù'il rall<yit àtookli^iént diVisef
les prisonniers eh deux classée , d'api*èl$ te»r égpe, pour
leur enseigner, avec fruit, les connoissances, purement
humaines, dônl ils ont bi^oin ; cWtè diti^ion ïi'est pas
moinis nécessaire , quant ii l'e^seignemient rfe la reK-
gidn. Les enfans, restés j^ur la jplt^pârt dans knir i|jfno-
rance native , étrangers aux premiers principes-, anx
dogn)es fondamentaux de la rettgioB, comtap aux
bb èEGlME IVÏÔRAt. 294
t^sAféstès doctrines du crime ^ ont besoin d'nibt im^
ttuetion eon)plè4e, qm leur enseigne en même iKnifis
te dogme, et la morale; mais ils so»! loinik' cette
dépravation profonde, qui repoosseks^ idées reliffien-
ses. Il fant , à- ienr égard , faire nn Térkabie cM^ehis-
me 9 et lenr âge , encore tendre , garantit la docîlilé ^
tni an moins la souiAission, qn'ib f^orteroivt aux
leçons de Taumènier.
Mais Tobligatiofà d'y assister pourroit ébre insuppor -
table aox détenus pai^eniis à l'âge mûr. Pëhéti*és de
Tidée, souvent très-fausse, qu'ils connoissent asset
imw religion , Sis seroient hunaj^iës de se voiir pUés à
tinjoag, qo'ilsont tovijoilrs reganié comme réservé à
Vefttknice, et cette atteinte à ran%oilr-propre est £fHte
ponr les dëtoorner* de ce genre d'instructions. O'ua
antre côté \ il est presque certain qn'ib s'y porteraient
avécune véritable répugnance , bientôt change en dé^
goût pour ces esprits prévenns , et que l'efiet de cet as-
«njétissemént seroit de leur inspirer, pour la religion ,
mt éloignement dé^iterable. '
Le but seroit doâc mantf né entièrement; on n'aurok
pu apprendre aux hotnmes faits , ni dogmes, ni mô^
rate, puisqu'ils n'auroient apporté aux tèço^s qu'on
^esprit indocile ou mal disposé, et on les adroit dé^
tournés de Famonr de la relt^on ^ anqtiel H faut toii^
^ours tâcher de les ameneir. Comment vaincre ènsnite
tette répugnance , qu'on anrott maladroitement fait
naître? Comurient faire goûter la religion^ des bom^
tnes , qu'on auroit accoutumés à n'y ^oîr que la plus
ennuyeuse contrainte ?„Le plus important, c'est de
taire aimer la religion : celui qui est redevenu chrétien
dans le cœur cherchera bien t et à retrouver les liuni^
ïgi DES PRISONS.
^m lut manquent; mais celni, que les instrivctions
auront dégoûté d^avànce , sera bien peu disposé a ren-
trer dans la bonne route \. si où. la lui présente encore
ïiérissée des épiikés qui Ten ont .jadis écarté.
D'aîlleulrson Remarquent qile les hommes faits n'ont
pas besoin. de la même instruction q^ie les enfans. Ils
ne sont pas^ comme ces derniers, dans, une .ignorance
complète des dogmes de la religion. Dans leur enfance»
Ils ont reçu des leçons , qui né sont pas entièrement
perdues pour eux.; le temps, les passions , une longue
habitude d'irréligion en ont saâs doute affbibli le sou-
venir, et émoussé rimpression» Mais il est encore pps-
siblede ranimer ce feu tout divin^ enfoui^usles ruines
de leurancienne innocetice; ilsuiBt de rappeler à Tesprit
les grandes vérités qu'il a connues^pour leur rendre leur
première force et les faire encore briller d'un vif éclat.
On n'aura donc pas besoin de relever , pièce à pièce ,
tout l'édifice de la religion, dans la cœur des criminels
d'un âge mur. Si l'on parvient à la leur faire aimer ^
ils sauront bien se rappeler eux-mêmes des idées »
qu4k n'ont jamais Oubliées , mais qu'ils écartoient
comme importunes. C'est donc à Tâmour, plotôt
qu'à la connoissance de la religion, qu'il est nécessaire
de lés ramener ; et le premier moyen , pour y parve-
nir, c'est d'éviter de leur inspirer, par avance , du dé-
goût pour le culte , en les forçant de. partager des le-
çons , qui les humiliroient et auxquelles on suppléera
facilement.
En religion, être convaincu ne suffit pas, il faut être
persuadé , et c'est par le cœur qu'on persuade. Vaine-
ment auroit-on épuisé tous les argumens de la dialecti-
que , toute la science du théologien ; si l'on n'a point
DU REGIME MORAL; %g\
tduché le cœor, on n'aura rien fait. Ce ne sontrpas det
docteurs, mais de bons chrétiens, qnel'on doit s'efforcer
de faire dans les prisons. Que les tié tenus ne passent
point les bornes d^une instruction élàîientalre i pco-*
portîonnëe à leur intelligence et à leur condition ,
mais au moins qu/ils aient une foi vive et sijacère ,
que leur cœur s'ouvre à Tespérance., à la oharité, vefr
tus divines , qui sont Fabrëgé de tons nos devoirf
sur la terre. Les vertus sont éesr sentimens et non pa&
des opinions f tachons donc de tourner ponr les déte-
nus la religion en sentiment !
On trouvera peut-être que ce n'est poînt à nous ,
simple laïc , à trïicer aux ministres de la religion la
marche, q^i' ils doivent suivre^ dans l'œuvre importante
de rittstcifction des détenus. Loin dénoua, sans doute,
l'orgueilleuse. idée de vouloir ici donner des leçons à
ceux de qui nous en devons recevoir. Mais, sur nne ma::
tière aussi grave el aussi intéressante., chacun, ne peut-
Il pas, sans présomption, soumettre le résultat de ses rër
flexions au jugement de ceux; qoi peuvent l'apprécier?
Le désir de voir les prisonQierc^ devenir, un jour des
hommes vertueux et de bons chrétiens nousa constam-r
ment guidés dans, notre travail et nous engage encore
|i entrai? ici d^ns quelques détails, sqr les moyens que
l'aum&nier pourra prendre, pour consommer sa bien.-
{disante mîssioii. .
Il nou$ semble que , pour inspirer mix détenus d'un
âge mûr, le goût et l'amour de la religion , il faudrôit
. éviter soigneusement avec eux le ton et les formes dogr
matiques. Que le ministre des autels leur parle de&
grandes vérités de la religion , qu'il leur rappelle sout
yent 'cette révélation consolante.et terrible, qui £^t U
^0 ms BRISONS.
hsAse du .dvriskîanisrne ; mais quTi ëvile à hinr^ yen^fl^L
paPo4iTe donner des lecofi& et faire an cfiurs. Qu'il ne
^oimnce pas de loiigs dbeoiixs^ q«i'il irerffreprentie
pnsd&saraniei et nWtkadiqiics dîsseàrtaèkynsv sor (a fia-
liire. des iotirmens éttriiels et du bonhenv c^lesle;
n^ais qu'il fasse treinHer son undîtoire, à lot vue d'un
Dira jmlie«neni irrité et qu^rl essaye les larmes du ^èé^^
sespoir , enrmpntravtt , ém» une pterspective pen élei-^
f^ée , le rep«sde tootes les dciNuleuvs et ki récompease
tie lous les maux y sonf fei^s «a vue de Dieu. Ses paroles
doivent être graves, ses diseears de peu d'#endiie; les.
gfMidesîi^msiiipsnesofit point dluraLles^filne faut pas
pister le copnr se refroidir , lorscfn'dn lu^ a fait éprou-
ver ces stfntvjcnens affiectusefu^?! et tendres, qui sonlsl
propves àtlfenlnretenir dafis des disposions Pêfigceuses^
jsii kwr hûssef le teivrps de se remettre , après qu'i4 a reçu
c«& comniM»tioiis^cîs»ves^ que dél«rminent qœlqnefois
tottt' à coup uive conversion , depuis long-temps charn
cel<iE»te.
S& vtoniirois èone qoe yaumâii^r 0herehâl} tou)^^^
À tomber ses- aiTdtteiirs, et, qjn'après avoir prodini
IVffet qii^ifl a4<(eïtdiôft , it n'allât pas plus lern , pont ne
pas dét^uiote Iwi-m^me sou ouvrage. 0n conçoit çpt\m
«alëéhîsme n'entre poitv rien dans im pton sedabii»ble.
Q»nelq%ves prédications , heaueonp de coijfiér^nces el
d'entretiens particuliers , tels sont les omy^ens , qnise
présentent à oe$ homme utile, ponr foire tout le biea
qu'il est sfpçmlé à réMiser. Quelques ohsoryations soni
#neore nécessaires sur la mamère cte les empk>3f er.
Il- noms a semblé que Tanménier (broi% bien d'évfter
tsiat ce qui donneroif à ses discours un« coufeer dog*^
piàtiqnef Cependant nous sommes loin de penser qu'il
' DU REGIME MOBAL. 3^»
doive s'j^steDir d'y metire une suitp et pn ordre, pro;
{^re$ à cpnduir^ suçce$$iverpejil le§ |;^r^Q}inier$ à la coa-
noî^^T^ç^ d^ topt l'^qiçeinblp die 1^ reljgiQi). Cielte mé-
tb^nW j reçxj^ni^qdée pfir UD. bftnirpe }i<^ile dans
le gr^^^l ^t ^e rédqc^tioii eX çoiisamrpjé d^qs la pra-
jtiqf%e.f4e^ d?yoir^ Je* plus fljîfl6icile3 4e l'^postpi^, pat
Fénéjon., £u>^s semble plus Cc|p^hle que jtoute autre.
^ capl.iv^ les esprit^ dç ceu|; qqe l'oP yéut în^truir^.
^t de fpnrair à Tor^leiir chrétîeo d,es spjete» jtpupuraL
in^tr^c^Ufs^t tQujour^ $i\|pstfi^tî^l§. Jj'^ijni^jiler des pri-
ions feia 4o,uc bien ;(îie t^ïiyre cel,te uc^éljxode t qui ne
p^ut^tre qu'avaiU^eei?^ ; ov^is, il ;5ur^ §pip de I.e
liWft»^ de fp^pi^re ^ ije pjis s'aliéner d'avjjioce son audi-
toire , en lui fais^^t ervtrçvqîr jiae lop^^ia ,§uite d'ins-
trucii<;»n^, qpi le rebutecQÎ^nt. Il peut dpnc.étre utile,
qu'il np li^isse coni^Q^tre sqn plau .qu'à «piipsure qu'il
iav^AC^ra , etj^eplem^nt ^i^î^pt qp'il $,<u-;a,péc^^ire poujP^
faire «^j^ir l'eQ^emble dp ç^.floct^ip^,
41e voodrqi^ aus^i que r^umi^i/çr Ri f^n sprtfi d,eprQr
dpir^ 9ur r^çprit f:|ç ^ j|^d^te^ris ,tppte l'impre^ion
4)q$sibl)er<!t qu'il trouvât le njoyen dj^ }^ in^éreçs^r et
4e lepr feîre aifoei' s,ies prérlic^tianj?. Qçtte..|^ctie n'e%t
,p^ ,a(issi di{lgcî|e et ^i^^i suhprd(^npé,e ^u talent 4^
V^i^^^Ur^ qu'op ppuçrqit se rîm^in,er..Ç^ n'est p^s
d^ «Çf^rfs d'^loq^^nç^e qu'il fallut, pow tpuplxer |.qs
.prîsonnî|Çj;sji:'^$jt pn tpp de,siflaplfpit,é, fjebpntécoipr
^p^tîf«^Q|e; c'iesl.l>rt (|e^isir les Qcc/a^ipnjS, qiii fïppr
^ent Ji^at (Je fpr<re s^}f, t}i^Qi»rs qu'/çU^Si^t iu§pir|çs.,
p'est mjàn r^tteQti^n ^ ae jf^sdi^« fles/çjf^p?^ vague^^i
ni^isà J^^,paç^^r>.^ audîteuiis ftue d'jul^i'ét^ qui 1^,
.çe^qpupeftt^ ^e.^jçttjpji^ps flp'iU.epfQjiyept , 4)^vf9.e-
«96 ©ES PRISONS.
mens qui les aient frappes. Que Torateur sacré m^
ses larmes à celles des malheureux , qu'il doit his-s
trnlre et consoler , qu'il leur montre Télernelle misé-
rîçonle , toujours prête à pardonner, quand les hom-
mes sont inexorables, qu'il tire le sujet d'instructions,
graves et touchantes de la mort d'un d^enire eux ,
d'une grâce accordée» ^'une convalescence , qn'oa
p'ospft pas attendre , il sera sûr d'être écouté avec
plaisir et d'avoir déposé, dansdescœui^ préparés à les
recevoir , dçs semences qui fri|ctifieront. Les yérîtës.
générales sont froides , inanin^ées ; c'esit avec les parti-
cularités que l'on remue le cœur de l'homme. Ne nér
gligeonjs. pas ce puissant ressort, avec ceux qui ont le.
plus besoin de changer de sentimens.
Il faudra donc , autaat que possible , que^left rnstmcv
tions de l'aumônier se rattachent à quelque circonsf-
lance particulière aux délemiS, c'est-à-dire, qu'eUes
leur soient appropriées d'une manière spéciale. Des
prédications, bonnes pour toutes les classes de fidèles^
ne font une impression bien vive sur aucune. Cepen-
dant on ftsX obligé, dans le monde, où toutes les pror^
Cessions sont confondues, de les embrasser toutes dans,
des exhortations générales. Mais à la prison, il n'y a
qu'une seule classe d'hommes, ce sont des détenus;
la perte de la liberté leur imprime un caractère géné-
ral , qui semble concentrer tous les atitres en un seul«
On n'y voit plus, à proprement parler, ni puissans, ni
foibles , ni maîtres, ni domestiques ; on n'y trouve que
lies prisonniers. L'aumônier ne devra pas négliger de
tirer parti de cette circonstance. Il n'odbliera jamais
qu'il prêche , qu'il instruit , qu'il administre des prî^^
DU REGIME MORAL. 297
<.5nnîers, et cette îdëe domÎTiante imprimera à lôiUes
jies paroles une coulenr k)cale , et un pathétique natu-*
rel , qui \és rendront toujours éloquentes*
Aux prédications générales, qu'il renouvellera aussi
souvent que sa prudence le lui conseillera , l'aumônier
devra Joindre le secours de fréquentes conférences
avec les prisonniers , soit réunis , soit isolés. Ces en-
trevues , presque familières i sans compromettre sa di-
gnité, lui fourniront les moyens de connoître leur
véritable position , et de leur donner les conseils, dont
ils ont besoin. Il y trouvera souvent plus de facilité à
ramener ces hommes , qu une mauvaise honte eût
peut-être reténus, en présence de leurs compagnons,
^t qui ne resteront pas insensibles à (les instances près**'
santés et affectueuses, auxquelles aucun l'espect hu-:»
main ne mettroil plus d'obstacle. C'est là , c'est dans
ces exhortations confidentielles, qui! peut faire un
puissant usage de toutes ces circonstances individuelks,
qui donnent tant de prise sur le coeur de Thomm* ;
Le nom d'une épouse regrettée , celui d'enfafis chéris»
le souvenir d'un vieux père, prêt à descendre dans la
tombe , et qui ne demande au ciel que de sercer dans
ses bras , avant de mourir , «n fils revenu de ses éga-
remens; voilà des ressorts, qui sont toujours à la dis-
position de l'aumànier , et que rarement il emploiera
sans succès. Au nom dés personnes qui lui sont chères,
au souvenir d'un bonheur qui n'est plus, mais qui
peiU renaître , le criminel le pli^s en garde contre s^
sensibilité , sentira son coeur s'attendrir malgré lui.
Son regard cessera d'être farouche , sa bouche de s'oU"
vrir pour le blasphème ; cette convulsion habituelle ,
qu'il ,prea4 pqur effort de courage , fera place à un
^9» wsjB^ vhmim.
4i^a4 4)fiot^Uar $a paupière. C'e^t le qlQo^^^t décisjf ;
sî la nature a reprises d|:oit$<, If^ rjeli^au., J'h^imeur |
refitenéroM h\aa\ài leqr^mpjir^. Qm ramiÀpi^r (^ai-
sififiiQ avec h^inleté l'occaataB qjM'il ap^a (^ji^ paîtte #
qii'fii^'en^are fh ça coeur^ .pendant .qç^'Ufesjt.f/Direfisible
à ^3 i^lh.arta.t;iQn& to^te3j^.iei'|ieljie^i;;..^u'U le icUrj^,
pendaot <i|ii'ii e&t fleMhlç ; ;0L âa cojif q^lUs isit as^iné^
Cepiewiaiit «es 'bannes di^positiuns peiïvept Q'çtre
que pasisagères y ât^ £^ l'aiiiiï^idr $e bjorœ à ice; j>^eaû^
$ii€oè$, il ÇQjurt le l:isque.d'a^yoi^ trav;^llé (*a,Yâîj^ la9
fonce dies h^itudes , l'^KUraîoement de T^^^r^ple* Jle^
dîHracUonii^, qni viendront dbsiper rÎQ3|ires$îaa salM-
latre qu'il ^ykta produite, raoïèaeront kiei)t6jt le pr4*
«onnîer à ^$ preaihsrs ^^emen$. Four 'prévenir (&e
malheur I il faut q^ill entretienne, qu'il çuUiv^ 1^
heureivs^s dUpo^^tions fu'il aura £ait j^îtjçe; qu'il i^
]»i$»e pas ce n»alheure^u ç^idumr dp nauv^au sou
irœur, c^i^ çetorfnher ^aw. un engourdUsepaisnt fataU
n>ais qu'il s'applique è &îf e .ge^njb^i: les sfismwes saliv
taiim, qii 'il y ii dépfm^is. Ùesl .en pptirsfiÎKdnt son
ouvrage, earedoublaiitd'eflbrU, paçir|i^în» toujours
a^'Sfieer tiatts la bonne 9011^0 ^elui qp'U y ^ raoteoéj
qu'il assurera le succès de sa. ^généreu^e.^Jxepriâe.
. De sefnblables i>ssulliatts ne p.euxrent s'obtenir qu'^
l'aide de firéquentes eonSéresiQea av^ç le§ prisquaiers.
d^est la partie la |^us importan^te dQs foutions ,d^
J'aumôaier, p^nse qde ç'esl par là qo'il peôt faille le
plus grand bien.Jjes prédkatians , bonnes en générail
pour inspirer aux.prisonntei^ Je rei^ect poiir 1^ ipelir
f^on , et leur donner la fconnoissance des grapdes ve^-
4ttés «lii Christianisme, sont moins prop^^ qqe.li^^
DU REGtMe MOAÂL. d^
(Kmfëroaeè^ , ^ coosommer les conversioiis partici»-
^èr^ Cesl cUas le secret de ces enti^Hens expansifs,
que ranmâiiier petit partenir à fanimer dans le cœv
4^ pirisaiiniera ; le sentiment de la vertu , de Thoiir
Deor, de la religion ^ qu'il peot les farnener au pied
de ces attela, qu'ils opt fuis si leng-iexnps , et les ré-
f ikseiKer àvtc des sacremeiis , dont ils n'étoient plus
dtgneau Ces«ccès est réserve aiaoc auiDÀpiers; la chaire,
les visites. aux .prisonniers, 1^ coi^fencesi teb sont
}e$ Hnoyens qui les y conduisent.
Oa voit q«e m»m attendons beaucoup de la reli^on
fit denses niintsl'r^sc Et sur quel secours ponrrions**.noiv
fihitAt compter, pDui* Fœnvre immense que nous nous
proifkiMns? U n^st cas donné à rho«»nie de clianger
le crime en. vertu, t'imnaéraiite en sagesse , Tirrâigion
en piété. C^esl à celifts qui tiesnt dans sa main tous les
4rœui9 , à les tourner isonMne il kii platt y et à opérer
cçs prodiges. Pour ifous, fcâbles mortels , notis ne pou>-
vons nfm servir d'^instrunlens à ses voioolÀ éternelles.
Mais si Dieu sdiitieist nos tj^avaux , s'ii daigne nous
l^dtifier rexéculioR des décvets de sa miséricorde^ nous
pouvons marcher avec confiance et compter qu'il hé -
nira nos effbits. Livrons-*noQS donicavec ardeur à cette
ptVk'rT^ de charité , et méritons par notre zèle , qile
Jd^ieu' se serve de nous , pour accomplir ses desseins sur
iles hommies, qui peaventétre coupables, mais qui,
tentainerlient , ne sont point prédestinés à mourir dans
le crime!
l*ROi8iÈM£ DiTiStiON. De Tlnstructlon religieuse pour les enfans.
La tâche de Tecclésiastique avec les enfans, sera
piiisfapîie, OKiis n'exigeca pas niotas de soinsv On
îteû, DES PRISONS.
lenr doit une instruction cornplèle et solide ; pour la
plupart, on a à les disposer au plus auguste sacrement
^e notre religîpjî^ : cette double fin montre assez reten-
due et riniporfance de son ouvrage. Mais ce seroît en-
trer dans des détails inutiles, que d'examiner. com-
ment ces jeunes prisonniers doivent être ïtistmîts,
«oit dans les exercices du catéchisme , soit dans les ins-
tructions générales, ou les conférences partîcalîères.
Il suffira de faire observer Ici , que l'on n'auca pas be^
soin des mêmes précautions qu'avec les hommes faits*
Tou.-ç les moyens peu vent être mis en usage pour les ins-
truire , et ce n'est pas avec eux qu'on devra craindre de
feire un cours dogmatique , ou un Gatécfai3me. Prédica-
tions, conférences , soit générales, soit particulières,
répétition et explication de catéchisme, tout leur
convient également , et la ppiidênce des aumôniers
leur indiquera duquel de ces modes d'enseignement ,
l'emploi: deviendroit nécessaire. En général, il sera
presque toujours bon de les foire concourir; mais dans
tous les cas, il nous semble qu'on ne pourra jamais se
dispenser de faire , aux jeunes prisonniers, un caté«'
çhisme régulier.
Au surplns, le zèle et l'expérience des ecclésiastiques. >
chargés des fonctions d'aumôniers, leur indiqueront,
bien mfeux que je ne pourrois le faire , les moyens de.
tourner au bien des cœurs encore tendres et dociles,
et Ton peut avec confiance s'en rapportera eux, pour
Taccomplissement de cette œuvre de charité»
Section h. De V éducation des prisonniers.
ÂPPaENDnte aux enfans qu'ils ont des devoirit à recn^
6U REGIME MORAL. ^oi
plir, leur dire quels sont ces devoirs, et comment ils
doivent s'en acquitter , tel est le point oii Ton s'arrête
le plus souvent dans Téducation , parce qu'on n'a pas
assez réfléchi sur lanrranière dont se forment l'esprit
et le cœur, et sur l'origine des sentimens, qui , suivant
la direction qu'ils prennent ou qu'on leur donne, de-
viennent à la longue des vices ou des vertus. Mais ceux
qui ont approfondi le cœur de Thomme, et cherché
les ressorts qui le meuvent, i'econnoi3sent qu2 des le-
çons , apprises ou suggérées , ne sont rien sans l'expé*
rience, et que l'homme ne sait jamais bien que ce
qu'il a appris, par lui-même , et en réfléchissant sur les
impressions qu'il éprouve. Un maître intelligent, pé-
nétré de ces principes, ne se borne pas à tracer à soa
élève , les pensées qu'il doit adopter. Il tâche de le&
lui faire trouver à lui- même ; il l'amène à penser, plu-
tôt qu'il ne l'instruit directement. Quant aux senti -
meiis ) il ne lui dit point qu'il faut aimer son père , ho-
norer Dieu , mépriser l'improbité^ mais il s'arfange
de manière à ce qu'il éprouve des sentimens d'amour
filial, de piété, d'horreur pour le vice. Il n'oublie
pas que les choses les plus indifférentes en appa-
rence , et dont oh s^aperçoit le moins soi-mêm<* ,
sont quelquefois celles qui laissent les impressions Jes
plus durables; et , partant du principe , fécond en mo-
rale, de la liaison des idées, il tiche de préparer des
associations d'idées heureuses , et d'écarter celles qui
pourroient avoir des résultats fâcheux. Pour atteindre
ce double but, il tâche ^e placei: toujours son élève
dans une position, qui Vanuène à penser, de la manière
dont il veut le diriger , et s'occupe en même temps
de prévenir , soit en évitant les occasions , soit en don-
\
3o> DES PR1SOÎ5S.
liànft é'avmte à«o« élève lies conseils prii^eiis, l'inî^
)»i'essio« funeste, que pt^tirroient lai€(9er en loi certaineé
ibiftremstMices»
La coRdmte que cet homme «âge tiendroît avec sevf
élève est , eh j^iticipe , celie qu'il faut teoir à i egaixl
des pmimnievs , si Tan veut obtetiir qntlqne succès,
dans l'œuvre de ieui* conv^ersion. C'e^t «ne sorte &é-^
dueafion morale, qu'il fentleur donner, po«r rendre
efficaces et agissantes les diverses leçons qn'its aui*ot>t
reçues. Nous avons montré par quiets mej^n$ on pon^
voit leur rendre s^éable le métier qu'ils apprendront^
et l'emploi de ces moyens e0t déjà une partie Irès-tm-
portante de cette éducation, dont noiis nous oecnpotia
en ce ilo^nleiit. Mais il est encore df^autres idées, eux-
quelles les auront préparés les teçdns de rinstitutèur ,
et qu'il est à désirer qu'iU combinent par eo«-mfémes «
pour qu'elles fassent sur euM une impression plus lort«,
et que la persuasion qu'ik en auixmt soit plus inlimcf^
Ai«si^ le6 instruiCtiona leur auront déjà fait eeainottre
Tontre social et sa nécessité , la vertu et ses avantages ,
la religion et ssk grandeur; mais il est intéressant q«'tls
se persuadent eux-mêmes, et par leurs propres ré^
flexions , ces grandes et indispensaliies c^inoissaaees.
6i ces idées leur sont suggérées , élites langt^oet sans
force dans leur esprit , et ne passeront jamais J4i6cpi'à
leur fC(wur. Si 9 au contraire^ eiks ont genmé en en%f
ils les secrtiront vivement , et en éprouvèroot i'effiet i«
plus puissant et le pins avantageux.
> Cependant , on ne dont pas se borner à aHendra
qu'elles viemienl natufeUement à kur eaprit. Eike
pourroieiit ne {l'y jamaiis pinésefiter, ou être beaueoop
trop tardives, et l'éducation morale a pour objet fie pra-"
' bt JREGiME MORAL. 3o3
voqiierlâf tiaissance (ïe f ont«scespensëe6t qui ne ppnvent
pas être snggéréés^ mais tji\'i\ est si important de faire
naître. Le moyen d'arriver ice résultat, c'est de pré-
parer aux prisonniers des liaisons d'idées, qili les aniè-
nent à penser, à sentir, comme on peut le déstref*«
Voyoné comment on peut appliquer cee principes à
leur sitoâtion.
tAftAôttAFDS VlifiMilui. Ue Im nice&Biêi de faire eonnoUha é$
mmmr Vx^atdre uociai mux jpriê^fmiers.
Qo'ÉffT-cc ^ie l'ordre social , l'une des idées lâ$
plus importantes à donner aux détenus? C'est l'étut
de choses, ^ii résulte de la réonidn des hommes en so-
ciété , et ^ni fait que cette société subsiste. On voit qa^
t:ecte idée sie compose d'tm fait et d'un droti: l'exif*
f ence de la société ^ ou l'état social , et les règles qui ie
nftâivrtiennetit , qui complètent l'idée «l'ordre social.
JPoiir comprendre l'ordre social, il faut doué avoir
, une idée jnsle de la maniera dont les hommes vivent
en sociélé, c'tst-à-ilkre , de l'état socaaU et des avan«-
tagesi, qni résultent pour l»i de cette manière d'être;
Y»nis ilfa^tt èonnottre les règles, sans lesquelles cet état
'et choses ne poiirroit subststeret en sentir la nécessîttf.
Telles sont l'ëtaMissemewt d'nn ponvciir direcleiir^
^argë et toute l'administration , la somnission de toins
«nx volefniés exprimées du son^rerain , la contrilHitiQn
^Mx cbatiges pnbHqoes, ete. Quand on sait aippréder
le3 avawtogeâ de la société et la néceesitd des relias
'Aaliliea pcmr la tiia«nfte>nir , on eonnoftt et oo aime
iWdre socîah C'est ie pcÂntoù il finit amenar las d^
/•
3<54 DES PRISONS.
Sans doute cette entreprise est difficile avec là plii^
part d'entre eux; tous ont violé le pacte social^ et, pu-*
his par la force publique pour cette infraction au traité^
ils doivent être disposés à regarder^ la société comme
leur énnetnie. Mais ceux qui vi voient d'une profession
réglée i et qu'une faute passagère a fait frapper d'une
Condamnation , connoisseiit l'ordre social , qui , pen^
dant long-temps, lésa protégés, et, pour la plupart,
ne demandent qu'à y rentrer. A leur égards Touvraga
est presque fait d'avance. Leursdispositionssont bonnes^
il suffit de les entretenir et de ne point leur faire haïr
Tordre établi , par des rigueurs inutiles ou un abandon
absolu.
Mais il est d'autres prisonniers-, pour lesquels Fordre
social est inconnu ou odieux. Presque tous les enfana
se trouvent dans la première classe; la seconde com-
prend les brigands > les vagabonds, les hommes sans
profession , sans domicile. Pour ces hommes imitio^
raux , la société n'est qu'une proifi à dépouiller « ou utt
ennemi dont il faut se défendre. Il en est beaucoup qui
ne counoissent de Tordre social que les gendarmes qui
les ont arrêtés V le tribunal qui les a condamnés, et le
bourreau qui les a flétris. Ils arrivent dans le lieu de
leur détention, avec la haine de la société; les idéea
qu'ils y ont toujours attachées ne sont que des idées
pénibles, ils ne doivent la voir qu avec horreur. C'est
de cette prévention funeste^ qu'il faut s'efforcer de les
faii^ revenir, si on veut les remettre sans danger aa
milieu de la société à Texpiration de leur peine.
, Le premier pas à faire , c'est de les amener à recon-
nottre les avantages de la société et des lois qui en ga*
rantissent l'existence , et de les dégoûter de cette cri*
DU REGIME MORAL. 3o5
minelle indépendance^dont ils avoient fait rhabitodede
leur vie. On tiy parviendra qu^en les mettant dans le
cas d'avoir besoin do secours des autres honrmes, ou
du moins de sentir qu'ils en auront besoin par la sdite.
Mais comme ildoit toujours leur sembler plus doux de
consommer dans l'oisiveté « le produit du travail des
faohiraes laborieux ^ que de travailler eux-mêmes , pour
se procurer une existence bonnéteet assurée» il faut les
amener au point de penser qu'il est, en définitive,
plus avantageux de suivre la route de riionneur que
ceUe du crime, et leur faire sentir les dangers et ieS
suites fâcheuses de leur ancienne conduite.
Cette tâche comprend toute Téducation des prison-
niers; elle en est le but principal, et tons les soinàf
qu'on prendra pour leur amendement doivent y fendre
plus ou moins directement. Dans le moment actnef,
il s'agiroit de leur ôter l'idée corruptrice, qu'il est plus
commode dé vivre des produits du vol que du fmit de
son travail , en leur faisant sentir les funestes consé*
queocesdu crime, opposées à la tranquillité honorable,
qui fait la récompense des hommes laborieux , et com«
prendre la prééminence du travail sur tous les autres
moyens d'acquérir. On y parviendra, si Ton réussit à
lier intimement à l'idée de leur crime , celle de la pu*
nition qu'ils endurent, de manière qu'ils aient toa-^
jours présentes à Tesprit , dans le même nioiSl^nt , leur
mauvaise conduite et les peicies qui eii sont, pour eux,
le résultat. Je voudrois qu'on put les amener au point
de ne jamais sentir le malheur de leur position , sans
se rappeler en même temps les déportemens qui les y
ont précipités. La réunion constante de ces deux idées-
auroit pour effet de^leur faire haïr leur conduite passée,
lO
3©fr DES PUISONS,
et de les nmener à se dire à eux-mêrnes qu'il est d'aû-^
très nKjyens moins dangereux de gagner sa vie. L'hâ*
bitude du travail les atnèneroit en raênie temps à pen-
ser qu'il en est de plus sûrs et de moins précaires, dans
l'industrie et réconomie- Une fois parvenus an point
de travailler pour vivre, ils sentiroient eux-mêrnes la
nécessité de la société, qui fournit à l'homme le con-
cours des forces de ses sen)blable5, et des institutions
sociales, qui garantissent sa vie et sa propriété, pendant
qu'il est occupé à son travail. Dès que Thomirre est de-
venu propriétaire par son industrie, il tient aux choses
que son (i avait lui a procurées, et^ comme il né peut
les sui veiller continuellement , lisent la nécessité d'une
force protectrice, qui lui en assure la conservation»
Tel est le changement qu'il faut tâcher d^opérer dans
les détenus.
Pour amener à ce point des hommes^ aussi eUtiemis
du travail que le sont ordinairement des prisonniers,
il faut donc premièrement leur faire connoitre , par
leur propre expérience , ce que c*est que propriété.
Nous verrons, dans le paragraphe suivant , comment
on parviendra à leur rendre cette idée très-familière. •
£n second lieu , il faut leur faire sentir que le travail
est le meilleur moyen de devenir propriétaire , en leur
faisant horreur des voies criminelles , qu'ils sui voient
jadis, pour se procurer l"s objets de leurs besoins ou
même de leurs désirs. C'est pour arriver à ce résultat
qu'il faut s'efforcer de lier dans leur esprit l'idée de
leur crime à celle de la peine qu'il a provoquée. Ici
la législation peut beaucoup. £n France surtout ,
cet objet réclame instamment les méditations des
hommes d'Etat^ et quand , sous Tiniluence d'un Roi,
pu REGIME MORAL. Soy
dont la sagesse nous promet de fortes et durables îns -
titntions, il sera question de porter «ne utile réforme
dans Je système de nos lois criminelles, «ans dpute nos
législateurs chercheront à rendre les peines. pins effi-
caces, pins proportionnées, et surtout plus propres
à rappeler sans cesse le délit et à^ en iqspirçr le re-
pentir.
Maïs comment établir , entre la peîpe et le délit , ce
rapport intime qui les rappelle tout à la fois Tun et
l'autre , et qui joigne ces idées d une manière indisso-
luble? Il en est plusieurs moyens. Le premier et le
plus nécessaire, si l'on vent introduire quelque réforme
dans notre système de pénalité, c'est de diviser l'é-
chelle des peines beaucoup plus qu'elle ne 1 est , et d'é-
viter, autant quo posi>ible, de punir de la même ma-
nière des hommes condamnés pour des crimes tout
différens. La même peine, appliquée à deux hommes,
dont les crimes présentent une disparate évidente ,
cesse d'être le châtiment de tel ou tel crime en parti-
culier, pour n'être plus que le châtiment banal de
l'immoralité. Quand un banqueroutier, un homme
coupable de viol, un voleur de grand chemin et un
rebelle, attachés à la même chaîne^ se voient assujétis
aux mêmes travaux, ce supplice commun ne lenr
rappelle point assez formellement le crime qu'ils ont
comjnis, puisqu'il est le même pour tous. Rien de ca-
ractéristique ne rappelle à chacun d'eux sa mauvaise
foi dans le commerce , sa criminelle et brutale passion,
ses nombreux brigandages, son insubordination à des
ordres souverains. Dans la communauté des peines
qu^ils subissent, ils oublient la cause spéciale, qui les
plonge dans les fers, pour ne plus voir dans leur capti*
^o8 6ES PRISON».
vite qu^fi ^pKce gëiiérsil , qui , par cela tùtmé, eesâe
de paraffine k suite directe de lenr faifte.
Il û'éti serott pas de même , si chaque clas^ ée de-
lits avoit ufi genre de peines correspondant; SLpptopné^
autant qne possible^ à la nature des fautes qu'elli»
seroient destinées à réprimer. Cette muitiplicatîon des
degrés de la double échelle des délits et des peine^^
n'est pasune chimère; quelque nombreuses que soient
les fermes revêtues par te crime , il est de grandes dH-^
visions^, dârts lesquelles se classent distinctement les
divers genres d'immoralité dont Thunianité * est trop
^nvent souillée, L'existence d'un Gode pénaf (et
quelle nation n^a pas le sien? ) prouve la j^ossibiBté de
cette classification. L'échelle des délits est, en gén&ai,
assez complète; le» omissions y sont rares et feciles
à suppléer. On penl donc , sans témérité , se proposer
de partager cette Itete affligeante en phisieurs divisions,
basées snr la nature et sur la gravité des déf îts , et éta-
blir Kéchelte corrélative des peines, de manièi^ que
chaque genre de délit soit puni par une peine p&rficu-
Hère , analogue ik sa nature et propre à corriger le
condamné , en lui mettant continuenement sous les
yeux Fîdée du crime qui Fa attirée sur sa tête.
Dam notre Code pénal, en appliquant les peines
aux délits, on semble n'avoir songé à fes graduer que
parla gravité, et avoir fait abstraction de la nature des
fautes, qui doit cependant entraîner lesr modifications
fcs plus importantes; et, satisfait dTavoir rangé dans la
même classe hesdélits, qui paroissoient avoir le même de-
^de criminalité et les mêmes inconvéniens pour la so-
ciété , on s'est peu inquiété de donner le même châti-
ment à des coupables, dont les fautes n'ont aucun rap-
DU REGIME MORAL. 309
pmt entre elles. Cette classification superficielle est
vicieuse à plusieurs égards : d'abord elle viole ce prin-
cipe d'égalité relative, qqi veut que la même p^ine
ne soit appliquée qu'à des condamnés, également capa-
bles delà supporter et égalemeot sensibles à sa rigneur.^
Si le législateur a voulu punir au même degré lefaqssairje
et le voleur de grand chemin, il s'est sans doute mépris,
en envoyant Fun et Tautre aux travaux forcés. Le pre-
mier-, ordinairement habitué à une vie sédentaire, à ccs^
auperfluités, qui deviennent des besoins pour la classe
bourgeoise, à laquelle il appartient presque toujours,.
est in<^àpable de supporter les travaux, la nourriture
et le régime des bagnes , auxquels le second , formé
aux travaux rustiques, ou endurci depuislong^tempscon*
tre rinclémence des saisons, s^accoutumera facilement.
Ces deux condamnés ne subissent donc pas réellement
une peine égale ; le premier est puni bien plus sévère-^
ment que le second, et cette inégalité doit produire sur
leur esprit des impressions fâcheuses.
n en est de même , en sens inverse, de la peine de
la réclusion, qui se trouve appliquée à certains crimes,^
exclusivement commis par des villageois, et qui, à Té-
gard de ces condamnés, est bien plus sévère que pour^
le faussaire en écriture privée , à qui cependant il est
clair que le législateur n'a pas voulu faire de faveur.
Faire d'un laboureur un fabricant, le priver d air
et renfermer dans un atelier , c'est le punir plus sévè-
rement que le citadin, à qui l'on inflige la même
peine , et qui n'y perd , après tout , que sa liberté.
Gei^ deux exemples font voir combien sont inégales ,
4an9 leur résultat ^ les mêmes peines, appliquées à de&
. homfnesd't^ne condition différente. On pourroil, é^ir
f
I
3io DES PRISONS.
ter , au moins en grande par]Lie , tret inconvénient , eit
plaçant dans la même calégorîe , pour la peine, cçux
dont' les crimes annoncent un rapport dans la profes-
sion.
L'un des moyens à prendre pour étendre TécheUe
des peines, de manière à ce qu'elle répondît à celle de:8
délits, seroîf d'y faire entrer, comme élément de clas^
sification^ la nature des travaux auxquels seroient oc-
cupés les condamnés. On y trouveroit , et c'est Filan-
gierî qui le remarque, le moyen d'introduire une
grande variété dans les peînes. On peut ajouter à. cette
observation que cette variété donnerait ta* facilité
d'approprier, plus qu'on ne l'a ftiit jusqu'à présent »
la peine au délit. Ainsi, au lieu d'envoyer le.banque-
routier frauduleux nettoyer un port de mer et se livrer
à des travaux, trop pénibles pour .'^r foiblesse, et d'ail-
leurs entièrement disparates avec son crime, on le
renfermeroit dans une maison de travail , où , réduit
à la condition des ouvriers auxquels il commandoit
naguère, ilapprendrôit, en se livrant à un travail ma-
nuel, à apprécier le mérite d^une vie laborieuse et éco-
nome. Ainsi, le voleur de récoltes, malheureux cul-
tivateur, qu'une grêle a peut-être écarté, pour la pre-
mière fois, du chemin de la probité, ne seroit point
renfermé dans une étroite enceinte, pour y apprendre
l'industrie et les vices de la ville; mais on l'employé-
roit , en plein air , à des travaux corporels , qui entre-
tîendroîent sa santé et ses forces et ne lui feroîent pas
oublier son innocente profession.
C'est ainsi que, par une classification plus exacte, on
parviendroit à faire des supplices eux mêmes de véri-
tables moyens d'amendement moral , et à faire cesser
DU REGIME MORAL. Sit
une égalité injuste, et contraire an but véritable des
lob pénales. La saine politique, Thunianité, la justice
même , toiit doit engager à réformer Téchelle des pei-
nes et à en multiplier les degrés, autant par la nature
que par la gravité des délits.
Cette classification des peines leur ôlera déjà ce va-
gue , qui contribue à les rendre si peu efficaces ; mais il
est encore des moyens, autres que ceux puisés dans le
genre des travaux, qui pourront avoir reflfet.de lesca-
ractériser davantage et d'établir entre elleset les crimes
qu'elles punissent , une relation tellement intime,
que ces deux idées deviennent inséparables dans l'es-
prit des condamnés. Ces moyens consistent principa-
lement dans l'addition de certains signes, qui spécifie-
roient chaque genre de crime et le rappelleroient cons-
tamment au condamné. Ainsi les différens crimes
pourroient être distingués par une marque visible, que
le condamné porteroit toujours, et qui seroît pour lui
un avertissement continuel et salutaire. L'infamie atta-
chée au bonnet vert subsiste encore , malgré l'abolition
de cette peine ; c'est un exemple que l'on peut imiter
avec succès Pourquoi même ne l'einploieroit-on pas,
pour signaler à l'opinion vengeresse , les coupables de
banqueroute frauduleuse, ce crime si honteux et si
commun parmi nous? Le condanmé, n'ayant jamais
d'autre coiffure , et obligé de revêtir tou^s les jours ce
signe d'une infamie caractérisée , ne pojiirroît éviter ,
à chaque fois qu'il le prendroît , de se rappeler son
crime et la peine qu'il endure , et la fréquente répéti-
tion d'une telle idée auroit nécéssaîrerpeht pour effet
de lui inspirer la pîtis profonde horreur pour le crîmç,
cause évidente de son malheur.
3i« DE& irmsoNS. .
• ^ . ' '
Qnî- ei^pêcheroit encore d'inscrire en §fm wract^r«y
ypr la pprte de chaqoe cellule, le crime do prisonnier
qu'elle renferme et la condamnation qu'il a motivée?'
ÇeUe ij;nominIeu9e inscription) sous laquelle les coa-*
damnés devraient , tous les jours, courber le front , soit
pour entrer dans leur cellule, soit pour en sortir , leur
l^ppelleroit aussi d'iKie manière continuelle , la faute
qui les a réduits en captivité , et concourroit encore à
imprimer, à la peine même la moins spécifique , ce ca-
chet disl^QCtif , sans leqqel elle De produirait que pea
d'effet.
C'est par ces divers moyens qu'on parviendra à lier
ensemble les idées de crime, de bonté , de châtiment^
c'est-à-dîre, a faire abhorrer le crime , de ceqx qu|
l'ont commis sans hésiter, dans un temps où ils n'a-
voient pas fait de 9alutaires réflexions. Si les prison-
niers en viennent à détester le crime et à le regarder
jcomme un mauvais moyen de pourvoir à leur subsis-
tance;, ils sentiront bientôt que le travail est la seule
manière de viyre honorablement et sûrement. De cette
- . ' *
idée à celle de la nécessité de l'ordre social , il n'y ^
plus qu'un pas, et les prisonnjkrs l'auront bientôt fran^
chi. Dissuadés de la vie hostile et vagabonde , dont ils
sentent les dangers ,. et amenés à l'habitude et .au goût
du travail , ils reconnottront la douceur et la nécessité
de l'état social. Du moment qu'ils ne seront plus les
ennemies de la société, ils sentiront le besoin d'^trç $^
protéjg;és, et de m<ettre à l'abri de sa piii^n€e}eprs per-
sonnes et leurs propriétés. Mais quand il^ auront appris
par eux-mêmes à f^onfipitre la néc^îté de la société e|
les avantages dont jouissent se^ membres, x{$ comprefi^
dront, par une cojaséqusiM^ç pat\4re|içi qjpe çc^ ^U^
; ou REGIME MORAL. 3i3
«
social ne peut subsister , $am rétablissement d'unç
puissance publique, chargée de protéger les associés et
de combattre les ennemis communs. Le besoin de re-
poser sous cette égide leur apprendra à porter avec
soumission un joug 9 qui fait la sûreté publique : car il
suffit de connottre Tétat social pour Vaimer et sç
soumettre aux règles, dont Tobsery^tion est nécessaire
à son existence.
Mais pour achever de leur faire aimer Tordre social ^
il faut faire en sorte qu'ils en sentent Theureuse in-
fluence sur leur sort, même dans la prison , et qu'ils
apprennent que la société prend coin de tous ses mem-
bres, dans quelque position qu'ils se trouvent. Ainsi
je voudrois qu'ils vissent souvent les fonctionnaires qui^
pour eux, sont les représentans de la société, leur
faire des visites exactes* s'informer avec spin de Tétai
dans lequel ils sont, recevoir Jeurs plaintes, y faire
droit 9 si elles sont justes, et ne paroitre dans la prisofi
que pour y apporter des secours et des consolations. Il
seroit bon surtout que le procurenr du Roi, cet organe
vivant de Tordre social , dont la bouche leur a , pour I9
première fois peut-ét re, fait entendra la voix de la SQçiétf
outragée, ne négligeât point, après Texécution de 1;^
peine, de faire de fréquentes visites dans les prisons de
présidences mais qu'il n'y parut plus que pour répandre
(je^ bienfaits, pour distribuer des aumônes , pour
écouter les plaintes des prisonniers , poqr leur donner
de sdlutairesconseils, ou leur apprendre quelque heu-
^use nouvelle. Ainsi on pourroit lui réserver Taqr
pçace de Texpiration de la peine de chaque condamué*
. \t charger spécialement de la proclamer j ainsi que (es
liVUr^publiiç^tiipnft favorables, comme celU d'm^e Iqi
3i4 DÈS PRISONS.
d'amnistie, etc. Alors ses visites seroient aânonc<$es,
attendues comme un heureux événement. Les prison-
niers apprendroient a voir avec plaisir , à espérer,
comme un consolateur , cet homme , dont jadis ,
quand Ils s'égaroient dans tes voies du crime , le nom
seul les glaçoît de terreur. Ce contraste, entre les im-
pressions différentes que feroit sur eux la même per-
sonne aux deux époquejs , est une des leçons les plus
frappantes qu'ils puissent recevoir. Ils s'habitueroîent
à regarder comme protectrices ces mêmes autorités,
qui leur a voient d'abord paru si redoutables, et, en
voyant celui qui naguère réclamoit hautement leur
condamnation et les accabloit sous le poids des preuves
de leurs forfaits, exercer envers eux les œuvres de la
charité la plus ardente ef se montrer aussi zélé à sou-
lager leurs maux , qu'il l'a été à provoquer leur puni-
tion , ils sentiront que la société , inexorable pour ses
ennemis, est la protectrice de tons ceux, qui ne se met-
tent point en guerre contre elle.
C'est ainsi qu'on parviendra à faire sentir, d'une,
manière générale , aux prisonniers, que l'ordre social
est aussi avantageux que l'état de nature «t le crime
sont dangereux et pénibles. Mais pour achever l'on-
vrage de la correction morale, ilfaudroitles amener au
point d'aimer Tordre de choses établi dans le pays où
ils sont destinés à vivre. Il n'y a qu'un mayen d'y
parvenir, c'est de rendre cet ordre social aussi avan-
tageux que possible aux associés et de faire connoitre
ces avantages aux prisonniers. Autrement, il sera im-
possible de leur faire trouver bon un état de choses
dont ils n'auroîent jamais éprouvé que les rigueurs.
Cependant comme la société la moins parfaite a tou-
DU REGIME MORAL. Ji5
Jours, par elle-même, un avantage immense sur l'étal
de nati>re, il suffira que les détenus, par suite de
Tordre établi, ne souffrent pas des rigneurs inu-
tiles ou injustes, et qu'ilis y trouvent, soît pendant
leur captivité , soit après l'expiration de leur peîne^
quelques secours , pour qu'ils n'éprouvent point de
répugnance à entrer dans la société» à laquelle ils vont
être rendus. L'exécution littérale de peines bien pro-
portionnées, répi'essives sans cruauté et supportables
sans une douceur excessive; la perspective de ressour-
ces, préparées par une bienfaisante prévoyance, et la
connoissance des secours que la charité , soit publique,
soit particulière, fournit à la famille, qu'ils ont laissée
•dans l'indigence, leur feront bénir une constitution
sociale , qui adoucit leur misère présente ^ assure leur
soit à venir et doit continuer de les protéger, tant qu'ils
marcheront dans la rople de l'honneur.
On conçoit que, pour l'exécution de ce plan , il faut
que les préposés s'abstiennent de tout mauvais traite-
ment, à l'égard des prisonniers. Rien ne doit détruire
en eux ou écarter de leur esprit, l'idée, si importante
à y faire naître, que l'ordre social n'est institué que
pour le bien commun desassociés, et qu'il n'en résulte
de rigueurs , que contre ceux qui les ont méritées par
leiu' mauvaise conduite. L'arbitraire, la dureté irri-
tent , aigrissent ceux qui en sont victimes; si les pri-
sonniers sont vexés par leurs supérieurs, la haine,
qu'ils concevront contre eux , se reportera sur tout Tor-
dre social, et le succès de leur amendement sera pres-
que entièrement compromis. On ne peut donc enga-
ger trop fortement les préposés à mettre la plus grande
douceur et la justice la pins exacte dans leur conduite
/
3i6 DES FRISONS.
à lMg^i*<} de$ prifoqnîer;», CVst uae condUîfHi indis-
pensable au succès de Tentr^prisey ù difj&cile, de faire
comprendre et aimer Tordre social à des homnies, qai
ne }e connoissopent pa3 ou qui s'en ëtoient déclarés las
ennemis.
varaghaphe ii. Des moyens d'amener les priçp^niers 4
la vertu,
ynEMittRB DiyisioK. Dos iDoyens de leur inspirer WAée g^ërale
de Tertu.
« , Pour peu que Ton réfléchisse sur le caractère gér
'< néra) des hommes , a dit Filangieri, on verra quf
« si la conscience d'une bonne, réputati^ élève l'âfne»
« • Id soutient et la prépare chaque jour à 4e npuveaui^
•( actes de justice et de vertu ^ la Qonscieqce d'nn^
» nlauvaise réputation la flétrit , l0 dégrade et éteint
« jusqu'au dernier sentiment d'honnêteté* *»
Cette observation , aussi juste que profonde ,.est une
leçon importante^pour quicpnque s'occupe de corriger
les mauvaises inclinations des prisonnier^. Avant de
les mettre sur le chemin de la vertu , il f^ut les en-
courager à y marcher, par l'espérance ^'atteindre le
but qu'on leur propose , la considérs^tionf qui soil tour
jours une conduite irréprochable. Il faut rendre i|ce^
coeurs abattus le courage et l'énergie de la vjeitu%
pour qu'ils aient la force de soutenir les sacrificef
qu'elle commande. Qu'on les laisse croupir dans l'ia*
famie, ils auront bientôt perdu l'espoir de recon*
quérir une bonne réputation ^ l'attrait le plu& flatteur ,
qui puisse engager l'homine à se porter au bien^ Si»
au contraire , on leur présente dans un ayeQÎr ^ $^1-*
DU iVÊGlME MORAL. 9 1 y
ifùe él^gttë qu'il soit, la ^rspecfive d\ine existence
honorée, ônpeotespërer de les arracher à nn engotxr-»
disseittent immoral , dont souvent le désespoir est Tu-
nique esme , et l'opprobre la conséquence inévitable.
* D'ailleurs cette espérance, l'un deè plus puissans
ressorts capables d'agir sur le cœur de l'homme , lé
prépare en même témpé à recevoir les leçons dé là
vertu, en le réconciliant avec l'idée de l'honneur.
L'homme a reçu en nais^nt la faculté ,' lântAf heu-
reuse , tantôt funeste de s'habituer à toutes les idées ,
qui se préisefitent fréquemment à son esprit. Né potii^
ébéir il l'honneur , on le voit , trop Souvent , se fami- ,
KariM^ avec l'infamie elle-même, et se résigner à l'en-
courif voloiitairennenl , s'il a ei> le malheur de la re-
garder comme inévitable. La perspective d'un oppro-
bre étemel est faite pour lui Ater tout désir de faire lé
bien , en l'accoutumant à Fidée de la honte. Dans sa
ticfae résignation, il préfère un facile déshonneur à une
eonsidéraflon, qui lui codteroit quelques efforts et qui
n'a pins aucnn prix pour lui , parce qu'il s'est habhaé
a penser qti'il Pavoit perdue pour toujours,et qu'il avoit
cherché dans son âhie les honteux n^oyens de se con-
soler de cette perte déplorable.
Biais il ne peut conserver Féspoîr de reprendre sa
filace dans l'estime de ses semblable^, sans nourrir,
avec cette noble espérance , une foule de pensées gêné-*
retises et de désirs vertueux. L'idée, que la considéra-
ticm publique n'est pas à jamais perdue pour lui, et
que ta tache rnfprimée à son front , n'est pas indélé-
bile, hif inspirera une ardeur salutaire pour s'avancer
iAins le chemin de Fhonneur , et pour fuir tout ce qui
pottfroit Veh écarter.
3j8 des prisons.
C'est donc à persuader aux prisonniers qu'ils. n'ont
pas perdu tous leurs droits à l'estime^ que Ton devra
surtout s'appliquer, puisqu'on trouvera d^s cette idée
salutaire, un puissant encouragement 9 et une source
féconde de sentimens nobles , et d'jinspirations ver-
tueuses. Si la déportation dans les colonies , .quelque-
fois infructueuse , parce qu'elle est infligée s^ns discer-
nement , présente de nombreux exemples ^e crimi-
nels devenus d'honnêtes et bonscitojens, dans le lieu
de leur exil , tandis que la perspective ignominieuse t.
qu'ils auroient vu s'ouvrir devant eqx d^ns jie^ prisoûs^
les eût probablement enfoncés de plus en plus dans
le crime, c'est que cette peine est uiie application; di-
recte du principe qi^ nous venons de poser. Cher-
chons les moyens d'appliquer aux prisofmiçrs une
théorie, déjà justifiée par le succès dans la pratique.
La première chose à faire pour y paryenif , c'est de
relever les détenus à leurs propres yeux; de leur ôter
la pensée décourageante qu'ils sont voués pour toujours
a l'iofamie , et que la route de Thonneur leur est irré-^
vbcablement fermée. De telles idées sont faites pour dé-,
grader entièrement l'âme de ceux (}ui s'y accoutume-
roient ; il faut les combattre par tous les moyens possi-
bles. Mais pour le faire avec succès , ce n'est point asse^
de les attaquer de front , et de chercher à les détruire
par une réfutation directe ; il faut à ces leçons joindre
des faits« qui parlent plus haut que desraisonnnemens,
et recourir à la méthode, que nous avons déjà indiqviée,
de ne pas dire aux prisonniers ce qu'ils doivent penser,
mais de les amener à le penser d'eux-mêmes. Ainsi,
on ne se contentera pas de leur dire, qu'on ne les re-
garde pas avec mépris , et qu'ils ne doivent pas con-
DU REGIME MORAL. 3c^
t^oîr d'eax-thémes une îdëe trop désavantageuse,
mais on se conduira à leur égard , comme ne les mé-
prisant point , comme/ n'ayant pas désespéré de les
voir se corriger, et par là on les amènera à penser
qu'ils ne sont pas condamnés à un opprobre sans ter-
me , qu'ils peuvent encore rentrer dans la bonne voîe\
y marcher d'un pas ferme, et reconquérir-, à la fin
d une vie, dont les commencemens ont été souillés, la
considération , due à un repentir sincère, «t à une
bonne conduite soutenue^
Mais comment arriver à ces résultats? Comment
faire paroitre aux yeux des prisonniers, ces sentimens
favorables, qui peuvent avoir tant d'influence sur leur '
avenir? Par les moyens les plus simples et les plus fa-^
ciles. Il suffit d'éviter, avec eux , tout ce qui pourroit
les dégrader à leurs propres yeux. Qu'on ne leur inflige
jamais de ces chàtimens,réputés honteux, qui flétrissent
l'âme, en la froissant sous le poids d'une ignominie trop
avilissante , et qui habituent ceux qui les reçoivent à se
mépriser e^x-mémes ; qu'on évite le ton du mépris en
leur parlant , ou en parlant d'eux en leur présence ;
qu'on se gavde bien , surtout, de paroitre les regarder
comme incorrigibles, maîà qu'on exprime , au con-
traire, l'espérance de les voir devenir meilleurs, et l'on
aura déjà obtenu l'avantage de leur apprendre qu'ils
ne sont pas voués pour toujours à l'opprobre , et de los
garantir du mépris de soi-même , le plus bas et le plus
funeste des sentimens.
A ces moyens d'anoblir les prisonniers à leurs
propres yeux , on peut en joindre de plus positifs ; leur
témoigner directement et sans détour une certaine
confiance, qui soit d'avance l'heiizeux augure de celle
326 DES PRISONS.
qii^ils pedvéfit ^ par leur bonne conduite , reconquérir
dans la société. Par exempté , on peut leur confie^
certains détails de Tadministration intérieurct qui ,
en flattant leur amour -propre, leur inspireroient eo
jïiéme temps quelques idées d'ordre et d'économie.
Mais il faut avoir soin queces fonctions ne leur donnent
àUcdne autorité su^ leurs compagnons. Ainsi , entré
autres estemples , on pourroit charger celui qui en se^
roit jugé digne, de distribuer la soupe ott le pain aux
prisonniers. Le besoin immédiat que chacun d'eux ai
de sa portion , et la surveillance collective qu'ils exer-
^ëroient tous sur le distributeur , préviendroietit toute
malversation de sa part , et permettroient de le faire
îdttir , sanâ inconvéniens, d'une innocente supériorité,
qui pourroit devenir pou# tous dn objet d'émulation.
On sent bien que de pareils services ne seroient pres-
que d'aucune utilité pour l'administration ; qu'en gé-»
lierai les préposés n'en tireroient aucun allégement
réel , et qu'ils aimeroient presque autant se charger
éux-mémes de la distribution : mais si l'on peut trou-
ver, dans celte mesure, ou dans toute autre aussi sim-
ple , un moyen sûr et facile de cohcourir i Tarnende^
ment des détenus, pourquoi ne l'employeroit-oti pas?
Pourquoi même ne chercheroit-on pas à Créer des es-^
pèces de fonctions de ce genre, quand elles n'àuroient.
d'autre but que l'amendement moral de ceux à qui on
les donnerôîl? C'est dans cette vue que nous propo-
sons ces moyens, coumie très-propres à disposer les
esprits aut idées d^hoiineur et de vertu, avec lesquelles
on doit s'efforcer de les familiariser.
Ces divers moyens , employés avec habileté, réveil-
leroient dans le cœnr des détenus le sentiment dé l'a-
DU îiEGÎfttÉ MORAL. âai
rtioi^-pTOpre, facttlté si importante' à ranimer (fans
«res Âmes dhdttiies , auxquelles il faut nn puissant mu*
bile. En habituant les prisonniers à désirer ^ à recher-
cher une supériorité sans pou voir et purement honori*
fiqne, on aura Tait un grand pas, puisqu'on le^ aura
rendus sensibles au sentinierit de 1 honnear. Ce sera
heaucoup que de les avoir tirés de cette apathie, qui se
résigne à la triste égalité de Tignominie, et de leur avoir
fait désirer d^ se distinguer autrement que par rirn-*-
pudeur du crime. Mais il faut cultiver avec sein ces
germes précieux, quand on sera parvenu à les déposer
dans leur cœur. Si le sentiment de Ihonneur coin*
fnence à y renaître , il faut biefn se garder de létoafFet
sons le poid» de la honte , mais, au contraire ^ Teutre-^
tenir par tous les n^oyens {possibles.
Des punitions» des récompenses, basées 5nar le prin-
cipe de la honte on de l'honneur , peuvent atteindre
ce but a Fégard des prisonniers, dont le cœur com-*
ïiience à ressentir des mouvemens généreux. H fant
craindre de refroidir nn élan , toujours Foible dans It
commencement^ en les pliant de nouveau sous la
verge de fer, qui doit être réservée , pour ceux qui ne
se montrent sensibles qn'aux châtimens afâiclifs. On
pent donc , jusqu'à un certain point , se contenter
avec eux de punitions purement humiliantes, comme
l'exclusion d'un lieu déterminé , l'obligaiion de porter
«n signe caractéristique de leur faute, etc. etc. De
tnémeon peut, à leur égard, employer les récom*
penses honorifiques, comme une place distingtiëe
dans les exercices généraux, ou une foible portion d ad*
Riinistration ; mais, comme nous en avons déjà fait
ailleurs Tobservalion , il n^ faut les distribuer qti avei;
21
322 DES PRISONS,
la plus grande circonspection , pour ne pasles avîUr>
en les donnant à des prisonniers qui n'en feroient pas
de cas. On fera bien, d'aillcnrs, de s'arranger pour
que les récompenses honorifiques coïncident avec
quelque autre récompense , matériellement avanta-
getise 9 sans quoi ces dernières serotent toujours préfé-
rées , et le Ressort seroit rompu; mais, en faisant de
la récompense d'honneur, un accessoire des autres ré-
compenses, on conservera la force du ressort , et on lui
en donnera même une nouvelle.
Enfin , dans cet ordre de récompenses morales, qui
reposent sur le sentiment de l'honneur, il en est une
que l'on nfe doit pas négliger, ià cause de rinflnence
importante qu'elle peut avoir sur l'amendement des
condamnés : c'est la considération , dont on doit faire
jouir ceux que leur bonne conduite en rend dignes.
Une récompense de ce genre ne se proclame points
elle n'est point accordée par un jury , elle n'a pas de
commencement précis, de terme fixe , en un mot, ce
n'est pas une véritable récompense, dans le sens res-
treint que nous attachons à ce mot : mais c'est un avan-
tage du aux actions louables , dont on jouit tant qu'on
en est digne , et qui paye libéralement des soins qu'on
a pris pour l'obtenir. Il est donc à désirer que ceux qui
peuvent le dispenser , ne se soustrayent pas à ce devoir
si doux et si facile. Il faut si peu de chose , pour témoi-
gner de la considération à celui qu'on en croit digne!
Un mot , un geste , un regard , le son de la voix , mille
choses presque imperceptibles, suffisent pour expri-
mer ce sentiment de bienveillance, qui est tout à la
fois un plaisir pour celui qui l'accorde, et un honneur
pour celui qtii en est l'objet. Manié avec prudence,
DU REGIME MORAL. 3 28
ce ressort peut agir puissamment sur le cœur des dé-
tenus. C'est aux fonctionnaires chargés de cette im-
portante administration, et surtout aux inspecteurs ^
à raumônier , aux dames de ehariïé, à l'employer,
suivant les circonstances. Leur opinion est d'un trop
grand poids dans la prison, pour qu'on ne désire pas
toujours avec ardeur se la rendre favorable , et un tel
désir ne peut qu'avoir les meilleurs effets sur ceux qui
l'éprouvent.
Tels sont les moyens préparatoires, à l'aide desquels
on pourra disposer le cœur des détenus à recevoir de
salutaires impressions. Ces moyens peuvent paroître
foibles, parce que l'effet en sera lent et que leurs ré-
sultats, sur l'amendement des détenus, ne se feront
senlir qu'à la longue, mais il faut penser que c'est sur
le cœur qu'on agit, que la correction ne peut pas être
subite , et qu'il faut un travail long et presque ina-
perçu, pour ramener insensiblement à des idées saines
et à des sentimens honorables, des hommes profondé-
ment dépravés. Ce n'est qu'avec beaucoup de patience
et de soins, "qu'on atteindra ce hut; les moyens que
nous avons indiqués, nous paroissent propres à disposer
convenablement l'esprit des prisonniers aux idées,
que leur éducation a pour objet d'y développer. Il
nous reste a ei^aminer comment on pourra parvenir
à ce résultat.
DBUXIÈM£ DIVISION. t>es lïioyens d* inspirer la probité aux
prisonniers.
La vertu qu'on doit lé phis s'efforcer d'inspirer aux
détenus , c'est sans contredit la probité. L'importance
324 DES PKISONS.
qa^eile a sur la vie entière , et la relation qui existe
entre elle et les autres veitus , qui ne soM jaftiais que
le principe de la jusiice, appliqué à l'acèom plissement
des devoirs de Thonime ou du citoyen , doit la faire re-
larder comme la vertu fondamentale et la source de
toutes les perfections rfiorales. L^hommê probe ,
c'est-à-dîre, l'homme attaché à ses devoirs, ne tes-
pette pas moins t'autoritë de ses supérieurs que la pro-
priété de ses semblables. Aussi soumis aux lois civiles
qn*à celles du droit naturel , il ne se croit pas plus
permis d'éluder telle obligation que telle autre, et le
même principe de justice , qui lui défend de violet la
propriété d'autrui , lui défend avec autant de force
.tout autre attentat aux droits que la société garantit.
La probité , prise dans son acception propre et dans
le sens restreint qu^oii attache ordinairement à ce ttiot,
se compose de deux idées , celle de propriété et celle
de justice. C'est à faire Comprendre Tune et l'autre aux
prisonniers que soiït destinées en partie Tinstruction
proprement dite , dont nous avons parlé dans la sec-
tion précédcnte,et Téducation, dont nous nous occupons
en ce moment.
Etre propriétaire, c'est jouir exclusivement d'une
chose ou dû moins en avoir le droit; mais» quant à pré-
sent, il s'agit surtout du fait. L'idéede jouissance ou de
possession exclusive est donc comprise dans celle de
propriété. On conçoit que, pour y amener des bri-
gands, dont je principe favori et Tunique règle
d'action étoient la communauté des biens, il y a nn
grand espace à parcourir. On parviendra cependant à
le leur faire traverser rapidement, en leur donnant pour
guide rintérét personnel. Ainsi je ne perdrois pas un
DU REGIME MORAL. SaS
temps prëcieax à leui^ expliquer la théorie de la pro?
prtéie; mais, paur leur faire sentir la force de cette
idée et cpmioitr^ Ic^ accessoires que chacun de nous
y attache > je voudroi^ qu'on leur fit acquérir ces no-r
tioii$ par TexpérieBce et que » de tous les détenus , les
uns fussent propriétaires et Us autres eussent le désir
et la faculté de le devenir.
Il ne s'agit point ici d^la possession des bardés ou des
efTetsikurusage habituel et journalier. Quelque exclu-?
sive que ^it cette jouissance, conuxie touslçs prison-:
niers Font également et n'en so^t jamais privés , elle
est pour eu2^ inapperçue, et d'ailleurs unç cbo^ acquise
ainsi sans travail n'est point assez çbère à son posses^
senr, pour l'objet qqe nous no^s proposons. Mais je
voudrois que les prisonniers pussent se procurer , par
teur travail ou leur bonite çonduitç , certaines choses ,
qui leur fussent précieusiçs» autant par leur valeur in-^
trinsèque que par leur origine. Tels sont le gain qu'ils
peuvent faire> les primes et les récompenses qu'ils peu-
vent obtenir, les jardins que l'on donnera à cultiver
aux plus recoiBmandables. Tous ces objets peuvent
être le but de leur anibition et l'on peut croire que
ceux qui les auront obtenus sentiront tput le prix
d'une propriété acquise à la sneur de leur front. C'est
Je travail qui doanfi du {>rix à la pi'opriété , c'est Iç
travail qui rend jaloux de la jouîssan(;e exclusive de
Tobjet ^u'ila produit; et c'est cette instructive jalousie
qu'il faut faire naître dans leçq^ur des détenu^. Elle leur
apprendra combien il^st doux de recueillirle fruit de ses
fatigues, eombien il est crfïal de se les voir enlever;
elle les meltm da«s La position de ceui^ , que jadis ils
dépouiUoienI de leurs pr^prîét^; elle leur fera sentir
526 DES PRISONS.
enfin ces inquiétudes, ces alarmes do propriétaire, me-
Tiacé de perdre ison bien. L'homme , qui aura éprouvé
ces diverses émotions ^ n'aura-t il pas une idée assez
nette de la propriété? n'en aura- 1- il pas un senti-
ment bien plus vif que si Tons'étoit borné à lui expli-
quer les systèmes de Puffendorf et d Heineccius?
Cependant 4 en faisant connoître aux détenus toute
la douceur de la propriété , il faut éviterun écueil . qu'il
iseroit à craindre de toucher, avec des hommes aussi peu
en garde contre leurs premières impressions. En leur
apprenant combien la pnjpriété est agréable et avanta-
geuse, on ne peut éviter de fenr donner en mêtne- temps
\e désir de Tagr^ndir, et ce désir, dans une âme acces-
sible aux tentations de la cupidité , pourroit les en*
traîner à de nouvelles fautes. Aussi,' pour achever d'en
faire des hommes probes, il faut leur inspirer Tidée de
îa justice et leurfaire sentir que , pour qu'on respecte
leui propriété, il faut qu'ils respectent celle des
autres*
La possession successive des jardins, que chaque
prisonnier, ]ugé digne de cette récompense, pourra
cultiver pendant un temps limité , sera très-propre à
leur apprendre ce principe de garantie réciproque, qin
défend de Jàire à autrui ce qu'on ne voudroit pas
sioufTrir. Relativement à la possession des jardins , les
prisonniers seront toujours, naturellement, divisés en
deux classes, tes uns qui en jouissent, les autres qui
n^en jouissent pas , mais peuvent espérer de l'obtenir.
Ces derniers, ne se regardant jamais comme exclus
pour toujours de l'avantage de cultiver les jardins et
d'en tirer des productions agréables, respecteront les
fruits, que d'autres auront fait naître , pour qu'à leur
DU REGIME IVÏORAL. i^f
tour, qoand il sauront eux-mêuies un jardin, ils soient
surs de jouir paisiblement du produit de leurs travaux.
Cette alternative de possession et d'espérance, dans la-
quelle ils seront continuellement placés, les h^ibttuera
à respecter des propriétés, qui peuvent leur appartenir,
tandis que , dans la société^ c'étoit la perspective d^me
pauvfeté perpétuelle , qui leur faisoit regarder comme
une proie toutes les possessions des riches, qu'ils ne
pottvoient espérer d'acquérir, dans Tétat ordinaire de9
choses.
C'est ainsi qu'avec l'aide de la religion, sans laquelle
fous ces efforts seroient inutiles., on peut espérer de
rappeler la probité même, dans des cœurs, d'où elle
sembloit exilée à jamais. Il n'est pas moins important
de plier, par la persuasion, les prisonniers à une entière
soumission et à une régularité de. mœurs, que la sévé*
rite de la discipline ne garantiroit jamais d'une . ma-
nière assurée, et sanslesquelles l'ordre général seroit tou-
jours compromis»
rmoisjBME ]>ivis;o>r. Des moyens. d*iivipiver aux pcisonnierg:
la soiunissiou.
Ek général, l'homme n'obéit point par un mouve-
ment spontané; il est né avec un esprit d'indépen-
dance,, qui ne se so4imet qu'à la nécessité et, $ans. la
crainte du mal,' qu'un plus puissant pourroit lui faire,
ou le désir violent d'un bien , qu'il, ne peut acquérir
qu'en se soumettant , peut être n'obéi roit*il jamais.
La conséquence decette dispositionà l'indépendence est
que l'homme , qui s'est soumis à. la nécessité et qui re^-
connott qq'il ne peut éviter d'obéir , Sjecévplte oéa9-<
32S DES PBISONS,
moins eontre les ordres, qtii lui paroisseni: injiiêleaoïy
arbitraires : tant saut (gravés profoudëment daiis soo
eoeur le désir, le besoin de rindépendanqe et Tiiides-^
tructible sentiment de la justice. Lésé par ui^ décision
i^ liste, il oublie le joug inflexible sous lequel il est
courbé, pour ne plus sentir que lillégitimité d'une
puissance, à laquelle il ne se croit plus soumis, dès
qu'elle abuse de sa force. S il obéit en^çore,^ c'est quH
cède à une contrainte perpétuelle, qui ne peut cesser
d'agir, sans qu'il cesse en même temps d'exécuter les
ordres qu'on lui impose. Il faut donc 4]n ressort tou-
jours tendu pour le retenir dans l'obéissance; il ne
peut plus obéir ne lui*méme.
Cet état est, en général, celui des prisonniers; ils
ne peuvent méconnoitre la nécessité de fer, qui les re-
tient dans le lieu de leur captivité, l'anitorité desfoDC-
tionnaires préposés à l'aduiinistration des prisoiiSf
les moyens coërçitifs qu'ils peu%'ent employer cou^
tre eux et Timpossibilité où ils sont de s'y soustrati-
re. Ils sont donc déjà dans la position de cet homme,
qu'une" contrainte sans interruption fod*ce d-exëeuter
les volontés d'un maître absolu ; et l'on a , dé
leur part, une soimiission purenitnt contrainte, qui
Classera , dès que la force , qui les assujétit , aura cessé
d'exercer son ejiipire. Cette espèce de su)é(.ion ne doit
pas nous suffire , et s'il est vrai de dire qu'il y auroit
de l'imprudence à abandonner le pins petit moyeu
de tenir les prisonniers dans une entière dépendance*
ii neseroit pas moins impnylent de se contentera
îa contrainte, pour contenir ces hommes, gënéraU-
ment disposés h la haine de Tautorité, et de ne f»&
chercher des moyens moins sévèi^s » pour leur ifispirer
DU REGIME MOR\L. 3^^
x^ne fioumissioTi spontanée, plus douce pour eux tt
inoîns diffîcileà entretenir. Ces m<jyens consistent à
leur iospirer la docilité et la résignation, quilesainè*
seront au point d obéir sans répugnance.
. La docilité est cette disposition de l'âme, qui se pr^te
sans effort à exécutée" la volonté d un antre. Aussi
douce pour celui qui obéit qu'ava'utageuse n celui cpii
commande, ladocilité semble 'soumettre deux corps à
la même intelligence. Elle est fondée sur la possibilité
d'exécut4îr les ordres donnés et sur le libre consente-
meut de celui qui doit obéir. Sans cette seconde con-i-
dition , il peut y avoir obéissance, il n'y a point doci*
lité. La docilité est la soumission de Vàaxa ; robéissancê
n'est qu'une sou )tiâsion physique.
Ainsi, pour qu'on puisse compter sur la docilité de
ceux à qui on commande et notamment- des pri^'on^
uiers , il faut d'abord ne leur donner que des ordres^
qu'ils [Hiisseot exécuter. Commander des choses ini»
possibl^^, c'est compromettre son autorité, puisque les
prisonniers n'y obéissent point et qu'on ne (leut les
en punir. C est les habituer à faire peu de cas des or^
ères qu'on leur donne et à examiner, avant d'obéir. Le '
chef, qui aura, plusieurs fois, donné des ordres impos^
6Îbiesà enécuter, aura perdu la plus grande partie d^
^n ascendant , parce q^ie les prisonniers seront habî-^
tués à ne pas regarder ses conimauJemens comme de$
iol& irrévocables. '
Cependant ce n'est point assez que les ordres soient
loiifoursexécutables; il faut faire en sorte que les prison*-
niei» consQUtent d eux-rnc^mesà les remplir et qu oa
gkt soit point obligé d»^ les y contraindre : car alors, il$
4i'Qbé}iH)iei^t pluô par docilité , luais par néce^silé » in^
33o DES PRISONS.
convénient qiilil faut surtout chercher à éviter. Or ils
se rapprocheront d'autant plus de cet assentiment dé-
sirable, qu'ils verront moins de possibilité de résister et
que les ordres leur seront moins désagréables. Il faut
donc , pour les amener à la docilité , les convaincre
de la nécessité de Tobéissance, Leur faire voir qu'il
leur est impossible d'éluder l'exécution d'un ordre
quelconque, ou de s'y soustraire, sans encourir une
punition de discipline. Pour cela, il faut tenir stricte-
ment la maiii à l'exécution des ordres qu'on leur donne-
ra. Cette fermeté les accoutumera à une obéissance
prompte et sans murmure et à courber la tête sous
des ordres irrévocables. S'ils entrevoyoient quelques
moyens de les éluder , ils seraient moins disposés à
s'y soumettre et ils chercheroient presque tou}oiirs à
les faire changer. Mais l'idée d'une autorité irrésistible,
ne leur laisse d'autre alternative que d'obéir avec ré-
pugnance ou de se plier sans révolte à la nécessité.
Ils prendront toujours ce dernier parti, pourvu que
les ordres qu'on leur donnera n'aient rien de cet arbi-.
traire, qui révolte les hommes jusques soust les chaînes
les plus pesantes et qui va ranimer au fond de leur cœur
des germes d'indépendance, que la force y avoit com-.
primés. C'est de la justice de celui qui commande que
dépend la docilité ou l'insubordination des prison-
niers. Vainement sou autorité seroit irrésistible : si ses
ordres sont arbitraires et injustes, on ne peut jamais
espérer d'obtenir des détenus une soumission volon-
taire et de les amener à la docilité. Forcés d'obéir à
des ordres qu'ils détestent , ils courbent la tête en si-
lence , mais c'est le silence de la rage concentrée ; les
travaux qu'on lepr impose , la discipline, sous laquelle
DU REGIME MORAL. 33 1
an les retient , les préposés qui transmettent les or-
dres , la société au nom de laquelle ils sont tyrannisés,
tout leur devient odieux ; en déviant du chemin de la
justice^ on a compromis tout Tespoir de leur amende-
ment. .
. Pour que les ordtes soient justes , il faut qu'ils soient
entièrement purgés d'arbitraire et pour qu'ils parois-
sent tels, ce qui est encore très-important, ils doivent
toujours être fondés sur une raison apparente et palpa-
ble. Tel homme ne se pr^teroit qu'avec la répu-
gnance la plus forte à un ordre, qu'il croiroit émané du
caprice de son supérieur, qui l'exécutera avec la plus
grande docilité, s'il croit obéir à nne loi générale.
Cette observation , dont on peut tous les jours recon-
iioître l'exactitude, est d'une application immédiate
Bux prisonniers. Peu disposés à regarder comme justes
et dictes par l'impartialité les ordres particuliers ou
les décisions , qui ne concernent qu'un individu, ils
il 'élèveront presque jamais de réclamations contre
l'exécution d'un règlement- général , qui ne seroit
point injuste en lui -même.
Il faut donc, autant que possible, ramener tout à
l'exécution de règlemens généraux , connus de tous les
prisonniers, et dont les décisions particulières ne
soient que l'application. Pour cela , il faut que tes pri-
sons soient administrées d'après des règles fixes et im*
muiibles, auxquelles on ne déroge point sans une néces-
sité absolue, et dont les administrateurs aient soin de
ne pas s'écarter, dans leurs fonctions. Mais, comme il
est bon que ces règles soient bien connues , soit des
administrateurs qui les appliqueront , soit des prison-
niers qui y seront assujétis, on dressera , pour les pri-
33ï DES PRISONS.
sons» an règlement général 9 qui sera affiché et qa^on
lira à haute voix le premier dimanche de chaque niois^
Ce règlement, qui sera rédigé par la commission des
inspecteurs et ratifié par le conseil des prisons, devra'
être conçu en termes assez généraux , pour s'étendre k
tous les devoirs des prisonniers et ne pas donner lieu à
des discussions sur sou application. C'est moins un
Code pour la prison, qu'une déclaration -des principes»
qui feront la base de l'administration.
Par c^ moyen , les administrateurs éviteront l'in-
convénient de parottre donner des ordres arbitraires.
Ils ne parleront jamais qu'au nom du règlement , soit
qu'ils donnent des ordres généraux, soit qu'ils portent
des décisions particulières. Dès lors , plus de soupçons
de haine ou de faveur; leurs ordres ne seront qqe l'exé *
cutiou d'un règlement , égal pour tous et sans accep->
tion de personnes.
Quant .aux décisions pai'ticulières qu'ils rendront,
comme il est surtout nécessaire que les prisonniers lé$
croient justes , ils devront suivre un exemple respec-
table , celui des tribunaux, qui ne prononcent pas sur
le moindre dilEérent, sans énoncer les motifs de leur
opinion et sans démontrer aux citoyens la justice de
leurs jugemens. Les administrateurs des prisons feront
bien de ne pas prononcer leurs ordres avec ce laconis-
Ttkf orgueilleux , quç l'autorité absolue se plaît tant a
affecter ; «nais ils devront motiver leurs décisions et
faire voir qu'elles sont fondées , non sur le caprice ou
la faveur^ mais sur la justice et les règlemens* Les pri-
fonniers qu'elles concerneroient se soumettront bien
plus v<olontiers à des ordres , dont la justice sera pour
fux ëvideote , qu'à des arrêts mystérieux , qu'ils
DU REGIME MORAL. 333
ponrroîent soupçonner d'injustice ou de partialité.
Tels sont les moyens par lesquels on peut amener
les prisonniers à la docilité , c'est-à-dire à l'obéissance
volontaire ; on a vu combien il est important de leur
inspirer un sentiment, qui a tant d'influence sur leur
correction; cependant les avantages qu'on en tirera
sont plutôt dans l'intérêt de l'administration que dans
celui des prisonniers. Ils faciliteront les travaux et la
surveillance des préposés , plutôt qu'ils n'adouciront le
sort dies prisonniers. Ces malheureux peuvent être
dociles, mais dévorés de chagrins, obéir sans la moin-
dre résistance et arroser de leurs larmes le métier
qu'ils font mouvoir. Cette tristesse les méneroitpromp-
tement à une apathique langueur, qui rendroit in-
fructueux totis les soins pris pour les arracher à leurs
travers. Un homme , découragé par une douleur per-
manente, ne peut faire un bon ouvrier, et l'abattement,
produit par des chagrins longs et monotones est unedis-
position peu favorable pour surmonter de mauvaises
inclinations et vaincre des penchans invétérés.' Il faut
donc inspirer aux prisonnier^ une résignation vigou-
reuse,qui leur fasse supporter patiemment leur mal-
heureux sort et qui leur rende le courage nécessaire
pour employer utilement ce temps d'expiation.
La résignation à quelque chose de généreux , qui
est déjà un commencement de vertu. L'effort de cou-
rage d'im cœui*, qui sait se conformer à l'infortune,
prouve qu'il a su conserver son énergie ou la retrouver
dans le sentiment de la résignation , et qu'il est capable
de supporter avec honneur sa destinée. Souffrant avec
patience une peine inévitable et soutenu par l'attente
d'un avenir plus heureux, l'homme résigné, tâche
334 DES PRISONS.
de tirer parti de sa position et de mettre à profit un
temps destiné à expier ses fautes. Tetle est en effet la
résignation , Tune des dispositions les plus favorables
où puisse se trouver un détenu. Ainsi qu'on le voit ,
elle se compose de patience et d'espérance ; c'est à
développer ces deux sentimens que l'on devra par con-
séquent s'appliquer.
Pour inspirer aux détenus la patience dans leurs^
maux, il faut rendre leur position aussi douce qu'elle
peut l'être , et leur faire trouver dans leur captivité
tous les avantages compatibles avec la sûreté de la pri-
son et avec l'état de punition, auquel sont assujétis, par
la loi , les condamnés. Nous avons déjà fait voir, dans
plusieurs autres chapitres, comment on peut , en géné-
ral, rendre supportable la condition des prisonniers,
soit par les soins que l'on prendra d'eux , en santé ou
en maladie , soit par les permissions qu'on leur accor-
dera , soit par la justice et la douceur avec lesquelles
on les traitera, II suffira de remarquer ici, qu'on ne
doit jamais se permettre d'ajouter à la rigueur de la
loi. Indépendamment des principes de justice et d'hu-
manité,qui défendent depesersurdes chaînes d un mal-
heureux, la prudence recommande elle-ntéme de ne
point commettre ce cruel abus d'autorité. Si l'on
veut amener les prisonniers a la résignation , il faut
faire en sorte qu'ils connoîssent sur-le-champ toute
l'intensité de leur peine , et qu'ils ne la sentent jamais
s'aggraver par la suite. On s'habitue à tout, nous l'a-
vons déjà remarqué , à la douleur , comme à la joie,
et l'uniformité des souffrances en émousse toujours
l'aiguillon. Mais si de nouveaux tourniens , sans ce-
pendant être plus douloureux, viennent diversifier
Ï)Û REGIME MORAL, 335
%a peine, que supporte le détenu et renouveler, chaque
jour, le sentiment de son infortune , il ne peut plus
s^accouturaer à son sort : l'incertitude où il est tou*
jours, sur la destinée qui l'attend , ne permet pas à son
espVit d'envisager avec calme sa position , d'apprécier
les tristes, mais réels avantages, qu'elle peut lui offrir,
d'y conformer ses idées , ses habitudes, en un mot de
s'y résigner. L'uniformité , qui doit régner dans toute
la durée de la peine , pour que les condamnés la sup-
4>ortent plus patiemment , est donc un motif de plus ,
^ur ne rien changer à l'exécution littérale des arrêts.
Quant aux adoucissemens , dont la peine légale est
susceptible , sans eu être altérée , il ne faut pas négliger
de les procurer aux prisonniers. On ne devra donc ja^
•mais leur refuser, sans des motifs graves, les permis-
sions, qui ne peuvent pas avoir de conséquences fâ-
cheuses, pour Tordre public. La providence , en créant
le cœur de l'homme , Ta rendu capable de jouissances,
même dans les situations les plus malheureuses. On
peut connoitre la joie, jusqnes dans les prisons: quand
on est au comble du malheur, on se trouve heureux
de peu de chose , et quelques rayons de bonheur peu-
vent embellir les jours les plus nébuleux. N'envions
pas aux prisonniers ces instans trop courts , où ils ou-*
blient leurs chaînes, où ils goûtent encore de fugi-
tives, mais précieuses jouissances. C'est peut-être à
ces momens, trop rares sans doute , et trop tôt passés,
qu'ils doivent la patience, qui les soutient dans leurs
peines. Peut-être succoniberoient-ils sous le poids de
leurs maux, si le souvenir de ces éclairs de plaisir,
et l'espérance de les voir renaître ne versoient dans
leur âme un baume consolateur. Il est faux que ces
S?6 DES PRISONS.
Intervalles dehoiiheur^ ne servefit qvî'h rendre t^ttiê
cîonK)ureuse Texistence des malheureux , en leur faî*
saut senlîr plus vivement le contraste; ils y trouvent^
au contraire, un soulagement précieux, de nouveiies
forces pour supporter leurs maux ^ et des con^atiôns^
qui bercent VIoucement leur âme , et Tempéchent de
succomber sous uae trop longue continuité de souf-^
francos.
A cette tolérance , commandée par la fnsf îce et Yhit-
nianîté , les chefs des prisons ponrront joindre d'au-
tres moyeus , non moins efficaces, d'alléger le sort des
prisonniers.. La plus grande douceur dan^ Fadminis^
Iratîon , Tattenlion à ne pas prononcer arec dureté
des ordres sévères, mais indispensables , des témoi-
gnages d*iniérêl donnés à propos, des consolations
offertes à Tinfortune, tels sont en paitie les moyens,
que présentent leurs fonctions, pour adoucir le sort
des prisonniers, sans énerver la peine qu'ils doivent
subir. Les préposés ne doivent jamai^: oublier qu'on
de leurs principaux devoirs est d'entretenir la santé
des ilétenus, et de leur procurer tout le bien-être
physique, qui s-accorde avec leur état de peine. Les
prisonniers, en voyant leurs gardiens s'occuper de
leurs besoins, et les satisfaire soigneusement, snp*
porteront plus volontiers une autorité, dont ils senti-
ront la nécessité , et feront, par cela même , plus dis^
posés à la patience dans. leurs maux.
On conçoit que, pour le but que nous nous propo-
sons, il est indispensable que les préposés s'abstîen>
nent , à l'égard des détenus, de tout traitement inhu-
main, et même de toute parole dure. Rien n^est plus
propre à les aigrir cuutre Tautorité , et à tes empêcher
DU REGIME MORAL. 55;
de supporter leur destinée avec patience et résignation;
On ne les y amènera jamais ,si Pon n'a toujours pour
règle, à leur égard , ce principe, qui fait la base de l'adr
ministration des prisons, chez une nation nouvelle,
dont les hommes d'Etat les plus distingués de l'Europe
se sont fait un devoir d'étedier les* institutions : « Si •
<' les. gardiens (^oÎK^ent mettre dans leur administra-
« lion fermeté et sévérité, cette sévérité n'exckitja-
•c mais que Ja familiarité , la foiblesse et l'inconstance , -
« dans les mesures adoptées, mais jamais la bonté. »
C'est en se confondant à toutes ces règles , que les
gardiens parviendront à rendre supportable le mal-
heur le plus affreux qu'on connoisse sur la terre, et
qu'ils inspireront aux détenus une patience salutaire
dans leurs maux.
Mais le meilleur moyen d'amener les prisonniers à
la résignation , c'est de leur rendre quelque espérance ,
et de leur faire entrevoir le terme^ prochain ou éloi-
gne, de leur captivité. Les uno en approchent^ parce
que le temps de leur peine s'est éi^oulé ; ceux-là n'ont
pas 'besoin d'être excités à- l'espérance; ils jouissent de
tous les plaisirs qu'elle procure , sans qu'on soit obligé
dé les leur indiquer , et^ pour eux , il suÎËiit de les aban-
donner au sentiment qu'ils éprouvent.
Mais il en est, et c'est le plus grand noinbrt , dont
la captivité doit encore être longue, et qui , condamnas
à one peine de beaucoup d'années, n'ont encore par- •
couru qu'un foible intervalle de ce tehips de douleur.
Les consolations leur sont bien nécessaires.; la liber-
té , qu'ils attendent ,, leur apparoît dans' un avenir si
éloigné, qu'ils désespéreroiept presque de l'atteindre 9 ^
si l'espérance ne survivoit pas toujours , dans le cœur
22 •
558 DÉS PRISONS.
de rhoRime, à tous les antres sentimens. Mais eellé
qui leur est permise jette sur leur existence une Ineui"
si foible et si incertaine , que ^ si elle peut prévenir le
désespoir, elle ne peut cependant les. empêcher de
tomber souvent dans un découragement funeste.
« Quant à ceux qui ont été condamnés à une^ peine
pefpéti^lle^ ils sont presque entièrement privés de
celte consolante espérance, qui soudent les autres, pen*«
dant une captivité, qui doit avoir un. ter me. L'idée
qu'ils ne sortiront jamais de la prison les poursuit
sans cesse et les accable , à chaque instant , du poids
de leur peine. toute entière. S'ils conservent quelque
espoir, c'est celui de se soustraire, par la fuite ^ à un
interminable châtiment. 11 en est à peu près de même
de ceux dont la peine doit être fort longue : la fîiite est
trop souvent la seule espérance qu'ils nourrissent. De
tels sentimens sont, sans doute, bien contraires à la
résignation , à la so^umission, qu'il faut chercher à ins-
pirer ayx détenus; mais Thomnie a besoin d'espérance,
et, si Ton veut lui enlever une espérance immorale ,
il faut substituer à l'objet de ses désirs , tin autce but,
vers lequel il puisse les diriger. Ainsi , pour qu'un con-
damné cesse de cpncentrer ses pensées dans l'idée de
la fuite , que d'ailleurs on aura soin de rendre prcs^
que im^ossjble , il faut lui faire entrevoir un autre
moyen plus légaldetinir sespeines,ouau moinsd'^idon-
cir sa position. Les grâces, lesconMnutatious*depefnf«,
dont lés bons princes sont si peu avares , toutes les fois
qu'elles ne iloivent pas compromettre l'ordre poblic ,
voilà des objets dignes d'être présentés à leurdiésiret à
leur émulation. Le Boi> qui veille aux destinées de la
France , a su faire de cette belle prérogative de sa €0«]«
DU REGIME MORAL. 33g
Tonne, un' des ressorts les plus pnissans, qu'on puisse
emplo)^er à l'égard des prisonniers. En proposant les
faveurs de la clémence royale ^ comme le prix dé la
bonne conduite et du repentir , il a extif é une noble *
émulation entre des cœurs, qui ne paroissoiént passas* ^
ceptibles de*s'e\iflammer d'ine ardeur aussi généreuse. «
L'ordonnance du 6 février 18 1 8 est le fanal , qui dirigé .
et encourage les prisonniers dans la route du devaif ^
en assnrant à la bonne condoite^ la plus précieuse ré*,
compense.
C'est aux administrateurs à tirer de cette belle or^
m
donnance tout le fruit qu'elle peut produire. L'ex-^
poser sans cesse aux yeux des prisonniers ^ la leur rap^
peler souvent 9 mettre au nombre des récompensent
l'inscription sur le registre > de ceux qui méritent dè«
concourir à la distribution des grades, tels sont les^
moyens qu'ils peuvent employer ,.poacentrettmif dans
le cœur des prisonniers, une espérarnce vertueuse , qui »
les amène à la résignation^ et une ém(ilation,t|uî les *
encourage à faire les nombreux sacrifices qu'exige la !
vertu. C'i^t par ce moyen, ^i^i sur qu'efficace, qu'on
parviendra 1^ ôter aux peines perpétuelles ce carac-
tère désespérant qu'elles on^ lou jotirs. » , ' •
Mais toutes les peines ^ quelque peu de dtn*ée qu'elles
doivent avoir, participent plns^ou nrioins à cette per«*
péloité , par la tache presque ineffaçable, qu'elles lais-
sent 9QT la tête qui les a subies. C'est encore un sujet
de découragement, dont il faut délivrer les prisonniers,
si l'on veut attendre quelque succësde leur correction^
La loi en présente le reroèMJi^ dans la réhabilitation,
moyeu presque inconnu, et eommè relégué aif fond '
de nos codes ) mais qu'il seroit bieii à désirer qu'on
54o DES PRISONS.
employât plas souvent. Sans doute , nous le sentons ;
un jugement des tribunaux , un reprit du Prince , ne
peuvent rendre Thonneur à celui que l'opinion re-
. poy^se comme infâme , et ce seroit abuser d'un remède
* précieux, que*d'appliqqér le bienfait de la réhabilita-
tion à des personnes qui i^'en seroient f as' dignes. Ce
» serôit déshonorer Tinstitution • sans relever les hora-
* mes. M^iSf.'que cette absolution légale serve à laver
entièrement la tache,, qui souilloit le front d'un mal-
heureux ,'autfefois coup£(ble , mais redevenu digne de
Testime de ses semblables , qu'elle délivre de Tinfamie
« légale un homme , déjà réhabilité par l'opinion, qu'^elle
- anéantisse les derniers effets d'une condamnation, qui
'* * a. suffisamment expié le crime qui l'avoit motivée;
.alors ropinioh.pubIique ratifiera une' décision , qui ne
' ^fera que la suivre et Texprimer d'une manière légale.
L'i^pfir'du retpur à l'estime des hommes, est fait
^pQur soutenir le courage d'na malheureux, repentant,
^ mai; faible , qui eût succombé sous l'idée d^une infa-
mie perpétuelle; il faut donc préisenter cette coiaso-
lante perspective aux cpiAlamnés, comme, propre à
• fortifier leurs bonnçs résolutions, et à les garantir du
' ^^spoir. La réhabilitation leur est presque inconnue ,
il faut leur apprendre ce bienfait de la loi , leur don-
ner^ par là le désir de^le mériter, et faire^servir ce
louable désir à leur amendement, en leqr moâtrant
ta possibilité d'une réhabilitation future, comme dé-
pendant de |eur conduite.dahs la prison.
C'est ainsi qu'on peut rendre supportable aux pri-
sonniers le temps, toujours si long, de la captivité ,
et qu'en leur inspirant la patience , la résignation , et
de bonnes résolutions , on obtiendra d'eux une sou—
DU REGIME MORAL. 34 1
mission, entière et sans répugnance, aux ordres de
leurs supérieurs , et des dispositions au bien , que beau-
coup d'entre eux n'avoient pas apportées dans les
prisons.
Il est encore une foulé de bons sentimens, qu'on
sentira la nécessité d'insp7l*er aux prisonniers. Ony,
parviendra par les moyens que nous avons déjà indir-
qués , et par l'emploi mesuré des diverses punitions et
récompenses , qui forment la sanction At tout notre
système. •.
Sans entrer ici dans un détail , qui nous mèneroit *
trop loin , nous insisterons seulement sur la nécessité
'de les assujétir à une exactitude , à un ordre constant
et invariable, dont l'influepce agisse jusque sur leur
âme , et serve à mettre dans leurs mœurs la même
régularité que dans leur existence. L'ordre est , en lui-
même , un grand moyen aamendement ; l'habitude
qu'il donne , de faire tout d'une manière uniforme et
réglée , de s'astreindre à des heures tixes , et à des pé-
riodes invariables., forme naturellement l'esprit à
l'idée du devoir. L'ordre a, d'ailleurs, sous le rapport
de la discipline, des avantages incontestables et évi-
dens. Mais, en ne le considérant que comme un pur
moyen d'amendement , il^st trop précieux pour qu'on
le néglige. Les habitu'des, qu'il fait naître, sontle com-
plément nécessaire de cette éducation morale , dont
nous traçons les règles; elles seules assurent, par leur
rég;ularité, l'exact et entier accomplissement des de-
voirs , dont l'ensemble forme une bonne conduite. Il"
est, d'ailleurs, important, dans l'intérêt privé de cha-
que détenu , de l'accoutumer à une vie uniforme et
régulière , principe de l'activité et de l'économie , dont.
3^2 DES PRISONS.
ils auront besoin dans la société. Ce devra donc être
une règle générale dans toutes les prisons , de tout
faire à des heures fixes , et d'une manière ton jours
uniforme. Les détenus puiseront, dans ce régime ré-'
gulier, un esprit d'ordre, dont ils ressentiront plus
tard les effets bi^nfaisans.
Il nous reste à chercher quelques moyens de leur
rendre aimable la religion ^ sans laquelle toute éduca-
tion est imparfaite.
7ARiV^RArns XII. D^ moyens de faire aimer la reUgion
aux prùfonniers.
En morale, on ne peut faire on pas sans, s'appuyer
sur la religion , et , en traçant les réflexions qui pré-
cèdent, nous avons, plus que )amais, senti la nécesr
site d'appeler sa voi,x pu&sante au soutien de toutes
les leçons humaines. La reUgion est de la plus hante
importance dans le système d'amendement des pri-
sonniers, et même, sans son s^ecours, il faudroit, ssins,
doute , désespérer de les ramener jamais à la vertu ,
qn'ils ont méconnue.
Mais pour que cette inte^ventioii puisse produire
les heureux effets qu'on est en droit d'en attendre, il
faut .que les prisonniers/soient bien disposés à rece-
voir l?s inspirations de la religion , qu'ils la respec-
tent , qu'ils l'aiment , et que sa sublime doctrine ne
soit pas pour euiç un objet de dérision ou de dégoât.
L'oubli de leu|*s principaux dçvoirs. ne les a déjà que
trop disposés à une audacieuse impiété , et, en gêné--
rai , on trouve peu de sentimens, religieux chez Içs^
prisonniers. Cependant ^ tous n'ont pas abjuré à j|a-
DU REGIME MORAL. 343
vqais leur ciAyance , et , si fes passions leur ont fait
sçcoiv:ir pendant quelque temps son joug salutaire , ils
^nt encore susceptibles de le reprendre avec doici^
Utë , pourvu qu^on sache les y amener par la per^
suasion.
Mais, pour réussir dans cette noble entreprise, il
faut sentir soi-même cette intime conviction , qui lait
le chrétien, et sans laquelle on essayeroit vainement
d'inspirer à d'autres, Tamour d'une religion qu'on n'a
point dans le coeur. Sî donc ^ par un malheur qu'il est
douloureuse de prévoir , quelqu'un des administrateurs
éprouvoit une certaine répugnance à parler de reli-*
gion aux prisonniers , si même il ne se sentoit point
porté d'inclination vers cette partie de ses devoirs,
qu'il abandonne ce soin à ceux des ses collègues , qui ,
plus heureux que lui , ont conservé la foi de leurs pères.
Il vaut mieux qu'il garde le silence, que de trahir, par
des leçons hypocrites 0t maladroites, le secret dç son,
incrédulité. Mais au moins, qu'il ne détruise pas t'oA>-
vrage.de ses confrères, en autorisant d'un exemple
respecté uii travei*s, dont on cherche à guérir les pri-
sonniers. Si l'intérêt de la religion ne stiffit pas auprès
(le lui» pour commander cette retenue, qu'il l'accorde
.au nioiii3.à l'humanité, qui réclame tous les moyens
i)e corriger les prisonniers, entre, lesquels il n'en est
pas de plus puissant que les idées religieuses.
Respect et amour pour la religion , tels sont les sen-
timens que .nous voudrions inspirer aux détenus. Pour
leur donner du respect poor la religion , il faut l'é^
prouver soi-même, et surtout , ne pas craindre de le
manifester hautement* Peu de sentimens se propa-^
gent pluS| àl'^ide de l'exemple , quç le resjpect. Coii:^
.'
\
M4 DES PRISONS.*
bienn'ja-t-il pas d'hommes , de choies, d'instilu-
lions, de lieux ', que nous respectons , sans savoir pi^-^
cisëmeiit pourquoi , et qui , dans le fait, ne sont Tobjet
de notre vénération , que paace que nous les avons
vus honorés par d'autres personnes, dont le nombre
ou la qualité ont fait impression sur notre esprit.
L'exemple des. administrateurs des prisons doit' être
d'un grand poids aux yeux' des détenus^ Le choix •ho-
norable qui les a désignés , l'autorité dont ils jouissent
dans la prison , les bienfaits qu'ils sont chargés d'y
répandre , tout concourt à leur assurer le ^respect et la
confiance des prisonniers. Ces derniers sont donc natu-
rellement disposés à suivre un exemple , aussi imposant
pour eux ; et, ^'ils voyent les inspecteurs, dans l'exer*
cice d^ leurs fonctions , témoigner hautement leur vé-
nération pour la religion , assister avec respect à ses
offices, et réprimer sévèrement toutes les irrévérences,
qui pourroient y être commises;, ib conccrvront bientôt
eux-mêmesuii véritable respect pour un culte,qu'ik ver*
roient honoré par les hommes qu'ilsconsidèrentleplus.
Le respect pour la religion est encore intimement
lié avec celui dont sera environné son ministre. Il faut
donc faire ea sorte que l'aumônier, jouisse , dans la
prison, de toute la considération possible , et qu'il en
reçoive souvent des témoignages, en présence des pri-
sonniers. Mais il est surtout à désirer que ces 'égards
pour l'auiiiônier ne soient pas de simples dehors,
commandés par ui^e espèce d'étiquette, et que son ca*-
ractère personnel le rend^ digne de Testime générale.
Heureusement on trouvera assez souv^tit, dans les ec-
clésiastiques, qui se dévoueront à ce pénible ministère,
toutes les vertus qui attirent la vénération , pour qu'on
DU REGIME MQflÂL. 345
n'en soit pas réduit à de politiques démonstrations de
considération et de confiance. Mais si , par nn hasard
déplorable f un homme sans mérite étoit revêtu de ces
importantes fonctions^ il faudroit bien se gardeic de
laisser soupçonner aux détenus Topinion déf^sivorable ,
qu'on en auroit conçue. Il faut si peu de chose pour
changer les plus heureuses dispositions , qu'on, ne peut
jamais agir dans ces circonstances avec trop de pru-
dence, pour évitçr que J'idée. du peu de mérite du
ministre , n'influe sur le respect dû aux dogmes qu'il
enseigne.
Mais la religion ne doit pas être proposée seule-
ment à la vénération; aussi belle qu'elle est respectable,
elle est aussi aimable qu elle est sacrée , et c'est sur-
tout sous ses couleurs les plus séduisantes, qu'il faut
la faire envisager des prisonniers. Nous l'avons déjà
dit , c'est sur la liaison des idées , qu'est fondée toute
cette partie de notre système. Si donc nous voulons
faire aimer la religion , entourons-la d'idées agréables
et consolantes; que tout ce qui la rappelle à l'esprit^
y rappelle en même temps le souvenir d'un plaisir , et
l'on ne pourra y penser, sans éprouver une sensation
douce ^ sans désirer d'y penser encore, en un mot,
sans l'aimer. Tel est le but que nous voulons atteiuare.
On peut attacher des. idées agréables à la religion ,
soit en elle-même , en ne la présentant que sous un
aspect flatteur , soit par les accessoires , en y joignant,
à l'occasion 9 des idées, qui n'enj^ont pas des dépen-
dances, nécessaires, mais qui s'y rattachent naturelle-
ment. Pour opérer cette précieuse jonction .d'idées ou
d'impressions, il suffit que les unes et les autres se
soient plusieurs fois présentées simultanément à Tes-
54& DES PRISONS.
prit. Il fiinl donc , par ixii innocent artifice , faire en,
sorte que Tîdée de religion soit toujours accompagnée
d^ine sensation agréable, ou d'nne idée consolante.
De celte manière , à son nom «eiil, les prisoniiiei*s sen-
tiront renaître dans leur âme, toutes les afFections
donces et aimantes, qu'ils auront éprouvées à son oc-
casion , en même temps qu'ils reccvoient des im-
pressions religieuses. Ces soins appartiennent, en
grande partie , à l'aumônier; maïs le concours de Tau-»
torité administrative sera souvent utile, pour assurer
le succès de cette entreprise.
Les consolations sont le besoin le plus pressant de
tout homme dans les fers; il aimera donc , par dessus
tout, ce qui lui procurera ce précieux soulagement. La
religion eu est prodigue pour Içs malh^jreux; pleine
de promesses pour ceux qui souffrent^ d'indulgence
pour toutes les peines, même méritées , pourvu qu'elles
soient sanclifiées, par un repentir sincère, elle ne
montre de sévérité qu'à l'égard des heureux du siècle,
^ de ceux qui méprisent ses secours. L'aumônier ne
devra pas négliger ce point de vue, si touchant. et si
moral ; toujours il devra montrer la religion , tendant
ui|e main secourable à ses enfans égarés, seule prête
à leur ouvrir ses bras , quand tout les méprise et les
repousse. Et si , à ces paroles consolantes , il a l'heu-
reux talent de joindre des effets sensibles; si les mal-
heureux , qui vont épancher leur cœur dans son seia
paternel, en reviennent soulagés et remplis d'espé-
rances ; si , dans ses prédications , dans ses instructions
familières, il parvient à verser, au nom de la reli-
gion , un baume salutaire sur des plaies encore vives , .•
Xi'aura-i-il pas atteint le but que nous proposons à s^
DU REGIME MORAL. 34^
eharîfë? N'anra-l-îl pas fait hënir, par son triste au-
dîtoîife, Cette religion de paix, qni a su rendre le repos
à leur$ âmes? Qti'îl s'efforce donc de joindre ces denx
idées , qoî se tiennent de sf près, consolation, religion,
et sa tâche sera remplie, en grande partie.
C'est ainsi que le zèle pastoral parviendra à rendre
agréable aux prisonniers l'idée générale de la reli-
gion ; mais il n'y a point de religion sans culte , et les
cérémonies qni le constituent, destinées^ à le rendre
sensible et à Fenvironner d'une splendeur, qui le fasse
aimer et respecter, en détournent quelquefois des
esprits mal disposés, qui les méprisent ou qu'elles re-
butent. Sans examiner ici les moyens d'éviter ces in-
convéniens, dans la société ordinaire, nous chercherons
si Tonne ponrroit pas se servir de ces pcatiques
nnémes , pour amener les prisonniers à la religion ,
et il nous semble qu'on y parviendroit assez facile-
ment.
Mais pour cela, il faudroit faire en sorte qu'elles
ne dussent pas leur déplaire en' elles-mêmes, et que
la cloche, qni les appelleroit au service divin, ne fAt
pas pour eux le signal de l'ennui. Si on leur fait pren-
dre en aversion les exercices du culte , cette aversion
s'étendra bientôt sur la religion elle-même , et les
prisonniers , dont l'âme bien disposée sV)uvroît déjà
^ox sentiméns religieux, s'en écartera, peut -être
pour toujours, au souvenir de la contrainte, qui l'aura,
. obligé d'assister à des exercices , qui ne lui étoiént pas
ligréables. Je voudrois donc , sans prétendre tracer ici
^marche des aumôniers, qu'îb pussent régler les exer-
cices deia reUgton , dé manière à ne pas en dégoûter
348 DES PRISONS.
les prisonniers , et même , à leur en faire désirer le re-
tour. La vie des détenus est si monotone , toute dis-
traction est pour eux si, précieuse, qu'on peut, aisé-
ment leur faire trouver un plaisir , même purement
humain, dans les pratiques du culte. C'est un saint ar-
tifice , que son but justifie , et dont les moyens ne peu-
vent être que louables, de gagner, par une séduction in-
nocente , les cœurs qu'on veut conquérir à la religion.
Que Taumânier tâche donc , par tous les moyens qui
sont en son pouvoir, soit parla variété des cérémonies,
soit par l'intérêt qu'il répandra dans les instructions,
de faire désirer l'instant^ où il viendra dans la prison,
pour les fonctions de son utile ministère , et ce désir
sera un heureux présage du succès de ses travaux*
Tout ce qui peut rappeler l'idée de la relgion de-
vra » en général, être présenté aux détenus sons Tas-
pect le plus flatteur; à ce titre, raumônier. lui-même*,
la chapelle où il célèbre les mystères de la foi, la chai-
re, (dn haut de laquelle il leur annonce leSv vérités éter-
nelles , ont avec la religion une relation trop intime ,
pour qu'on ne cherche pas à les rendre aimables. aux
yeux des prisonniers. L'intérêt , qu'ils porteront sur
ces objets, se répandra jusque «ur la religion elle-même,
et lui ouvrira tous les cœurs. Si l'aumônier est aimé
des .prisonniers , si sa vue cause sur eux un effet agréa-
ble, et ranime Tespérance dans leqrs cœurs , ils ren-
dront à la religion , l'amour qu'ils ont pour son minis-
tre. Je voudrois aussi qu'ils ne pussent entrer dans la
chapelle , sans éprouver un sentiment d'espérance, et
se rappeler quelques m'omens heureux, qu'ils y au-
roient passés. En un mot , je désirerois que tout ce qui,
DU REGIME MORAL. Ség
à leurs yeux > est lié à Tidée de religion , ne leur pré-
sentât que des idées agréables et des souvenirs tou-
chans.
Il est encore un moy en jd 'arriver à ce résultat : c'est
de réserver pour la chaire Tannoncede toutes lés nou-
velles heureuses, qui peuvent intéresser les détenus,
soit en général, soit comme individqs. Ainsi, une
amnistie, une ordonnance rendue en faveur des* pri-
sonniers, une grâce obtenue pour quelqu^m d'entre
eux , etc. pourroient être proclamées, du haut de la
chaire, par raumônier lui-même. Les détenus n^enten-
droient sortir de sa bouche que des paroles consolan-
tes; organe de la miséricorde divine, et prêtait sa voix
aux décrets de la clémence des hommes, il ne paroi-
trbit au milieu d'eux que pour adoucir leurs peines.
L'habitude d'attendre de lui d'heureuses nouvelles
leur ferôit trouver à sa présence un charme, dont ils ne
se reiidroient pas compte à eux-mêmes , mais qui n'en
auroit pas moins TefFet indubitable, de leur rendre sa
personne aimable.
La chapelle elle-^même, où ils se rassembleroient
pour recevoir ees communications désirées, la tribune
sacrée, d'où le ministre de paix annonceroit chaque
changement avantageux dans leur état, leur devien-
droient précieuses et chères. Avec quel plaisir n'en-
tendroient-ils pas le son de la cloche les appeler au
pied de ces autels , où tant de fois déjà ils auroient béni
la Providence , don|t les regards paternels veillent sur
les coupables eux-ménïes, ou invoqué le Très-Haut,
poqr la conservation des jours d'un Prince , dont les
bienfaits se font sentir jusqu'à eux ! Ges cantiques d'ac-
tions de grâces y dont ils auroient salué Ja majesté di-
35o . DES PRISONS.
J
vine, pour le remercier de ce qu'un d'eiiU^e eurx a ob-
tenu son pardon, ces prières ferventes, par le$queltes
ils auroient demandé pour eux la même grâce , pleins
de confiance dans la miséricorde céleste , ne laisse-
roieut'ils pas dans leurs cœurs des impressions reli-
gieuses et durables? C'est ainsi qn'on réduit la religion
en sentiment; c'est ainsi qu'on la feroit aimer des
hommes, qui s'en éloignoient le plus. Ne négligeons
aucun de ces moyens, et n'oublions pas que rhoinmci
une fois devenu religieux, c'est -* à- dire , confiant
dans la Providence et reconnoissant de ses bontés, est à
même de parvenir au plus haut degré de vertu que Von
puisse atteindre.
J'ai parcouru la première partie de ma carrière; il
s'agissoitde montrer ce que les prisons doivent devenir ,
pour atteindre complètement le but de leur iustîttt-
tion. Ma tâche étoit facile et douce; je ii'avois à lutter
ni contre leé obstacles naturels que présentent souvetil
les.circonslances particulières f ni contre les difficultés
factices que l'intérêt privé a toujours l'art de faire
naître, et confiant à bon droit dans * le zèle et les
moyens d'exécution des hommes, qui doivent concou*
rir , d'une manière active, à la réforme des prisons ^
j'ai pu exposer, dans toute leur étendue, mes vœux à
cet égard , sans être arrêté par les difficultés de détail*
qu'ils auront à surmonter* Cependant, j'ai tâché de
prévoir toutes les objections, que l'on pourroit opposelr
i^ ce système, et de ne point les laisser sans réponse. J'ai
également pensé que proposer des réformes trop dis-
pendieuses , ce serplt mal servir ceux (|ui souffrent
par suite des abus ^ puisqu'il faudroit nécessairenienl
. DU REGIME MORAL; Î5i
a}ourner le moment de les extirper. Aussi je me suis
surtout appliqué à ob&erveç partout 4'économie la plus
révère; mais je n'ai pas dû la faire, dégénérer en mes-
quinerie , et, quand une dépense m'a paru nécessaire,
je n'ai point balancé à la proposer. Ce n'est p^s en
France que l'on trouvera difficilement les moyens
de soulager l'infortune. Mes compatriotes ©nt prouvé
cfu'ils savoient s'imposer des sacrifices, pour soutenir
i'hoi^neur de la patrie ; ils ne seront pas moins géné-
reux f quand; il s'agira d'une œuvre de justice et
d'humanité.
Mais , dans le moment actuel , la France , encore
épuisée par les nombreux sacrifices dont elle a payé
son indépendance, est peut-être encore éloignée de
l'époqoQ, où ses finances pourront suffire à la réforme
de si^ institutions. Dans tous les cas, les améliorations,
que réclament nos prisons, ne pourront Vopérer que
graduellement. Il faut donc, dès à présent , s'occuper
des réformes partielles, qui peuvent avoir lieu sur-le-
champ, et sans embrasser tout l'ensemble du système
que nous avons développé. Mais en remettant à des
temps plus heureux lé* complément de cette grande
entreprise^ il faut faire en sorte que les améliorations
trauHtoires, qu'on introduira, soient autant de prépa-
rations au régime, que nous désirons voir s^établir en
définitive^ et que les besoins du présent et ceux de l'a-
venir ne se portent pas un mutuel préjudice.
C'est en exposant rapidement, et d'une manière gé-
nérale, l'état actuel des prisons en France, qu'on pourra
faire jnger des réformes qui sont les plus urgentes , et
des moyens de les opérer avecle plus de facilité et d'a-
vantage. .
35a . DES PRISONS;
DEUXIÈME PARTIE.
ÉTAT DES PRISONS EN FRANCE.
TITRE PREMIER.
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMIN AIREfe,
Quand Howard , à la fin du siècle dernier, parcouroit
l'Europe entière , pour y chercher des leçons et des
modèles, applicables aux prisons de sa patrie, celles de
France méritoient déjà un examen sérieux de sa part ,
et lui parurent dignes d'éloges, sous plusieurs l'apports.
Uu régime doux et modéré, un esprit d'ordre, qui se
faisoit sentir dans toutes les branches de l'administra-
tîon , et les premières influences d'un règne , quis'an-
nonçoit comme celui de la justice et de la bonté, ba-
lançoient assez avantageusement les défauts encore
nombreux de cette institution, pour qu'elle pût servir
de modèle sur quelques points. Plusieurs édits, ren-
dus sous le règne de Louis XV, et les ordres formels
de son successeur, avoient enfin assuré l'exécution
d'anciens règlemens, sages, mais incomplets, au nom-
bre desquels on remarquoit cependant l'arrêt de 1717,
pendant long- temps le seul code des prisons, et, en-
core aujourd'hui , la base fondamentale de leur dis-
cipline. Mais , surtout , la bienfaisante déclaration du
CONSIDEfiATIOiNS PRFXIMINAIRES. 353
00 août 1780, en proclaniadt les principes les plus
humains et les plus sages, sur l'administration des
prisons , avoit puissamment concouru à adoucir le sort
des malheureux qu elles renfermenti
Aussi, Howard, qui visita nos prisons de 1776 à
1783, rendit un compte assez satisfaisant de la ma-
nière dont y étoient traités les détenus. Uiie police
plus douce s'étoit introduite dans ces demeures se-»
vères; on y prenoit des soins particuliers pour con-r
server la vie et la santé des détenus , et les préposas ,
rappelés à l'exercice de leurs devoirs, apprenoient de-
puis peu à mettre un frein à l^urs rapines et à traiter
les prisonniers avec humanité. Ge suffrage 4 d'autant
plus imposant, qu'Howard avoit visité lesprisous de
toute l'Europe et étudié, à plusieurs reprises et avec
admiration, celles de Hollande, prouve que, si noâ
prisons étoient encore loiti d'être parfaites^ elles sou-
tenoîent honorablement la concurrence avec celles
des autres nations européennes , à l'exception, peut-
être, des prisons HoUandoises , le meilleur modèle que
l'on pût trouver à cette époque. Cepeudant, elles pré-
sentoient encore de nombreux et déplorables abus.
Louis XVI vendit à peine de prendre un sceptre, qu'il
n'estimoit que comme le moyen d'exercer , d'une ma-
nière plus étendue , toutes les vertus d'une âme géné-
reuse ; on ne pouvoit encore apercevoir que Taurore
des réformes qu'il méditoit, et qu'il eut opérées, sans
les troubles qui agitèrent tout son règne, etTaUentat,
qui le termina d'une, manière si funeste. Trop de dif-
ficultés entravoient ses bienfaisantes intentions, pour
que les améliorations fassent aussi promptes et aussi
complètes qu'il l'atrroit désiré. Ce vertueux et infor-
23
354 DES PRISONS.
tnnë prince devoit être enlevé par une mort san-
glante y avant d'avoir pu réaliser aucun de ses projets
pour le bonheur des peuples.
Toutefois, maigre les nombreux et puissans obs-^
taries, qui, constamment, s'opposèrent à l'accomplisse-
ment de seâ vœux , beaucoup d'institutions i et no-
tamment les prisons, reçurent, sous son fègtie, des
améliorations précieuses. Le Roi <)ui a supprimé la
main-morte et la torture, ne devoit pas fermer To-
reille aux fténiissemens, qui s'élevoient du fond des
cachots. Plusieurs prisons nouvelles furent construites,
les anciennes furent réparées; dans beaucoup den-^
droits^ on s'appliqua à les rendte plus spacieuses et
plus saines. Le régime intérieur fat aussi sensiUemenl
amélioré, et, en général^ les prisons gagnèrent beau-
coup sous ce règne , qui , dans des terap^ plus sereins ,
eût assuré pour long-temps le bonheur de la France.
Mais l'entreprise étoit trop considérable pour se
terminer en peu d'années, et surtout pendant les orages,
précurseurs d'une révolution , dopt les secousses ont
ébranlé les deux mondes. Les années de trouUe et
d'anarchie , qui suivirent , étoient peu propres à une
aussi grande réforme. Cependant, les idées de justice
et d'humanité , qu'un petit nombre d'hommes respec-
tables s'efTorçoient de conserver, au milieu des pas-
sions déchaînées, inspirèrent, à plusieurs reprises, des
réclamations en faveur du régime des prisons. Les
députés Paganel et Duratid de Maillane, en l'an III ^
M. de Pastoret, deux ans plus tard, signalèrent à la
tribune nationale, les abus qui s'étoient perpétués
dans ces établissemens, et les moyens de les combattre.
Mais ces voix généreuses se perdoient dans le tumult«
CONSIDERATIONS Ï>RËLIMINAIRES. 355
tj'ane i*évolutîon sanglante , où les législateurs vo*-
toient sons la hache, on au bnrit da canon , et avoient
à défendre chaque jour leur existence, avant de s'oc-
cuper des institutions qu'ils dévoient fonder. Des pro-
jets, adopftés en partie, restoient imparfaits, supplan-
tés par des intérêts plus pressans. Rien ne fut exécuté
pendant la tourmente révolutionnaire.
Le long et accablant despotisme, où les François
cherchèrent un refuge , après les déchiremens de l'a-
narchie, au tnilîen de tant de maux ^n'il nous a
comme légués , a laissé quelques établîssemens utiles ,
foible dédommagement de sa désastreuse influence.
L'ascendant d'une volotité ferme , et l'ambition d'un
homme , qui vouloit attacher son nom à de grandes
choses, opérèrent , dans beaucoup de parties, et no-
tamment dans le système ues hôpitaux, çt dans le
matériel des prisons, des améliorations qu'il seroit in-
juste de méconnoître. C'est pendant cette époque , en-
core récente, que furent instituées les maisons cen-
trales, et quelques autres prisons , destinées aux con-
damnés. Des travaux assez importans furent entrepris
dans ces différentes prisons, dont la grandeur faîsoit ,
en cpielque sorte, des monumens, capables de jeter
quelque lustre sur leur fondateur. Les petites prisons
furent beaucoup plus négligées ; en général , on cher-
choit bien plus à fonder qu'à réparer ou à corriger.
Quant au régime , il étoît généralement fort dur ; mal-
gré les efforts que tentèrent, sur quelques points, les
magistrats chargés de cette branche de l'administra-
tion, et les règlemens remarquables, qu'un d'entre eux
â laissés sur les objets confiés à son autorité, dans lé
département de la Seine , la concentration de tous les
356 . DES MISONS.
pouvoirs, dans la maîn d'un militaire absolu, sefai^
«oit sentir jusqu'au fond des cachots, et les prison^
niers n'ont pas été les derniers à sentir le bonheur
d'être délivrés d'un tyran.
Voilà dans quel état la puissance qui sVcrouIa eu
181 4» laissoit après elle les prisons françôîses; un ré-
gime dur 9 et quelquefois injuste, qui donnoit toute
la force au pouvoir dirigeant, et rendoit totites les
garanties illusoires , un matériel généralement vicieux,
des bâtimens étranglés, sans solidité, disproportion-
nés avec le nombre des prisonniers; mais, de loin en
loin, quelques grands établissemens, placés dans d'an>-
cîens édifices , ou construits tout exprès, et, à la plu-
part desquels on travailloit encore. Le Gotivemenient
qui succéda trouvoit quelques belles entreprises à ter-
miner, mais encore plus de travaux à entreprendre^
€t d'abus à réformer. Non content de compléter quel-
ques constructions laissées imparfaites, Louis XVIII,
remonté au trône de ses pères , a résolu de porter la
réforme la plus générale dans tout le système des pri-
sons, et, depuis son retour, au milieu de nous, il
s'occupe sans relâche de cette tâche bietifaisante. Déjà
se font sentir de toutes parts les effets de cette puissante
et féconde influence, et l'avenir promet le complé-
ment des améliorations précieuses, qu'ont déjà reçues
nos prisons.
Dans l'examen auquel je vais me livrer, je ne par*
lerai qu'incidemment du bien , déjà produit par cette
auguste intervention. La modestie des personnes, à
qui je soumets ce foible produit de mes veilles, roc
défend d'entrer dans le développement de tous les
bienfaits, auxquels leur nom s'attache , et dont ils sont
DU MATERIEL. 35;
les zélés coopéraleurs ; il est des hommes 5 auxquels on
n'ose pas rappeler leurs verlas. Je ne parlerai donc
ici , en général , que de l'état des prisons , telles qu'elles
étoient avant les réforaws qu'on commence à y opé-
rer , et qui ne sant <îue le prélude d'un système d'amé-
liorations plus étendu. Nous somnfws encore si près du
temps, où les abus régnoîent avecitoute leur forecydanc
les prisons, qui n'en sont pas encore entièrement dé-
livrées, qu'il ne peut êtrejinutile de rappeler l'état , où
nous les voyions naguère , et où quelques-unes se trou-
vent encore, au moment où j'écris. En voyant le point
où il a fallu prendre les prisons, on sentira mieux les
améliorai ions qu'elles demaqdoient, et celles que leup
i;égime sollicite encore. • ^
TITRE II.
*
DU MATÉRIEL..
CHAPITRE l". Coup d' œil général sur h matériel
des prisons,
La plupart des défauts, que Ton remarque dans nos
prisons , tiennent à leuF matériel. L'imperfection de
cette partie rejaillit sur toutes les autres , et maint
abus dans la discipline n'est dû qu'à l'exiguïté , ou
à la construction vicieuse des bâtimens^ affectés à ce
service. En général , toutes nos prisons appellent la
réforme sur cet objet capital : malheureusement , c'est
sans- doute l'amélioration, dont nous sommes le plus
éloignés 9.à cause des dépenses qu'elle entraînera néce&^
358 DES PRISONS.
virement. IVIai^ beaucoup de prisons ne seront famaîs
'4\^ poifil de perfectioa^ où nous pouvons prévoir qu^ou
\es amèneroit , tant <}u'oa ne leur donnera pas d'aulres
édifices que ceqx cai elles sont placées maintenant.
Jqsqpe-là, il sera diflicîte de les rendre ;assez sûres ^
pour ôter aux gar^îçns tout prélexte de vexer les
flétenus , par imi^ .«urveiUanee tyranniqiie ; a^sez
spacieuses, pour procurer aux prisonniers l'aisance et
la salubrité , dont ils doivent )ouir et de délivrer cer-
taines prisons de deux fléaux, presque aussi retloutables
^e la captivité, l'oppression et les épidémies. Les
eiforU les plus soutenus seront inipuissaits contre ces
résultats funestes p taat qu'on n'aura pas reconstruit »
sur un meilleur plan , les prisons où ils se déclarent.
Nous nous occuperons, dans la troisième partie, des
moyens de les pallier, jusqu'à cette époque désirée. .
Les vices matériels des prisons tiennent à leur ori-
gine et aux circonstances, qui ont accompagné leur éta-
blissement. On peut reconnoilre , dans les prisons de
France, trois origines distinctes. Les unes ont été
créées par la puissance féodale ;> d'autres l'ont été par les
Gouvernemens, qui nous ont régis, soit avant, soit
depuis 1792; enfin d'aulres-^ont été établies, depuis
cette éppquet. dans des édifices, qui ne leur étoient
point destinés origlnalreaient , mais qu'on amassez ha-
bilement appropriés à leur nouvei usage.
. Malheureusement tes deux dernières classes sont les
moin$ nombreuc^s et la plupart de ^ps prisons , sur-
tout de celles qui servent de maisons Vl'arrât oudejus*
tice , sont un héritage de la féodalité et portent encore
des traces de cette origine. £n général/ il semble
qu'en les construisant , on se soit moinâ occupé du sori
DU MATERIEL: 359
des malheureux qu'elles doivent renfermer, que du
soin de earaclériser la triste puissance des seigneurs ,
qui les éievoient. Aiicuri des attributs de la haute justice
n'yétpit oublié) mais souvent les bornes de U fortuné
du fondateur avoiedt forcé d'en restreindre les di-
mensions , s^n^ proportion avee le nombre d«s prison-
niers, auxquels elles étoient destinées. D^ln autre e6lé,
Tapplicaf ion de ces prisons , originairement coottrui*
tes pour des eeigneuries peu considérables, à desjuri*
dictioQs plus étendues, et la multiplication progressive
des délits , et , par conséquent , des prisonniers , avoient
rendu insuffisantes pour leur nouvelle destination
celles mêmes qui étoient bien appropriées à leur «sage
primitif. Aussi presque toutes sont aussi étroites que
malsaines, et leur situation , auprès de Taneienne de-
meure du haut justicier , dont elles étoient le farou*^
che ornement , ajoute encore à Tinsalufatrité de leur
disposition.
T)& ces caractères pernicieux t les prisons féodales
pnt encore tous eeui: qui tiennent à Tensemble de leur
construction et que Us réformes dans I^admjnistratîon
ne peuvent Uur enlever^ Etlea sont petites et insalubres^
la sûreté n'y est due qu'à l exiguïté du local ,^ qui per-
mettoit à nu seul g^rdi^il ds porter l'œil de k surveil-
lance sur toute la prison à la fois. Celles qu 00 a con-
servée^ » situées au milieu des vîUes , accolées à des pa-
lais 9 qui ont changé de maîtres , ont tous les inconvé^
iiiens, qui résultent de cette situation : impossibilité
de les agrandir » défaut d'air , eommuntcatien avec
des habitations voisines, qui rend la garde extérieure
très-dif&cile et favorise le^ évasions. Il n'en est point
d'ailleurs ^ qui soient .aussi riches en cachots et où la
36o .DES PRISONS,
vue fréquente de ce terrible moyen de répression en^
gage ies geôliers à ea user aussi souvent. I^nfin la dîT-
féreoce, qui existe toujours entre la fortune particu^
lière-la plus brillante et les finances d'une nation , a
forcé de naettre dans leur élablîssenient , une écono-
mie , qui a tourné tout entière au préjudice des prison-
niers, soit en influant sur l'étendue du local • soit en y
rèfusjiut des accessoires indispensables. On y cherchoît
vainement beaucoup de choses utiles, même nécessai-
res , que la parcimonie des fondateurs avoit supprimée»
et qui ne s'y trouvent que depuis qu'elles sont passée*
daris les mains de TEtat; Mais elles manquent encore
de beaucoup de dépendances utiles , que les localités
on le défaut d'argent ont , jusqu'à présent , empêché
de leur donner. Ces prisons sont donc les plus impar-
faites de toutes et il faudra., en définitive, renoncer
absolument à s'en servir.
Quant à celles établies dans àés bâtimens qui n'à-
voient pasétéconstruitspour ce service, elles sont, en gé-
néral, beauieoupplnssati^aisantes. L'ancien usagQ de ces
édifices, qui, presque tous étoîent des couvens, les
rend très-propres à leur nouvelle destination. Comme
les prisons ^ Les couvens étoîent l'habilalion conti-
nuelle d'un assez grand nombre d'hommes réunis, et y
par cela même, étoient disposés pour les loger, sans
iaconvéniens^ et de la manière la plus commode. La
plupart étoient spacieux et renférrnoient dans leur
enceinte presque tout ce qui est nécessaire à la vie. Le
soin avec lequel on les avoit construits etdbtribués,
le grand nombre de choses utiles, qu'on y avoit réu-
nies , et leur situation , ordinairement isolée , en font,
presque partout; les meilleures prisons que nous ayonsi,
DU MATERIEL. 36 1
Combien n''est-îl pas à regretter, que, dans chaque
département, on n'ait pas écouté les voix sages, qui
réclamoient , pour le service public , ces vastes et soli-
des constructions et que d'imprévoyans administra-
teurs aient , pour un modique intérêt , on dans les
mouvemens irréfléchis d'une fougue révolutionnaire ,
privé la nation de ces précieuses propriétés, dont la.
plupart n existent plus maintenant qu'en souvenir,
tant ravidité des acquéreurs a rapidement renversé
ces monumens, pour trafiquer de leurs ruines? Avertis
par l'expérience du passé, c'est à nous de conserver
avec soin le peu qui nous reste de ces édifices, qui dîs-
paroissent successivement de la surface de notre sol. 11
seroil à désirer qu'on pût consacrer au service public
ceux qui n'ont pas été détruits et dont le Gouvernement
pourroît redevenir propriétaire, par rétrocession.
Enfin, il est quelques prisons^ qui ont été bâties à
desssein, pour cet usage même,et qui se recommandent
à quelques égards. On peut surtout remarquer, entre
les prisons féodales et le petit nombre de celles
que nos rois ont élevées sous l'ancien régime, quel-
qu'imparFaites qu'elles soient elles-mêmes, des diffé-
rences, qui montrent, que les unes sont l'ouvrage de
Torgueil privé, et que les autres ont été élevées par
des hommes d'Etat. L'humanité n'y est pas offensée
presque gratuitement , comme dans les premières ;
mais elle, n'y trouve pas toujours toutes les garanties
désirables. Souvent le local est trop petit, et ce défaut
est l'un; des plus fâcheux pour les détenus. Souvent
aussi , les constructions , faites à l'entreprise , n'ont point
la solidité convenable , et la société est exposée à voir
s'échapper des scélérats, qu'elle redoute justement.
362 DES PUISONS.
D'un antre côté , ces prisons n ont pas été constrnites
sur un plan uniforme et déterminé ; on a suivi le
caprice de l'architecte, ou la direction donnée par les
administrateurs locaux , et chacune de ces prisons est
différente de toutes les autres. Il en ^résulte des omis-
sions importantes et des différences dans la discipline ,
qui sont loin d'être favorables aux prisonniers.
Quant à celles, en petit nombre , tjui ont été cons-
truites depuis 1792 , elles sont , en général , dignes
d'éloges , quoiqu'elles aient aussi le défaut de ne pas
être modelées sur un plan général et uniforme. On a
cherché è les rendre réellement propres à l'usage, au-
quel on les destinoit et il en est quelques-'iines,qui ont été
faites avec soin et intelligence; On distinguoit entre
autres celles du département du MonC-Blanc , dont la
principale a cessé de nous appartenir. On trouve encore,
dans l'intérieur, quelques prisons et maisons centrales
assez bien construites ; mais le nombre on est sensible-
ment inférieur aux besoins du service.
CHAPITRE II. Petitesse desPrisans.
ê
L'exigvité du local est le vice le plus général et,
tout à la fois, le plus fâcheux de nos prisons. De lui seul
découle une multitude d'inconvéniens, qu'il rend iné-
vitables, et qui font de cette institution , un véritable
iléau pour rhumanité. Combien ne voit-on pas de pri-
ions , qui regprgent de détenus , et dont l'étendue est
tellement disproportionnée avec le nombre de leurs
habitansj ou de ceux qu'on se promet d'y entasser ,
qu'il semble qu'on ait seulement cherché à calculer
géométriquement combien de corps humains peuveni
DU IVIATERIEL. 353
$e mouvoir dan^ un espace donné, sans s'embarrasser
de leur procurer les moyens d'y vivre ou au moins
d y respirer!
. C'est surtQut dans les priisons définiiives , que se fait
(remarquer celte funeste «économie de logement. Aa
nomhre des améliorations précieuses, dont ces prisons
ont été Tobjet, on regrette <le ne pîjs voir figurer, ea
première ligne ^ la réduction du nombre des prison-
niers , qu'elles peuvent contenii* sans danger. Cettq
omission est , nous n'en doutoils pas , une des causes
les plus puissantes, qui aient combattu, jusqu'à ce jour,
les soins que l'on a pris, pour approprier ces établis-
,semens à leur destination, 0^ a cherché tous les
moyens d'améliorer leur régime , on ^n a employé
plusieurs, avec un véritable succès , et néanmoins il y
reste encore bien des choses à désirer. Mai$ la grai^
deur du local , ou , ce qui revient au niéme , la justtf
proportion entre l'étendue des bâtimeas et le nômbra
de prisonniers qn'ils peuvent contenir , est une des
réformes les plus utiles, que l'on puisse y opérer.
• Il en est de mecne de certaines maisons.d'arrêt, où
le nombre des détenus excède évldefnment la gran-
deur du local, Cependïint cet inconvénient y est
moiris sensible que dans les autres prisons, parce-
qq'ellfis ont rarement bea^acoup de prisonniers à ren-
fermer. Placées , le plus $ouveat , dans le* iehefs-Ueux
d'arrondisserpent , elles ne sont pa« ordinairement
^rcbacgées de détenus. Mais souvent aus^i, quoiqu'on
n'y ait pas besoin d'un grand local , les bâtiment y
sont encore inférieurs à la proportion nécessaire , et »
» dans l'idée que ççs prison* ne dévoient p«ô être très-
g;rande$ , on leur a parfois nssigfté des édifices trop peii
J64 DES PRISONS.
GOBsiilërables. Dan^, quelques villes, c'est tine simple
maison^ de particulier, qui sert de niarson d'arrêt, et ,
iiidëpendamHient du défaut essentiel d'être très~mal
appropriées à- leiwF destinât iôa, les prisons de ce genre
ont encore le* désavantage d'être peu sures dans tous les
cas, et d'êtve trop* petites dans certaines occasions,
comme dans te cas de translation de détenus , où
elles doivent servir dfe dép6ts pour les passages ;
elles sont alors encombrées , au point qu'on est obligé
d'enlasser les prisonniers , d'une manière réellement
affligeante, et que cette surcharge, dure souvent plu-
sieurs Jours.
' Quelquefois aussi , le nombre des prisonniers varie
d'une manière très- marquée, et se trouve excéder de
beaucoup les proportions ordinaires. Une contrée,
long-temps paisible^ est* tout à coup envahi^ par une
bande de voleurs; tous les gens sans aveu des envi-
rons viennent se joindre à ce noyau , et bientôt l'ordre
public n'a pas trop de ses nombreux défenseurs, pour
être protégé contre ces ennemis. Une mauvaise ré-
colte, un hiver rigoureux , multiplient aussi., d'unq *
manière effrayante , le nombre des crimes , et par
cela même, celui des prisonniers. Dans de telles çir-.
constances , les maisons d'arrêt ordinaires sont pres-
que toujours insuffisantes; et ces prisons, qui n'avoîent
jamais renfermé que dix à douze prisonniers, gardés
facilement par un seul geôlier , se trouvent alors rem-
plies de brigands , dont l'audace et le nombre exigent
de puissans moyens de sûreté et des gardiens multi-
pliés.
• Ces cas sont rares , il esf vrai , mais ils sont possibles ; '
des exemples nombreux, ne le prouvent que trop et, si-
t)U MATERIEL. 565
l'on ne peut s^en faire une base générale, ponr la di-
mension à donner aux maisons d'arrêt, il seroit ce-
pendant à désirer qu'on ne les oubliât pasenlièr^ment,
dans Tappréciation de celle ^ qu'on devra leur donner
ordinairement.
• Mais la petitesse des maisons d'arrêt est bien plus
sensible encore, quand elles sont réunies avec lès mai*
sons de justice , comme on te voit dans quelques
chefe-lieùx de déparlement. C'est alors que les deux
prisons^ se partageant lin local , tout au plus suffisant
pour une seule , sont resserrées outre mesure , et pré-
sentent tous les inconvéniens de la petitesse. Oufre les
dangers physiques d'une population excessive , on y
trouve tous les désavantages moraux , que nous avons
déjà signalés, dans la première partie de cet ouvrage;
une injuste et funeste confusion de tous les genres de
détention, qui rassemble, sous le même joug, les pri-
sonniers, qui devroient le plus être séparés, et l'impos-
sibilité , presque absolue , de permettre aux détenus^
de se livrer à un travail utile et salutaire.
: C'est,, d'ailleurs, une vérité fâcheuse , niais incon-
testable, que, dans certaines prisons, il règne une con-
fusion complète, parmi lès détenus. L'âge, le sexe, la
cause de la détention n'y semblent pas des mol ifs assez
puissans , pour motiver.une séparation , à laquelle on
opposé toujours une raison sans réplique , l'insuffisance
du local. 11 est des maisons d'arrêt et de justice, où pré-
-vénus, accusés et condamnés, jeunes et vieux, homnies
et femnijes, séparés par des divisions illusoires, passent,
dTectivement confondus , tout le temps de leur déten*
•tion , ou trouvent dans la geôle un lieu de réunions
366 DES PMSONS:
scaodaleiises,qui rédaîtàxien les précauiiotis, prises en
apparence, pour les séparer. ^
Il en est même heaucoup, où Ton n^a pas seulement
pris les précautions les plus simples, pour s'opposer aux
désordres révoltans , que ne peut manquer de produire
la réunion , sous le même toit , des individus les plus
dépravés dans les deux sexes. Sans la loi que je rrie suis
imposée, de ne présenter dans cet écrit que des résultats
généraux, et d'éviter les renseîgnemens locaux et in*
dividiiels,qui dégénèteroient presque en dénonciations^
je pourrois citer àe& exemples de cette scandaleuse réu-
nion.des deux sexes; mais il me suffit de faire observer
que, trop souvent, les vices d'un régime inmiorai vîem
nent encore ajouter aux désavantages d'un rapproche-
ment, que la petitesse des bâtimens semble rendre iné-»
vitable. Les abus , qu'on néglige de réprimer, rendent
plus sensibles encore ceux que , jusqu'à présent , ïad*-
ministration avoît paru résignée à souffrir , comme
attachés à la mauvaise disposition des prisons elies^
mêmes.
Nous reviendrons plus loin sur ceux de ces abus, qui
viennent de la négligence oq de la coupable condescen-^
dance des geôliers. Nous ne parlons ici que de ceux j
qu'on ne peut pas leur reprocher, mais qo'il n'est pas
moins important de réformer.
Nous remarquerons, en première ligne, la réunion
dans la même enceinte de prisonniers, arrêtés ou déte^
nus pour des motifs absolument disparates. Le geôlier
ne peut refuser de recevoir tout individn, légalement
arrêté, qui lui est amené et remis , en vertu d'nnor«>
dre légal. On ne peut donc lui faire un i*epreche de
DU MATERIEL. 36-
lenîr dans la même prison, d^s prisonniers,. qnî de-
vroîent être enfermés séparément. Mais quels tristes
résultais produit cette fâcheuse confusion ! On voit tous
les jours, dans la même cour et sous les mêmes ver-
roux , l'enfant que son père a voulu corriger par une
courte détention , le militaire qui a manque à la disci-
pline, ou le malheureux- qui n'a pu remplir à temps
les engageniens iqu'il avoit souscrits, à côté d'houimefi
sur lesquels pèsent les. accusations les plus graves, ou
même que flétrissent à jamaîsdes condamnations igno-
minieuses* Ce n'est point ici une exagération vaine,»
inspirée par le désir de présenter des rapprochemens
déclamatoires : c'est le tableau simple et fidèle de Tétat
d'une foule de prisons dans nos départemens.
Il en est même plus d'une, où l'on remarque un abus
plus révoltant encore, s'il est possible.: c'est l'admis-
sion 4 au moins inconsidérée , dans les prisons, des per'-
sonnes attaquées d'aliénations mentales. Sans parlef
de l'inconvénient grave de confondre ainsi avec des
hommes infâmes des malheureux, qui, dans leur triste
position , jouissent encore de toute la considération due
à la probité , tout le monde sait que rien n'est plus con-
traire à la cure de ces funestes maladies que le séjour
des prisons. La duretjé des guichetiers ^ les brutales rail-
leries des détenus , l'aspect continuel des chaînes et des
cachots ne sont propres qu'à les aggraver. Je ne suis
pas le seul qui ait vu de malheureux aliénés, réduits,
dans une saison assez rigoureuse ^ à une nudité com-^
plète , et, en» proie aux accès d'une sombre fureur,
rugir en secouant les fers qui compriment leurs mains,
et ne plus paroître sentir l'existence que par les tour-
menfi de la captivité. Est-ce ainsi qu'on devroît traiter
368 DES PRISONS,
des malheureux-, qui ont droit aiix plus grands égards ^
et dont Tétat exige le régime le plus doux et l'apparence
de la liberté la plus, entière ? Cependant un rapport offi-
ciel constate que plus de six cents de nos compatriotes gé-
missent dans cet état déplorable , et que partout , même
dans des villes, où il se trouve des maisons de santé pour
les fous , on les enferme dans les prisons.
Quant à la réunion des deux sexes dans la même
prison , en supposant même qu'ils aient des quartiers
séparés , un seul exemple prouvera combien elle est
dangereuse 9 et quelles précautions on doit prendre,
dansTintérêt de l'ordre public, pour les prisons ainsi
distribuées. Il en est une, où les hommes et les femmes
habitent le même édifice, mais dans des quartiers ab-
solument distincts. Leurs fenêtres ne se correspondent
point ; les préaux où ils prennent la promenade sont
trop éloignés l'un de l'autre, pour qu'ils puissent avoir
ensemble aucune conversation, et il est certain qu'ils
ne peuvent ni se voir ni se parler. Mais les deux quar-
tiers ont un mur mitoyen ; et bien que <re mur , en
pierres de taille et de plusieurs pieds d'épaisseur? sem--
ble mettre entre eux une barrière indestructible , bien
que les Retenus des deux sexes ne se connoissent pas
réciproquement , les prisonniers ont percé ce mur dé
citadelle pour se réunir à des femmes, qu'ils n'avoient
jamais vues. Tant il est vrai que la surveillance est pres-
que toujours insuffisante dans les prisons qui réunis-
sent les deux sexes, quelques .précautions qu'on ait
prises pour les séparer ! Que ne s^iumes-nous à l'épo-
que, dont heureusement semble briller l'aurore, où
de semblables récits ne seront plus que le souvenir d'a-
bus qui n'existeront plus !
Du a^ATERIEL. 369
Uf^ autre inconvéïûent , bien fâcheux encore , mais
d'abord moins frappant, de la petitesse du local, c'est
rimpossibilité où elle met toujours les prisonniers de
se livrera un travail, qui les occuperoit utilement et
leur procureroit quelques légers bénéfices. Quand la
prison est trop remplie, toutes les pièces qui la compo-
sent sont transformées en chambres; souvent même les
prisonniers n'ont pas l'espace nécessaire pour se loger
commodément, et sont accumulés sans mesure dans
des salles étroites, à peine suffisantes polir un nombre
même inférieur. On a vu des prisons, destinées à con-
tenir ordinairement de quinze à vingt individus, dans
lesquelles plus de cent détenus de tout âge étoient ras-
semblés temporairement. On conçoit qu'il ne falloit
point penser à monter des métiers, quand les détenus
remplissoient jusqu'aux. corridors^ et qu'ils trouvoient
à pueinele moyen d'étendre une botte de paille, pour y
reposer à deux , sur les marches d'un escalier.
Cette affluence , qui se renouvelle toujours , mais
d'une manière plus ou moins sensible , dans les mai-
sons de justice, à l'époque des sessions de cours d'assises,
est plus fâcheuse encore, quand elie a lieu dans une
maison d'arrêt, où naturellement les détenus doivent
faire un plus long séjour. Cependant il ne faut pas
croire que les maisons de justice , destinées, d'après la
loi, à ne renfermer que des accusés, ne conservent ef-
fectivement les prisonniers que dans l'intervalle qui
sépare leur mise en accusation de leur condamnation ,
c'est-à-dire , pour la plupart , une semaine avant et une
après la session des assises. D'abord , pour presque tous
les détenus, la condamnation ne devient définitive
qu'au bout de deux ou trois mois , à raison des pour-
2é
37© DÈS PRISONS.
VOIS ciï cassation ; «t c'est tiii temps, qu^Hs passent tou-
jours à la maison êe justice. Ensuite, ils né soiit pas
transférés sur-le-champ dans les bagnes ou les prisons
pour peines, où ils doivent subir leur condamnatioQ,
et , quelquefois , ils attendent cinq à six mois, après leur
exposition an carcan , le départ d'une chaîne on Tofr
dre de Irauslation , qui leur fasse quitter cette prison
provisoire. C'est ainsi que les maisons de justice sont
toujours plus ou moins peuplées dans Fintervalle d'ane
session à Tantre.
On voit que celte population se compose , en grande
partie, d'hommes condamnés aux précédentes ses-
sions, et qui attendent Tissue de leur pourvoi en cas-
sation , ou l'instant de leur départ pour les lieux 06 ils
doivent subir leur peine. Quand arrive Pépoque dçs
assises, on amène, de tous les points du département, a
la maison de justice, des accusés, qui viennent passeren
jugement ; et c'est alors qu'on y éprouve tous les in-
convéniens de l'encombrement et de la confusion des
accusés et des condamnés, et que l'insalubrité du séjour
et la société pernicieuse des criminels démasqués exer-
cent leurs ravages , dans l'ordre physique comme dans
l'ordre moral.
On n'évitera jamais ces inconvéniens tant que sub-
sistera l'ordre de choses actuel , pour la répartition des
prisonniers dans les diverses maisons de force, qui exis-
tent en vertu de la loi. La division, introduite par le
Code d'instruction criminelle, eji prisons pour peines
et maisons d'arrêt et de justice , ne me parott pas hco-
reuse et fondée sur une analogie bien entendue. On
âvoit sagement fait une première distision , qui met
d'un côté les condamnés , et de l'autre les accusés et les
0U MATERIEL. 371
prévenus; mais, dans la subdivision des deux dernières
dasaes, on semble avoir oublié, ou plotàt nëgliçé le
principe sur lequel est basée la première disposition ^ la
séparation des criminels convaincus d avec ceux , que
signalent seulement des présompHons , plus ou moina
fortes ; et » en ordonnant que les maisons d'arrêt se^
raient destinées aux prévenus, et les maisons die justice^
à ceux contre lesquels, aivoit été rendue une ordon-^
nance de prise de corps ^ le législateur a séparé deux
classes de prisonniers, qui pou voient , sans le moindre
inconvénient, se trouver ensemble > les prévenus et les
accusés, et il a confondu les dernier» avec les condam^
nés, qu'il étoit très-dangereux de leur adjoindre, fin
même temps* il a laissé dans la maison d'arrêt les con-^
damné» par voie de police correctionnelle, deTnanière
que, pour l'avantage imperceptible deséparer les pré-»
venus des accusés , il a laissé les uns et les autres avec
des condamnés, de la société desquels il fallait surtout
les délivrer. Il a négligé des caractères réellement dis-
tibctifs, Tévidence du crime dans les uns, et Tincerti^-
tude de la criminalité dans les autres, pottr s'atli^cher
à la distinction » presque inaperçue, des présomptions^
plus ou moins graves, qui placent certains prisonniers
dans la classe des prévenus , et font renvoyer les autres
en état d'accusation<^Telle n'a peut-être pas été rinten-
tion du législateur; mais telle est la manière dont on
exécute la loi , et il paroi^ di|£icile de la suivre plus lit-
téralement qu'on ne le fait.
Il eût été plus avantageux de diviser les prisonniers
ordinaires, les seuls que je voudrois voir dans les pri-
sons proprement dites, en inculpés et en condamnés,
et dé distinguer encore dans ces derniers deux classes;
3;^ Ï)ES PRISONS.
Ttoie des individus condamnés correct ronnellêmi^nt à
un emprisonnefment de moins de six mois , ou à on
plus long temps , mais pendant les délais de lappel ,
et destrondamnés en cour d'assises , pendant les délais
dn pourvQi , et Faiitre des condamnés par voie de po^
lic€ correctionnelle à plus de six mois d'eniprisonne-
ment et des condamnés à la réclusion , dont la con-
damnation seroit devenue définitive. Au moyen de
cette division > les maisons d'arrêt seroient entièrement
réservées aux incul{^iés, soit si m plies prévenus^ soit mis
en accusation ; la première catégorie des condamnés
«eroit renfermée dans les maisons de justice, à partir
du jour de leur condamnation , et les autres seroient
envoyés dans les prisons définitives * soit centrales,
soit départementales. C'^st ainsi qu'on pourroit éviter
de confondre des hommes évidemment coupables avec
d'autres , qui peuvent être reconnus innoceas, avaiH
tage trop précieux pour qu'on le néglige.
Quoi qu'il en soit , et, dans Tétdt actuel des choses,
comme les condamnés restent toujours un certain
temps à la maison de justice, il seroit, sans doute, à
désirer qu'ils pussent s'y livrer à quelque occupation
réglée. Le travail est un véritable besoin pour des
malheureux , que rien ne distrait ; c'est d'ailleurs un
puissant moyen d'amendement. Comment les détour-
ner du vice , et les ramener à la vertu qu'ils ont ou-
bliée , si un leur permet de passer^ dans une oisiveté
honteuse et immorale, les premiers mois du temps
d'expiation, auquel la loi les condamne? Ce seroit un
grand pas de fait vers la correction des coupables 9
que de procurer aux condamnés, qui attendent le^ir
translation, les moyens, et surtout l'espace néces-
BU MATERIEL. 373
saîre pour travailler. Dans beaucoup de maisons de
justice , l'un et Tautre leur manquent absolument.
Au surplus, la petitesse est le défaut général de
toutes les prisons; elles sont toutes disproportionnées
avec le nombre des prisonniers , sans en excepter les
prisons définitives, où cet inconvénient est d autant
plus fâcheux, que les prisonniers doivent y faire un
plus long séjour.
CHAPITRE III. Insalubrité des prisons.
Deux causes concourent avec énergie ,. à faire dès
prisons le séjour le plus pernicieux : la mauvaise si-
tuation de ces édifices, et le défaut d'air q^'on y
éprouve. Souvent combinés , ces deux àgens de des-
truction exercent alors Tinllaence la plus terrible ,
entretiennent dans les prisons des. épidémies perma-
nentes^ et les dépeuplent avec uneeffrayante rapidité.
Pour ne citer qu'un seul exemple de cette funeste
disposition des lieux, dans desétablissemens, qui au-
roient tant besoin d'être assainis, nous parlerons seu-
lement d'un de nos départemens frontières, où les
prisons, réunies dans un ancien palais, présentent tous
les incouvéniens de la petitesse et de l'insalubrité.
Cette maison de force , qui est tout à. la fois maison
de justice , maison d'aprét et de correction , maison
de dépôt pour la translation des prisotmiers d'un dé-
partement à l'autre , et dépôt de sûreté pour la justice
de paix, est désolée par des épidémies fréquentes,
et presque périodiques. Ce n'est qu!à l'aide des moyens
tes plus forts, et des soins les plus assidus, que l'on
parvient à désinfecter l'air ^ toujours vicié, de cette
prison« Faut - il s'étonner si , dans des prisons de ce
374 DES PtUSONS:
{ifcure ^ la mort enlève, chaque année, un' et quelque
fois de%ix cinquièmes de la population moyenne , tan^
dis que, dans les bagnes, où sans doute le régime n'a
rien de trop doux, un quarantième seulement suc-
combe , sur la population.
Sans doute, toutes nos prisons ne sont pas aussi
mauvaises que celle dont nous parlons ^ et que , depuis
long-temps, il est question de reconstruire; mais, eo
général , elles laissent beaucoup à désirer sous le rap-
port de la salubrité , soit, comme nous l'avons déjà re-
marqué , à cause de la petitesse du local , soit à cause
du mauvais choix de remplacement , et des vices de
distribution , qui lés privent de la quantité d'air né>
cessaire à la santé.
Beaucoup dès prisons de France sont bâties au mi-
lieu des villes , dans des quartiers populeux , où lair ,
déjà altéré par la respiration d'un grand nombre de
per^rines, est d'ailleurs privé, par la hauteur des b^
timêtis, et le peu de largeur des rues , de ce mouve-
linent , et de cette circulation , qui liii retidroient , en
gratide partie , sa pureté et sôn^ ressort. Placées daas
nt\e atnriosphère ainsi corrompue , les prisons ne jouis-
sent pas même d'une masse suffisante de cet air vicié ,
qui ne leur parvient que difficilement. Elles sont en-
core presque toujours privées de recevoir les rayons
du soleil 9 condition si essentielle de la salubrité dies
édifices. Souveiit, dans une prison considérable, le
soleil éclaire à peine le pied des murailles, et les préaax
mêmes y semblent voués a un crépuscule perpétuel,
parce qu'on n'y rfeçoît que la réverbération du s<h
leil. Sans que ses rayotis y parvienhent jamais direc*
iém^nt. . i
IJ
DU MATERIEL. 3^S
A ce défaut ^ dont les conséquences sont toujours fu-
nestes, se. joignent souvent des vices de localité, qu^
ne détruisent pas moins complètement toute salubrité.
Les prisons construites au milieu des villes, partici-
pent, nécessairement à tous les inconvéniens^ que celles-
ci présentent par leur situation. Â Texception de queh
que^unes, que des motifs politiques ont fait placer sur
des eoUuies^ et qui sont plutôt des citadelles habitées^
que des açgrégations de citadins industrieux et paisibles,
la plupart de nos villes se trouvent dans le fond def
vallées ou <sur le bord des eaux courantes , dont lef
unes, par leur volume» fournissent à la navigation
des communications précieuses , et les autres prêtent
aux manufactures le secpurs d'un moteur puissant e^
caûtinUf ou d'un liquide., nécessaire aux procédé^
des arts.
De ces diverses situations , les plus avantageuses sont
la position élevée , et le voisinage des fleuves navigar
Ues, qui se confondent presque Tune avec Tautre , par
la tendance des grandes rivières à couler au pied des
plus hautes montagnes. Mais ces deux positions sont
aussi les plus rares, il n'y a point de grandes villes qui
soient ^tuées sur des hauteurs ^ et quant à celles qui
avoisinent un fleuve navigable, elles sont en petit
nombre sur la masse» D'ailleurs, dans cette quantité,
il en. est peu, dont les prisons ressentent l'avantage
de cette situation ^ parce qu'elle^ sont éloignées des
bords du fleuve, qui en fait la salubrité. Quant au^
villes bâties sur un terrain bas, comme cela se ren-
contre fréquemment, à cause de la fertilité ordinaire
de cette position, l'humidité, à laquelle elles sont expq-
sées, influe puissamment sur la salubrité des prisons, ,,
376 DES PRISONS.
OÙ elle agît avec bien plus d'énergie encore; aussi ee
est-il beaucoup, qui ont ce défaut, parmi Us.maisons^
d'arrêt et de justice^
On ne peut pas faire le même reproche aux maisons
centrales. (]omme, kleurégard, on n'a pas été gêné par
la nécessité de les placer auprès des tribunaux , on les
à presque toutes établies dans des monastères , où elles
jouissent de tous les avantages, qu'on avoit recherchés
dans la construction de ces édifices , et surtout , celui
d'une heureuse position, de l'isolement, et d'une at-
mosphère libre et pure. Tout ce que Ton pourroit dé-
sirer , ce seroit qu'elles fussent plus multipliées, et
qu'on eût affecté à cette utile destination beaucoup
d'édifices , qu'avoît épargnés le marteau révolution-
naire. La petitesse des prisons , ou leur disproportion
avec le nombre des prisonniers est un vice général; et
les prisons centrales ^les- mêmes, plus régulièrement
garnies de prisonniers, n'y sont pas moins sujettes que
les autres. Leur local est également insuffisant, pour le
nombre de détenus qu'on y enferme, parce qu'on n'a
pas eu la précaution de fixer un taux , qu'il né de-
vrott pas dépasser. Des administrateurs , qui tien-
jfieht à honneur le nofubre d'homnies , que contien-
nent les prisons soumises à leur garde , et qui , outre
l'avantage pécuniaire qu'ils y trouvent , ont intérêt,
pour soutenir une certaine concurrence avec des éta-
blissemens rivaux , ou pour obtenir quelques fwéroga-
tîves , d'en augmenter la population , mettent souvent
tout en œuvre pour y parvenir. Un prisonnier de plus
est pour eux une conquête précieuse, et, pour l'ob-
tenir , il en est qui n'épargnent ni soins , ni démar*
ches , ni intrigues.
Dû MATERIEL. 377
Au milieu de tous ces calculs d'un intérêt privé et
sordîde, on conçoit que celui des prisonniers est ton*
jours compté pour peu de chose. Peu importe qu'une
prison ait déjà le nombre de détenus, suffisant pour la
remplir^ sans se nuire les uns aux autres; tant qu'il
n'est pas physiquement impossible d'y amener de nou-
veaux prisonniers, on n'examine pas si ce surcroît de
population n'aura pas l'inconvénient de faire des pri-
sons, ainsi encombrées, un séjour souvent mortel,
pour les malheureux qu'on y retient.
Ce n'est pas sans un sentiment pénible, que l'on
voit, dans dès prisons, d'ailleurs bien administrées,
et tenues avec beaucoup de soin, même relativement
au coucher, la manière, vraiment pernicieuse, dont
les chambrées sont remplies de prisonniers , au moyen
de lits à deux étages, qu'on^y a construits. Nous entre-
rons dans quelques détails à cet égard , quand nous
parlerons du coucher. Il suffit de faire observer ici que
cette augmentation du nombre des détenus admissi-
bles dans les prisons , ne peut avoir lieu , sains dimi-
nuer, dans la même proportion, la masse d'air , déjà
si insuffisante, qui leur est accordée. On peut même
ajouter que cette superposition des lits est dangereuse,
en ce qu'elle place les prisonniers des lits supérieurs ,
dans un air vicié par les émanations, qui s'échappent
des lits placés au-dessous et qui^ comme on sait, tèu~
dent toujours à s'élever. La place supérieure est donc
déjà malsaine par elle-même, indépendamment de
la multiplication des lits , qui résulte de la latitude
laissée aux chefs/ et qui contribue puissamment à la
prompte dépravation de l'air , dans les dortoirs.
Si, à cette dispositipn si dangereuse, se joignent
37» DES PRISONS.
encore , comme chi n'en voit que trop d'exemplea^ des
vices de localité , comme Thumidité , le défaut de so-
leil , ou si une distribution, maladroite ou mesquine^
prive les prisons du nombre d'ouvertures, nécessaire
pour y renouveler l'air d'une manière suffisante , on
conçoit combien ces diverses causes réunies doivent
avoir des suites fâcheuses pour la santé des prisonniers.
Il est certaines prisons, d'où l'humidité n'est jamais
bannie. Quelques-unes, par le désavantage de leur posi-
tion, ne parviennent jamais, même dans les jours les
plus chauds de l'été, à un état de siccité satisfaisant. Il en
est aussi qui , établies dans ces anciens châteaux-forts,
dont les murailles de. pierre a voient plusieurs pieds
d'épaisseur^ n'ont juste que le nombre de fenêtres, in-
dispensable pour en éclairer l'intérieur, de sorte qoe^
dans ces édifices, qui semblent voués à une éter-
nelle et humide obscurité , l'air ne pénètre qu'en trop
petite quantité, pour lès besoins de leurs habitans.
Ils manquent donc du premier agent de la santé ^
nn air pur et souvent renouvelé.
Souvent aussi, ces défauts ne se bornent pas aux
chambres et les prisonniers n'ont pas plus d'air dans
leurs ateliers que dans les lieux où ils couchent. Les
mêmes causes s'opposant encore à l'ouverture des fe;
nêtres, ils ne quittent l'air empoisonné de leurs
chambres que pour passer dans des salles , qui sont
bientôt tout aussi dangereuses. Il est même certaines
prisons , où les préaux eux-mêmes sont , pour aiasî
dire^ p4*ivés d'air , tant on semble en avoir été avare
dans leur disposition. La hauteur des murailles , le
peu d'intervalle qui les sépare , et qui , dans certaines
prisons , leur donne plutôt l'apparence d'un corridor
DU MATERIEL. 379
qiie d'nn lieu destiné à la promenadç, en font uneres^
source pre^sque illusoire et inutile pour la salubrité;
Tous ces inconvéniens sont réels , ils existent , sou-
vent même réunis, et l'on conçoit combien cette ac-
lion combinée doit être funeste ; aussi les prisons qui
les éprouvent sont-r-elles toujours exposées aux rav^iges
des -épidéniies. On ne les en préservera que par une
réforme totale et complète.
CHAPITRE IV, De/aui de sûreté des prisons.
Il est un autre vice capital, que présentent la plupart
des prisons particulières : c'est le défaut de sûreté.
Presque jamais les . maisons d arrêt ou de justice ne
sont asseà^ fortes, ni assez bien disposées, pour mettre à
Tabri de la crainte des évasions.
Entre les causes, qui donnent naissance à cet incon-
vénient grave, les unes tiennent à l'ensemble des prî-
.scftiSy les autres aux détaiU/de leur construction ou de
leur distribution ; toutes sont importantes, et ne cède-
rdient qu'à Teaiploi de mesures assez étendues. Elles
seroient Tobjet d'une réforme, quelquefois considéra-
,ble, fnais souvent facile k et toujours aussi avantageuse
.•pour la société entière , que pour les prisonniers eux-
mêilies et pour leurs gardiens. En général , tout se
lient dans l'administration i on ne peut faire le bien
des uns, sans favoriser en même temps quelque
antre clafiîse, et chaque bienfait d'un Gouvernement
fait tonfOOTS plus d'un heureux.
La première cauise qui reorde les prisons peu sures,
c'est leur Situation au milieu des villes, et le voisinage
des inaisoâs particulières « dont elles ne sont p^s
3ya DES PRISONS.
isoIées^, commc' cela devroit être. Beâuconnp de- pri-
sons on( (eurs murs de clôture en mitoyenneté
avec les propriétaires voisins. Le même mur soutient
le toit de la prison et celui de Thamble demeure d'un
artisan ou quelquefois du palais d'un éminent fonc-
tionnaire. Dès lors la surveillance extérieure est nulle
et impossible. Le gardien ne peut avoir rœil sur des
dehors, qui sont eux-mêmes occupés à titre particulier^
et on ne peut l'autoriser à faire des rondes dans une
maison voisine , comme iM'auroit pu dans des préaux,
dépendant de la prison , ou dans la voie publique. Le
prisonnier n'est donc plus surveillé qu'au dedans , et
déjà ses tentatives, pour forcer la prison ne peuvent être
reconnues que d'uncôté, surtout, si la partie delà mai-
son , qui avoisine le mur qu'il veut percer , n'est point
habitée , ou si elle est réservéeà quelque usage, qni n'y
appelle les maîtres qu'à certains intervalles éloijgnés ,
comme cela se rencontre souvent. Le voisinage des
cachots est si triste , que ceux qui demeurent auprès
d'une prison , éloignent , autant que possible , des
murs mitoyens ou séparatifs, leur habitation ordinaire
et relèguent de ce côté les dépendances les moins fré-
quentées de leurs maisons. C'est ordinairement des
granges , des bûchers , quelquefois des basses-cours
ou des magasins, qui se trouvent près de cette limite.
Un tel voisinage paroît disposé tout exprès, pour
les évasions. Si le détenu parvient à percer le mur qui
l'enferme , il est libre et n'a plus qu'à chercher les
moyens de sortir d'une maison particulière , toujours
bien moins exactement fermée qn'une prison ; et l'on
a déjà pu sentir combien ils seroient peu découverts,
dâds leurs travaux , pour forcer ce premier obstacle.
DU MATERIEL. 38 i
Ob a vu lies exemples fréquents de ces évasions , qnt
prouvent combien le défaut d'isolement leur est favoî-
rable; mais Tun des plus frappans est fourni par nn
chef-lieu de département , où les prisonnî^s, ren^
feri^és dans la maison de ju^iee , après avoir percé
une cloison ,.qui les séparoît seule deThôtel delà Pré»
fectore , se «ont trouvés , dans les premiers momens
de leur évasion, dans lesappartemens du préfet. Leura
travaux n'a voient point été troublés, parce que la
cloison qu'ils, perçaient faisoit partie d'une antique
chapelle, dépendante de la Préfecture, n^ais depuis
long<-tenips abandonnée. Ils n'eussent point trouvé,
sans doute , la même facilité, si cette cloison eût donné
sur lui chemin de ronde, qui lui même eût été placé
sur la voie publique. Leur tentative eut été promp-^
teroent' éventée, si l'extérieur avoit pu être surveillé ,
soit par le gardien lui-même, soit par les factionnaires^
•qui doivent toujours être postés dans les environs
•d'une prison et d'une Préfecture et qui eussent infail-
liblement été avertis, par le bruit, qu'ils ont dû faire.-
Cependant , le détaut d'isolement auroit des résul-
iats bien moins graves , si les prisons étoient plus soli-
dement construites qu'elles ne le sont pour l'ordinaiie.
Si les détenus ne se voyent enfermés que par de foi^
blés cloisons , ou par des murailles composées de
parties sans adhérence, l'évasion lepr devient pos-
sible et l'amour de la liberté la rend bientôt facile.
Malheureusement heaucoup de prisons , même parmi
celles destinées aux condamnés, ne présentent pas , à
un degré suffisant, la condition de la solidité. So.u<
vent lenceinte consiste dans une cloison en légères
soKves , dont Ifs intervalles sont remplis par des Iatte>^
38i BES PRlâOlïïS:
areyé^ues déplâtre otî dé mortier dé chaax. Celle cona»
trucHoQ n qui est suffisante pour les diitributions in-
tëeieuses et pour subdiviser des apparteinêhs , xompris
dans Teoceinte générale , est absoLument trop foible ^
foutef lés fois que les prisonniers' n'ont pas d*antre
obstacle à vaincre , pour se trouver^or^ de la prison.
0»H(g dmt donc l'employeg que poor les doîs^na de
refend , mais jamais pour f^ire Fenceisilè d'un iiâti^
ment, quel qu'il soit , quand méipe il seroit placé au
milieu de la clôture générale. On a vq , tout récem-
ment encore, des prisonniers s évader d'une inir*
merie, située au milieu^d'une prison assise forte, en se
glissant tout le long des bàtimens*, sons le, toit , dans
Tétroit intervalle , qui le sépare des chambres en man«
sardes , où ils étoient enfermés.. Cette iafif meriè étant
située au milieu de la prison , on avoît bâti ses laro--
bris avec une économie tellement imprudente , qu'on
ne leur avoit donné quinze lignes d 'épaisseur v atis^i
les détenus, en perçant cette foible cloison et m se
glissant soûs les toifs , sont parvenus jiisqu^à la crête des
murs extérieurs, d-où ^iis sont assez facilement des-
cendus dans la campagne. Cett« évasion éfoit due à
l'insuffisance d'uôe clôture , que l'on n'avoit pas crue
importante parce qu'elle étoit centrale.
Ce défaut capital est bien plus choquant encore,
quand il affecte les murs de clôture extérieure, comme
on le voit dans quelques prisons. Il est alors absolument
intolérable et il est du l'urgence la |dus pressante d^y
porter remède. Qn'en trouvera plus d'une fcis l'occa-
sion. On a vu des prisons nouvelles,, dont les murs,
qui, d'après les marchés, dévoient Mre en pierres de
taûlle, n'avoientété construits qu'en moëlions, déguisés
BU MATERIEL. Ui
%îl moyen d'un revétenaent de piarpe , à là largeur
convenue V niais de Tëpaisseur d'un pouée seulement.
Rien fi'étoUplus facile que de briser cette foible^ldture:
on fut obligé de la refaire entièrement.
> Il ne fai^t pas croire cependant que les grosses pierres
soient les meilleures à employer p<>ur les murs de
elôtore* Il suffit d'en retirer une seule, pour avoir une
grande ouverture , et on parvient souvent avec iisséz
de feciliUé à les arracher e.t surtout à les replacer , de
manière que , ' dans les visites , on ne s'aperçoit p^s
de leur déplacement. Il est plus sur de faire l^s solms
avec des cailloux, solidement liés avec du ciment;
l'irrégularilé de leur forme , et la facilité qu'on a pour
les enchevêtrer les uns dans les autres,, en fait une
clôture très-difficile à percer , surtout sans laisser aiper-^
cevrâr le travail qu'on a fait.
^ Il n'est pas moins nécessaire de faire attentioii auac
fjafonds , qui font également partie de la clÀture , et
par où les évasions peuvent facilement avoir lieu*
"Quelquefois lessolives qui les soutiennent sont telle-
nient éloignées l'une de l'autre , qu'un hommf^ jtrou-
veroit entre deux un libre passage , et la légère cons-
truction j qutenrefnplitles intervalles, est ordinaire-
ment trop fotble pour opposer la moindre résistance.
'Dans quelques prisons., on a<eu Inattention très-sage, de
Caire des plafonds doubles , de manière , que les deux
tangs de solives se eoupént à angles droits. Alors
«Mes ne laissent entre elles ^ie des carrés fort droits ,
<|uHl est impossible de franchir , ou d'agrandir , sans
tm travail très^long, et trop visible po^r qu'on puisse
le tenter."
* Malheureusement, ces précautions^ qui devroient
384 Î>ÊS PRISONS.
toujours être cumulées^ pour faire un bon système de
clôture, sont rarement réunies, de sorte qu'elles sont
presque toujours inutiles. Quelquefois les croisons
sont assez fortes ^ mais les plafonds ne sont pas dou-
bles, ou leurs solives sont trop écartées, et par là , on
n'aTéelIeraent qu'une clôture incomplète..
La même cause a donné tous ces vices au^ prisons;
la plupart de ces constructions ont été faites à Tentre-
prise, par des architectes, qui n'ont cherché qu'à rem-
plir, avec le moins de frais, possible,. le devis qu'ils
avoient présenté. Cette injuste et funeste parcimo-
nie, en assurant à Tentrepreueur un bénéfice illicite,
détruit entièrement la sûreté de la prison. ;
Dans beaucoup de prisons, on a. employé; commç
moyen de sûreté, les chemins de ronde, qui, consis-
tent dans un étroit corridor, formé par deux murs,
dont Tépaisseur diminue graduellemeat , à. mesure
qu^ils s'élèvent. Des chiens, dressés pource. servi/çe,
circulent , pendant toute la nuit , dans Cjes corridors ,
et font ainsi une garde trèsrcxacte , pourvu , toute-
fois^ que le chemin f^sseje tour entier de la prison j
mais presque toujours cette clôture est illusoire , parce
qu'elle est incomplète* Aussi , dans les prisons , où. un
chemin de ronde a été jugé nécessiiire , il faut 2|hsolu-
ment qu41 entoure la prison, dans tout son circuit ; au-
trement il est inutile.
Tous ces défauts, outre qu'ils rendent les prisons
plus ou moins incapables de remplir leur destination.,
ont , d'ailleurs , comme npus l'avons déjà fait observer,
l'influence la plus fâcheuse sur le sort des détenus, en
i^utorisant les geôliers à faire peser sur les prisonniers
une discipline, d'autant plus sévère, que la prison est
DU MATÉRIEL m
moins $ûre* C'est toujours sur la crainte des ëvasioni
qu'ils s'excnsént d avoir charge de chaînes^ ou préci-«
pité dans les cachots « des malheureux sans défense et
sans forcée. Il esl pëntï)Ie de ne pouvoir rëfufer ce n\o^
tif, presque tonjours sininlë, d'une rigueur inutile i
et de reconnoltre que le mauvais ëtat des clôtures lui
donne au moins Tapparence de la vérité.
Cependant la loi a posé les bornes, dans lesquelles
ks moyens de sârreté peuvent être employés. Jan^ais,
à Ce seul titpe, ils ne peuvent excéder 1^ peine légale^
prononcée par la condamnation , et cependant , com^
bien ces déplorables abus d'autorhé n'ont-'ils pas af-*
fligé nos regards! J'ai vu souvent , et je né* me le rap-^
pelle point sans un sentiment pénible , des malheu-
retiXy qui venoient d'être condamnés aux triavsrux
forcés y chargés j pendant tout le délai du pourvoi en
cassation ^ des fers les plus lourds et les plus incom-'
modesy et réduits à une immobilité presque com-«
plète y par cette charge pesante et douloureuse. Je ne
parle point ici de la chaîne et du boulet , que doivent
traîner, pendant leur peine, les condamnés aux travail]!
forcés; quelque pénifble que soit la vue des chaînes, au
moins, elles sont une rigueur légale, et , si U cœur se
serre toujours, au bruit sinistre de ces liens ignomi«»
meiix , l'âme ne se révolte pas contre l'idée d'un tour-
ment infligé par rio{ustice. Il n'en est pas ainsi des
fers, que fait porter aux condamnés la soupçonneuse
surveillance des geôliers. Au lieu d'une chaîne et d'un
boulet , qui appesantissent la marche , et empêchent
de courir ou de s'élancer, les condamnés, mis aux fers,
ont les deuxi ïambes entourées d'énormes colliers ^
ou'un seul ânaeaii réunit ensemble. Oaas cjctf doo-
aS
r
38G DES PRISONS,
loureuses entraves , les pieds , toujours rapprochés Fan
de l'autre, peuvent à peine ^ au prix de souffrances
aiguës , faire des pas de quelques pouces. Ce n'est
qu'en soulevant avec effort ces masses , aussi pesantes
que grossièrement façonnées, qu'ils parviennent à
traverser lentement les préaux et les corridors. Souvent
le sang jaillit de leurs pieds, déchirés par les aspé*-
rités des fers , qu'on n'a pas pris le temps de polir ,
mais qu'on a eu soin de river solidement. La nuit
n'est pas moins affreuse que le jour, et, quand ils
cherchent , dans un changement de situation quel-
conque , le repos dont ils ont tant besoin , les liens
étroits, qui les retiennent , leur enlèvent ce dernier
soulagement.
Tout , dans l'usage des fers, est également odieux et
repoussant. L'instant même où on les attache aux con-
damnés , n'est pas le moins pénible pour eux. Encore
émus et bouleversés par une séance longue et ora-
geuse , atterrés par le prononcé d'une condamnation ,
à laquelle souvent ils ne s!attendoient pas ^ ou dont ils
n'avoient pas encore senti toute l'horreur, jusqu'au
moment terrible qui a renversé leurs dernières espé-
rances , les condamnés entrent dans la prison , qui ne
doit plus s'ouvrir pour eux de long-temps. Arrivés
dans la geôle , où les reçoivent , avec une indifférence
cruelle ,^ceux qui vont désormais leur commander en
maîtres , on leor attache les fers qu'ils doivent porter
jusqu'au bagne. Des ouvriers s'empressent de les
river, aVec une active rudesse; S'il en est qui résistent,
qu'un reste de sentimens généreux indigne à la vue
de ces affreux signes dé leur opprobre ^ on les terrasse
avec violence , et , contenus par la force dans cetl^ pér
DU MATERIEL. 33^
nible position , ils voyent le marteau et ]a lime Bxer
a grands coups, les fers autour de leurs jambes capl
tiyes. Qui pourroit voir, sans gémir, uue pareille
scène, qui se renouvelle presque à chaque condamna-
tion! Qui pourroit n'être pas indigné, en pensant
que ces traitemens odieux ne sont pas autorisés par
la loi, et que le mauvais état des prisons est le seul
prétexte, qui serve aux geôliers, pour motiver cet
odieux emploi d'une autorité usurpée ! Nous parle-
rons plusloin des autres abus, qu'ils se permettent sou-
vent en ce genre; quant à présent, nous n'avons en
vue que d'esquisser les funestes effets d'un état de clô-
ture imparfait dans les prisons. Ces réultats ne sont
malheureusement que trop communs en France,
TITRE III.
JDE LA DISCIPLINE. "
CHAPITRE I". Des Geôliers.
L'iTïPLUENCE des vices matériels des prisons n'est
pas bornée, nous Favons vu, aux seuls inconvéniens
sanitaires. Outre ces dangers, que Vofï ne sauroît évi-
ter avec trop de soin , ils donnent encore naissance à
une foule d'abus fâcheux , entre lesquels nous remar-
quons surtout l'excessive sévérité de la discipline.
Nous avons déjà fait entrevoir , dans le titre précédent,
une des faces de cet important objet ; il convient ici-
Ae l'examiner plus en détail. On peut l'envisager sous
383 DES i^RlSONS.
deux points de vue différens : d'abord 9 $ous celai de
rautorîtë, légitime ou usurpée, dont les geôliers font
u^ge , et ensuite dans Tétat où se trouvent, en g^néraU
les difTérentes classes de détenus, qui peuplent nos
prisons.
$i les geôliers n'usoient jamais que des droits « et
du pouvoir que leur accorde la loi , quoique cette au-
torité légale nous paroisse encore trop étendue, à cer-
tains égards^ Vétat des^ détenus seroit infiniipeut meil-
leur qu'il ne Test ordinairement. Soumis à unedîsci*
nline sévère , mais fixe et sans arbitraire, ii&cooQoi*
4roient d'avance leur$ devoii's, et les peines qui ea
i;épriment la violation. La mercantile cupidité d^llk
geôlier ne iendroit pas à leur sobriété des piégeSt
qu'on les punit ensuite de n'avoir' pas évités, et le
cercle de leurs devoirs ne comprendroit pas celui
d'apporter régulièrement à la cantine le tribut , qiie
l'avidité impose sur leur modique bénéfice: des châ-
timens arbitraires , illégalement inHigés, ne vien-
droient pas aigrir leur âme contre Tordre social, et
leur montrer que les ministres subalternes de la loi,
^oiit loin de respecter ia justice dans, leur ^conduite.
Telle» sont, en effet, quelques-unes des conséquences
de Vusurpation de pouvoir, que se permettenl les
geôliers f soit que lautorité tende toujours delle-ménie
à s'agrandir dans la main de ses dépositaires, soit
qu'ils y trouvent un instrument pour leurs passions,
comnie moyen de fortune ou de vengeance.
De toutes les causes qui réduisent les détenus à oo
état fâcheux, il en est peu de plus active, de plus gé-
nérale, que le deq>otisme des geôliers, que cette aa-
tprité de tous les instans , qui pèse sur tow te« points
« DE LA DtèeiPLmE. 58^
àé l'existence â\iA devenu , et qui , en TâCCâblant du
joug le plus intolérable , Ini enlève , tomme tontes les
tyrannies, jusqu'à là liberté de ta plfiinte , par la crainte
de les voir s'appesantir encore. AfIVanchis de ce joug ;
inévitable pour eux dans l'état actuel des choses , les
détenus verroient leur position sensiblement amé-
liorée ; car 9 c'est là qu'est l'origine de leurs peines les
pins cruelles, et, je ne crains pas de le dire, la ré-*
forme, sur ce point important, trop négligé peut-
être jusqu'à ce jour, seroit pour les détenus Tune des.
plus utiles , et surtout des plus agréables, que l'on pût
opéren
Cependant , je dois à la justice et à la vérité de te^
ccmnottre, qu'en général, les geôliers ne sont pas Ini-
hnmatns ; que, par réflexion et de propos délibéré , ils
ne cherchent point gt-atùitement à abuser du pouvoir
dangereux qui leur est confié. Mais l'intérêt per-
sonnel, cette lèpre de l'humanité , qui gangrène tant
de cœurs, nés pour être bons , et cette tendance natu-
relle à abuser de l'autorité que l'on a ^ur des hommes ,
que Ton croit ses inférieurs, corrompent presque ton-
joui*s les bonnes intentions, que les geôliers peuvent
apporter, à leur début dans les fonctions , que la loi
leur confie , et transforment en tyrans avares et cruek
ceux, qui devroient être seulenîent les gardiens et les
suryeillans des détenus. Devenus , sous le prétexte spé-
cieux de la slireié, les uniques et exclusifs fournisseurs
de la prison , ils profitent de leur puissance pour
étendre lènr injuste commerce, et punissent, comme
des fautes , l'économie et la sobriété , qui les frustrent
dn gain honteux , dont ils avoient fondé Tespérance
sur l'incondoite des prisonniers* Souvent on voit \»
3^0 DES PRISONS. t
même concierge, compatissant et serviabie pour oa
malheureux dont il n'attend rien j inspiré par la seule
humanité , lui., rendre quelque ^service gratuit , »et sô
montrer dur et impitoyable envers un prisonnier
moins pauvre, dont il espère tirer quelque .bénéfice,
si ce malheureux ne fait pas une dépense, proportion-*'
née à Tavidité de son gardien. C'est pour lui, que se-
ront réservés les mauvais traitemens , les vexations i
les châtimens arbitraires; et s'il ose élever la voix, s'il
a l'audace de faire entendre une plainte. timide contre
son oppresseur , il peut être sûr de yoir s'aggraver ses
maux , de toute la vengeance d'un homme double-
ment irrité , tandis que sa réclamation va s'ensevelir,
avec tant d'autres, dans les , cartons ^ d'un greffe, on
d'un bureau d'archives , si . même elle n'attire sur son
auteur un redoublement de supplices , par la perfidef
adresse du geôlier , qui sait toujours mettre les torts du
côté du prisonnier. C'est ainsi que le despotisme et
l'avarice des geôliers s'unissent et. se fortifient mu-
tuellement, pour aggraver la position, déjà si fâcbeose,
des détenus.
Ceux qui ont quelque intérêt au maintien de ces
abus trouvent aisément des raisons , pour les faire re-
garder comme nécessaires , et . il faut convenir qu'ils
défendent leur cause, avec toute l'adresse , que peut
avoir la cupidité , menacée dans la source de ses.gains
illicites. Si on leur reproche le monopole, qu'ils exer-
cent sur les malheureux confiés à leur garde, c'est
jparla crainte des évasions qu'ils Je justifient. Ils font
entendre que si l'on permettoit à des personnes, étran-
gères de venir exercer «leur commerce à la prison et
vendre aux prisonniers les denrées de première aé-
DE LA bKCIPÏJNE. 391
cessité, fl seroil assez difficile d'empéeher qu'ils ne se
servissent de ce moyen , pour leur fournir des instru-
mens dangereux et desarqfies , ou pour établir, entre la
prison et les hahîtans de la ville , une correspondance,
dont les suites pourroient être funestes à la tranquil;
lité pnblique. On sent tout ce qu'ont de spécieux de
semblables raisons , appuyées sur Tintérêt général et la
sûreté des prisons; mais qui ne voitraussi , que ce ne
sont véritablement que des prétextes > inventés par les
ge61iers, pour conserverun monopole, qui les enrichit,
et que leur" véritable motif, c'est le bénéfice qu'ils y^
font ? S'il en étoit autrement , n'auroient-ils pas de
défiance , à l'égard de ceux qui fournissent aux pri-
sonniers des objets 9 sur lesquels ils n'ont aucun béné-
fice à faire ? Et cependant , nous voyons tous les jours
des personnes charitables venir dans les prisons, dis-
tribuer aux détenus du linge blanc , des aumônes pé-*
cuniaires, ou d'autres menus objets, et jamais les
geôliers ne pensent à leur interdire cette faculté*
Mais s'ils s'avisoient d'y vendre une once de tabac ,
aussitôt ce seroit des conspirateurs, des agens d'éva-
sion. L'interdiction la plus formelle, seroit prononcée
contre eux. L'intérêt public n'est donc réellement
qu'un prétexte , mis en avant par Tavarice des geôliers.
Il en est de même des vexations , dont les détenus
sont très* souvent les victimes , et des rigueurs que l'on
exerce contre eux, sous prétexte de surveillance: colo-
rées d'un motif d'intérêt général, elles n'ontde source
véritable que dans l'abus dé l'autorité des geôliers.
Sans doute , il faut prévenir les tentatives d'évasion et
prémunir les geôliers contre les violences de misera*,
blés, qui n'ont rien à perdre et tout à gagner , et qui
DES PRISONS.
prëfëreroiidt même quelquefois lés datrgers di*une
sédition à l'ennm d'cine eaptîvitë perpëtoelle. Geiit
dtenc avec raison que ta loi a permis d'employer des
Bi^ens sévères de répression , entèrs les détenus, qui
se rendroient coupables de rébellion. Mais en énon-^
çant , d'une manière vague , le délit en loi-«méme ^ la
peine qu'il enconrt , et l'autorité compétente pour la
prononcer, l'art. 6^4 du Code d'instruction crimi-^
nelle a ouvert la porte aux abus les plus déplorables.
Quand- ou pense qu'un malheureux, condamné à une
ample détention , peut être mis Bui fers, pouf aVoir
dit des injures , soit à un, antre détenu, soit aux ged-*
liers, ou aux autres préposés de la maison ; que cette
pane arbitraire peut , sous le visa d'un fonctionnaire
négligent ou aveugle , être prononcée et appliquée par
le geôlier lui-même , qui se trouve ainsi aceusnteur ,
juge etbourreau de sa victime, et que cette aggravation
de peine, peut être le châtiment d'une ëiconomie, qui
déplaît au geMier , quelquefois même d'unef honorable
résistance à d'infâmes propositions, ou de la constance
d'un malheureux à nier le crime qu'il n'a point com-'
mis, on se demande si un citoyen est hors la loi,
parce qu'il est accusé ou prévenu , s'il perd * tous ses
droits de cité , et même de nature , en entrant danU
ees prisons tçrribles, dont aucun de nous ne peut se flatter
de ne point passer le seuil , puisqu'on écartant même
Fidée affligeante de ces temps d'anarchie, on être
plongé dans les fers étoit un titre de gloire, qui ne
s'accordoit qu'à la fortune , au talent , à la vertu , per-
sonne ne peut se flatter de conserver toujours sa
liberté , sa réputation, - à l'abri d'une accusation ca*
lomnieuse«
DE LA lîlSCïPLINE. i()3
Dana l'état actnel des choses, tons les àëtenns, de--
puis le pn^veiiu jasqu^au condamna , sont soumis à -ce
pouvoir terHble du gedUer. C'est lui qui fait mettre
au cachot , charger de fers, et séquestrer de la vue de
tout être humain le prisonnier , qui a encouru sa dis-
grâce. Il lui suffit, pour légaliser ces actes arbitrai -^
res 9 de les consigner dans un prcicès-verbal , qti'un
agent de police vient signer dans la geôle. Et voilà
toutes les garanties , qu'a uni malheureux détenu ,
contre les vexations d'un tyran qu'il né peut fuir ! Lh
signature d'un homme , souvent sans consistance mo-
rale , agent révocable d'une autorité , qui peut ^
d^un moment à l'autre, le transplanter loin des lieux ^
#m il exerçoit sa surveillance. N'est-ce pa^ abandotiuer
«o plus déplorable arbitraire, le sort de personne^
àé}à assez malheureuses, par leur position même, pour
qu'on ne l'aggrave pas encore de tout le poids de Fin*-
justice?
Sans doute la loi qui nous régit a pris des précau*
lions, pour qu'il n'en fût pas ainsi ordinairement;
Mais, presque toujours, les garanties qu'elle donne sont
éiodées, par la négligence des fonctionnaires, auxquels
est confié le soin de les maintenir , et les geôliers, ha*-
bitaés à user sans contrainte, d'un pouvoir que rien ne
borne , defriennent bientôt les despotes les plus
redoutables. Cet abus, qui étoit devenu presque gé-^
néral , a beaucoup perdu de sa force , depuis que les
nouvelles ordonnances relatives aux prisons côm«-
mencent à recevoir leur exécution. I.ies commis*
sions des prisons étoient à peine établies depuis
quelques jours, dans les villes auxquelles elles sont
attachées, qu'on en épn>uvoit déjà des effets sen-
594 DES PRISONS,
sibles. Pour la première fois peut-être , les prisooi. le
virent inspectées par des bammes, dont cette sorveil-^
lance est Tobjet spécial, et qui> par cela niên>e, s'y
adonnent avec le zèle le plus ardent et le plus soutenus
Depuis qu'un œil vigilant s'introduit , avec la sanc-^
tiop de Tautorité , dans l'empire , jusqu'alors inconnu,
des geôliers , leur despotisme , sous leK^uel les détenus
sembloient destiné^ à trembler à jamais , paroit lai-
même ébranlé $ur soc^ trâne. Ces hommes absolue
qui , sous leur joug de fer \ plioient de malheureux
détenus , dont les plaintes étoient traité eis^ de révoltes y
et les pleurs d'insubordination ,. commencent eux-
mêmes à ne plus, se croire* aussi indépendans. Le ter-
rible mot de. destitution a retenti à leur oreiller il&
ont appris à redouter un châtiment, pour les actes ar-
bitraires, qu^, naguère encore, ils se permettoient jour-
nellement, et les prisonniers ont essuyé leurs larmes,
en voyant qu'ils n'étoient plus abandonnés sans défense
à la rigueur, souvent capricieuse, d'un maître absolu,
qui avoit l'effrayant, pouvoir d'étouffer les plaintes de
ses, victimes..
En. traçant ce :tableau consolant d'une réforme or-
donnée par le Gouvernement.françois, qu'on ne s'iraa-
gine point , qu'écrivain flatteur et mercenaire j je cher-
che à me concilier des juges parmi les.coopérateurs de
cette belle et noble entreprise! A Dieu ne plaise que
le premier essai de; ma plume soit souillé par d'aussi
lâches calculs. .Mais j'avois vu le mal , et j'en avois
gémi , ne pouvant l'empêcher ; l'aurore d'un pins
heureux avenir, s'ouvre à mes yeux ; je cède au plaisir
de m'en féliciter avec tous les hommes compatissans,
et la . crainte des interprétations perfides ne doit pa»
DE LA DISCIPLINE. SgS
, comprimer Félan de ma reconnoissance , envers les
bienfaiteurs de rhumanité. Honneur aux dépositaires
du pouvoir , qui n^en font usage , que pour consoler
le malheur, et verser le baume sur de douloureuses
blessures ! Honneur aux hommes généreux , qui con-
tribuent, de leurs travaux et de leurs aumônes, à Fœu-
vre immortelle de l'amélioration des prisons! Hon-
neur à ceux qui , d^ns un rang moins élevé, et sur un
théâtre moins étendu , ont déjà su faire sentir , dans
les détails , les heureqx effets de Timpulsion générale,
qu'imprime à cette grande réforme , la volonté bien-
faisante d'un Roi , qui i»e cherche que le bonheur de
ses sujets dans toutes les classes!
J'ai déjà fait entrevoir une des causes, qui me pa-
roissent avoir produit ces heureux résultats. Les com-
missaires des prisons ont pour mission spéciale de les
inspecter, et de surveiller la manière dont les lois y
sont exécutées. Chargés de cet objet précis et déter-
miné , ils s'en occupent uniquement et tout entiers ;
quelles que soient leurs autres occupations, ils n'oublient
pas qu'ils sont cpmmissaires des prisons, et que leur
responsabilité morale est engagée à ce que les abus, qui
pourroient s'introduire dans leur régime , soient sur-
le-champ dénoncés et réprimés. Ces commissions
forment des compagnies, dont chacun ctes membres
sent qu'il a contracté l'engagement solidaire de
combattre Farbîtraîre, et de protéger la foiblesse. Une
vive et noble émulation, qu'animent encore et renou-
vellent de fréquentes assemblées , donne à leur zèle
toute l'activité de la concurrence , tout l'enthousiasme
de l'esprit de corps. L'amour- propre loi-même, qu'il
' est toujours, bon d'appeler au secours du dévouement ,
396 DES PRISONS,
vient encore stîmnier, par d'innocentes sëdoctîon^,
la vigilance des commissaires. L'obligation de rendre
compte à leurs côUègaes des travanx et des observa-
tions de la semaine , le désir de parottre dignes de la
confiancepnblique, sont de puissans motifs pour son-
tenir leur courage , au milieu des détails, souvent pé-
nibles, et toujours assez multipliés , d*une surveillance
complète.
Combien l'ancien état .de choses n'étoît-îl pas in-
férieur à cette nouvelle organisation? Rappelons-
nous quelles étoient alors les garanties , dont jouis-
soient les prisonniers. Quelques articles du Gode d'ins-
truction criminelle, encore en vigueur aujourd'hui v
mais avec des additions bien précieuses, posoient,
d'une manière vague, les limites de l'autorité des gar-
diens et les attributions des fonctionnaires chargés
de la police des prisons. Par l'effet de cette législation,
c'est aux autorités municipales, en principe, qu'ap-
partient cette police , et le droit de l'exercer dans les
prisons; plusieurs magistrats, dans l'ordre adminis-
tratif et dans l'ordre judiciaire, étoient chargés de vi^
&iter, à certaines époques, plus ou moins rapprocliées ,
les prisons situées dans les lieux 011 ils exercent leurs
fonctions. Qui ne se rappelle avec quelle négligence
tous ces devoirs étoient remplis? Mais qui n'excnse;
en mêmeti!mps, quelques-uns de ces fonctionnaires,
que la multiplicité de leurs occupations emp'i^Ghoit évi-
demment de se livrer, par eux-mêmes, à une inspec-
tion , qui n'auroit pas dû être ajoutée a leurs attribu-
tions, déjà trop compliquées pour un seul homme? Il
est vrai que des commissions des prisons avoient été
créées dans chaque ville; mais cette institution éloil
DE LA DISCIPLINE. 397
plus nominale qae réelle ; le despotisme oftibitigenx
d!un homme , qui ue pouvoit pas souffrir dé délibéra <
ticMBi , même dans les degtés les plus éloignés de soq
trône , et pour les matières les pins étrangères an Gou-
vernement» avoit comme frappé de nitUî té, dès leur
origine, ees commissions , simulacre inconnu el illu-
soire de celles que nous devons au Roi. N^ayant aucune
espèce de pouvoir, n'ayant pas même le droit de se
réunir sans autorisation /tant le fondateur du Gorps^
Législatif avoit en horreur tout ce qui pouvoit rappeler
une assemblée délibérante , ces commissions s'étoient
trouvées réduites aux fonctions de répartiteurs de
quelques aumônes, qu'on cessa bientôt de leur porter
pai^e qu'on ne les connoissôit pas. L'inspection des
prisons resta donc toute entière aux fonctionnaires
désignés par le Gode d'instruction criminelle /dé)à
cfaai^gés de soins trop multipliés, pour pouvoir remplir
cette nouvelle mission.
Quand est-il jamais a^rivé que ce fût sur Tordre
du maire, seul magistrat compétent, que les fers aient
été itiis i'un prisonnier? Combien de fois le maire
d^une grande' ^iile a-t-il fait cette visite de chaque
niois> dont la loi lui fait un devoir? Et s'il en est quel-
que&^uns, qui , scrupuleusement attachés à leurs obli-
gations, s'y soient effectivement astreints, cesvidtes
n'étoient^elles pas au fond de vaines formalités , par le
peu de temps ,^ue les autres occupations de ces fonc-
tionnaires leur permettoient d'y donner? Quant aux
présidens des assises, qui doivent également les visi-
ter à chaque session ^ on sait assez quel effet produit
tQiojèé iiispectiôn, dont l'instant est connu d'avance;
il ne laut pas y attacher t^ne grande influence , ni en
398 OES PRISOKS.
attendre des succès bien satisfaisans ; d'aîlienrs , est-îl
bien certain que les magistrats , sentant eux-iïiêmes
rinutilité dé cette démarche, ne se l'épargnent pas
quelquefois?
Les différentes mesures prescrites par la loi , se ré-
duisoient donc à peu de chose en réalité. De loin en
loin , un agent de police parcouroit les prisons , auto-
risoit par sa signature les décisions prises , les con-
damnations «anticipées et arbitraires , prononcées par
le concierge, et légalisoit souvent, par cette déplorable
connivence , l'exercice, le plus immodéré , d'une au-
torité, toujours fâcheuse, parce qu'elle est toujours
usurpée.
Grâce à la nouvelle législation , nous n'aurons plus,
sans doute, à gémir de semblables abus. Les plaintes
des détenus , victimes de quelques vexations , seront
reçues par des hommes intègres, impartiaux, et non
par un agent subalterne , souvent d'accord avec le
geôlier. L'opprimé pourra faire entendre ses réclama-
tions, sans que la présence de l'oppresseur vienne
glacer sa voix et comprimer l'expression de sa juste
douleur,- et l'autorité municipale , toujours investie
jusqu'à présent du droit de protéger les prisonniers et
les gardiens, les uns contre les autres, recevra au
moins des rapports fidèles et désintéressés-", qui lui
traceront les ordres, qu'elle n'aura plus que le jsoîn fa-
cile de prononcer.
Ainsi, dorénavant, seront éclairées toutes les ac-
tions des geôliers, et la publicité, que recevra leur
conduite , sera déjà une garantie puissante de sa régu-
larité. Tel , qui vexoit les prisonniers , à l'abri d*une'
impunité presque certaine, sera infailliblement re-
DE LA mSCIPLmE. 399
teutt.par la criainte^de voir sa honte dëvoHée et soii
injustice punie. Mais cette crainte , suffisante dans ter-'
tain3cas, léserait-elle indistinctenoent, pour arirétet
les concierges , dans toutes les circonstances , et ne se-
ront-ils pas quelquefois entraînés par des motiCs , assez
pnissans pour la balancer? Tant qu41s n'ont a craindre
que' la destitution, punition qui, d'ailleurs, est tou-^
jours odieuse 9 parce .qu- elle est toujours arbitraire , ne
peut-on pas croire que ce frein sera trop foible, pour
les écarter de certains abus d'autorité, de certaines
fautes, plus ounioins graves, où les entratneroit un in-
térêt plus puissant? Il semble que la loi auroit dû pré-
voir au moins quelques-unes des fautes, que peuvent
commettre , et que commettent en effet souvent les
geôliers; mais elle est muette à cet égard , et, si le lé^
gislateur a eu grand soin de prévenir les évasions , en
déterminant avec précision les différens degrés de
criminalité des geôliers dans ce cas , on est réduit à re-*
gretter qu'il n'ait pas cherché , avec la même isollici'-
tude, à empêcher les abus d'autorité et les exactions,
dont les prisonniers sont si souvent victimes.
 la vérité , quelques articles de l'arrêt du règlement
de 1 7 1 7t portoient des peines', contre certaines faates
des geôliers et autres préposés^ notamment contre
leurs concussions; mais ces dispositions , presque ou«
bliées aujourd'hui, paroissent entièrement tombées
en^désuétude. On citeroit avec peine l'exemple d'un
geôlier , puni de l'amende prononcée dans l'art. 4 de
ce règlement ; d'ailleurs, les délits les plus fâcheux , et
en même teùips les plus communs, y sont passés sons
silence , ou signalés d'une manière si vague , qu'ils res-
tecQÎent ; touJQurs.impunis, sous l'empire de cette lé-^
4oo DES PttiSONS.
gislation imparfaite. C'est donc use lacmie Uè^acn-
sîble dans nos Codes , qiie le «lence qu f b gardesl sur
le» devoirs des g^Uers, et la manièfe ^.ks^ bnte
observer*
Qu'arrive-t'il dans ee silence de la loi? Qtie les gtA*
liers sont ponis trop sévèrement ^ ati qu'ils ne le sont
pas do tont. Placés dans Taltemalive, de les laisser im^
punis, on de lenr ôier leur état poar des fautes, qoi
souvent ne méritent pasicet excès de rigueor^lesso^
périeurs ferment les yeux snkt des contnavenlioss, qoe
leur humanité se refuse à punir de la ruine d'une f»*
mille entière ; et Tarbîtraire, enhardi par cette indul-
gence funeste, résultai inévitable du silence de la loi,
règne sans crainte iians les lieux ou il est parvenu à
s établir.
Tel est , ou plutÀt tel étoit^ il n'y » qqepeii dejnois,
le despotisme des geôliers. Déconra^ par vu arbt-'
traire continuel , aigris par le sentiment de l'inîiis*
lice , et habitues à ne jamais regarder un mdre que
comme une vexation , les prisonniers dévoient néces-
sairement prendre en haine l'ordre social ,^ qui ne se
fisisoit sentir à eux que par des tourmenè. C'éboif au
nom de la société qu on les chargedit de okaîoes,! qu'on
les plongeoi t dans d' obscurs cachots, pourun mormure^
pour un soupir échappé à la>so^iffranGe, qneiqaefoîs,
peut 'être, animé par Findignatioii. Comment pbo-
voit'on , ensuite, tes engager à respetftfer âe$ lois, qui
avoient toujours pstrn à leu^yeux les protectrices de
leurs oppresseurs? Comment leur parler de yostice,
quand on la violoit tous les. jours à lenr égard? Cet
état de choses étoit aossL impolidqoe qu'inhumain, et
l'on doit applaudis à rbsorease^réfoÉme^qpiJlii.asobs-
DE LA DiSeiPUNË. 4oi
til%i(^ un nouveau système., pkls conformera buî et à
Ptfsprit d'une bunne législatioa ^rimirieUetf
CHAPITRE IL De Véiat des détenus dans lès prisons^
Sectio» 1'*». MméoHS' d*(9rrél,
\. Ifaus avons appelé rattention sur un des plus grands
al^qni désolent les prisons, cette autorité despotique
c^ ÎUégîf ime desgeôliers, à bquellc les premiers coups
vif^mient d'être portés. Les vices de l«t discipline «>c-*
tuell^ ^ ou plutôt la manière inexacte dont on exécu4e
l^s fèglemens qui la composent , donnent encore
naiîssaiice à beaucoup de maux et d'abus > qu'il n'est
P^nioîns intéressant de connoître. Toutes les prisons^
(fileUes que soient leur natui^e et leur destination , sont
pli|9 ou moins entachées de ces vices, qui en rendent
le séjour aussi dangereux pour Tordre public ^ qu'in-
Sffpportabte pour ceux qui y sont renferinés*
. .{^ous avons déj^ parlé des inconvéniens graves , que •
produit la réunion desprisonniers^ dont la détention
a unç tiHise différente. Cette îHégate confusion n'est
f^nUe- pâriiplus marquée, que dans les maisons d'arrêt
d^f chefs-lieux d'arramiifisememt. Comme ces prisons
Sfiat ordinairement les seules maisons de fprce, que
possèdent les, petites villes > où elles sont établies, o4t
ytvoît, indistioctefi^nt cocifondues, toutes les classes de
prbt»imiefs* à l'exception des condamnés pour crimes:
encolle se trouva t-U quelquefois^ dans ces maisons,
flesparisottniers 4e celte classe,. qt) nne faveur, bien illé-
g»lie, y «a fi^itcondufir^.iSaus ne reviendrons pas de no\,i-
v«ati SOT les çonséquence^s moi'ales de cette confusion ,
luaw nQW deycM^s faire observ-er ici , qu'elle a pour
i6
4o2 DES PRISONS.
effet clii*ect, de soumettre à laTuénie discîpUne, et
d'astreindre aux mêmes observances et âu mêhie ré*
gîme des personnes, auxquelles une^pareille comma-
ndante ne peut convenir. La nourriture, le genre de
travail , les instructions religieuses , toutes choses in^
dispensables dans une prison bien administrée , ne
peuvent être données ; çn commun et de la même ma-
nière , à des militaires détenus par mesure de disci-
pline , à des enfans enfermés par voie de correction , à
dés prévenus, à des mend^ans , et aux autres classes de
détenus, qui se trouvent dans ces prisons. Ce quicon-
viendroit aux uns, seroit absolument m<iuvais pourles
autres , et souvent ils sont tous privés d'un avantage^
dont quelques-un§ seulement auroient pu jouy:, par
la seule raison qu'on n'en peut faire la règle générale
de la prison. C'est s'autoriser d'un mal, pour en intro-
duire un plus grand encore.
Cette étrange et fâcheuse . insouciance , qui asçujétit
tous les détenus dans ces maisons , à une absurde uni-
formité , seroit , d'ailleurs , bien moins préjudiciable ,
si le régime général y étoit bon, et n'étoitpas infecté
d'une foule d'abus, qui font que , de toutes Ihs. prisons,
ce sont les plus intolérables. Reléguées dans l'ombre
et presque inconnues , les maisons d'arrêt , à raison du
petit nombre de détenus, qu'elles contiennent ordinai-
rement, n'excitent pas l'attention , aussi vivement que
les prisons centrales, dont l'importance est plus généra-
ment sentie. Aussi leuTs concierges ont-ils toujoursbien
plus de facilités que les autres, pour user largement de
leur puissance. Il n'est donc point de prisons, où ils
soient moins contrariés dans l'exercice de leurs volon-
tés. 11 est vrai , en même temps , que leur administra-
DE LA DISCIPLINE. 4o3
lion , à raison du petit nombre de ceux qui y sont sou-
mis , a quelque chose de plusdoux que celles des grandes
prisons, et qu'à tbut prendre, en général , le sort des
prisonniers n'est guère plus à plaindre, dans les unes,
que dans lés autres. Mais c'est dans les petites maisons
d'arrêt , que se ftnt le plus sentir ces différences indi-
viduelles de traitement, qui servent souvent d'instru-
ment aux passions , ou d'objet à la vénalité la plus sor-
dide. Malheur au détenu qui seroit l'ennemi d'un con-
cierge! Il sentiroit souvent combien il est affreux d'être
soumis à une autprité vindicative.
: Il n'en est point non plus , où la conduite des déte-
nus soit plus inactive et plus déréglée. Presque tou-
jours privés d'ouvrage, parce que leur petit nombre et
le temps que dure leur détention lie suffisent pas pour
que les manufactures les emploient, ils passent des
journées entières à la geôle , où le concierge tient une
cantine perpétuelle, et où le jeu, la débauche et l'ivresse
consomment la ruine, déjà commencée, dé tons ceux
qui ont le malheur d'être repris de justice. Dès les pre-
miers jours de leur captivité , les prisonniers pren-
nent le goût de l'oisiveté , de la débauche , et ceux qui
sont de là transférés à la maison de justice , y portent
toutes les dispositions qui mènent au crime , et une
âme déjà préparée à recevoir les funestes leçons, qui
les y attendent,
S£CTioïi II. Maisons de justice.
. Le séjour dans cette seconde prison n'est pas
moins funeste à leur innocence. C'est laque la confu-
sion des classes est encore plus fâcheuse , s'il est possi-
ble , puisque les simples accusés s'y tri^uvent journel-
4o4 DES PRIIONS.
■ >
lement associés à des condamnés, qui ne lewf épargnent
jamais leurs pernicieux conseils. D'ailleurs, là , eoraniè
à> la maison d'arrêt, ihs passent' à la gfeôle font te
temps , que leur laisse Tennuyeux et funeste loisir «
dont iU sont accablés. Tant qu'il leur reste qtTefqites
pièces de hionhbie, on les voit, aiss^' aux ^ fables qui
garnissent la geftle, n'inférrufnpt^ leurs perpétuels fes-
tins que pour jouer, soit enlre eux , soit avec les gar-
diens eux-mêmes, à tous tes ji'^x que lés reglemens
défendent. Les dés , les cartes sdftt cofttvntielleinent
sous les yeux du geôlier , qui , bien loin dVmpécber
qu'on ne se livre à ces dlvertisseméhs prohibés, prend
bien souvent sa part de ces plaisirs illicites. L^intérét
du cantinier remporte toujours sur la fidélité du
concierge, et janiais il n'invoque bn règlement, qtii fa*»
riroit pour lui une source féconde de bénéfices.
* C'est d'après le même principe , que les geôliers ac*
cordent oo refusent arbitrairement la permission dé
visiter des détenus , qui peut avoir des cotfiséqtiences sk
graves, mais qui ti'est , pour eux, qu'un moyen dé
plus d'entretenir le commerce abusif, qu'on a jusqu'à
pr^Ht toléré. Ces concierges, qui se montrent ordî-*
nairement si soiipçonneux, qui voient partout des pro-
jets d'évasion ou de révolte, qxi} ne manquent jamais
de présenter comme des imprudences périlleuses , lea
moindres permissions, la moindre liberté, qu'on pro^
pose d'accorder aux prisonniers , sont bien loin d'être
aussi scrupiUeux sur les conditions qu'ils exigent, de
ceux qui viennent voir un détenu. S'il en est on qui
ait de l'argent , et qui paroisse disposé a faire sa visite
à la cantine , il est presque sur d'être bien reçu. Cette
recommandation vàjudra mieux pour lui qu'une per^
DE LA DISCIPLINE. 4è5
mission du juge instructeur. Au lieu d'une courte en-
trevue dans on parloir et sons les yeux d\in prépose ,
ii pourra pas^r la journée entière nvec son ami, étr
ne le quitter <)u'à la nuit, ou qUanil il n'aura pltis
d'argent* Que devieimeâtalors ces alarmes hypocrites ,
que les concierges aiFeetent toujours à l'occasion d^s
visites? Où sont ce» précautions minutieuses, qui, à
les entendre , ëtoient indispensables pour prévenir lés
plus grande malheurs? Le prisonnier et son ami , rej~
Yent ensemble à h. geôle , se parlent bas, sont souvetit
laisses seuls. L'intérêt a fermé les yeux du concierge ,
et déterminé sa confiance. Cette imprévoyance , qui
contraste, singulièrement avec la sévérité , que, mon-
trent les geÀliers dans beaucoup d'autres cas , prouve
combien, il «st immoral et d«'tngereux de tolérer te
scandaleux commerce qu'ils font dans tes prisons.
Ces abus 9 funestes pour l'ordre social , et même
pour les détenns, dans leurs conséquences éloignées,
tie sont pas cependant de ceux qui leur rendent pénî-
lile le séjour des prisons. Ils y trouvent, au contraire^
t|n charme tiompenr , qnî les entraîne et les empêché
de voir les dangers que leur fait courir cette facilité
qu'on donne à leurs passions pour se sati.^faire. Il est
4'autres actes d'autorité , où ils ne voient que des tor-
tures , et qui concourent puissapiment à faire naiti'e.
dans- leur coeur , un <}ésespoir mortel. Les prisonniers,
y sont toujours en butte à partir de leur captivité.
IJne fois privée de la liberté , ils doivent s*attendre à
bien des peines ^ et préparer leur âme ^ recevoir bien
m
(Aes atteintes dooloureuses.
Avant la condamnation, et lorsqu'ils ne sont encore
que prévenus ou accusés , ils ont à redouter totis lesi
4o6 DES PRISONS.
moyens qu'on emploiera , pour arracher à leur bouche
Taveu du crime dont on les accuse. Combien ils se
croiroient heureux , ces infortunés , si , renfermés
dans les bornes légales, les concierges n'excédoient
jamais les ordres que le juge d'instruction^ peut leur
donner, dans r intérêt de la vérité! Si quelquefois il
étoit nécessaire d'interrompre les communications
d'un prisonnier avec les autres, et de prévenir p2^
cette rigueur , déjà très-pénible , les plansî de défensjs
concertés et les conseils insidieux qui apprendroient
aux prévenus l'art de cacher des vérités dangereuses
pour eux^ ces ordres, donnés par un magistrat humain
et juste , n'aggraveroient jamais, par aucune rigueur
'.accessoire, le mal déjà si grand du séquestre absolu .»
s'ils étoient exécutés litténilement. Mais on: a. vu des
concierges, dans les maisons de justice, etphitôt encore
dans les maisons d'arrêt , faire endurer de véritables
tourmens aux prisonniers, pour leur arracher l'aven,
opiniâtrement refusé , du crime qu'on leur imputoit.
Il semble qu'une cruelle tradition chez les geôliers ,
ait confondu le secret avec la question..
Nous n'évoquerons point les plaintes éljpvées contre
les rigueurs du secret , dans les prisons de Paris (i).
Devenues, pendant quelques mois, l'objet de l'attention
des partis, et récemment encore portées à la tribune
nationale , ces accusations ont acquis assez de publicité
pour qu'il soit inutile de les rappeler ici. D'ailleurs trop
de souvenirs politiques se mêlent à cesdocumens, pour
que nous les fassions entrer dans un ouvrage, heureuse-
ment étranger à l'examen de ces questions, dont la so-
(i) On ^crivoit ceci à la fin de 1819.
DE LA DISCIPLINE. 407
lution, quelle qu'elle sôît , soulève toujours des pas-
sions €t des haines. Maïs le secret et ses douloureux
accessoires n'étôîent point réserves pour les prîsoa-
niers de la poKtîqne. Oh ne dédaîgnoit pas de les em-
ployer contre des criminels plus obscurs , contre des
prévenus de vol et de brigandages, et Ton a vu plus
d'un accuse , siir le banc des assises , protester avec
énergie , contre les violences, dont ilavoit élé victime,
dans la première instruction , et dénoncer au public
qui , pour la première fois, sembloit l'écouter avec in-
térêt, tous les moyens mî^ en œuvre, quelquefois
pendant une année entière de détention provisoire,
pour lui arracher un aven qu'il ne pouvoît donner.
Et alors quelles honteuses et perfides manœuvres >
étoient dévoilées aux yeux des magistrats indignés
On apprenoit par quelle alternative de mauvais trai-»
temens et de séductions , des agens méprisables avoient .
extorqué des aveux , souvent contradictoires et , pres-
que toujours, rétractés et démentis aux débats. Tantôt
le prévenu avoit été en butte à un système de menaces
terribles, de vexations, de mauvais traitemens, bien
capables d'abattre la constance, et de briser la fermeté
d'un homme, déjà affoibli par le malheur et la solitude;
tantôt une conduite toute différente succédoit à ces
mesures violentes, et tendoit au même but par des
moyens, plus doux en apparence, mais bien plus perfi-
des. La douceur prenoit la place de l'injure ; aux me-
naces avoient succédé les prières , la séduction , les
promesses les plus attrayantes , et en même terflps, le$
plus illusoires. « Tremblez , disoit-on quelquefois à
« ces malheureux, tremblez, si vous persistez dans
<c vos dénégations. Vous ne sortirez des cachots , vous
4o8 DES PRISONS,
« n*aTirez xine nonmttire soffisanle et supporlidbte «
« vous ne serez à Tabri des maavaû Irait emens, qu«
« V011S endnrez tous les jours, qu'après qiie voas
«I VOUS serez dénonces vous -anémes, en dënonçant
if fons vos complices. » Souvent on lenrfj|i$ok enten-
dre cjue des aveux ëtnient échappés eux antres acctisés ;
qu'ils y ëtoient gravement compromis , et , par ceâ
rapports menson^rs, on les poussoit à de fonesles i«-
présailles, satisfait d'enlever au déseapètr de la ven-
geance des déclaration^, que la lerrènr n'avoit pd arra-^
cher. D'autres fois , on essavoit rinsinuatlon , on leur
faisoit les offres les plus séduisantics, les pins propres à
égarerVhomme qui soupire après fa liberté. « Avonet
h vas fautes , disoîent , avec une douceur feinte , ces
« indignes servhenrs d'une justice impartiale; con -
« fessez franchement vos crimes , et les juges anront
« pitié :de vous; ils auront égard à votre repentir, à
« votre foiblease ; vous parottrez entraîné par un as^
4r cendant Irrésistible , oti V/Ous pardonnera. » Cèsl
ainsi qn'on tâchott de les ébranler par une alternative
crne)le > pour leur arradier des aveux et deis dénoncia-
tions, qu'on rt'fftit'pas obtenus an^peraent.
Que produisoient cependant ces exécrables *nan«ro-
vres? Une procé lure monslrueusè, oà les înterroga-
toiros snppléoîent aiïx dépositions des témoins; oè
chacun des accusés, dans plusieurs déclarations con-^
tradictoîrcs, avoit toujours lisiblement cbertihé â
écarter de sa tête, des soupçons qu'il faisoit retomber
sur la tête des antres; un système d'accusation mn-
• tnelle , o.à ils se perdoîent tous ensemble , en se char-^
géant- les uns les autres, ^i fournissoient contre la
masse les anues, qi^ils avoif^nicrii u'abandcmner que
>
DE LA ©éciKUNE. éog
rontre lenrs co-accusës. Et <(ufta^.aiie condamaaiion
rigoureuse vendît renverser leAefiiiérances troni|>eii»>s
doiit oïl les avoit bercés; ^via|i(jl ils voyaient «|u'i49
^voient entraîné leurs iconi|>agnom âans Tabimes où
ils ton^jKiient eax-niémes, avec quelle énergie o'ex^
primotent-ils pas leur indjgiiaftion ., contre les per^
fides suggestions f ^i les avpienjt am^aés à ce résliltat
inattendu! . > •^
Peut-être étoît- ce de grands coupables; mais U
nécessité de délivrer la société d^e ises ennemis , ne pent
jamais justifier Teniploi de semblables mesures : tû
^eroit autoriser l'î^justice ^ par Tutilité qu'elle peut
avoir ^ et Topintion publique se prononce toujours a^eè
force contre ces manœuvres illégales^ quelc^ue peu
d'intérêt qu'elle porte d'aiUenrs* à ceuK qtû en ont été
les victimes.
Ces rigueurs préliminaires spnt un prélude el-*
frayant , nviis soi^vent prophétiqw de celles qui atten-
dent les prisonniers, s'ils ont le malheur d'être coa^
damnés. On a déjà pu se fair4e une idée^des tràitemens»
auxquels doivent se résigner ceux qui sont condan^nés
aux travaux forcés; il en est ci* antres <]ont la position ^
bien plus déplorable par ellç«méme, est encore aggra^
vée par la dureté de la règle^ à laquelle on les assujétit.
Je veux parler des condampés à la peine capitale.
Dès qu'im malheureux ^ entendu i'arr^ qui le coii«-
darune à une mort ignominieuse et sanglante , il
. semble que ce soit pour la société, et notamment peur
le concierge , un ennemi déi:laréet formidable, contre
lequel il ne puisse prendre de trop sévères précau^
tions , et qu'on ne puisse contenir que par des moyens
de violence et une forc^ physique , qui paroîtroient
4iQ DES PRISONS.
superflus, même à Tégard des animaux les plus vigoo*
reux et les plus féroces. Sans doute il est de la pru-
dence de surveiller, avec plus de soin que jamais»
Thomme dont la tête est dévouée , ef qui n'a plus de
châtîmens à craindre , parce que la justice humaine
a épuisé sur lui les derniers traits de sa rigueur. It
n'est pas moins intéressant de prévenir un suicide,
toujours affligeant pour la morale publique et relî-
gieose,,. toujours fâchetix par la perte d'un exemple ^
peut-être salutaire à la multitude. Mais qu'il y a loin de
précautions sages et nécessaires , renfermées dans les
bornes que posent la justice et l'humanité , aux trai-
temens révoltans, dant oq empoisonne les demiersmo-
mens, déjà si affreux, d'un condamné à mort !
A peine le condamné a quitté la triste et solennelle
enceinte , où sa sentence vient d'être prononcée , et
traversé pour la dernière fois la voie publique , au
milieu d une foule avide du plaisir cruel de contem-
pler un malheureux , qu'il est chargé de fers pesans y.
et précipité dans un cachot, où il ne verra plus le jour,
avant'd'en être tiré pour aller an supplice. Arrivé dans
cette «lernière et triste demeure » il n'y trouve pas
même ce repos physique , dont il auroit tant besoin ,
dans l'agitation de son âme. Il ne faut pas qu'il espère
étendre sur un misérable grab^f ses membres fati-
gués et souffrans. Depuis 3a condamnation , jusqu'à
Texécution de l'arrêt , il restera toujours dans la même
position , et n'aura pas seulement la triste consolation
découvrir son visage de ses mains, pour pleurer li-
brement le plus horrible des malheurs.
Attaché sur une sellette , où le garottent de fortes
. et lourdes chaînes , forcé à une désespérante immo-
DE LA DISCIPLINE. 4ii
bilîté, par Tappareil qui le maintient dans nne po-*
sition gênante et contrainte , il souffre tout à la fuis
les tortures physiques , et les douleurs de Tâme. Un
large collier de fer lui entoure le corps , et le fixe , par
une courte chaîne , au poteau , sur lequel il s appuie.
Des fers retieùnènt et meurtrissent ses pieds et ses
mains , et lui laissent à peine la liberté nécessaire pour
porter à sa bouche un pain -trempé de larmes, et,
comme si Ton ne pouvoit s^assurer contre un mal-
heureux sans défense , enfermé au fond d^un cachot ^
sans le réduire à une immpbilité presque absolue , de
nouveaux liens, qui réunissent les premiers,^ lui in-
terdisent jusqu'aux plus légers mouvemens. Instru-
ment de douleur, désigné par la cruelle insensibilité
des geôliers sous un nom bizarre , une forte barre de
fer , qui s'élève entre les deux jambes du condamné ,
jusqu'à la hauteur de sa poitrine, est le centre où se
rattachent ses pieds, son corps et ses mains. L'odieuse
cajjtne major , en usage dans quelques maisons de
justice, met le comble auk maux du condamné à mort.
Quand on pense que c'est dans cette horrible ma-
chine qu\m infortuné, condamné à perdre la vie,
voit s'écouler les douloureux , et pourtant trop rapides
momeps qui le séparent du dernier , on ne peut s'em-
pêcher de frémir et de se demander si Thomme peut
bien supporter de pareilles angoisses. Poursuivi par
ses remords, ou déchiré par l'affreuse idée d'une con-
damnation injuste, le condamné arrose en vain de
ses larmes les chaînes qui l'accablent; pendant des
mois entiers, seul avec lui-même, il fait^ l'un après
l'autre , et sans réserve , tous les sacrifices qui rendent
la mort horrible , et l'opprobre de l'échafaud vient
4w . DES PRISONS.
«ncore ajouler- soa amcrtanae à tontes ees ^oalevirs.
Rieo ne ilîsirai^ «es longues et funèbres mëditatiotts ;
jamab uo rayoade soleil, qni. vienne consoler sa pan-
pière , jamais ua moirrement, qui vienne diversifier la
fati^jante monotonie d'une position contrainte: Des
ténèbres contiuiieUes t noe iramdl>iUté constante, tel
est l'état de ces homnies, à qm 4a consolation seroit
plus nécessaire qu'à lont autre»
Et pourquoi donc œtte. rigpenr à Tëgard des con-
damnés à mort ? Pourquoi les priver , tout à la fois, de
la lumière, de Tair et de 1^ liberté de leçrs membres?
On craint qu'ils ne s'échappent. Mais n'éit-il donc de
prisons sures , qu^à dix pieds sous terre? La/enétre qui
admet lair et le jour, ne peut-elle pas être garnie de
barreaux capables de prévenir une évasion , et faut-il
qu'un tachot n'ait que quatre à cinq pieds d'élévation ,
pour qu'on n'en puisse percer la muraille? Quant aax
entraves où le prisonnier est enchâssé, elles sont, dit-
on , nécessaires pour empêcher les suicides^ D'abord,
c'est un moyen insuffisant. On a va des prisonniers
trouver le moyen de mourir , quoique attachés à la fa-
tale sellette: et d'ailleurs, it'est-il pas de mesiires plus
douces, qui puissent prévenir ce crime? Quels moyens
de se faire périr auroit un homme enfermé, seul et
sans li<»ns^ dans une chambre suffisamment forte, et
néanmoins saine et éclairée ! Le suicide n'est pas aussi
facile qu'on pourroit le croire» et celui qui n'a ni poi-
son , ni arme , ni corde, ne peut pas aisément se don-
per la mort. Les nègres, poussés au dernier terme du
désespoir, et exaltés par une espérance superstitieuse,
qui leur montre dans la mort le terme d'nn doulou-
reux exil, savent trouver, s^n& le secours étrangers «
1
LE LA DISCIPIJNE. 4i5
)es rnoyens <lé s'ôter la vie ; mais un Enropéeti nVst
guère capable d'une pareille résolution. Qu'on ne
craigne pas, d'ailleurs, qn'un condamné se brise
la. tête contre lès itnô'aitles; (m n^en a jamais vu
(t'exeiDpIes^ et ce genre de inncide parott impossible.
I>'aill)eurs.t >l ue seimfc ni dispendieux ni difficile de
rembourrer les muraïUes. G'est donc i>ar une cmanf ë
^atuifv et inutile , qn'oii réduit les condamnés à mort
àt'ëtat déplorable, dont nous avons esquissé l^ tableau.
SECtiolf lie. Prisons pour peines.
y
■ Ces divers abus qui , en généra! , f lennenf à l'inexé-
cn4îon des règles de la discipline , ot i au défaut d'ins-
pection, et q^ii , dans beaucoup de maisons d arrêt et
de justice^ se trouvent aujourd*hm presque consacrés
par un long usage , sont beaucoup moins fréqueus dans
ies pinsons centrâtes^ dont la tenue est généralement
jrttis satisfaisante et miénx ordonnée que celle des au-
tres prisons. Il ne faudroît cependant |>as s\*n laisser
imposer par cet appareil de régu!ari*#, et croire que
t(H»t y est bien , parce que tout s'y feit uniformément^
€fl d'îiprès des règles assez eonstantès. Tout y paroît
juste» parce que tout y est régulier; mais si rînjustîre
y est périodique , sî Tarbitraîre s'y perpétue sous le
nom- de coutume, il ne fa^rt pas traindre de les com-
battre, malgré les recoai mandations frivoles dont ils
se couvrent, et ^ sans se laisser éblouir par une vaine
unifth'nHté, qui n'est que l'organisation régulière d'un
mauvais systèn^e , porter saiis cîràinte la réforme, sur
^es abus parés dé dehors spécieux , sans être pour cela
plus re^ipectableH.
Un usage très- tllégab mais néanmoins généra! , et
4i4 DES PRISONS.
qne nous aurions pu relever en parlant des maisons
d'arrêt et de justice , s'il n^étott pas bitsa plus choqnant
et plus dangereux, dans les prisons pour peines, <{a^
dans aucune autre, c'est celui de traiter différem-
ment les condamnés, selon leur fortune , relativement
au concher et au logement; en un mot, la distinction
établie entre les prisonniers à la paille, et ceux à la
pistole. Cette division peut être justifiée à certains
égards, quand.il ne s'agit que des prévenus. On peut
dire que , possesseurs de tous leurs droits , dont quel-
ques-uns seulement sont suspendus , ils doivent jouir,
dans la prison , de tous les avantages, qu'ik auraient
eus dans la société, pourvu qu'ils ne soient pas con-
traires à l'ordre et à la sûreté. Mais il n'en est point
de même des condamnés. La loi ne doit plus recon-
noitre entre epx de distinctions. Punis de la même
peine , ils doivent tous subir le même sort , et les dif-
férences de condition ou de fortune doivent s'évanouir
dans leur commune infamie. La loi elle-même indi-
que son intention ,. de plier à une même règle tous les
condamnés , et en cela elle est d'accord avec les vrais
principes; une peine doit toujours être la même pour
tous ceux qui l'ont encourue ; l'interdiction légale ,
dont le Code pénal a fait une dépendance nécessaire
de toute condamnation infamante , en ôtant aux con-
damnés jusqu'à la jouissance de leurs revenus , et ne
laissant à leur disposition qu'une foible partie du prix
de leurs travaux , les réduit à cette uniformité , à cette
égalité native, qui ne peut se rompre que par des efforts
cpnstans , et une supériorité toute naturelle.
C'est d'après les mêmes principes que les anciens,
comme les nouveaux règlemens, ne reconnoissent.
j
DE LA DISCIPLIKE. 4i5
^€ï\Te les prisonniers, d'autres raisons de préférence
que rancienneté , qui donne droit à la place la plus
commode dans les dortoirs, sans néanmoins qu'au-
cune différence spécifique distingue cette place ou
c^tte celkile de toutes les autres. Cette triste, mais iné-
vitable égalité du crime, est tout-à-fait incompatible
avec rétablissement des chambres particulières, con-*
nues sous le nom de pistoles, que Ton trouve dafis
toutes les prisons, et qui sont l'objet de gains assez
considérables pour les geôliers. Cet usage est d'autant
plus blâmable que, dans quelques prisons, les con-
cierges se sont arrangés pour transformer en pistoles ,
une partie si importante des bâtimens , qjae les pri-
sonniers, trop pauvres pour y être admis, sont res-
serrés dans un espace beaucoup trop étroit pour eux^
et qui pourroit être agrandi , si l'avidité du geôlier ne^
préféroit toujours de lucratives pistoles, à l'avantage
des prisonniers à la paille. Ainsi , à la prison comme
dans le monde , l'inégalité des conditions exerce en-
core son empire , dont elle^'a conservé que les incon-
véniens, et le superflu do riche y est encore pris sur
les besoins du pauvre.
Cette disparate est plus ou moins choquante , sui-
vant la différence plus ou moins grande , qui existe
entre les chambres ordinaires et les pistoles. Dans
quelques prisons, ces dernières sont décorées avec une
propreté et une recherche de soins, qui leur donnent
l'apparence de chambres d'auberge ordinaires. Cet as-
pect contraste assez fortement avec celui des autres
salles, dans leur, triste et sombre nudité , pour rendre
très-sensibles les inconvéniens d'une pareille dlstinc-
lioUé Dans quelques autres , les pistoles ne se distin-
4i6 DES PRISONS.
gaent des chambres orditiatres , qiie parce qu'elles sont
particulières, et qùfe les prisonniers qui y logent ne
sont point confondus avec tés autres détenus. C'est dé-
guiser, autant que possible, nn abus, qvfon vent per-
pétuer ; cependant , il ne fant pas se laisser séduire par
cette demi- justice; les pi^loles doivent être absolu-
ment bannies des prisons des- condianmés , et , quelque
pénible qu'î! soit* ()our quelqiiès^inis d'entre eux,
ifétre conCnndus a^c toiirs les habitans de ces maisons
d'igtioniinfe, tèttfe comnwnautë fait partie de leur
peinié, il fant qu'ils la subi^ehl tonte entière*
il est encore im point très4bn portant^ sur lequel
doit se porter rattention-, et qui sollicite la réferme
dans tontes le^ pi*isons , mais surtout dans les prisons
centrales, où les détenus sont destinés à fatre nu plus
teng séjour que dans les autres; c'est Tarbi traire avec
lequel on ptinit les fautes ou les délits , dont les pri-
sonniers sont réputés coupables, et le genre des puni-
tions qu'on leur inflige ordinairement, pour ces mé-
fiiiH^ étrangers à leur condamnation. Cet abns, qne"
ncms avons déjà sigtialé, dans les maisons d'arrêt et de
justice, se retrouve, peut-être, même avec plus de
gra^rîté encore, dane les maisons de détention défini-
tive. Là^ le despotisme est encore plus dur que dans les
^irisons ordinaires ; Timportance d'un gardien ^ décoré
à\r litre de gouverneur , et qui croît n'avoir d'ordres
à recevoir que dtfmiinstre^ ou tout au pfes Ai prcfet,
et de compte à rendre qï/à ces grands fonctionnaires,
rend nuls ou entièrement iHusoires la surveillance, et
le droit de police réservés aux antorités municipales.
Un gouverneur sait tonjotu's bien se rendre înd^
pendant du maire d'une petite ^itle, qni n'a souvent
DE LA DISCIPLINE. 4i^
nr raiilorîlë , ni la fermeté nécessaires pour exercer
une véritable surveillance dans la prison , ei maître
absolu dans son enceinte, jusqu'à la vîsîfe dn préfet,
qui souvent se fait attendre long- temps , il commande
en despote, condamne, exécute lui-même ses sen-
tences, et réunit sur sa tête la plénitude des pouvoirs
à Tantorité légale de l'administrateur.
C'est surtout dans l'application des peines , et dans
le genre de celles dont on punît les moindres fautes ,
que cette puissance arbitraire se déploie de la manière
la plus affligeante pour les amis de l'humanité. On se
figureroit à peine avec quelle facilité des châtimens,
réellement très-rigoureux, sont infligés anx détenus.
Dans toutes les. prisons, on est sôr de troilver un
ample magasin de fers et de chaînes, qu'à la moindre
alarme on s'empresse de distribuer à ceux des pri-
sonniers dont on croit avoir à se défier, ou qui ont
commis quelque légère faute» Si Ton parcourt les rlî-
vcrses parties de la'prison, les regards se portent avec
épouvante sur de nombreux cachots , tout prêts à en-
gloutir sans jugement et sur le simple ordre du chef,
les malheureux qui lui auront paru mériter, cette
rigueur.
Ces affreux réduits sont de plusieurs espèces, plus
ou moins horribles, plus ou moins malsains, suivant
le degré de sévérité avec lequel on veut punir les dé-
linquans. Les plus doux , ceux qu'on emploie le plus
fréquemment, sont situés au rez-de-chaussée, dans
l'angle de quelque obscur corridor, sous un escalier,
ou dans toute autre place étroite et inapplicable à un
autre usage. Une porte épaisse, doublée de fer et ar-
mée de forts verroux , forme une clôture impénétrable
27
4i8 DÈsi PRISONS.
et garantit suffisamment la sûreté contre les cfFûrtàdâ
prisonnier le plus violent ; il est impossible de forcer
une semblable clôture, surtout, quand Tobscurité assez
profonde, qui. règne dans ces cachots, empêche le
prisonnier de préparer son évasion par un travail
suivi.
On n'auroit qne peii à se plaindre , si tous les ca-
chots étoient de ce genre; malgré leur petitesse et leur
position dans un rez-de-chaussée souvent humide, ils
ne sont pas essentiellement malsains 4 parce qu'ils se
trouvent encore assez près du courant d'air, pour que
leur atmosphère puisse se renouveler facilement, et
que Tôbscurité n'y est pas aussi complète qde dans les
autres. Cependant le séjour en est très-péûible , même
sous les rapports sanitaires. On ne pourroit donc , en
tous cas, le tolérer que pour un temps très-court.
Malheureusement les autres cachots sont réellement
dangereux, indépendamment de la rigueur excessive
de cette peine, appliquée à la plupart des fautes que
commettent les détenus. On en voit dans certaines
prisons, qni^ bien que situés au rez-de-chaussée, sont
presque aussi homidés et aussi privés d'air, que s'ils
étoient creusés sous terre. Placés à droite'et à gauche
d'un corridor spécial, qui lui-même est une sorte de
cachot ^ ils ne reçoivent jamais un rayon de lumière,
et l'air méphitique, qui s'y amasse, peut à peine en
sortir, et ne se renouvelle jamais entièrement. Aussi
le séjour de ces cachots est absolument malsain , et
'^l'on ne peut s'en servir, sans exposer la vie des prison-
niers aux pluis grands dangers.
Cependant, ils n'ont rien de comparable avec les
cachots souterrains, que l'on voit encore, avec douleur^
DE LA DISCIPLINE. 4,t|
tlahs les prisons les pins récemment constrnîfes. Après
tant d'éloquentes réclamations , contre l'usage de ces
(bachots dans les anciennes prisons , où ils existent de-
puis long-temps, on devoit péutétre s'attendre à ne
plus en voir établir dans les prisons nouvelles, dont
là construction et le régime sembloient devoir être
dirigés d'après des vues plus généreuses et plus phîlan-
thropiques^ Cet espoir a été trompé, le nouveau sys-
tème des prisons est encore souillé de cette lèpre , et ,
ce qu'il y a peut-être de plus étonnant , c'est que les
cachots construits dans le nouvel éiat des choses, aù-
roient pu servir de modèles abx anciens, tant ils sont
malsains et horribles.
Si, pour vous assurer de cette triste Vérité, vous
demandez à voir les cachots , dans Tune des prisons
nouvellement construites, le guichetier qui dirige
votre n^arche se nnmit d'une grosse lanterne ^ pré-
caution indispensable , pour pénétrer dans les épaisses
ténèbres qui y régnent. Après avoir traversé de longs
corridors, et parcouru le chemin de ronde dans une
grande partie de son étendue, on trouve, à l'un des
angles que forme cette allée, une grille eh fer, qui
donne entrée sur une espèce de caveau profond , par
un long escalier^ bâti solidement e'n pierres de taille.
Une faut pas s'imaginer que cette première pièce soit
déjà le cachot, quoique l'on soit descendu à vingt
pieds sous terre , que le foible rayon de lumière qui
y pénètre i réuni à la flamme de la lanterne, ne
donne plus qu'une clarté douteuse, et qu'un air fixe
et glacial fasse déjà de cette cave un séjour aussi mal*»
sain qti'odieux; un pareil cachot n'auroit pas rempli
le$ vues do ceux qui ont dirigé les travaux^ Ce n'en est
42à DES PRLSONS.
encore que le vestibule, et cette affreuse salle , dont
l'aspect seul fait frémir, servira tout au plus à reofer-
aier des condamnés ordinaires, qui n'auront commis
aucune faute , mais que la craintive prudence du geô-
lier n'osera pas laisser dans les chambres commurtes.
Les portes des cachots donnent sur ce vestibule
commun; elles sont si basses qu'on les aperçoit à
peine, et, quand on a ouvert le premier guichet qui
les ferme, on trouve encore leur hauteur sensible-
ment diminuée par des barreaux de fer, dont le pre-
mier n'est pas à trois pieds de terre > et qui ne per-
mettent de passer parle guichet, qu'en se courbant
entièrement. Deux guichets et deux rangs de barreaux
sont pratiqués dans l'épaisseur du mur, et opposent
quatre obstacles successifs à l'issue du prisonnier , qui
ne peut sortir du cachot, sans se mettre absolument
à la merci du préposé qui l'en tire, par la position
qu'il est forcé de prendre.
.Cette sujétion, toute pénible qu'elle est , ^ justifie
par le motif, puisqu'elle a pour but de prévenir des
violences, et de garantir la sûreté ; et les barreaux, ne
diminuant en rien la salubrité, peuvent être conser-
vés, comme une utile^précaution. Mais pourquoi op-
poser encore une double barrière à l'entrée de l'air et
dç la lumière , en fermant le cachot par deux guichets?
N'est-il pas déjà assez fort , par lui-même , par sa po-
sition , par les diverses clôtures' qui l'enferment ? Le
prisonnier , d'ailleurs , seroit-il moins retenu par une
grille forte et serrée , qui au moins laisseroit parvenir
j.usqu'à lui quelques foibles parties d'air respirable?
Ne peut-on le garder, sans prohiber rigoureu.sement
l'entrée de la lumière et de l'air dans les cachots , et
>5V
DE LA DISCIPLINE. 421
Tobscuritë ab^ohie est-elle une condition essentielle de
leur existence , un caivictcre précieux à conserver? S'il
en étoit aini^î , les constructeurs pourroient se glorifier
de l'hahileté cruelle qu'ils ont dépioyre dans ce travail;
il est liuficile de trouver une ohscnrité plus complète
que celles des cachots.
On conçoit que Taboivl d'un pareil séjour est re-
poussant, et fait frémir. Hov^ard peint avec une élo-
quence sans apprêts, qiais bien puissante, Thorrible
spectacle qui la frappé dans les prisons de Vienne y
où il avuit visité les donjons. Français , et vivant au
dix-neuvième siècle, je bénissois le ciel de m'avoir fait
naître à une époque , et chez une nation 9 où , sans
doii.te, de pareils abus, s'ils a voient existé, u^attriste-
roient plusTno« anie, oùdu hioins je ne verrois point
s'en augmenter le nonibre. lUosion trompeuse! j'a«
vois trop compté S(Ur les progrès de la morale publique^
•sur les pl'ojets et les vues philanthropiques de Tadrni^
nîstratio» , et j oubliois que les agens subalternes
ont toujours des moyens pour tromper les intention^
bienfaisantes (Jes chefs des nations..! ai vu des cachots,
qu'on vient de creuser, tout récemment, dans des pri-
sons nouvelles, dont le ciment, encore frais trahit
la nouveauté , et qui , par leur aspect affligeant ,
ne rappellent que trop les tristes et nobles accents
d'Howard.
Danf ce réduit, où la lumière du jour n'a jamais
pénétré, se trouve pour tout meuble, un petit lit de
bois, garni d'une paillasse. C'est là que des rnalheu-
fleuxont passé des semaines entières , quelquefois des
mois entiers, au milieu d'une obscurité profonde , et
4ans une atmosphère humide et glacée, dont la froi-
42 3 DES PRISONS.
dure saisit au niorneni oi> on y entre ; et quels fruits ak^
tendon d'une semblable rigueur? Quelles pensées ssù-
Inla ires croît-on que fera n^Ure dans Tân^e don coo>
pable, le sentiment à\me longue et inutile criiante^
qui punit une faute, souvent légère, sauvent excusable,
par des tourmens physiques, aussi injustes qu'odieux?
Si la solitude est souvent utile , comme moyeu d'a-
nienclement -moral , s'il peat être avantageux de laisser
un Retenu , seul avec lui-même et livre à ^es réflexions,
ne peut oi) lui procurer cç recueillement, sans ténèbres
«t sa«n$ cachots? Croît-on qu'il sera capable de sages et
frOfides méditations, sur les inçonvéniens du crime,
et la nécessité d'une bonne conduite , l'homme aigri
jHVr uu traitement cruel , révolté par Vidée de L'injus-r
liçè, irrité çoptre la société,. qu'il regarde, avec rai-
son , comme acharnée contre, lui ? Les cachots doivent
^voîr un etfet tout contraire à celui qu^ la loi a toU'-
Jours en vue dans rappUcation des peines , la correct
tipn du coupable, et la conservation d'un bomme, qui
pçut devenir , quelque jour , membre utile de la socié^r
té. Ou nç peut donc> sans une cruauté gratuite et dan-r
gereuse, en continuer l'usage, surtout quand iU soat
creusés sous terçe , comme ceux que Von voit encore
{aujourd'hui dans plusieurs pûsons ,^ où Von ne devoii
pas s'î^t tendre à Içs trouver. .
Des hommes, dont je respecte les intentiousetVex^
pérîeuce, insisteront, peut-être, pour la conservation
des cachots qui existent et, à l'appui de leur opinion ,
ils citeront les cas , heureusement assez rares, où une
prison se trouveroit remplie de ces brigands redoutar
blés , qui , sous le poids des chaînes , font encore trenir
})\çy tout ce qui les eutoure, et qui n^ettroient peptrélr<(
DE LA DISCIPLmE. 4^3
le gardien en përii, s'il n^avoit pas, pour sa protection,
des moyens de siWté, capables de contenir ces dangfe-
renx prisonniers. Quelque imposante qne soit raulo*-
rite de ces hommes, instmils par une longue expé-
rience , je ne crois pas qne leur opinion puisse déter-
miner à conserver les cachots, t^ls qu'ils existent.
D'abord-, quelque fo^ts que doivent être les lieu]^
destinés à la garde de ces hommes, qu'il y a peut-être
quelque exagération à présenter comme si dangereux
dans les prisons, ii n'est jamais nécessaire qu'ils soient
souterrains. On peut sans doute construire des cham-
bres , très-fortes et très-bien fermées , an-dessus de U
superficie du sol , et la profondeur d'un cachot n'est
pas le seul moyen de prévenir, les évasions. Ensuite,
pourquoi condamnera une obscurité absolue les mal-
heureux, qu'on punit dé}à dn supplice.de l'isolement?
La vue du ciel , celle de la campagne , les accidens^
variés. de la nature ne sont-rls pas, plutôt que les té-
nèbres , capables de produire ou de réveiller en eux
des idées religieuses et Imorales? L'homme le plus fé-
roce sentira s'adoucir insensiblement son caractère ,
dans une chambre où pénétreront les rayons consola-
teurs du soleil , ou des fenêtres de laquelle il pourroit
voir encore la nature, avec toutes ses beairtés, et re-
monter, de l'idée des choses créées , à l'idée sublime
dn Créateur. Dans le cachot , son unique sentiment
sera la rage; sa pensée continuelle, la haine des ins-
titutions sociales; son désir constant, le suicide. Fer-
mons donc à jamais ces odieux cabanons , aussi fu-
nestes pour la morale publique, qne pour la santé des
nialheureux qu'on y précipite.
Cette mesure est d'autant plus urgente, que les
4^4 DES PRISONS.
concierges et gardiens usent lonjonrSy sans lejtiojmtre
nionagenient de la faculté illicite çh plonger dans les
cachots les prisonniers qu'ils veulent punir. La k-
cilité avec laquelle ils en ouvrent les portes y poor
y \eter des malheureux « qu'ik y abandonnent en-
suite avec une insouciance cruelle 9 ne permet pas de
laisser à leur disposition une arme terrible, qu'ik em-
ployent d'une manière aussi inpste. L'abus qu'ils font
d'un moyen t aussi odieux en lui-même, est une noo-
velle raîson pour le leur enlever absolument. C'est au
nom de la justice et db l'humanité que nous sollici-
toQS cette indispensable réforme.
TITRE IV.
nu RÉGI MB PHYSIQUE.
CHAPITRE ^^ Des prisonniers dans téteUde sanii
Section i". Mesures préservatrices*
»
L'hygiène , comme on Ta vu dans la première-par-
tie , a un double but ; préserver la santé des accidens
qui peuvent la compromettre, et Tentretenir par «n
régime sain et modéré , qui soutienne les forces et les
répare convenablement. En général, on paroit s'être
beaucoup plus occupé du second objet que du premier,
^et , satisfait d'avoir pourvu aux besoins les plus pres-
sés et les plus apparens des prisonniers , on a trop
cuvent négligé de prémunir leur santé. contre
DU REGIME PHYSIQUE. 4-2$
dangers , qui la menacent ordinairement dans les
prisons.
Un senl ahns en entraine toujours plusieurs autres
à sa suî^e et , chaqne fois que nous avons si^alé quel-
que défaut d»ns une partie du système i\es prisons ,
on a à\\ s'attendre à en retrouver des conséquences
dans les antres branches. Nous ne pourrions donc évi-
ter lies redites fréquentes, si nous voulions relever
toutes les suites fàcheitses de plusieurs abus , que nous
9Vons déjà dénoncés. C'est ainsi que la petitesse des
prisons.» et les vices de construction qu'on y remaf-
^ue, après avoir causé des maux véritables, dans
Tordre de la discipline , ont encore des suites funestes
pour le régime physique, et détruisent toute salu-
brité dans les prisons. Nous éviterons donc de revenir
ici sur tous les vices qui tiennent au matériel , en nons
bornant a faire observer que c'est un devoir pressant
pour l'administrât ion de prévenir , ou, tout au moins
de combattre, des causes qui influent puissamment
sur Tétat sanitaire.
Mais il convient de parler ici des soins journaliers
ou généraux, que Ton devroit prendre dans toutes les
prisons, pour entretenir la salubrité , et qui , malheu-
reusement,-n'y sont que trop souvent négligés. Ici,
toutefois, comme dans presque toutes les autres par-
ties de l'administration , l'état des prisons définitives,
soit centrales, soit seulement départementales, est beau-
coup plus satisfaisant que celui des maisons d'arrêt ou
de justice. La propreté y est entreteque avec pins dç
soin et d'exactitude ^ parce que tout y est assujéti à un
ordre régulier , et qu'à défaut des chefs , la règle
4ae DES PRISONS.
veitle continuellement et maintient la'propreté, qui
exige des soin$ permanens et san^ intermption.
Le service 4es chambres y est fait ordinairementpar
un certain nombre, d-hommes, proportionné à la
gi^nd^r de la.prisoa , que Ton choisit parmi les pri-
sonniers, et qni ont pour fonctions de veiller à la pro-
preté , dans tous, les détails. Ces yalels nétoyent les
chambres , en ouvrent ks .fenéti!ie$ , remplissent d'eau
les baquets., qui Sf9 trouvent de di^ance en distance
dans les corridors , et entretiennent , sous leur respon-
sabilité , une propreté exacte. Ce service est générale-
ment bien fait dans l^s grandes prisons, et il en est
dont les chambres ont un aspect cFordre et de pro-
preté, qui satisfait. Les prisonniers chargés de cet em-
ploi reçoivent des ^ages proportiomiés à leurs peines,
qui ne les empêchent pas de donner encore une.partie
de la journée au travail des ateliers.
Les. ateliers sont encore fort bien tenus dans ces
prisons considérables ; cependant, comme, par un abus
très-fâcheux , les prisonniers y sont abandonnés à eux-
mêmes , on n'y trouve ni le même ordre , ni la même
propreté que dans les chambres.
Ces conditions essentielles ne peuvent être garan-
ties que par l'exécution littérale de règles précises et
inviolables. Aussi n'est-il pas de prisons plus mal te-
nues que les petites, sous le rapport de la propreté.
Un geôlier, qui n'a sous ses ordres que cinq à six dé-
tenus , tout à la fois législateur et souverain de ce petit
peuple , ne suit ni ordonnances , ni règlemens géné-
raux, dans cette administration peu compliquée. Laissé
à sa discrétion, ou plutôt abandonné à' son caprice,
DU REGIME PHYSIQUE. 417
ï'ordre génëral y est absolument noKTout s'y fait en
vertu de ses commandemens , et » comme le bon plai-
sir dn geôlier est la seule loi que Ton suive, et que
cette loi est susceptible « de varier à chaque instant , la
propreté, comme toutes les autres parties du service ,
est assujétie à toutes les chances, que produit la diffé-
rence de caractère des gardiens. D'ailleurs, dans l'ab-
sence d'une règle générale et toujours en vigueur ; qui
commande perpétuellement ^ même pendant le si-
lence des supérieurs , rien ne s'y fait que par Tordre
exprès et spécial du geôlier, et , s'il oublie ou néglige
une fois de le donner, le service est interrompu, la
propi^té, et par suite la salubrité , sont coQipromises,
et souvent la négligencç d'un seul jour a des suites
longues à réparer.
Fant-il d'autres causes pour faire de ces prisons le
séjour le plus pénible, et pour rendre leur abord seul
redoutable , même à ceux qui n'y doivent passer que
de courts instans? Quand une prisoia, déjà malsaine
par sa position, par le nombre excessif de détenus
qu'elle renferme , parle manque absolu ^e préaux , ou
l'insuffisance de ceux qui existent , réunit à ces vices
l»ssentiels toi;is les inconvéniens d'une tenue négligée,
quelle autre source que cette malpropreté fatale répand,
jusqu'au dehors, cette odieuse odeur des prisons, qui
semble porter avec elle la contagion et la mort? Com-
posé impur d'un amas d'exhalaisons malfaisantes,
frette vapeur nauséabonde se fait jour à travers les gui-
chets eux-mêmes, et avei'tit ceux qui traversent les
l*ues de nos villes , qu'ils passent devant une prison.
Quel supplice d'être plongé pour vingt ans au mi-
lieu d'une m^sse d'air, dont les moindres parcelles
428 DES PRISONS.
sont insupportables à ceux qui ne font que les rece-
^voîr en passant !i Combîeti ne seroît-U pas à désirer
que des soins, joyTnalîers et attentifs fussent pris dans
toutes les prisotis, pour chasser ce fléau , ou du moins
pour Tatlénuer autant que possible! Les prisons les
plus considérables sont celles où il est le moins sen-
sible; ce résultat qui , sans être complet , est satisfai-
sant^ ne peut être attribué qu'aux soins plus particuliers
qu'on y a de la propreté; il seroît donc facile d'en ob-
tenir de semblables, peut être même de plus avantageux
encore , dans les prisons peu nombreuses, où Tair est
moins promptement vicié que dans les autres. Mais,
pour arriver à ce but désirable, il fiiudroit faire observer
lesrèglemens avec la même exactitude, dans les pri-
sons de détention préliminaire, que dans les maisons
centrales ou de correction.
Quant à la propreté personnelle âes détenus, elle
est encore bien^plus négligée que celle des bâtimens,
et le désavantage, sur ce point , est encore pour lespri-
sonS/pen considérables; preuve évidente que c'est à
l'inexécution des règlemens que tiennent la plupart
de ces défauts. C'est dans ces prisons surtout que 1 as-
pect des prisonniers est réellement rep'oussant , après
quelq«)e$ mois de captivité. Comme leur insouciance
naturelle n'est pas réveillée par une surveillance active
et soigneuse, ils croupissent dans une malpropreté,
qui leur fait promptement contracter les maladies les
plus opiniâtres et* les plus fâcheuses. La proportion
effrayante des malades de toute espèce, et surtout des
galeux, dans certaines prisons, et les caractères pa-
trides , que présentent presque toutes les maladies qui
s'y déclarent » sont des pi^ûvcs frappantes , mais ton-
bu REGIME PHYSIQUE. 4at)
)oars inutiles 9 des funestes conséquences de la mal*
propreté.
Section ii. Mesures conserçofiricâs,
TARAORAFOS FAEMIEIU NourritUTS.
Les règlemens généraux , circonscrits dans les bornes
d'une économie sévère, mais indispejisable, ont assi-
gné aux prisonniers une nourriture, suffisante polir
leurs besoins, mais réellement frugale. Un p^in de
trois livres, pour deux jours, un peu de soupe , compo^
sent un ordinaire assez austère , pour qu'on ne trouve
rien à y retrancher. Cette ration réglementaire ne
peut être considérée que comme un minimum uéces-
saiie , et nou comme une largesse , accordée par Ki
munificence publique , et sur laquelle Téconomie
puisse s exercer sans inconvéniens. Cependant, beau-
coup de prisonniers se regarderoient comme très-heu-
reux, s'il^étoient assurés d'avoir, tous les jours, la por-
tion de vivres, que la loi leur accorde. Sur les quatre-
vingt-six départemens de la France, il n'en est que
cinquante-trois, où les prisonniers reçoivent journelle-
ment la soupe, soit de l'administration , soit i\ts per-
sonnes ou des associations charitables. Dans les autres,
ils ne la reçoivent que périodiquement, et à desihter-
valles plus ou moins éloignés.
C'est encore dans les prisons provisoires, que se font
sentir, de la manière la plus sensible, les inconvéniens
de cette omission importante ; c'est dans les maisons
d'arrêt et de justice, que les détenus sont, le plus ordi-
nairement i privés de la nourriture à laquelle ils ont
43o DÈS Prisons.
droit, et qu'ils învoqnent en vaiti des règlemens, qui
tendent seulement à les empêcher de mourir de faim.
Dans beaucoup de ces prisons , soit par la néf^ligence
des admifiîstralions locales^ soit à cause des difficultés,
que présente ce service dans des maisons dont la popu-
lation est variable, 6n ife fournit jamais de soupe aux
prisonniers , aux frais du Gouvernement. C'est en
prenant sur leurs modiques bénéfices , où Siir les au-
mânes qu'ils reçoivent de la charité , qu'ils peuvent
quelquefois s'en procurèr. Tantôt, ils se cotisent entre
eux y pour acheter quelque peu de mauvaise viande,
avec laquelle ils se font faire une soupe très médiocre ;
d'autres fois , les n>ères de charité employent au même
usage, une partie du produit des quêtais; quelquefois,
des personnes pieuses et charitables donnent la soupe
aux prisonniers, soit à titre purement gratuit, soit
en leur demandant des prières , qu'elles récompen-
sent au moyen de ces aumônes salutaires; mais
toutes ces ressources sont > comme on le voit , très-
précairiîs.
La plus assurée , celle qui résulte de la cotisation
des prisonniers , est évidemment insuffisante, pour leur
fournir la soupe tous, les jours. H y a beaucoup de pri-
sonniers, qui ne peuvent pastrontribuer pour les cinq
centimes, auxquels se borhe leur cote personîielle;
une pareille indigence peut étonner, nrais elle n'est
que trop réelle. 11 arrive donc très-souvent, dans ces
prisons , que les détenus se passent de soupe , et sont
obligés de se contenter de la ration de pain , presque
toujours inférieure à leurs besoins. Heureusement cet
abus, comme tant d'autres, va céder à la réforme
générale qui s'opère; déjà des me&uressont prises pont*
bu REGIME PHYSIQUE. 45 1
y parvenir: dëjà, dans plusieurs villes, les commis-
sions des prisons^ en vertu d'ordres supérieurs , s'oc-
icupent, sous }a dii'ection des préfets, de procurer à
tons les prisonniers la ration de soupe , qui leur eA
due i et Ton peut espérer qu'avant peu de temps , si
partout le zèle des administrateurs seconde les inten-
tions du Gouvernement , on n'aura plus , en visitant
les prisons, la douleur d'entendre un misérable dé-
tenu , pâle et exténué , se plaindre, d'une voix altérée,
d^ manquer du nécessaire le plus indispensable^
Naguère encore, des gémissemens semblables affligè-
rent tnon âme ; bénie soit la puissante et généreuse vo-
lonté, qui nous fait espérer d'en voir bientôt tarir 1^
source !
Toujours plus heureux que les simples inculpés , le^
Condamnés ont ordinairement la ration complète, au
moins quand ils soht transférés à la prison définitive;
car la nourriture , à la maison de justice , est à peu
près la même qn'à la maison d arrêt. Mais , dans les
maisons de correction , centrales ou départementales ,
la régularité du service s'étend jusqu'à la nourriture,
et les règlemens y sont exécutés, au moins dans leurs
dispositions capitales. Les détenus^ outre leur pain,
y reçoivent une ration de soupe , composée de légumes
pendant la semaine, et de viande le dimanche. 11 faut
remarquer toutefois que , bien souvent, la lettre seule
de l'ordonnance est remplie , parce que la qualité de
la soupe est loin de répondre au vœu de la loi , et aux
promesses des fournisseurs. La négligence d'une part,
les malversations de l'autre, sont telles que, presque
toujours, les conditions des marchés sont violées , an
détriment des prisonniers; souvent la soupe qu'oti
432 DES PRISONS.
leur distribue est de mauvaise qualité ; les ingi*ëdien«
qui doivent y entrer sont fournis avec une telle par-
cimonie, que Ton obtient à peine une foible teitiUire,
quand le Gouvernement paye Tent repreneur, comme
s il fournissoit une bonne soupe « et la quantité de lé-
gumes , qîii doit y entrer.
Ces proportions sont, en général, de 5o kilog. de
pommes de terre , ou de tons autres légumes verts on
secs, de 5 kilog. de pain blanc , 2 litres de gruau , 1 ^
kilog* de grai&se, i litre de viiiaigre, du poivre et du
sel, pour cent rations». Celte composition réunit
toutes les qualités diététiques^ qne nous avons cru
utile de donner aux alimens des prisonniers. La quan^
tité en est également bien combinée, etJes prison-
niers n'auroient pas à se plaindre » si ces bases étoient
suivies, dans Texécution des marchés, dont elles ont
fait les conditions. Mais presque jamais elles ne sont
observées. Les prisonniers, qui, en général, sont
assez exigeans, mais dont toutefois le témoignage
n est pa& à négliger, relativement à k nature et à la
quantitédes fournitures, ne manqueroient pas, si on
les interrogeoit , de dire que, bien souvent, on les a
frustrés de leur nécessaire , soit pour la dose, soit pour
la bonté ,.et ces plaintes seroient presque toujours bien
fondées. D'ailleurs, les munitionnaires ont tant de
moyens pour en ipiposer^ pour, tromper l'inspecteur,
' qui croit s'assurer par lui-même de la qualité de&
objets fournis; ils savent ^ avec tant d'adresse,, substi-
tuer à rinsipide bouillon des détenus, une soupe ptqs
forte et plus substantielle» dans le vase qu'ilis présentent
à 1 examen, qu'ils paroîtroient toujours faire leur four-
niture avec la plus grande fidélité, si Ton n'avojit
1
DU REGIME PHYSIQUE. 433
égard aux réclamations des prisonniers , poiir exami-
ner plus scrup^kusement encore la manièrevdont ils
exécutent leurs marchés. *
Il n'est qu'un moyen de savoîp bien exactement de
quelle qualité sont les fournitures , et notamment la
soupe; c'est de.se préseiHer à Timproviste , ^on pas à
la cuisine, où se préparent^ tout à la fois^ les banquets
des régisseurs et la soupe des prisonniers , mais dans
la prison même, à Tinstant où se fait la distribution
des rations, et de prendre l'écudle d'un prisonnier,
pour l'examiner. Là , il n'est pas possible de tromper
SOT la qualité. L'inspecteur voit par lui-^méme la
composition de la soupe , et, à moins de la changer ce
jourrlà pour toute la prison , il n'y a point de fraude
qui puisse lui en imposer. Je ne donte pas qu'une pa-
reille épreuve, faite avec précaution , ne dévoile bien
des manœuvres, dont Içs prisonniers sont'}ûurnelle-
n^ent victimes. . - .1 , .
La cause de ces alnis nous, semble résixler dans le
mode employé pour isubvenir aux besoiosiphyisiques
Nies détenus , et , en général , à toute la tenue des pri-
sons* C'est ordinairement un soumis^oimaire géné-
ral, qui, moyennant une rétribution^ calculée sur le
nombre des prisonniers , se charge , ,par adjudication
au rabais, de toutes les fournitures dont se composé
Tensemble du service i et notamment de i fournir le
pain et la. soupe , ainsiuque la paille-^ de payer le sa-^
lairedes employés, et de t procurer •dfl'oavrageiaïix
détenus. Cette réiwion., dans-la mmi^d'un seulindi«-
viiJUif de toutes les fournitures, est d^tJiin grand
moyen de dilapidation et d'impunité' pour les mal-
ver^téurs , par l'importance des marchés qu'elle
28
434 ï)Êà ï»RtSONl
lobïfgè à passer, et par la presque certitiide «{libellé
)âaDlfe atix adjudicataires^ dé conserver, pendant plu-
sieurs années, le droit de faire les fournitures, en
vertn d'un marché^ 4|ui ne peni être rompu sai^s des
causes très-fortes. -A l'ahri d'une convention qui suIh-
siste toufours, ils peuvent commettre sans crainte
tikie feiule d'infidélilés de détail, tfài seroient plus que
snffisantes, pour chariger un fournisseur au comptant^
uu a tëi^me court , avec leqtteUoii neseroit pas Ité par
iiQ engagement réciproque pendant un laps de f^mps
a^sez bng , pour lui permettre de s'enrichir à force de
'malversations* •
On a des exemples asseat fréquens ^ii pea <1- exâicti-
tu.de 'des adjudicataires gé»éi(m>x- à rempKr lea cmi-*
ditionSide jleor .marché ; on n'en a pas de la répreasion
de cet abus ; t«nt il est difficile de remettre l'ordre dans
cette partie du ser^vtoe , avec le^nfvode de$^d§udieat4ons
générales. Les malversations des munitionitaires ne
atot ptis-'iiisêz fortes, poor faire roiiypre deé i»arehés
ccnmidéiiables.^. ou si elles le sototy elles ont u«ie telle
grayitë qa'eUies atttreroient sur ces préposés la ten-
geaitcendéskiis^ de sorte que les autorités, chargées de
les lîéprimer;. n^osent souveilt les dévoiler, dansia
crainte déifierdre' entièrement ces adjudicataires in^
fidèies. • ■'<',.
ti n'entre pals dam notre pensée de 4ire que tous
les £uturnM^usb jstMént ooupitbltis tle ces infidélités^
MsKisnestii&t-il|iasqoe leur posilâon 4es mette dans kf^as
Vie ks commettre kiipuilénient , pow qu'on ne s^lipose
t>as Vtésormais- aux: dangers qu'entraîne un tel mode
de fourniture? 11 n'en est pas de m4me des prisons,
•û les adjudkatÎDns se font parlieUement, c'e^t-à^dite ,
DU REGÎMÉ PHYSIQUE. 435
>è titfespéeial et poar uû tenupsfort Umité , par sou-
niissioni cachetées, oo par toute autre voie légale , qui
donne le droit d'eiLclure les fiournisseiirs, dont on a
été mécontent pour les wiarchés antérieurs; t
Ce mode auroit peut-être l'inconvénient de ceût^
un. peu plu au trésor que celui 4es adjudications géné-
rales. Mais «e léger désavantage, s'il existe, est plus
que balancé par l'intérêt des prisonniers et par la ga-
rantie qu'on y trouve, de Tenxploi intégral dosjsomnies
avancées pour ee service , tandis que , dans les four-
nitures générales , on est sûr qu'une partie des fonds
sera absorbée par les bénéfices du fournisseur ^ au pré*
) udice des prisonniers* ' .
La réduction apparente dé dépenses , «fut résiiUeroit
du mode des adjudications générales, applii|[ié.à ton-
tes les prisons, ne peut évidemment avoir lieu qu'au
préfudite des prisonnière. Un calcul bien. siniple- dé-
montrera cette vérité. Quand on met eu ad judicatioii
la fofurttit\|re de toutes les choses nécessaires pour une
prison, la mise à prix, sur laquelle on reçoit les proposi.
tioiis,est calculée, en général, sur ta valeur présumée des
diverses fournitures qu'on demande. Elle égale à peu
•près la somme qu'il en coàteroit, pour acheter, séparé-
ment , et sans marché général , tous ces objets. Encore,
cette valeur est-elle ordinairement portée au-dessous
du prix qu'elles peuvent avoir dans le commerce. Ce-
pendant les soumissionnaires doivent ofFrirë'entre-
prendre la fourniture pour un prix inférieur à celui in-
diquée Si le bénéfice, que peut présenter cette opéra-
tion*» n'étoit , comme on devroît le supposer , que dans
l'avantage d'une fourniture en masse , sur une fouf^
suilTive foi te en détail , la loyale modicité de ce béoé-
436 DES PRISONS.
fice seroit pen propre k attirer les adjoclk^ilaires. Ce;'
pendant noos ne soyons pas que les fooralliires des
prisons soient abandonnées; dès capitalistes s'eoipres-
sent touionrsà Tenvi de faire des propositions,^ et Ion
est souvent étonné du taux peu élevé , pour lequel ils
se trhargent d'un marché, toujours très-considérable.
Mais quand ils ont exploité, pendant cinq à six ans, la
mine précieuse qu'ils se sont ouverte, on voit que leurs
travaux n'ont pas été infructueux, et qu ils ont agrandi
leur fortune , dans une spéculation qui ^mbloit de-
voir être désavantageuse , et qui, dans le fait, n'eut
îamais produit pour eux le résultat inespéré de les en-
richir, s'ils eussent rempli les conditions de leurs mar-
chés, comme on pouvoit croire qu'ils s'y engageoieat
par leurs sommissions.
Si donc ils se chargent sans crainte d'une entreprise,
qui, régulièrement exécutée, seroit très<-peu avanta*
geuse;- si même ils y trouvent un bénéfice considéra-
ble , c'est qu'évidemment ils ne remplissent pas les
conditions qu'ils ont sonscritets, et que Tiotérét , mo-
dique en apparence , qu'ils reçoivent comme indem-
nité, est eiicore supérieur à leurs avances et aufuste bé-
néfice , qu'ils dévoient tr^raver dans ces spéculations.
Les détenus supportent donc le double préjudice de la
réduction opérée sur la valeur des. fournit\]res, par
reflet direct de l'adjudication au rabais, et du. bénéfice,
que le^edjudîcataires font encore €le leur.c^té,snr des
fournitures nécessairement insuffisantes, à raison du
prix qu'on en donne. Ainsi » d'un côté, l'Etat fait, ou
plutôt, paroit faire ,sur la valeur des fournitures, une
H^onomie, quia tonjoarspour effet de réduire les déte-
nus à une ration inférienve àlenrs beeoiiis^ et le bénéfice
DU REGIME PHYSIQUE. 437
dé cette»ëeonoroie déplorable, an lieu de loorner à
Tavantagé du trésor public , va augmenter les gains
immoraux de quelques spéculateurs, qni Ont fondé
Tespoir de leur fortune sur la mi^e et les larmes des
prîsoiiMefs.
Ces conséquences ne paroltront pat exagérées, si Ton*
recherche à quel prix sont fiiites ces adîudicatiaos.
Dans certains départemens, à l'époque de 1789., qù, le
prix des denrées étoit généralement inférieur à ce
^u'il est aiqourd'hui , la dépense joursillififcl dès pri^
sauniers roontoit à 26 cent, par tfte, non compris lar
soupe, qui étoit fournie par les couventa Dans un'dé-
pairtement qui appaitient à une contrée pauvre êt^oà,
par conséquent, la subsistance est peu dispendieuse,
le taux commun de iMépense par homme , VM éle*
vée,'en i8o5|i^à 74 cent. Qu'on rapproche de ^s
faits, la mise en soumission des fournitures dans un
tmtre département , qui sans être beaucoup plus riche
que le premier , peut au moins soulemr la concurrence
pour le prix des denrées, et dans lequel les fournitures
sont adjugées à 4o cçnt. parjonr, et Ton me pourra se re-
fuser al idée affligeante queradjudicationraété faite à
un taux trop modique pour que les détenas soient trai-
tés convenablement. Et s'il arrive que leôraunition-
naire, dans le second département, fasse, en peu d'an-
nées , une de ces-fortunes scandaleuses , qui révoltent
souvent nos regards , qui pourra ne pas gémir sur le
sort des prisonniers dans un tel ordres de choses!
Il est un autre clëpartement , bien plus riche que
les deux premiers et assez reproché de la capitale ,
pour que Tabondance do nuoaérldre et la rareté rela-
tive des denrées y rendent les subsistaneea tfès-ehères.
458 DES PRÎSONSI
On crairoit que la foiirnitiKre (ie& prison» ne» dèYroit
s'y a<^uger qu'à un taux farl élfevé , «*» comme leschar-
ges de cette adjudîieation sont. la nourrknre^ l'habil-
létnent et le travaHdes détenus, ainsi que les menues,
réparations et le traitement descher$d'ate)lefs,^|imhe-^
tiers, infirmiers; et âtrtres préposés, il semble que la
mise à prix doit #tre assez considérable, si Von veol
que Fadjudîcataîre remjJîsse d'une manière conve-
nable ses nombreuses obligations. On n'apprendra
pas sans étofirtenjent qu'elle y est fixéevà 4S cent., ou-
tre le tiers du prix de*maîn d'œuvre, que l'on pect
évaluer à 25 cent. C'est donc pour *-© icent. , qui sont
encore diminuée par FeflBet de raA)ndtcatton sht rabais,
qu'un soumissionnaire se charge, dans un départe-^
ment rtcbe , de la fourniturcAgélWale de la prison et de
tontes les dépenses d'entretien , Iorsqii§la nonrritore
seule, dans un déparlement pauvre,.est évaluée à 74eent,
On peiit juger par ce rapprochement si les fournibircs
peuvent être bien mites pour un prix aussi modique^
et si les besoins des prisonniers sont iM^ellement satis-
faits , comme^à loi le veut.
Aussi, cfrtWfnent les détemis sont-ils entretenus, dans
les prisoHs^ dé-GéS départeraens? Avec quelle sordide
parcimonie lie^ïlélivrë-t-on pas aux prisonniers la ra-
tion , presque toujours trop foible, qu'on ne peut leur
refuser? Combien n'est-eile pa$at)férienre , soit pour
la qualité-, soit mime quelquefois pour la dose,* aux
conditions imposées et acceptées? IVIest le résultat
de ces adjudications générales, pour un certain nom-
bre d^années, qm mettent daujsla n^estiti^ de se con^
tenter de fdwnitm-es médiocres, ou d'intenter un proh
tes fadieux à chaque mtinitibnnaire infidèle^
DU REGIME PHYSIQUE. 439
Les eonséqnences dësaivMilageuses de ces adjudica-
tions, et de l'improbitë de beaucoup des personnes
qui y preni^nt part , se font sentir dans tonies les par-
ties du service. Partout on retrouve deseffets de Téco-
aomie mal entendue et des calculs intéressés /qui y
ont présidé ; nous continuerons de les faire remarquer
dans l'occasion. Mais c'est surtout k l'éfcard de la nour-'
riture qu'ils sont le plus sensibles.
La fourniture même du pain se ressent des effets
de ce funeste système. L'esprit de p^cimonie , qui di-
rig;e le fournisseur général, £t qui se communique
bientôt à tous ses.agens et subordonnas , se fait sentir
dans Tachât des farines et dans la manière do les. ma-
nuteutiojmer. L# résultat déboutes ces manœuvres
est qn^ Tétat paye lentreprenetu', pour fournir aux
fHÎsonniers une quantité suffisante de bon pain , et
que , néanmoins, ces malheurenx n'y trouvent jamais
ni le poids, ni la qualité qui leur est due. On connoit
les moyens, réellement coupables, à Taide- desquels
un fournisseur saiis probité, sacrifie la bonté réelle desu
aliroens à une apparence trompeuse , qu'on n'acquiert
)aniais qu'aux dépens de la réalité. Je laisse à penser>'i|s
sont employés, qiiand le munitionnaire enchef et ceux
qui exécutent sous ses ordres doivent trouver, dans un
prix assez modique , des bén^ces suffisans. pour tous?
I^ mise à prix seroit à peine assez forte pour la îqstc^in-
demiûté d'un fournisseur , spécial dans chaque partie,
qui confectionneroit luiroéme les denrées, qu' il se seroit
engagé à fournir, et il faut qu'elle paye Tentrepreneuret
les agents en sous-ordre ! Leur bénéfice ne peut être pris
que sur ta part des prisonniers, qui ne s'aperçoivent que
tropsouvenldes vices d^ce systèn))?«Ët l'<m s'étonne ,^01:1
I
44o DES PRISOή.
s'irrite même , quand leurs plaiétes sont assez vires
pour arriver jusqu'aux oreilles du chef de la prison ;
on traite#de révolte des murmures , peutfêtre un peu
violens , mais qui , après tout • sont le seul nfioyen
qu aient les détenus pour obtenir justice ; et les fers
les plus lourds, les cachots les plus sombres ne semblent
pas des peines trop rigoureuses pour châtier l'audace
des détenus qui se sont plaints d'un fournisseur ! Ce-
pendant , quand le pain qu'on leur donne et qni sou-
vent est leur seul aliment , est si mal cuit que la su-
perficie seulenoent est ^atteinte par le feu , et que l'in-
térieur contient sous une croûte ,, bonne . en appa-
rence , une pâte compacte et indigeste , faut-il donc
iqu'ils souffrent sans so^laindjre ? Les prîsomiiers sont
déjà assez portés à la révolte par eux-mêmes ; cependant
ils ne sont pas séditieux sans motifs. Délivrez - les de
leurs avares tyrans , ou permettez -leur de porter libre-
ment leurs plaintes aux supérieurs et vous.n'eotendrez
que rarement parler de sédition.
If:i , pour la première fois , l'avantage se trouve du
côté des prisons provisoires. Le paiu y. est souvent
meilleur que dans les maisons de correction ou les
autres prisons considérables. Il faut remarquer* en
même temps, qu'en général les adjudications j
sont beaucoup moins étendues , soit pour le temps ,
soit pour l'objet , que dans les prisons définitiies.
Là, pourTordinaire , on ne trouve plus d'adju-
dicataire général, qui se charge de tout rentreiieo de
la prison, et dont les spéculations embrassent toutes
les branches du service ^ pendant plusieurs années.
Mais plusieurs fournisseurs^ chargés séparément d'une
partie déterminée , pour un temps qui n'excède pas
DU REGIME PHYSIQUE, 44i
uoé année » |Maissent bien pins de pouvoir à l'admi-'
nistration et bien pins de moyens de les assujëtir à
iine exécution loyale de leurs engagemens, dont le
terme est trop court pour qn-il ne soit très -facile
de les y astreindre , par la crainte d'être à Tavenit
exclus des adjudications.
On trouve aussi , à cette répartition du service en.'
différentes (franches , l'avantage de pouvoir en charger
directement ceux qui , par état ^ doivent faire les four-
nitures par eux-m^mes, sans passer par rintermé-
dial^e des capitalistes, dont l'intervention est néces-^
saire pour les entreprises générales. On évite donc en-
core , par là , l'inconvénient de supporter 4e bénéfice
de deux personnes , au lieu d'un seul bénéfice , et on
a toutes les garanties désirables, pour la fidélité des li-
vraisons, et la bouue manutention ,. conditions dont
rien n'assure Taccomplissement <kins les entreprises
générales. Aussi les fournitures de ce genre sont, ordi-
nairement, plus satisfaisantes que* celles des entre-
preneurs généraux; et, si Ton pouvoit les rendre plus
complètes , et les introduire dans toutes les prisons , le
régime alimentaire en recevroit une amélioration
très«précieuse« *
rARAGRÂiPHE II. VêteTuena.
L^BTiCLE des vétemens. se présente sous deux rap-
ports, l'habillement proprement dit, et le linge. Les
prisonniers sont assez régulièrement fournis de l'un
et de Taatre dans les maisons de correction et d arrêt ,
soit sur les fonds de TEtat , soît sur ceux de la charité.
Il n'en est pas toujours de même dans les maisons de
justice. Comme les détepus n -y doivent , en général,
44> BES PRiaOKSL
r««ten que peu, èe temps , et qu' ils y apftrtenl des )uh-
Mt9% oa ne leur en founik point ioujotirs dans i»s
firistnis^, et c'est \k que, le pliis souvent, les regards
smnt affligés p^ la denii- nudité, tout à la fois dan-
gereusQ i&k iiidécente, de eertains^ prisonniers, pins n»i*
sérables qne tes antres, ou captils depuis plus long^
temps. Ni>us avons déjà fait observer qne^ dans Finie-
r^ de )<^ vérité même , et pour conswvef* detrcdijels^
qui peuvent devenir de 'précieuses, pièces de convie*,
tion, on devoit donner aux incutpés d'antres hiMts
cpie ceiuc qu'ils avoienlloffs de ieur arre^atiatf^ si
cette règle étolt observée généralement^ on y.fagBe-
iroit SOI13 le rapport de la diaeî|Altne« de Tcudre puUic ,
eil snrtout de la saifté des prisonniers.
Celte dernière considération devroit surtout eag»-
ger à ne pas négliger , comme on le fait, une impor-
tante partie de rimbillenient, la chaossttrie&*Ce n^êsl
passais une iminresûon doiitonrense qne Ton voit ,
dans les mois les plus froids de Thiver , des prison-
niers traverser , sans la rnoiudre chaussure, des préaux
eouveHs de neige ou endurcis par la gelée. Une paire
de sabots n'est pas bien chère , et délivreroit ces mal-
heureux de bic^ des maux , auxquels ils sont exposés ,
et qui ne les épargnent pas.
L'usage est de donner des habits tous les deux ans
aux prisonniers. L'été, ils sont habillés en toile, mais
rbiver on leur donne ^des habits d'étoffe grossière «i
laine. On pourroit seulement déârer plus d'ampleur
à ees vétemens, qui doivent les préserver contre Tin-
elém^ace des saisons.
Quand ib sortent des prisons, ils smat obligés de
laisser les'vétemens qu'on leur y avcât donnés. Gstti^
DU REGIME PHYSIQUE. 441
^Af^DsllIon , qui est assea )uste« ne doit cependant pas
être «^^utée , dans tons les cas , avee une exactîinde
trop rigoureuse. Renvo^r un priaonnifr^sanalui de^-^
lier les vétemena nécessaires , c'est Texposer à périr
de mitère, ou'à i^tomber dans ses anciens égaremena»
G'estune raison de plos pour lui faire quitter les ha«
bits qu'il avoit en arrivant. On pourra les lui rendre
sans crainte à sa sortie , et les habits dé radaiinistra-**
tion lui seront repris en échange , et ne sortiront pas
de la prison.
Quant au linge de €orps«;la distribu tion«s!an fait,
en général, 'assez «régulièrefnent. Confiée, dans le%
grandes.' prisons , à un préposé rétribué , et , dans quel**
ques autres , à des da«yies pieuses et charitables, qui se
ebargent de Tentretènir , cette régie est bien ordon-
née. Tous les samedis , les prisonniers reçoivent une
chemise blanche , et rendent L ancienne. Cet usage esl
très-bon , et ne demande qu'à être rendu général.
•
PARAGRAPHE III. Couc/ier.
Les anciens règlemens ordonnent qu^il. soit fourni
Ions les huit jours, aux prisonniers, une Iptte d^
paille, du poids de dix livres«Telle a été jusqu'en iK iS,
la. règle qui fixoit le coucher, et en déterminoit le
mode. Il en est peu, qui aient été plus souvent éludées
dans r^éci^tion , et qui soient encore plus souveiM;
ei^reintes, dans certaines primions. Presque jamais la
paille n'est renouvelée aux époques prescrites, et cet
abus est quelquefois porté au point, que lesprisonniersi
au bout de quelques semaines, n'ont plus, pour se
coucher, qM'un fqmier infect et niialsain , qui les
jpouvre «de pondère j^ o^oiçidjQe mo^vepaent , et ne
444 \ DES PRISÔNiS-
leur offre qu'une couche humide et mal pcopre. Mais,
comme c'est un des objets, sur lesquels lesgardii
font le plus de J^ënéfice , on a souvent fait , pour
mettre Tordre dans cette partie du service, deseffoi
qui sont restes inutiles. Espérons que la surveillani
active et persévérante , qui commence à porter la la^
mière dans le système des [visons, mettra fin à ud
abus aussi condamnable.
Ces malversations dans la dbtributiou jle la paille ,
avoient déjà fait adopter, à titre particulier et avec
des conditions diverses, la proposition , faitç par des
concierges ou des entrepreùeurs , de substituer à la
fourniture hebdomadaire de la paille, un coucher
plus complet et plus régulier, pour le mêaie {>rix. La
circulai ie du 19 mai 1818, a généralisé la facuUé de
remplacer la fourniture hebdomadaire par des pail-
lasses, qui doivent être garnies tous les quatre mois.
Dans qtielques prisons , le comptable chargé de/bar-
nir la paille , s'est engagé, moyennant la même rétri-
bution , à construire des couchettes , et à donner aux
prisonniers, deux à deux, une paillasse, des draps,
un trai^sin et une convertnre. Cette opération parott
leur avoir été fort avantageuse , parce qu'une foiS cou-
verts des frais de premier établissement, qui se trou-
vent compensés en peu de temps , ils touchent pen-
dant plusieurs années, sans presque rien fonroir, le
prix de toutes les bottes de paille qu'ils auroient don-
nées , ce qui fait en peu de temps une somme con»-
dérable.
Ce changement ne paroît pas moins avantageux
SiU% prisonniers, qui y trouvent un coucher propre et
suffisamment chaiul. L'œil , en parcourant les dortoirs.
DU llËGIME PHYSIQUE, 445
•
esA agréablement frappé de l'aspect d'ordre et de pro-
preté, que présentent ces lits nombreux, garnis de tra^
Tersins et de bonnes couvertures en laine. Mais crai-
gnons de nous laisser séduire par des dehors, trom-
peurs, et gardotts-ntHis de prendre Tuniformité pour
l€ bon ordre , et l'apparence pour la réalité. Les pri-
sonniers ont-ils efFectivement gagné à ce changement,
qui se présente sous l'aspect le* plus flatteur? Nous ai-
mùns à le croire ; mais , en même temps , nous ne
dissimulerons pas les inconvénieps , que nous avons
cra y remarquer. *
D'abord, pour que l'entrepreneur fasse sur cette
spéculation le béné&ce, qui, seul , a pu l'y engager, il
fiiot qlie, pendant loog-^emjïs , peut-être même pen-
dantf^nit le temps de son marché , il ne renouvelle
plus la* paille. Sans doute., à la vérité, elle s'altère
moifis dans une toile que lorsqu'elle restoit à décou-
ipert , et il est juste aussi d'indemniser le fournisseur
des. avances extraordinaires que lui cause ce change-
ment ; mais il ne faut pas que cette indemnité soit
aux dépens des prisonniers. Si les changemens pro-
posés ne leur sont pas avantageux , ils ne doivent pas
être admi^. Or , la question est ici de savoir combien
de temps la paille pKit rester dans la paillasse, sans
èlre plus altérée et plu» mauvaise que celle qui est
restée huit jours à découvert. Cette question e^ ré-
solue par la circulaire, dont nous avons parlé plus haut,
et qui fixe ce laps de temps à quatre mois. Il ne faut
donc conclure de marché avec les entrepreneurs , que
sous la condition expresse que les pailflbes seront gar-
nies au moins trois fois par an. Cette condition doit
être de rigueur, et les autorités locales y tiendront
»
sévèrement k main. Mais , cotxtme il seroit passable
qu'eue ne kiiss&t pae assez d*a vanlage à rentrepreneâi,
ptout* le dëterjnoiner à«eeharger, pouï* le pm brdiiiaire,
de ce nouv^ éliÂ)lksenieiit > la justke ^et rîntérét des
prisoiM:^iers exigent ^'i3ti ^ve yn pe« , s'M est né-
cessait*e , riudemnilé dti fournisseur. Cette légère aug-
mentation de dépense est trop juste €t trop utile, pbtir
qu'un n'y souscrive pas volontiers» »
Uhe ofajedtion plus forte ^ que l'on peut faîrt; à la
matnère dotot les nouveaux couchers «ont disposés,
dans certaines prisons , c'est l'accumi^iftion^'untiom^
bre disproportionné de détenus , dans des chambres
peu spacieuses. L'économie de tniatéHaux et de «nain-
d'oeuvre ,, pent-étire au&si le désir d'entasser te yhis
d'hommes possible dans %ts hâftitsietis^ ont %onAé
ridée de construite les coiichettes l'une au-ndessus de
fautre , de manière que tous les fils sotft k dèus éloges,
séparés !'mi de i'auti^ pat- une distance d'iHiviron \mis
pieds ; et, comme chaam^des étires de ces e^udlèttes
est disposé pour recevoir deux prisonniers , quatre
hommes n'occupent guère plus d'espace qù^^n seul en
devroît ordinairement etnpl^yer. Cette malheureuse
facilité de coucher beaucoup d'h(mih)és' dam Un ébH>ft
espace doit avoir les i'ésùtt'ais* llls plus funestes pour
la santé ; elle a surtout un effet désastreux , par la pos-
sibilité qu'elle donne d'admettre dans les prions quatre
ou au moins trois fois plus de prisonniers qu'elles
n'en contenoient, dans un temps où , déjà , on se plài-
gnoit , avec r^son , dé leur encombrement. Ainsi ,
sous ce secônorapport , on ne devroit tolérer de cha»-
gemens, qu'autant qu'ils lie multiplieroient point fe
uombre des détenus dans chaque chart)bi>e« '
\
I
DU RÉGIME PHYSIQUE. 447
'■ ICes lits superposés les nm aux autres ont encore de
graves inconvéniens, sous le rapport de la décence et
xlê la morale. Ce systèjDe de lits quadruples exclut
d'ailleurs toute possibilité d'isoler les prisonniers peii*
dant la nuit , mesure qui me paroît l'une des plus in-^
dispensables.
Voilà de fortes raisons pour mettre en défiance
contre une innovation , qui , sous une apparence très«
favorable , cache néanmoins de véritables défauts ; ce-
pendant > il ne faut pas s6 bâter de proscrire un chan-
gement^ qui peut amener d'utiles réformes, et qui à
déjà fait le bien des délenm. Les règlemens pour la
distribution de la paille n'ayant jamais rté observés ^
les prisonniers se trouvent très-bien d'un changement,
qui pallie cette omission , et en couvre les principaux
inconvéniens. C'est donc nne véritable amélioratlom
qu'ils ont obtenue; et, parce qu'elle ne seroit pas aussi
parfeite qu'on auroit pu le désirer , il ne faut pas la
rejeter entièrement. Mais en même temps, c'est un
avis pour npus, de ne la regarder jamais que comme
un provisoire , préférable à l'état qu'il remplace , mats
biéii inférieur enc^i'eâux améliorations, que Ton doit
introduire par la suite dans les prisons > et qu'il peut
servir à préparer de loin.
CHAPITRE U. D£s prisonniers dans Vétal de
maladie^
Là partie du régime , qui a pour objet de rendre la
santë à ceux qui l'auroient perdue , laisse beaucoup à
désiser dans l'état actuel des prisons. On ne trouve
nulle uniformité dans la manière dont cette partie de
448 DES PRISONS.
l'administration esf organisée^ et la confusion qui
règne encore dans Tensemble du système, et dans la
repartition des prisonniers^ s'y fait sentir d'une ma-
nîpre très-marquëe.
Les prisons définitives, qu'on s'occupe sans relâche
de préparer pour les condamnés, ne sont pas en-
core finies ; et ne peuvent encore admettre tous les pri-
sonniers, qui leur sont destinés. 11 en résulte , pour les
maisons d'arrêt et de justice, dans le montent actuel ,
un excédant de population , composé de condamnés ,
qui n'y devroient point rester. Environ neuf mille
prisonniers de cette classe sont en ce moment dans les
prisons provisoires.
Si les choses dévoient rester dans cet état , il fau-
droit des infirmeries presque partout , puisque la plu-
part des prisons font le service des maisons de déten-
tion définitive. Mais comme cet état n'est que provi-
soire, et que des infirmeries ne seront plus^nécessaires,
dans la plus grande partie des maisons d'arrêt et de
justice , quand elles seront réduites aux prévenus et
accusés , et à une population moins forte et souvent
renouvelée, il seroit inutile d'en établir dans toutes
ces prisons. D'ailleurs, la plupart étant peu considéra-
bles, rinfirmerie y seroit presque toujours déserte, et
quand il s'y trouveroit quelque malade, il seroit né-
cessairement mal soigné, par des infirmiers peu accou-
tumés à ce service.
■
Il est donc plus avantageux pour les détenus de ces
prisons, qu'on use de la faculté , accordée parla loi du
4 vendémiaire an YI, de les envoyer aux hospices
civils. Avec quelques précautions, cette translation
n'aura pas d'inconVéniens , et l'on y gagnera sous le
DU REGIME PHYSIQUE. 449
double rapport de réconomie pour l'Etat, et de l'intérêt
des détenus.
Cependant, îl est quelques prisons provisoires qui
sout pourvues d'infirmeries. Il ne faut pas renoncer à
s'en servir, par la seule raison qu'il seroit facile de s'en
passer ; îl y a toujours de l'avantage à pouvoir conser-
ver les détenus à la prison : mais ces infirmeries , si on
les emploie, doivent être mises en état de remplir
convenablement leur destination. Celles qui existent
dans un petit nombre de départemens , sont , en gé-
néral , mal disposées, insuffisantes pour les besoins pré-
sumés de la prison , et manquent des distributions
nécessaires. Les médicamensy sont fournis parla phar-
macie des hospices civils. Dans plus de quarante dé-
partemens , les prisons provisoires n'ont aucune infir-
merie , et les prisonniers sont transférés dans les hô-
pitaux.
Dans les prisons considérables, le service se fait
d'une manière uniforme, et les infirmeries sont, en
général, beaucoup plus satisfaisantes. Assez spacieuses
pour le nombi^e présumé de malades qu'elles doivent
contenir , et divisées en plusieurs salles ou chambres ,
elles laissent très-peu de chose à désirer , sous le rap-
port du matériel, mais le régime en est encore très-
imparfait , et l'on auroit des réformes très-essentielles
à y introduire , soit relativement à l'admission des
malades y soit à l'égard du traitement et de la dis-
cipline*
Ce qu'on ne peut trop déplorer , c'est la négligence
avec laquelle on s'occupoit , dans bien des cas, des pri-
sonniers qui tonïboient malades. Soit que l'hôpital
général ou l'infirmerie de la prison ne présentassent
29
456 DES PRISONS.
pas aitoez de places disponibles, soit cju'on ne fil pa$
assez d'attention à Tëtat de malheureux, dévorés par
une fièvre ardente i ou abattuâ par des maladies chi*o-
niques et dangereuses ^ 0]> avoit souvent la douleur,
en visitant: les prisons, d^ les voir habitées par des
hommes, dont le teint cadavéreux et la démarche lan-
guissante indiquoient le besoin le plus pressant' des se-
cours de la' médecine-
Oh a vu) au milieu même des chaleurs de l'été,
im jeune prisonnier , rachitiqu^ , exténué , prêt à
rendis le dernier soupir, chercher dar>s le préau
quelque rayon 'de soleil , qui pût le réchauffer encore
une fois. Les cruels sarcasmes des gtiicbetiers lui
montroient déjà la tombe entr'ouverte sous ses pieds,
et ie malheureux euibrassoit comme sa seule espé-
rance, la fin déplorable, que lui prédisoient d'atro-
ces plaisanteries. Une maladie dégoûtante et conta-
gieuse , portée à son pliis haut de^i*é d'énergie , le dé-
voroit. Ou l'avoit exclu de l'infirmerie , parce que,
disoît-on , il n'avoît plus que quelques jours à vivre et
qu'on redoutoit rinlection, qu'il menaçoit d'y appor-
ter. Mais pcmr qui donc sont faites les infirmeries, si
lesmoukans n'y sont pas admis? n'est-ce que pour
les hommes sains ou pour certains malades privilégiés
que cet asile est ouvert, et depuis quand ' une mala-
die contagieuse est-elle un titre d'exclusion pour l'hô-
pital? Croit-on qu'il y ait moins de danger à laisser,
au milieu des prisonniers sains, un malade, qu'il pa*
roît trop périlleux d'admettre à l'infirmerie? Cette
étrange et i)arbare décision est une trî«te pretive de
rindifFérencé avec laquelle certains hommes voient
l'existence de leurs semblables* *
DU REGIME MORAL. 45x
Sous un autre point de vue, c^Iui de la police et de la
sûreté) les Infirmeries des prisons sont souvent tenues
d'une ffîfinière très-peu satisfaisanteé C^esl presque
toujours de là qu'ont lieu les évasions : tantôt , parce
que la construction n'est pas assez solide, tantôt, et
c'est le cas le plus fréquent , parce que la surveillance
n'y est pas aussi exacte qu'elle devroit l'être. On
abandonne trop les malades à eux-aiemes ; presque
toujours ils sont seuls dans l'infirmerie, . de sorte
qu'aussitôt que les forces leui* reviennent , r ils em-
ploient leur loisir à chercher \es mbyens de s'évader ^
et n'y réussissent que trop isouvent«La position des in*
firmerîes contribue aussi, fréquerpment , à les rendre
peu 5Ûres, parce que , pour les isoler de la prison , on
les met presque ea dehors , au lieu de les comprendre
dans i'enceinte. Aussi , les prisonniers , une fois sortis
de rinfirm^ie,sont presque en liberté. Ce vice de posî-*
lion , joint au défaut de surveillance^ y rend les éva-:
sions très-fréquentes, On rèmédieroit à cet inconvé-
nient par une construction plus solide , par utie sur-^
Teillance plus exacte, et surtout en plaçant les infirme-
vies au milieu des bàtimens, comme nous l'avons indi-
qué 4ans la première partie.
TITRE V.
DU RÉGIME MORAL.
Si nous avons remarqué beaucoup d'abus de détail
^ans le régime physique des prisons , le coup d'œil
que nous allons jeter sur la partie , sans doute aussi
itxipoilaale , du régime .roûdral^ $era moins satisfais^t
452 DES PRISONS.
encore ; là, cç ne sont pas seulement des vîc^sde dé-
tail quîl faut corriger, c'est nn ensemble vicieux,.
t]n'il faut réfornier de fond en comble, ou plutôt
c'tîsil «n système tout entier à créer. Il semble que, jns-
o'i'a ce jour, on ait regardé comme secondaire l'objet
c «jHtal de toute peine légalie, 1 -amendement *du cou-
{Kîlle; et qu'après avoir pourvu, tant bien que mal,
^\x principaux besoins des prisonniers, dans Tordre
physique, on ait cru pouvoir se dispenser de prendre
aiu uns soins, pour réformer leurs inclinations dépra-
vées et substituer, dans leur cœur, des sent imeus
tumriêtes et religieux à leur ancienne perversité.
Cependant il est juste de convenir que, dans quel-
qi:«s prisons cohsîilérîibles ou privilégiées, soit par les
soins (\ administrateurs zélés et intelligens, soit à rai-
son <ie 1 impulsion, qui y a été donnée par une autorité
piépondérante, on trouve un régime moral, satisfai-
sant sous quelques rapports. L'oisiveté n'y accable pas
de son poids des prisonniers, qui accepteroient le tra-
vail comme un bienfait. L'instruclion n'y est pas en-
tièrement négligée, et les augustes leçons de la religion
y viennent assez régulièrement instruire et consoler
les liéleims. Mais ces résultats, qu'on ne remarque
d'ailleurs que dans quelques prisons et à titre d'excep-
tion , n'ont pas ce caractère d'ensemble et de système,
qui seroit nécessaire, pour former un régime moral
ï)ien complet. Ce sont des matériaux précieux, mais
siins liaison entre eux , qui attendent qu'un habile ar-
cliiiecfe en compose un édifice régulier, pour être
i éelleuïent utiles et atteindre leur destination. Nous
serions cependant trop heureux de pouvoir dire que
CCS élémens se trouvent dans toutes les prisons • il en
r
DU REGIME MQRAL. 453
esl beaucoup , qnî en sont totalement privées et d'où
lès prisonniers, d'après tonnes lés prol>abiHtés, doi-
Tent sortir plus pervers qu'ils n'y sont enlrés.
Ainsi, dans certaines prisons, le régime moral est
nul, et les prisonniers n'ont pas même, dans lefravail,
la première et la plus simple des ressources, qu'on
puisse leur fournir contre leur propre immoralité, lien
est d autres, qui présentent quelques parties détachées t
propres a former par leur réunion entre elles et avec
d'autres , que Texpérience indiquera, un bon systèine
de réforme morale. Nous examinerons successivement
les iines et les autres.
On sent bien qu'Ici nous n'avons aucunement en vue
cette Maison de Kefu^e, étahlieà Paris, pour Tinst rue -
tiondes jeunes prisonniers, qui produit déjà des ré-
sultats si encourageans, sous la direction d'un noble
Pair, dont le nom se rattache à tous les bienfiiits q\ie
l'humanité a reçus dans notre siècle. Celte maison,
unique en France et peut-être en Europe , n'est pas ,
à proprement parler, une de nos prisons; c'est le mo-
dèle sur lec^uel on devr|^ les réformer; elle montre ce
que l'on'peut faire pour la correction des coupables ^
mais .elle n'a rien de commun avec les prisons ordi-
naires. Ce qu'on doit désirer, c'est que ces dernières
s^en rapprochent, autant que possible, et qu'on tâchts
d'y obtenir les résultats satisfaisans , mais trop res-
treints, que présente cet établissement. On y voit toute
la puissance de l'éducation sur les naturels qui parois-
soient les moins heureux. Des enfans, qui, tous, a voient
des inclinations vicieuses, qui , tous , avoient trahi par
des crimes leur précoce perversité, après un temps
assez court , passé dans cette maison, précieuse pour la
454 DES PRISONS.
mot-ale pobliqaé ^ en soi^t ^rtis corriges radicalémenf •
On peut du niaiiis lespérer, d'après la conduite que
tiennent ceux d'entre eux , qui , après le tetnps d^éxpîa-
tion anquei ils àvoient été condamnes, sont t^enfrés
au milieu de la société , qui leur .ouvre ses blras afveè
joie , et retrouve en eux des ehfans, égarés nn momeut^
mais revenus à la vertu. Combien n^st-il pas conso-
lant de voir ces anciens élèves d'une maison ^ qui sans
leur laisser aucun souvenir ignominieux, leur rappelle
seulement les vertus et les sages conseils des hoùimes
de bien auxquels ils doivent à leur éducation , Venir se
Joindre à leurs camarades encore détenus , pour rertoplît^
aveceujt les devoirs de la religion et présenter, tout A la
fois, un pieux exemple dTiumilité à leurs frères de Rb
société y et une perspective encourageante à leurs frères
des prisons! A peine établie depuis deux ans , cette belle
institution a déjà produit lés fruits les plus heureux
et prouvé qu'il ne faut jamais désespérer de l'homme
et l'abandoi^ner à ses mauvais penehans. Ge qu'on
a pu faire pour les enfans, on le fera, peut-être avec
plus de peine , mais infailliblement , pour tes homimes
faits : il ne fout poiir y parvenir qu'tine volonté ferme
et persévérante. La corruption morale est un de cei
obstacles, que l'homme peut tt>u}oui*$ surmonter, eti
empbyant les moyens convetlables , avec te cotîtage et
surtout la constance nécessaires.
CHAPITRE I-. Du travcdl
L'homme , dans tontes les positions ,' éprouve le be-
soin d'exercer les facultés dont il est doué. L'oisiveté
absolue est un poids qu'il ne pébt supporter; il faut
toujours qu'il agisse, soit pour le bien, soit pour le
I
DU REGIMB MORAL. 455
mal. S'il en e^^ doat Tactiviié m soit malheùreufie^
ment tournée vers le crime , il suffit qu'ils ne puissent
plus ^ livrer aux immorales occupations, qui, na-
.guère , employ oient leur temps , pour qu'ils sentent
le besoin du travail , et qu'ils fassent ainsi , par enimi^
le premier pas 9 qui est toujours le plus difficile , dans
la carrière de ta vertq. .
Telle est la position des détenus. Dans les premiers
momens de leur captivité , ils regrettent peut -être en«-
core ces courses hasardeuses , ces expéditions hardie^
et pénibles, au prix desquelles ils achet oient la pos^
aession d'objets, que le travail leur eût procurés bien
j^ns facilement , et sans 4es mêmes dangers. Mais ,
bîentâit convaincus de l'impuissance de leurs vœux , et
de la nécessité de passer dans la prison des années- en.-
tiènes , ils senteut le besoin d'une occupation , qui les
délivre du poids aGc^blant de l'ennui , et se trouvenf:
ainsi amenés , tout naturellement , à désirer le travail,
4]ue , jusqu'alors , ils avoient repoussé avec horreur.
Cependant , 1 hi^mme ne travaille pas canstanimeot
pcMir le seul plaisir de s'occuper; s'il u'est pas soutenu
{Mir on intérêt quelconque , le travail lui sera bientôt
inauipportable. Il faut donc, si Ton veut entretenir
diinA|les prisonniers , cette excellente disposition , qui
les écarte de l'oisiveté , leur procurer un travail sur et
^ assee lucratif pour les encourager dans leurs bonnes
résolfilîons.
Il est fâcheux d'avoir à remarquer que , dans beau«
coup de prisons , par la négligence des personnes
chargées de procurer de l'ouvrage aux détenus, oii
par la- manière mesquine ou îoexaete dont ils sont
pay^s^ les prisonniers ne soient pas occupés » autaiU
456 DES PRISONS.
qa'ils ledësiréroient , ou se dëgoutent prompCement
des travaux trop improductifs, auxquels ils se livrent.
Dans un certain nombre de prisons provisoires , les
détenus manquent absolument d'ouvrage. Il est aisé
d'apercevoir les graves inconvéniens d'one semblable
inaction , qui n'est pas volontaire de- la part des dé-
tenus , bien que la loi ne les oblige pas an travail. Sou-
vent ce défaut d'ouvrage est dû aux circonstances lo-
cales , et Ton n'en peut accuser les gardions. Quand les
prisons sont situées dans des- villes sans commerce,
s^ns manufactures/ Ja consommation intérieure , pres^
que toujours insuffisante pour occuper les ouvriers de
la ville, ne peut entretenir d'ouvrage les prisonniers,
qui n'ont en leur faveur ni davantage d'être du pays,
ni la préférence diie à . la probité. Alor^ ils doivent
manquer entièrement d'occupation. On le^ voit se
promener oisiCs dans les préaux , entretenir des con-
versations, souvent dangereuses, toujours propres à
leur inspirer un mutuel découragement, souvent se
livrer au jeu et à la débauche ; et tons ces maux n'ont
d'autre origine , qu'une oisiveté qui leur pèse , et dont,
pour beaucoup , ils voudroîent être délivrés. Dans des
cas semblables, et si les fabriques des environs ne peu*
vent leur fournir d'occupation , il seroit bon que le
Gouvernement pût donner, dans ces prisons, quel-
ques-uns des nombreux ouvrages, qu'il doit toujours
faire confectionner. On y trouveroit le double avan*'
tage, d'avoir des ouvriers à un prix peu élevé, et de
concourir puissamment à l'amélioration du sort des
détenus.
. Il est d'autres prisons , où les détenus ont assez régu-
lièren>ent de l'ouvrage, surtout depuis quelque terap&s
DU REGIME MORAL. 457
mais malheareoseaient celte partie du services© res-
sent encore de l'imperfection inévitable d'une înstî*
tution naissante , et l'on s'aperçoit qu'il y a encore
beaucoup à> faire sous ce rapport.
Les travaux les plus généralement établis dans les
prisons sont ceux des manufactures, et ce choix a été
fait avec discernement. Les fabriques"^ ayant surtout
pour objet d'employer en grand la. force mécanique «
et de faine opérer des manœuvres uniformes, et pu^
rement manuelles, à un grand nombre d'ouvriers, qui
n'ont hesoin , pour apprendre leur métier , que de
.Fintelligence la plus ordinaire , c'est avec raison
qu'on a cherché à introduire ces travaux dans les pri-'
sens , surtout lorsqjue leur nature ne s'oppose pas à ce
que les prisonniers puissent dans la suite , les exercer
indi^duellement et sans devenir nécessairement ou-
vriers de manufacture. Les détenus peuvent tons les
apprendre, quelle que soit leur ignorance primitive,
et iln'.en est pas, qui ne puissent , avec un peu de bonne
volonté, y trouver une occupation régulière.
tJn second avantage de ce genre d'ouvrage , c'est la
facilité qu'il pi*ésente, pour diviser les prisonniers par
ateliers j -et pour les occuper dans l'intérieur de» bâti-
mens. L'organisation d'une manufacture présente
déjà tous les élémens d'une discipline régulière, et,
par ce^a même , est très-utile à appliquer aux prisons.
C'est ainsi que, dans plusieurs prisons* on a établi
des fabriques de draps, de toiles, de calicots, etc.,
qui sont en pleine activité, et dont les produits ont
concouru à soutenir l'honneur de l'industrie nationale
dans cette exposition brillante, où la France, après
qqatre années de sacrifices pécuniaires, s'est parée.
458 DES PRISONS,
aux yeux de l'Europe étonnée, du fruit disses conquêtes,
commerciales. D'estimables nëgocians, de riches at-^
pitaiistes^ des manufacturiers , dont Us utiles et belles
fabriques soutiennent , et nourrissent des contrées en-
tières, foornisseot aux prisons toutes les matières pre-
mières dont on y a besoin , et procurent ainsi sax dé-
tenus les moyens de se livrer à nu travail constant et
profitable. Houneuraux hommes générenx, qui savent
faire de leurs richesses un emploi &i beau, si pa-
triolique , et qui , après avoir nourri le pauvre, four-
nissent encore aux malheureux les moins caprities
d'inspirer l'intérêt , les consolations et les secours
physiques et moraux qui leur sont si nécessaires!
Noos n'avons à regretter que la modicité du gain ,
que peuvent faire lies prisonniers, et que réduit en-
core sensiblement, la répartition de ces salaires en
trois portions, dont une seule leur est remise à Tins^
tant* On conçoit combien cette répartition dimimie
rintérét qu'a le prisonnier, à se livrer au travail , puis-
que la majeure partie de ses salaires ne lui est jamais
remise , ou ne doit l'être qu'à une époque trop éloi-
gnée, pour l'exciter bien vivement. Quand ^ d'aUleors*
la somme totale est déjà fort modique , on sent que le
tiers 9 qui revient au délienti ,est très-peu de chose , et
c'est ce qui arrive dans le pins grand nombre de cas.
Les meilleurs ouvriers, dans les prisons, gagnent
rarement plus d'un franc par jour: encore n'est ce
qu'une portion très-foibîe de la population , qui at-
teint ce ma^iinlum. Beaucoup dâutres, q.ni sont payés
à la téche , pour plusieurs esf^>èces de travaux mécani-
ques, auxquels ils se livrent, gagnent, tout au pins,
60, 5o, et même 3o centimes par jour. En calcutant^
DU REGIME MORAL, 459
fVaprèd ces bases, la foible rétribution cpî leur revient,
on voit que los pins heureux touchent moi ns de 35 cent,
par jour ^ tandis que les autres en reçoivent à peine ic,
i5, ou même 10. Un salaire aussi misérable , est évi-
demment insuffisant pour les engager au travail , et
ce qui le prouve , c'est le refus de travailler de beau-
coup de détenus , qui n'y sont pas forcés par une con-
damnation.
Ce résultat y bien fâcheux sans doute, est difficile à
éviter dans certains cas ; celui , par exemple , où il s'a-
git de rétribuer des ouvriers sans talent , dont la main-
d'œnvre est si peu précieuse , qu'on ne peut l'évaluer
beaucoup au-dessus des salaires qui leur sont alloués.'
Il n'en est pas de même de ceux qui , ayant une in-
dustrie spéciale et un talent accfuis, exercent, dans la
prison , la profession qui les nourrissoit dans la société,
et se rendent réellement utiles par un travail assidu
et profitable. Ceux-là doivent être payés convenablo -
ment; et si, par la force des choses, que je ne raé^
connois point , leurs peines doivent toujours être éva^
luées moins haiHque celles ded ouvriers ordinaires, au
moins ne doivent-elles pas être mises à un prix évi-
demment trop vil.
C'est malheureusement ce qui arrive presque tou^
jours; et , trop souvent , les geôliers, par un abus d'au-
torité aussi cruel que sordide, profitent de leur posi-
tion pour lever une injuste contribution sur le salaire ,
â^à si modique, des détenus.
Je sais que , dans toutes les prisons 9 on n'a pas à dë<-
iioncer une malversation aussi révoltante , «1 qu'il «en
est , à ma connoissance même, où le prisonnier reçoit
loi'^xnême , à la geèle, l'ouvrage qu'on lui apporte , et
46o DES PMSONS.
le prîxqoi a été convenu avec loi. Je me plais à rendre
. justice anx concierges ou aux administrateurs, dont la
probité et la vigilance ont introduit un ordre aussi ré-
gulier. Mais ces bons exemples sont malhenreusemeht
trop rares. Dans certaines prisons , le chef arrête an
passage les commandes qui sont faites^ les enregistre
dans ses bureaux particuliers , fixe lui-même le prix fie
la main-d'œuvre , le reçoit pour l'ouvrier , et remet la
marchandise confectionnée , sans qu'il j ait eu le
moindre rapprochement entre le prisonnier et la per-
sonne qui lui. a donné de Touvrage. Aussi , que I on
compare la somme versée entre ses mains avec celle
qui revient au prisonnier^ déduction faite de la réserve
légale, et la disproportion choquante^ qu'on y remar-
quera souvent , ne permettra point de douter de l'inii
délité de l'entremetteur.
On se fait à peine l'idée du découragement , que
cette déloyauté jette dans le cœur de tous les prison-
niers , et de l'aversion qu'elle leur doune pour le tra-
vail ; funestes résultats, qu'on éviteroit sans doute, si^
l'on introduisoit dans toutes les prisons l'usage, que
nous avons remarqué, avec plaisir dans quelques-
unes , de laisser le détenu traiter lui-même avec les
personnes qui l'emploient. Il faut d'ailleurs que le
compte du prisonnier, tant pour la somme qu'il reçoit
à rinstant, que pour celle mise en réserve ,,soit de la
plus grande évidence, et qu'il n'ait pas à craindre de
voir son modique pécule s'évanouir en réclan^ations
d'accîdeus ou de réparations. Une ordonnance pleine
de sagesse , du 8 septembre 1819, fiait tmirner au
profit général la retenue du tiers, mis en réserve
pour chaque individu , pendant tout le temps de sa
DU REGIME MORAL. • 46i
captivité. Elle ordonne que les sommes en provenant
seront employées en rentes sur l'Etat , inscrites au nom
des prisons mêmes. Par-là, les prisons se trouvent,
en quelque façon, dotées d'un revenu assez certain, et
les détenus jouissent ert commun des avantages pro-
duits par les salaires , puisqu ils servent à améliorer
leur condition. Cet emploi de la réserve en fait d'ail-
leurs une sorte de fonds sacj'é , qui se conserve de lui-^
même et que le prisonnier peut être sur de retrouver
à Texpiration de sa peine. Cette confiance est propre à
leur donner beaucoup de courage.
Entre les réformes que sollicite le règlement des
ouvriers, dont, jusqu'à ce jour, on paroit avoir sou*-
vent négligé l'intérêt pour l'avantage des entrepre-
neurs, il faut compter celle d'un usage, qui tient encore
à cet te. négligence fâcheuse, dont nous avons vu tant
d'exeoiples ; c'est celui d'abandonner les prisonniers
à eux-mêmes, pendant les heures destinées au travail
et de ne mettre aucun surveillant dans les ateliers.
Cette imprudence , qui pourroit avoir les conséquen-
ces les plus graves pour la sûreté, et faciliter les sédi-
tions, si elles étoient à craindre, a d'ailleurs l'incon-'
vénient dé laisser les prisonniers maîtres de s'entre-
tenir librement, de se faire des confidences immorales
et de professer publiquement lés doctrines les plus per-
nicieuses. Elle compromet tout l'espoir, qu'on pourroit
avoir, de les ramener au bien , en entretenant au mi-
lieu d'eux une perversité constante et communicative
et en laissant aux grands criminels toute liberté,
pour contreminer chaque jour l'effet d'une leçon sa-
lutaire , mais fugil ive.
Je sais que , dans les prisons divisées en un trop.
462 DÉS PUISONS.
grand nombre d'ateliers, il seroit impossible de mçttre
à chacun un surveillant; mais pourquoi tant subdivi-
ser? Ne suffiroit-il pas dç quelques ateliers en petit
nombre^ qui pourroient être surveiliés convenable-
ment, soit par des employés ^ soit par dies chefs de tra-
vaux et Quvrier$ principaux, que les fournisseurs d'ou-
vrages enverroieçt à la prison , comme condition
du marché passé avec eux? On éviteroit par-là les in-
convéniens les plus fâcheux de Tétat actuel des pri-
sons: Ton né doit pas négliger une mesure, à laquelle
est attaché tout l'espoir de la réforme morale des
.prisonniers.
CHAPITRE II. Instruction civile.
Itserpit sans doute à désirer que les prisonniers, outre
le travail manuel et mécanique, qui occupe leur temps et
Ipur procure un léger bénéfice,roçussentquelquesieçOBS,
sur les coui^oissances les plus indisponsablesà Thomme
social et qu'ils pussent mettre à profit^ pour leur ins-
truction, le temps, toujours si long et souvent si inu-
tile, de leur captivité. Chaque prison devroit avoir son
école élémentaire , où les détenus apprendroient au
Q)oins à lire et à écrire, et recevroient quelques notions
snr le calcul. Presque tous sont étrangers à ces con-
Qois^ances» dont J'utilitéfi'a pas besoin d'être démon-
trée et qu'ils pourraient facilement acquérir, pendant
leur détention.
C'est donc avec regret, que Ton trouve la plupart des
prisons dépourvues de ce grand et puissant^ioyendepré
, parer aux prisonniers des ressources pi'écieuses, pour l'é-
poque ik leur retour dans la société , et dç i<!^ormer
DU REGIME MORAL. 463
lenr coeur en éclairant limr esprit. Dans la plupart des
maisons d'arrêt et de justice, il n'y a point d^ecoles;
et, si Ton en voit s'ouvrir qneiqueis-unes, depuis a$sez
peu de temps, c'est seulement dans les maisons cen-
trales ou d^paHementales.
On a trouvé un nïôyen assez simple ', pour engager
les prisonniers à dés études, qu'ils repoussoîent d'a-
bord , avec d'autant plus de constance , qu'ils étoierit
plus âgés ; c*est de refuser la ration de soupe à ceux qui
n'auroient pas assisté à la leçon du jour. On assure que
cette règle a produit le meilleur effet dans les prisons
où on l'observe, et que les cours y sont toujours très-
exactement suivis. Il ne s'agit d'ailleurs, fort souvent ,
ijue de Vaincre une première répugnance, qui n'est
point ï*aisonnée ; et, quand une fois les prisonniers
l'ont surmontée, qu'ils ont reçu quelques leçons et
qu'ils commencent à acquérir des connoissances nou-
velles , ils reviennent sans peine a l'école, où ils s'ins-
tmîsent, en gagnant un complément de nourriture ,
pfétièux pour eux.
te mode de l'enseignement mutuel , qui est déjà ap-
pliqué à plusieurs prisons, semble fait tout exprès pour
ces établîssémens. A Téconomie du temps et des dé-
penses, considération importante dans la circonstance,
il joint l'avanlage de rendre l'instruction agréable à
ceux qui la reçoivent , et d'être très-propre à instruire
des personnes d'un âge mur , comme l'ont prouvé les
écoles régîmenta ires. L'heureuse expérience qu'on en
a déjà faîte doit engager à étendre , le plus possible ,
l'usage de cette méthode dans les prisons; le peu de
frais, qu'entraîne l'établissement de ces écoles, est un
motif de plus pour né pas le retarder.
464 DES PRISONS.
CHAPITRE m. Instruction religieuse.
L'instruction religieuse des prisonniers est loin
d'atteindre le degré de perfection où elle devroît être
portée. Quels <|ne soient le zèle et le dévouetnent des
personnes chargées de cette branche du service, leurs
travaux n'obtiennent pas généralement tout le succès
qu'on devroit en attendre. Des exercices trop rares et
trop précipités, des instructions trop peu fréquentes,
des visites trop courtes et séparées par de trop longs^
intervalles « ne suffisent pas pour faire connoitre et
aimer à ces malheureux la religion consolante^ ^^^».
seule, ne les abandonne pas dans leur triste position.
N'accusons de ce malheur ni la négligence , ni la mau-
vaise volonté. Enflammés d'un véritable zèle et de cet
ardent amour de l'humanité dont la religion a fait
une-vertu divine, les prêtres chargés du service des
prisons, s'acquittent avec le plus entier dévouement ,
de tout ce que ce ministère a de plus pénible ; mais la
multiplicité de leurs autres devoirs , et la nécessité de
partager leur temps entre les soins qu'ils doivent aux
citoyens et ceux qu'ils donnent aux prisonniers, ne
leur permettent pas de remplir , comme ils le vou-
droient, des fond ious , ,qui excèdent leurs forces et le
temps dont ils peuvent disposer.
Aussi , dans beaucoup de prisons , dire la messe
le dimanche et les jours de fêtes , assister les mala-
des, conduire les patiens à Téchafaud et faire, de loin
en loin , quelques visites aux détenus, est tout ce que
peut Tauniônier le plus zélé. Ces soins , peu sensibles
pour la plupart des prisonniers , et réellement iusuf-
DU REGIME MORAL. 465
fisans pour tous, sont loin d'atteindre le bnt important^
dû doivent tendre les atimônîers. Il faut une assistance
continue, des leçon's fiéquentes, des conférences, tan*
tôt générales^ tantôt intimes et familières, et surtout
iHie application constant.é et assidue, pour consommer
Toenvre difficile de la conversion des coupables. Mais „
dans l'état actuel des choses, il est presque impossible
que les aurnôniers remplissent ces fonctions, dans
toute leur étendue. L'instruction religieuse sera donc
toujours infiniment loin de ce qu'elle doit être , tant
que chaque prisop n'aura pas son aumônier spécial,
uniquement chargé d'y administrer les secours de la
religion, et d'anuonœr la parole divine à deshomùies»
qui , tous, l'ont méconnue ou niiise ei^ oubli.
Cette amélioration entraînera , sans doute, un léger
surcroît de dépense; mais jamais dépense fut-elle plus
nécessaire; et qui, pour un aussi misérable intérêt ,
refuseroit de faire jouir les prisonniers des secours
précieux de la religion? Qu'ai je besoin d'ailleurs dç
faire des eiforts pour obtenir une réforme, sur laquelle
le Gouvernement s'empresse de prévenir nos vœux?
Au moment on j'écris , une ordonnance du Préfet
de la Seine élève Je traitement des auniôniers de
600 fr. à 2,4oo fr. , preuve certaine de la .nécessité,
bien reconnue, de rétribuer les aumôniers des pri-
sons , de manière à ce qu'ils n'aient pas besoin d'exer-
cer >, en même temps , d'autres fonction;;. Ce qui doit
encore engager à étendre généralement la mesure
prise pour le département de la Seine > c'est que, dans
les autres parties de la France ^on n'aura pas besoin de
fixer à l'aumônier un traitement aussi élevé. Six ou
sept cents francs, joints à la |>ension que les ecctésias-
3o
466 DES PRISONS.
tiques reçoivent du Trésor, suffiront pour les rétribuer
convenablement , dans presque tous les cas* On peut
toujours considérer cette somme comme le terme
tnoyen de leur traitement. Avec cette légère aug-
isientation dé dépense, les détenus pourront espérer
de recevoir les secours de la religion , d^une manière
plus complète que jusqu^à ce jour. Alors seulement, le
service religieux ne sera plus , comme II n'arrive que
trop souvent, la partie la plus négligée du régime des
prisons. Les prisonniers n'attendront plus, pendantdes
intervalles souvent considérables , les secours de la re-
ligioii , et des exercices plus fréqnens entretiendront
chez eux les sentimens , que raumônier saura leur ins*
pirer par ses exhoi%ations. Livré tout entier à Tinstruc-
lion de ces malheureux, il pourra leur donner, avec
bien plus de fruit , les leçons dont ils ont besoin ,
sans crainte de manquer à ses devoirs de vicaire, en
remplissant ceux d'aumônier. Ce fâcheux cumul de
deux emplois, dont un seul réclameroit tout le temps
et toute Tardeur d'un ecclésiastique , jeune encore et
plein d'activité, est la seule cause de la manière,
. véritablement incomplète , dent les détenus reçoivent
renseignement religieux , sans que, dans Tétat ac-
tuel, il soit possible de lui donner plus d^extension.
Les détenus trouvent souvent des seco.urs supplé-
mentaires dans le zèle de certaines corporations, qui ,
abstraction, faite de toutes considérations étrangères à
notre objet , ont le mérite réel et incontestable de
rendre des services précieux à plusieurs classes de mal-
heureux > notamment aux prisonniers , et sous ce rap-
port , ont droit à la reconnoissance des amis de Inhu-
manité. Dans beaucoup de villes du Midi, des asso-
ciaiioiis religieuses , indépendamment des secours
BU REGIME MORAL. 467
spirituels, et de» exhortations les plus salutaires, ré-
pandent sur les prisonniers des aumônes, qui donnent
plus de poids et d'autoritë à leurs leçons, et les habi-
tuent à recevoir , avec la même reconhoissance , des
avis et des dons, que la même charité* paroit avoir ins**
pires. Dans les départemens septentrionaux, où ces
congrégations sont moins répandues, c'est encore à
dés sociétés , réunies sous les bannières de la religion
et de la bienfaisance y que les prisonniers doivent les
secours les plus précieux et les consolations les plus
douces. Les membres de ces associations se partagent
Fœuvre charitable de renseignement religieux dans
1^ jprisons, de manière que chacun d'eux, à son
tour , y va faire une lecture de piété ou une exhor-
tation Iftmilière. Tous, d'ai-lleurs, se font une loi
de visiter fréquemment les prisonniers pendant leuts
maladies , et de les engager à ren^lir les devoirs de la
religion y surtout quand ils semblent approcher de
répoque fatale, qui les rend indispensables. Ils ont tou-
jours soin d'accÀnpagner ces consolations, purement
morales, de secours et d'aumônes, qui rendent leur
présence chère aux prisonniers. L'autorité , persuaçlée
du bien que peut opérer ce concours bénévole et de
la nécessité de. suppléer, par un moyen, même pré-
caire, à la disette d'ecclésiastiques, permet volontiers
ii ces diverses sociétés l'entrée des prisons, où leur$
membres ne vont jamais que pour faire du bien.
Cependant, et quels que soient les avantages actuels^
produits par les congrégations de ce genre, ilseroit peut-:
être dangereux de se confier pour toujours à leur zèle ^
et de regarder ces associations , purement laïques ,
comme propres à remplir indéfiniment une partie
des fonctions qui appartiennent aux aiunâoiers. D'a^
468 DES PRÏSÔÎfS.
bord ,soii3 ut) point de vue piiremciit religieux , on
pourroit même dire théolotgiqne, c'e$t anx ministres
du cnlle à annoncer la parole d^ Dieu ^ à enseigner la
'doctrine et la discipline, qui composent ta religion.
On ne peut ,' sans danger pour la pureté de la foi ,
«bandonner à des laies, sans caractère et sans garan<
lie , renseignement de toutes les vérités révélées. Cette
în<!0nvenance sera mieux sentie que partout ailleurs
dans un royaume, dont la plus grande partie des habi*
fans est catholique, mais où il se trouve cependant
un assez grand nombre de sectaires, et les protestais
eux-mêmes, s'ils sont dé bonne, foi, convieudrout
qu'il seroit abso.luniettteonlraire à la doctrine àe. l'E-
glise catholique, de laisser ainsi les simples fidèles
empiéter sur les droits de Tautorité ccclél^stiquc.
C'est Tuêtne précisément parce que nous sommes di-
visés^ les uns des autres , sur ce point important , qu'il
elt pins nécessaire d'y tenir la main. Si les protestàns
ne trouvent point d'inconvéniens à laisser leurs laïcs
prêcher eux-mêmes la doctrine qu'Ms professent, il
n'eA peut être.de même des catholiques. Nul autre que
leurs prêtres ne doit monter dans la chaire réservée
aux successeurs des Apôtres.
Mais , fious tes rapports politiques, il seroit peut-
être plus imprudent encore de donner , par une sanc-
' tion irréfléchie , une existence légalç à des corps qui
peuvent bien n'être, pas dangereux dans les premiers
mtomeiiS, et le devenir par la suite, à T insu même
de ceux qui les composç*nt. Les sociétés, par cela
même qu'elles' sont assujéties à un renouvellement
continuel , ne fournissent aucun gage de stabilité fu-
ture^ et Taccession journalière des nouveaux membres,
qu'elles sont forcées d'admettre , ne permet jamais
BU REGIME MORAL. 469
âe fuger, par lair manière d'agir actuelle, de leur
conduite nltërîeure. Il ponrroît donc, dans cerraios
cas, devenir iiécessâîre de dissoudre des associations ,
•trabord absolument inoflensîves , et, souvent même,
^stituéps sous les plus favorables auspices. Alors îl sç-
roît fâcKenx que le Gonvernenient les eut reconnues,
çt leuî; eôt, en quelque sorte, donné un caractère
légal, en les çhargea<it d'un service public^.
La justice et la recounoissapce me f^isoient i^n de-
voir de proclamer les obligations qu'où al aux mem-
bres des associations religieuses, pour le soulagement
<Jes prisonniers; ma conscience rie ua'brdonnoit pas
moins impërîeusçment de isîghaler les. dangers, que
1*011 pouji*roît courir, en les, admettant comme auxi-
liaires légitimes des aum^hiers. J'ai du remplir Fun
et Tautre devoir: heureux si la jostiçe, que ^âi pu
rendrjç aux individus , proAiye suffisanimenl 1^ pureté
de mes intentions, quand j'examine si les sociétés,
cjont ils sont membres , ne sont pas sujettes à quelques,
inconvéuîens !^
# « >
J'ai parcouru successivement , et dHih coup d*œil
général, les diverses parties du régime des pmons. Le
. matériel de ces établissemçns , la discipline, le régime
physique et moral ont, tour à tour;, été Tobjet de
mon exsmen. On a pu nemarquQr q^iie je n'avois rien
dit sur une branche qui tient une place assez consi-^
dérablé dâ,ns la preniiiçre jpirtie de cet ouvrage , et
que j'aî appelée réduçation des prisonniers. C'est que
rien de semblable îj'existe, jusqu'à ce jour , dans nos
prisons» Vit aunf&nier, tel, que nous l'avons désiré,
lin instituteur, des inspecteurs , sofit les agens iiéces-
^iresdeçé grsin(l et bel ouvragé, q^né nous pouvoirs
470 DES PRIiSONS.
espérç^ de voir s'accomplir quelque jour^ mats dont
les prisons anciennes ne préseotoient aacon élément.
D'utiles et nombreuses réformes s'opèrent ou se pré-
parentf dans le moment actuel ; la plus précieuse , l'a-
mendement du coupable, sera* le résultat de leur in-
fluence combinée , et un grand problème ^ura été ré*
solu pour l'honneur de l'humanité.
Dans l'examen auquel je viens de me livrer , j'ai eu
quelquefois à louer , souvent à blâmer , presque tou-
jours à désirer. Mais, pendant que j'écris , ^es abus qui
m'avoîent frappé disparoissent en grande partie,et d'im-
portantes améiioratioiis s'introduisent dans les prisons;
tant est puissante l'influence d'une impulsion géné-
reuse, sur un peuple digne de la recevoir! Cependant,
beaucoup reste encore à faire , pour arriver au but que
nous poursuivons. Des années se passeront encore,
^ avant que les prisons aient atteiat le* degré de perfec-
tion , dont elles sont susceptibles. En attendant cette
heureuse époque, ne faut «-il pas chercher tous les
moyens d'adoucir le sort des malheureux, qu'elles ren-
ferment maintenant? Faut il ^ parce qu'on ne peut
construire sur-le-chaltip des édièces convenables, lais-
ser les prisonniers languir entassés dans des salles étroi-
tes et infectes, les abandonner, sans défense^ au des-
potisme , saiis contrepoids, d'un geôlier avare et cruel ,
^ oublier ceux qui gémissent au fond des caclipts, sous
Je poids accablant des plus lourdes chaînes? Qui pour-
roit le penser? « Quand en ne peut faire tout le biea
<r que l'on désire, a dit un magistrat ^lein d'hunia-
« nité , faut'il se refuser à en faire aucun ? » Non^ sans
doute , et quelque imparfait que soit leàiien que noas
pouvons opérer , n'en perdons pas l'occasion; nous en
serions comptables envef's Dieu et envers les hoames.
INTRODUCTION. 4,1
li^tawimniiimw^wmnnmiwimwi^MKWfcw
TROISIÈME PARTIE.
^&, MESURES A PRENDRE , QUANT A PRÉSENT , POUR
AMl^IilORER LE RÉGIME DES FRISONS.
TITRE PREMIER.
INTRODUCTiaN*
Après Tesquisse rapide de l'état dès prisons françaises,
que .présente la seconde partie de ce travail, il est
évident qu^ine réforme générale est indispensable,
sinon sur tous les. points indistinctement ^ an moins
$nr Fensemble des^ établissemens et snr une grande
partie des,détails# J'ai indiqué, dans la^preniière par--
tîe , comment il seroît à. désirer, que ces réformes pus-
sent s'opérer,, et sur quel plaa ou devroit construire
et administrer les. prisons, si les circoqstancejs permet-
toient de les soumettre à une refonte totale. Ce n'e^
donc pas une simple théorie que fai jouln présenter.
Assez d'écrivains. ont déjà rempli cette tâche, pour
qu'il fût inutile de publier de nouveau des idées con-
nues ,, et d'établir des principes, généraux, que personne
n'a besoin d'apprendre. Mais J'ai voulu montrer à quel
degré de perfection ou pouvoit amener les prisons.
Xai voulu donner comme le type de ce qu'elles me^
4îa DES PRtSONS.
p^Foissent pouvoir <i€\eiiir, et iinliquer les moyens
de se rapprocher, le plus possible^ de ce modèle. Je croîs
donc susceptibles d'eiiécQtiou toutes les propositions
insérées dans cette première partie, et mes vœox,
comme mes e^péjrances^^ spht de les voir un )oyr se
réaliser.
Cette henreuse époque est pins on moins éloignée
encore; je sens q«e cette grande réforme ne peut s'o-
pérer en pen de temps, qu'on ne ponrras'en occuper
que graduellement, et que les améliorations les plus
importantes, qui sont en même temps les pins dis-
pendieuses , seront nécessairement réservées pour une
époque plus reculée; telle est , par exemple , celle que
Je réclame pour le^matériel, et qui entraîneiroit la re-
construction des ^prisons. Cette amélioration pré-
cieuse, qui, d'après mes vues, s'opéreroît cîe la ma-
nière la plus économique, ne peut cependant avoir
lieu sans une mise de fonds assez considérable, et
cette raison seale peut la faire ajourner indéfiniment.
Mais sî foutes ces idées de réforme et d'amélioration,
proposées dans la première partie , ne sont pas sus-
ceptibles d'une exécution actuelle , et s'il faut attendre
une auf reépoque pour les opérer, ce n'est pas une raison
pour laisser, d'ici là, les prisons dans Tétat, réellement
fâcheux , où nous les voyons. S'il est , dans leur ré-
gime, des vîce% qu'on ne puisse extirper entièrement
dès aujourd'hui , il faut au moins briser leur énergie,
ou en neutraliser, autant que possible, les désastreux
effets. Nous avons exposé nos idées, snr ce que les pri-
ions doivent devenir, pour cesser d'être un des fléaux
de l'humanité ; nous avons cherché, dans les prisons acn
* tuelles, quelles raisons nouvelles faisoient désirer une
DU MATERIEL. 47 3
réforme complète, et quels obstacles s^opposerqieat à
rexécution des réformes projetées» w\ 4u rtoins les
rendrolent plu,s difficiles. à opérer; il nous reste à in-
diquer, diaprés ces dociimens, \e&. mesures qu'il con-'
vient de prendre, pour passer, Iç plus rapidement pos-
sible,^ à on état de choses, plus satisfaisant, qui s^it
çotnme le prélude de la réforme générale, que nous rér»
clamons, et qui la prépare sans secousse, et sans un
iiouUe emploi cfe- nos ressources' financières. Faire,
quant à présent ^ toujes les réformes possibles , pré-
parer celles qui ne pourront être &îtes que plus tard ,
etprandre, en attendant^ des nxesures provisoires, qui
;^méliorent la condition d,es prisonniers, sans perdre
de vue l'ensemble des réforn^es projetées et sans
cesser de les préparer, tel est, l'objet dont nous. devops
MOUS occuper dans çettç troisième partie. ^
TITRE II.
i*ï"
CHAPITRE l•^ Des prisons à construire entiiremenh
L'iMP£iiF£CTiON db matéiâiel dans nos prisons , n'est
pas douteuse , et la néoessf^ d'y faire une réforme
eompLète, me paroit évidente. J'avpis proposé, dans la
première partie, un planlqui me paroîssoit remplir
toutes les conditions, que l^iii peut désirer dans linc
prison, et qui ne tne sembloit pas devoir en définitive*
coûter plus que tout antre mode de reconstruction.
474 DES PRISONS.
J'ai renoncé à Tidée, que j^avois d'abord conçiie> dc^
réunir aux prisons, des établissemens publics « destinés,
à en former Tenceinte extérieure. Maisconritaie tout le
reste de mon plan peut subsister , eu remplaçant
cette clôture par un chemin de ronde » je u!sà à y faire
d'autre' modification que de supprimer ce quia rap-^
port à l'enceinle extérieure.
En proposant un nouveau mode de construction,,
pour remplacer les prisons vicieuses, je u! entende pas»
demander la destruction et le remplacement de celles,
qui seroient jugées bonnes. Loin de moi le zèle absurde
de ces réformateurs ^ qui renversent tout Tonvrage de
leurs prédécesseurs , pour y substituer un ordre de-
choses qu'ils trouvent préférable, et qui privent la so-
ciété d'un bien réel , dans Tattente d'un mieuj^ hypo«
thétique , que mille circonstances peuvent empêcher
de s'opérer et dont rien d'ailleurs ne garantit les avan-
tages. Je suis donc bien éloigné de vouloir détruire ce
qui existe , pourvu qu'il ne soit pas vicîisux. Des amé-
liorations partielles ont dé)à ét4 apportées an régime
des prisons , il faut en profiter , quand même elles ne
seroient pas aussi satisfaisantes que nous pourrions le dé-
sirer. Gardons-nous de nous dessaisir d'un bien, sans
être surs de le remplacer.
Ainsi , toutes les prisons qui sont .vicieuses essen-
tiellement, doivent être rj[(eçnstruites, et je propose un
plan pour cette re<^onstruc|{on ; quant aux autres , que
les administrations passées pntamenées àunétatsatis*
faisant ,^quofqu'el les ne soient pas conformes an plan
que je présente , je serai le -premier à en demander
la conservation. Mais s'il en est, dont les défauts exi-
gent le remplacement , pourquoi ne les transféreroit^
DU MATERIEL. 4:5
•n pas dans les lieux les plus propres à les recevoir ?
Pourquoi ne les construiroit-on pas j sur le plan qui
seroit }ugé le plus convenable? On auroit soin de ne
faire les changemensou constructions nouvelles, qu'au-
tant qu'on en senliroit la nécessité , et qu'on auroit
les moyens nécessaifes pour subvenir à la dépense,
sans épuiser le Trésor, ni surcharger les contribuables*
Voici par quels moyenis on peut entreprendre cette
réforme^ sans aucun des inconvéniens qu'on auroit pu
craindre. ^
Il faut d'abord examiner toutes les prisons , et ,
d'après le résultat de cet examen , les diviser en deux
classes : celles qui sont bonnes ou susceptibles de le de-
venir, sans beaucoup de travaux et de dépenses, et celles
€fae deà vices importants rendent mauvaises, et que
de simples réparations ne suffiroient point pour amé-
llirer. Les premières, quelles que soient leur forme
et leur distribution, doivent être conservées : peu im-*
porte la manière d'atteindre le bien, pourvu qi^'on y
arrive. Quant aux autres, il faudra voir s'il n'y auroit
pas encore lieu d'établir entre elles une subdivision;
les unes décidément et radicalement vicieuses , et les
autres seulement insuffisantes pour le nombre de pri-
sonniers, qu'elles doivent contenir. 11 est des m^i^ns
de force , qui ne sont malsaines et peu sures, que par
la surabondance de prisonniers qu'on y entasse, et qui,
réduites à un plus petit nombre de détenus , ne pré-
senteroient plus aucun des inconvéniens qu'on y re-
marque. Relativement à ces dernières, il suffiroit de
changer leur destination, ou de leur retirer une por-
tion de détenus, pour les rendre très*bonnes,^ on ne
devra pas négKger cette facile et peu onéreuse réforme.
4:6 DES PRÎSON&
Aîosî, telle prîsoii ^acUielleinent destinée à .servir tte.
maison départenieiitale, succursale d'une maison cen-.
traie, et évidemment inférieure aux besoins de. celte
destination, deviendra une excellente maison d'arrêt
ou de justice; telle antre , où les deux prisons provisoi^
r es sont réunies, seroit suffisante et commode ponr
une seule des deux ; il faut se hatet d^opérer cette sé-
paration-, qui peut leur dopner toute la sainl^rité
désirable.
Il restera celles qui doivent être absolument pros-
crites, soit qu'une situation peu favorable ne per-
mette pas de les assainir complètement, 5oit quele.
mauvais état des bâtimens. et rexiguité de l'espace
dont on ponrroit disposer, rendent impossible àjén
faire jamais une prison convenable. Il est iuévital^Q
de remplacer ces prisons, et c'est surtout à le^r égard
que notre plan se trouve applicable.
Dans tous les cas, ou devra commencer par l'en-
ceinte extérieure, et s'en occuper exclusivement , jus-
qu'à ce qu'elle soit construite. On occupera à ce tra-
vail des ouvriers libres; tout, le reste des travaux de.
constructioii sera confié à des prisonniers , toutes les
fois qu'il y en aura en nombre suffisant , et on ne leur
;id joindra des ouvriers libres -que lorsqu'ils seront tous,
employés-
Les premiers ouvriers , chargés de bâtir Fenceîntc ,
élèveront en même temps quelques baraques dans Fin-
térieur. Aussitôt qu'il y en aura assez de faites pour
loger cinq à six hommes, on y mettra ce nombre de
prisqnûiers ,.q"i construiront aussitôt d'autres bara-
ques, sûr le modèle des premières, pour loger tous les
prisGtfiniers, qui devront être occupés aux travaux-
DU MATÉRIEL. 47)
C'est après ces dispositions préliminaires, qnè' l'on
commencera la construction de la prison proprement
dite. On suivra, pour l.es dimensions a lui donner v
la propGrti(m du nombi:e.de détenus, qu'elle sera des-
tinée à renferi^ier ordinaîremenl. Un «àtcul fort siiU-
ple en déterminera l'étendue : comme c'est dans les
chambres, que les prisonniers ont le plus besoin de
place, on les prendra pour base dans la fixation de
la grandeur du terrain. L'étage supérieur sera , comme
on sait, toiijonrs réservé aux chambres, lés ateliers
seront au-dessous, de sorte cjue la £jrand«?ur des un»
déterminera en même temps celle des autres et par
conséquent celle du tout.
Quant à ces dimensions, voici cortiment on pourra
les calculer. Les lits et, par suite ^ les celluhes', qui
seront toujours de la même longueur , auront six
pieds. CoflLime il faudra toujours un corridor, en
avant de chaque rangée de lits^ et que ce torridor ne
peut pas avoir moins de quatre pîeds, les bâtimens
auront dix, ou vingt pieds de large , entre deux .rnu^
railles, suivant le parti^qu'on adoptera, d'après leux*
étendue au totale de les faii'e doubles ou simples^
c'est-à-dire d'y mettre deux où seulement une rangée
de lits. Dans l'autre sens, chaque cellule, calcnlée sur
quatre pieds de large, les bâtimens auiT>nt,cuî lon-
gueur , autant de fois quatre pieds , qu'il y aura de
prisonniers , si l'on ne fait qu'un rang de cellules, et
la moitié moins , si Ton en fait âeux. Il faudra y ajou-
te;' une fenêlre de quatra pieds de large, toules'les
quatre cellules. C^s ouvertures seront suffisantes pour
renouveler l'air , concurremnient avec celles qui se-
ront ouvertes au-dessus des cellules, comme nous
479 t)ES Î'ÏWSONS.
rexplîqoerons ultérieurement. La largeur de cesfene-
très, répartie sur la longueur totale^ fait qu'on peut
compter chaque lit comme occupant un espa.ce de cinq
pîeds en largeur* D'après ces bases , il est facile de con-
naître sur-le^* champ les dimensions de toute pri-
son, d'après le nombre de prisonniers qu'elle doit
contenir..
Prenons pour exemple une prison destinée ponr
cent prisonniers (ï). Le centre, comme od le sait ^
sera occupé par l'infirmerie; d'après les données gé-
nérales, il suffira ordinairemeAt qu'elle soit disposée
pour vingt malades. On parviendra aisénnreot à les. lo-
ger, d'une manière saine et commode et cependant sans
superfluité d'emplacement, dans un bâtiment carré ,
(C) , de trente pieds en tous sens et à deux étages. On a
calculé que, dans les hôpitaux» auxquels les infirmeries
doivent être assimilées, chaque malade doit avoir sir
toises et demie ou i,4o4 pi^ds cubes d'air à respirer.
Cette base doit être notre règle , dans la construction
de l'infirmerie. Alors chaque étage , dont l'aire sera de
^oo pieds carrés , pourra éontenir dix malades ,
pourvu que l'appartement ait iS pieds 6 dixièmes
d'élévation. Ces dimensions sont nécessaires, pour
procurer aux malades la quantité d'air, qu'exige leur
position. Oiî voit pourquoi nous avons demandé que
l'infirmerie fiit à deux étages. Le rez-de-chanssée et
les mansardes seront employés aux dépendances néces-
saires. Nous entrerons plus loin dans quelques détails,
sur la distribution de ce local.
L'infirmerie sera entourée d'un préau , (E) qui aura
«^ ■ ' •
(i) Voyez la figure i «•.
DU MATERIEL- 47g
partout quinze pieds de large et qtii lui servira de dé-
gagement, en même temps que de promenoir aux ma-,
lades. On pourra également l'employer à divers usages
domestiques', comme la buanderie , le dépôt du l>ois ,
ou des autres combustibles, les bains, etc.
«
Le- bâtiment de la prison proprement dite (B) , qui
fera Fenceinte de ce préau, aura.60 pieds en tous sens,
à l'intérieur, et 100 pieds noti compris l'épaisseur des
murailles , à chaque faee, de l'autre côté. Il se compo-
sera ainsi de quatre ailes, de 20 pieds de largeur iuté*
rienrenient , à deux étages carrés , sans mansardes.
Ce bâtiment présentera une superficie de 6,400 pieds
Carrés ) dans 'laquelle on trouvera, outre les dépen-
dances nécessaires à une prison, la place de cent prison-*
niers. , calculée à raison de cinquante pieds carrés à
4:haçun, y compris les fenêtres. el l'intervalle à laisser
entre lesdeux rangsde lits/Lescent prisonniers occupant
5,000 pieds carrés, il en restera i,4oo pour le loge-
ment des guichetiers ,1'escalier , les chambres d6 force
et les corridQrs, et cet espace , réparti vers les quatre
angles du bâtiment, sera suffisant pour ces divers^
usages. *
Quant au préau ext^ieur, il seroit à désirer qu'il
a' eût jamais moins de trente pieds de large.
Ces propcfrtions seront les mêmes, quel que soit lé
nombre des prisonniers.. Il suffira deie connoître pour
savoir, par analogie, quelles dimensions on devra
donner à la prison. Nous expliquerons plus loin la
manière de construire les cellules , et de disposer les
détails dans les prisons, soit qu'on les établisse entiè-*
rement, soi{ qu'on fasse seulement les dispositions
nécessaires, dans celles qui seront conservées.
48o i)ES iPRISÔNS.
CHAPITRE II. Bes prisons à agrandir ou réformer.
Nous avons Irèmarqaé que toVilès les prisons qui
sollicitent la réformé^ tie sont pas essenlhellenient vi-
cieuses; qu'il en est un terlaîn nombre, qui sont peu
satisfaisantes « mais qu'on pountjit améliorer, sans en
venir à une réforme int^rale. Dans quelques-unes, les
bàtimens sont suffisàns et bien construits , mais les
prisonniers n'ont paa^ de préauX pour la promenade- H
faut nécessairement leur procurer cet avantage, indis-
pensable pour la salubrité, et pour ta consolation des
détenus , déjà assez malheXireux de leur captivité, sans
qu'on les prive encore du triste, maïs pourtant pré-
cieux délassement de la promenade. Il en est d^aotres,
où il manque des bâtimens pour Servir d'atelier ou de
chapello> mais qui, du reste, sont bien situées et sa-
tisfaisantes.
Toutes ces prisons seroient complètes, et ne laisse-
roient plus rien à désirer, Si Ton y ajoutoit, par ac-
quisition , le terreîn ou lès bâtimens qui leur man-
quent.. Ainsi ^ la question de leur conservation sera
subordonnée à celle de savoir si l'on pourra trouver
le mt)yen d'y feîre les adjonctions convenables.
Qiiand on fera l'acquisition d'un terrein , pour la
promén«ule , comme ce terrein sera toufours en de-
hors de la prison , il faudra y comprendre l'espace né-
cessaire pour un chemin de ronde, précaution indis-
pens^tble, dans la plupart des prisons actuelles , on elle
est trop souvent négligée.
Il est d'antre^ prisons» qui pèchent par rexigiiité
du logements On ne devra les conserv^, qu'autant
DU MATERtEt. 481
que les localités permettront d'y faire des augmenta-
tions^ soit en achetant des bâtimens voisins,, soit en
faisant de nouvelles constructions. Dans Tu» ou l'autre
cas, il faudra toujours réserver la place d'un cheniiu
de ronde, qui fasse tout le tour de la prison.
Enfin, il est quelques prisons, qui, sans laisser rien
à désirer, soit pour les préaux, soit pour les bâtiniens ,
sont seulement trop petites, pour le ncmibre de pri-
sonniers qu'elles renferment. A leur égard , la réforme
ne consiste que dans une mesure de discipline; ilsuf*
iira, pour lés rendre bonnes, de fixer le nombre de
détenus, qu'on pourra y amener^ et de ne jamais souf-
frir que ce nombre soit dépassé. On y parviendra , au
moins approximativement, en calculant le moyen
terme de là population ordinaire de ces prisons. S'il
est supérieur à leur étendue , il faut leur donner une
antre destination. Par exenrple , une maison d'arrêt
peut être changée en maison de justice. Si cette sur-
abondance vient de *la réunion de deux prisons diffé-»
rentes, dans le même local, comme cela se voit dans
beaucoup de villes, il faut les séparer sans délai. Cette
réforme mettra dans la nécessité de bâtir une seconde
prison , ou d'envoyer une partie des détenus, qui pro-
àuisoient la surcharge , dans une des prisons défini-
tives , où ils peuvent être enfermés légalement. Dans
tons les cas, on ne renoncera à se servir de ces prisons,
trop petites , sans être vicieuses, qu'autant qu'on ne
verroit pas la possibilité de les distribuer , d'après le
plan que nous allons indiquer. Cette distribution est
absolument de rigueur. Peu importent la forme et le
plan général de la prison; ce qui est essentiel, c'est
cfue les prisonniers ne soient pas en nombre excessif 9
3i
4*2 DES prisons:
t]uHls soient seuls pendant la nuit, et qu^ls aient (\&
préaux pour la promenade. Il ne faut proscrire que les
prisons , qu'on rcgarderoit comme incapables de rent-
plir ces conditions.
CHAPITRE III. Des prisons à supprimer.
Au nioment où l'on s'occupe de porter la réforme
dans le système des prisons et d'améliorer , par tous
\eê moyens possibles, le régime de ces tristes de-
meures, ce seroit le cas de délivrer cette administra-
tion d'une superfétatioù inutile et dispendieuse, qui
grève le trésor , sans aueun avantage réel , et détourne
gratuitement desressouhres, qu'on pourroit appliquer
de la manière la plus utile.
Je veux parler des dépôts provisoires » ou prisons
de justices de paix, que la loi a instituées,' mais qui,
de fait , n'existent pres<j[ue nuile part. On conçoit
d'ailleurs, au premier abord, que ces prisons sont
presque toujours inutiles, parce qu'en définitive, elles
pe peuvent pas suppléer aux maisons d'arrêt, ^t que
les cas, où elles pourroient servir, sont si rares, qu'on
ne peut s'en autoriser, pour alléguer la nécessité de les
consel*ver. Déjà un membre de la Société royale , doat
les grandes connoissances en administration générale
et en législation sont justement appréciées^ a faitsen*
tir l'inutilité d'une mesure, que le désir d'une ré^i*
larilé théorique a seule pu faire insérer dans la loi.
Il a calculé que, pour mettre à exécution la dispo^
sitioii, qui crée trois mille prisons nouvelles en France,
il faudroit une mise de fonds de dix-huit millions ^
qui ne dispenseroit pas d'une dépense annuelle de
cent mille francs^ Cepwdant , ces prisons sont si pegr
DtJ MATERIEL. 48.i
nécessaires, que, dans beaucoup de cantons, il nVn
existe pas, sans que Ton éprouve aucun mauvais effet de
• ce défaut. S'il estquelnjues exceplîutis peu nonnbreuses^
où il puisse être avantageux de les établir, ce ne seroit
jamais qu'à titre particulier , et non par une mesure
générale , qu'il seroit bon de le fairje.
Si ces prisons sont tellement inutiles dans la plupart
des cas, qu'on ne s'aperçoive pas de leur défaut, dans
les cantons où elles manquent , pourquoi ne déchar->
geroit on 'pas l'Etat de la dépense qu'elles occasio-
nent et de celle, bien plus grande encore , qu'entraî-
nèroit l'exécution totale de la loi qui lés institue?
Pourquoi continueroit-on de solder tant de concierges
ou geôliers, qui n'ont jamais de prisonniers à garder?
Tous ces traîtemens réunis, dont qUelques-uns s'élè
vent à 8oo.fr. , tandis que le magistrat, dont j'invoque
ici l'autorité, pense qu'on pourroit, dans bien des
cas , faire remplir ces fonctions pour loo fr. , s'il étoit
nécessaire de garder quelques-unes de ces prisons,
grèvent le trésor d'une charge annuelle , dotit Téco-
nomie seroit très- avantageuse, et pourroit se reverser
sur les fonds affectés aux prisons. Cette dévolution fa-
ciliteroit d'autant les réformes, qu'elles sollicitent sur
beaucoup de points. Il vaut mieUx renoncer à des
simulacres de prisons , pour améliorer les prisons
véritables.
CHAPITRE IV. De la distribution des prisons.
Comme la distribution porte sur les détails, et
qu'elle n'intéresse point l'ensemble , elle devra être
soumise dans toutes les prisons à des règles uniformes.
Celles, qui n'ens«roient pas susceptibles, né peuvent
484 DES prisons:
pas être conservées, parce que la distribution est One
garantie essentielle , pour le bon ordre et la salubrité
générale , et que les prisons qui ne pourroieut pas s'y
prêter , seroient par cela même évidemment yicieuses.
Ainsi, une prison, où Ton seroit forcé de loger les pri-
sonniers dans le bas, ne sauroit convenir, parce qu'elle
seroit malsaine; celle où l'on ne pourroit pas cons-
truire des cellules, seroit encore mauvaise, puisqu'on
y manqueroit d'un avantage indispensable pour le
bon ordre, la solitude nocturne. Il en est' de même
des autres bases, sur lesquelles se fonde la distribution.
Chacune d'elles est nécessaire, et l'on ne peut le$ né-
gliger , sans s'exposer aux plus graves inconvénîens.
Voici, au surplus, quelles règles on pourra suivre
dans la distribution de toute prison.
Partout, on devra ménager, au rez-de-chaussée, des
ateliers convenables , et assez grands pour le nombre
d'ouvriers, indiqué par l'étendue des chambres. Le sur-
plus sera disposé en réfectoires, dont le nombre sera le
même que celui des ateliers. Les uns et les autres ouvri-
ront sur un corridor , fait sur le mo(|^èle des cloîtres , et
fermé par une grille, du côté du préau intérieur. On
aura soin de pratiquer les petites fenêtres, dont nous
avons parlé dans la première partie, donnant de l'in-
térieur des réfectoires sur les préaux , ou sur les corri-
dors , dans les prisons où il n'y aura pas de préaux ex-
térieurs, et servant à conclure les marchés de comes-
tibles, à l'heure des repas; les fenêtres seront très-
petites, et armées de forts barreaux de fer. Du reste»
on ouvrira des ^ jours, suffisans pour le libre passage de
Pair et de la lumière, et pour que les prisonniers trou-
vent, dans les ateliers, les avantages réunis- de la salu*
DU MATERIEL. 485
brllé et de la commodités. Le rez<' de -chaussée con-
tiendra en outre , le logement du gardien et de sa fa-
mille, la geÀie ou chef4ieu de la prison, le parloir^
les bureaux, etc. .
Quant aux chamlNres , elles seront toujours divisées
en cellules, dont chacune sera pour un prison'nier seul ;
ces cellules seront formées par' deux cloisons, que Ton
construira en briques, posées de champ, les unes sur
les autres. Celte bâtisse a l'avantage de tenir très -peii^
de place 9 puisqu'elle n'a que Fépaisseur d'une brique
de deux pouces , non compris un léger revêtement en
plâtre, ou en mortier de chaux et sablé; elle charge
peu les bâtimèns, et est très-peu coûteuse. EIFe a d'ail-
leurs toute la solidité désirable, et intercepte le son
aussi complètement qu'une muraille. Ce qui , surtout y
la rend précieuse dans les prisdiïs, c'est qu'il est im-
possible de percer les cloisons de ce genre, sans les ren-
verser entièrement^ ou du moins sans faire un dégât
très«apparent. Il y a donc un avantage réel à l'employer
dans les distributions intérieures»
Ces cloisons seront placées à quatre pieds l'une de
L'autre 5 l'intervalle sera occupé par un lit de 2 pieds -^
de large, et une petite ruelle de 12 à i4 pouces. Elles
& élèveront à 8 pieds du sol , et formeront ainsi des cel-
lules ou petites alcôves. Elles seront fermées, par le haut
et sur le devant, par des grilles ou claires voies en bois,
dont Tune formera une espèce de plafond , ou de ciel
de lit , et l'autre servira de porte. Au-dessns du plafond
de chaque cellule , se trouvera une fenêtre , qui occu-
pera «le* haBt de ka mui^âille, depuis la claire-voie jus-
qu'au plafond réel de la chambre et, comme l'appar-
tement aura toujours de xok 12 piecls d'élévation , ces
*>■
486 DES PRISONS.
fenêtres auraat eocore as^ez 4'onveirture, pour assainir
convenablement les dortoM's , ^^ établir dans leur
partie 'supérieure un courant d'aif % qui emporte tous
les gaz, qui s^y accumulent continuellement.
11 y aura» de pi as* toutes Us. <)ii^tpe celloles , comme
nous ravoci3 dît au chapitre I^^ ^ UAe grande fenêtre^
de quatre pîec^ die large çéukment, qui s^ouvrira de->
puis le lan;^bris jusqu'en b^ut 9^ et Von aura soin de
percer aussi des ouvertures dans la sens de la iongueur,
pour établir un courant d'air croisé , dans les prisons
qui en seront susceptibles.
La portCt enclaire-voÎQ^de chaqqeceHule^sera^mî^
d'un rideau fixe eq. toile, qui laisser^a passer Vair , sans
permettre à la vue de se porter dans TiiHiérûeui' de la
cellule. Cette clôture est nécessaire , pour que les prl-
soniiiers, quand ils seroo^t couchés, m se vbieot pas
les uns les autres. Nou& avoirs. aissez développé les avai*^
tages de la solitude nocturoi^, pour ne pas être obli-
gé d^entrer ici dau$ de plQ& grands détails, sur ruiililé
de cette précaution.
On ne fera deux étages pour les prisonniers, qu'au-
tant que Leur nombre ei 1^ dimensions du terrein ,
y contraindroient. La hauteur des bâtimens a l'incoor»
vénient de gêner, la circujalion de Tair, et Ton fera
toujours bien de V^itof^ .
Les angles du bâtiment' ■ sei^nt réservés , ponr le
passage d'une aile dii> bâ^ina^oâ dans. Taile voisitie,
et pour les chambi^es d6 fonce on^ de punition. Ces
chambres, qjiû cemplaceroqt; leSf^racfaols, seront fer^
mées de portes trèsr-épaii^as^ garnÎQSfde.grosverroQX
et doublées en fer. Cep€ndaiiJt,.à]faÎ8Pi!i de la HtuaiJon
des chaxnbres .de panition.> à- un éta^ élevé et dans
DU MATERIEL. 487
rùitérieur des bâtimens^ ces portes n'auront pas he^
$oîn d'êtrç aussi fortes que les guichets.
Le jour ne parviendra dans ces chambres , que par
vm entonnoir en bois , placé dans la p^irtîe supérieure
de la muraille, garni de barreaux de fer croisés, et
surtout assez, étroit pour ne pas laisser passer le corps
d'un homme. On pourra lui donner toute lalongueuf
nécessaire , pour éclairer suffisamment la chambre |
mais la largeur n'en pourra jamais excéder la. pro-
portion que nous venons d'indiquer.
Les lits des guichetiers seroi^ placés dans Fespace
libre , qui irestera devant les^hambres de force et qui
•servira de corridor, pour passer d'une aile de bâtiment
à l'autre^ Us auront ainsi, tout à laTois , inspection sur
lesdortairs communs, et si\.r les. chambres de'pimitîon.
Le second étage sera réservé pour la<cbapelleet l'école^
et pour le logement des vieillards et des prisonniers^
attaqués de maladies lymphatiques (1).
Quant à l'infirmerie, nous avons déjà expliqué
les .bases de sa distribution ; nous ne répéterons pas
ici ce que nous avons, déjà dit , dan& notre pre-
mière partie, et qu'il sufBra d'adapter aux localités.
L'application de, ces diverses règles à la prison de
cent prisonniers , dont nous avons déjà donné les
dimensions générales^ en fera saisir Tensémble et l'u-
tilîté(u). . •
La prison, comme oa le sait, se composera de
(i) Nous avons indique un moyen de faire servir Técole et la
ohapell« à des prisonniers de sexe différent, sans les eonfôndre
pour le ça$ oii l'on seroit obligé de le$.laissei* provisoirement dans
k même bâtiment. Y<^ez la figure 4., voyez aussi pag^ 39.
(i) Voyez la figure 3«. '
488 DÉS PRISONS.
quatre aîles de bâtîmens , de loo ou 102 pî'eds de lonç,
sur 20 ou 2î> de large , à cause des mtirailles. La gçôle
(A) , Ihabitalion du gardien; le parloir (B) , le cabinet
du greffier , et le magasin destine' au dépôt des habits
ou autres effets , qui ne seront point laissés à la dispo-
sition des prisonniers (C), occuperont une des ailes, où
l'on réservera aussi une salle pour les inspecteurs. Ce-
pendant cette dernière pièce pourra; suivant les loca-
lités, être réunie et confondue avec le cabinet du gref-
fier. Les trois autres ailes seront employées en ateliers.
Dans le cas où tes trois ailes pai'oîtroient insuffi-
santes pour placer fous les métiers, on pourra, très-
convenablement, transformer en ateliers , l'espace ré-*
serve dans la quatrième aile, pour le cabinet du gref-
fier , la chambre des inspei^eurs et le dépôt des habits
et effets appartenant aux prisonniers. Alors , ces dé-
pendances seront placées au second étage , où il restera
encore de la place disponible.
(1) L'étage supérieur sera affecté aux chambres.
Dans chacune des ailes du bâtiment , soixante pieds
de longueur seront occupés4)ar les cellules (A); il res-
tera, par conséquent , aux deux bouts, un espace carré,
de vingt pieds en tous sens , qui sera employé de la
manière suivante :
A l'un des angles, sera placé -rescalier , (E)quî,
avec le lit du guichetier, (B) placé sur le pallier,
tiendra la moitié de l'espace réservé et continuera, sur
le même emplacement, jusqu'au haut du bâtiment. Le&
60 pieds suivans seront occ\ipés par 24 cellules, de
4 pieds de large, sur deux rangs (A) , et par six fenêtres^
(D) de quatre pieds d'ouverture chacune.
(0 Voyez la figuie $^
mj MATERIEL. 489
Au bout de ce premier dortoir et dans les 20 pieds
restant jusqu^au mur , seront pratiquées quatre cham-
bres de force, de 6 pieds delargeur sur 10 de longueur^
et un corridor, pour passera la seconde aile du bâti-
ment : cette galerie et la troisième seront partagées de
la même manière , entre les prisonniers, an nombre
de 24 et les chambres de force. Un lit de guichetier
pourra être placé dans le corridor de communication,,
de manière à inspecter les 24 cellules.
Il restera à loger 28 prisonniers, pour atteindre le
nombre' de 100, que la prison devra contenir; et
comme il restera un espace de 70 pieds, en y com-
prenant les 5o pieds, contenus dans la quatrième gale-
rie , entre les deux espaces réservés aux angles et la
moitié de cehii où se trouve l'escalier , cette longueur
donnera le moyen de placer deux rangs de i4 cellules,
au lieu de douze qu'ont les autres galeries et de rem-
plir rindication proposée , sans mettre plus de lits
dans le. même espace.
(1) Quant à l'infirmerie, on se rappelle qu*elle se
compose d'un bâtiment carré de 3o pieds de face. Le
rez-<le-chaussée sera divisé en deux parties égales,
dont l'une sera affectée à la. pharmacie (A), et à la
$£|lle de consultations ( B ) » et l'autf e à l'escalier ( D ) ,
et à la chambre de quarantaine (C).
Les deux étages supérieurs seront entièrement af-
fectés aux malades (2). Nous avons vu qu'on pouvoit y
mettre dix lits à chacun; l'un et l'autre pourront, sans
inconvénient, être encore subdivisés, à raison delà na-
(1) Voyez figure 6*.
(a) Voyez la figure 5«.
490 BES PRISONS,
tare éck maladits ; mais on aura autant que possibt^^
l'attention de mettre à Fétage snpërienr ceux des ma-»
l3deii, auxquels cette position élevée peut le mieux
convenir Y soit par le besoin qd'eux- mêmes auroienè
de Tair et du soleil > soit pour ne pas exposer ceux
qu'on placermt an*- dessus d'eux ^ à l'effet pernicieux
des émanations, que produisent, plus oa moins, certai-
nes maladies. Il nous semble que l'on poai*roit réser-
ver l'étage supérieur pour les malades ordiuatres , fié-
vreux et autres , et mettre au-dessous les ga\eux oti
autres malades du même genre.
La nature des maladies*, qui varie (£iHie prison à:
l'autre, décidera de futilité ou de l'inutilité des snb-
divisions de chacnn des deux étages de l'infirmerie^
On y fera plusou moins de salles séparées, selon qu'on,
en sentira la nécessité. Mais il en est beaucoup, où la
division naturelle des étages sera suffisante. Dans cecas^
les lils (Â) seront placés en deux rangées, de cinq cha-
cune , dans les salles , qui . comme on l'a dit plus haut^
aurofit 35 pieds dans tous les sens. Chaque Ht occu-
pera, par conséquent, un peu-moins de 6 pieds en lar-
geur , à raison de l'épaisseur des murailles ; et comme
ils auront toujours 6 pieds de long, il restera, entre les
deux rangées delitl, un espace de 17 ou 18 pieds, né-
cessaire, mais suffisant , pour placer des poètes , des
tables pour le» opérations chirurgicales , etc.
Les fetiêtres ( B ) seront disposées comme dan&
les chambres ordinaires; on en ouvrira également
dans la direction opposée , entre les deux rangées
de lits.
Les lits ne seront point enfermés dans des cellules ,
comme dans les chambres; ils seront pourvus* de ciels
DU PERSONNEL. 49 1
et de tEÎiigies, poor recevoir des rideafix, qo^nd \e mê^
decin le prescrira.
Telle est, /eecpe semble, la «tanière dont il convient
de disposer le pi^atérieL des prisons ,. pariie majeure et
fo.ndaaieiii.taik dans Jeor régime^
TITRE III;
CHAPITRE 1". Du gmdUn et de ses subordonnés^.
Nous avons assea fait sentir les ineonréniens de
rantorîté des geôliers , soi t que la loi leur en accorde
quelqu'une, soit que la cruelle indulgecKce de ceixx
qui doivent les surveiller, ferme les yeux sur leurs
continuelles usurpations de poavoir. Il est inutile. de
démontrer de nouveau que les geôliers ne doivent
avoir aucun pouvoir, au-delà de celui qui leur est in-
dispensable , pTour atteindre le but de leur institution,
la garde des prisonniers.
Les geôliers ou. concierges ne doivent donc être
que des gardiens responsables, et sans, aucune autre an»,
torité que celle de pure administration, sous les ordres
et d'après les indications des supérieurs* Ils ne peu^
vent infliger aucune peine à un pri^naier, ni lui re-
fuser aucun des avantages, que les règlecnens lui assurent.
Jfs sont tenus de recevoir toutes les personnes, vao-^
nies de permissions, qui demandent à visileir les dé-
tenus, et peuvent seulement faire leur rapport^ sur les
492 DES PRISONS.
dangers que pourroîent avoîr, à l'avenir, ces pcr-
fuissions, sans pouvoir prendre sur eux de ne pas y
déférer. Du reste, ils auront le droit de surveiller ,
comme ils Tentendront, mais sans s'écarter des règ;le$
prescrites dans la première partie , les prisonniers et
ceux qui les viennent voir , pendant les visites , qui
n'auront lieu qu'au parloir.
Il rentre encore dans leurs attributions de répartir,
dans les chambres ou ateliers , les prisonniers, à Tios-
tant de leur arrivée. Cette distribution, qui a pour
objet de prévenir les dangers de la réunion de certains
prisonniers avec lesautj*es, appartient au gardien. Il
fera usage , à cet effet , des notes qui lui seroient en-
voyées par le procureur du Roi , chargé de veiller à
Texécution des condamnations. S'il y a réclamation
contre la, répartition arrêtée par le gardien, il y sera
statué par les inspecteurs, en assemblée de com-
mission.
Ilseroit à désirer qu'une loi positive et suffisamment
détaillée, réglât les droits et le^ attributions des con-
cierges, et portât des peines sévères contre. toul«s les
infractions, dont ils se rcndroient coupables. En at**
tendant cette législation, que les règlemens de 1 7 1 7
ne remplacent que très-imparfaitëment^ les commis-
sions des prisons doivent veiller, avec une exactitude
scrupuleuse , sur la conduite des concierge^ , et répri-
mer, par la crainte d'une prompte et infaillible des-
titution , des abus d^autorité, ou des malversations, que
la loi devroit punir d'uâe manière précise et purgée
d'arbitraire.
Je voudrois d' abord que la loi qui interviendra ré-
voquât la faculté , sans doute imprudemment accordée
\
DU PERSONNEL. ^gi
aux geôliers , de vendre aux prisonniers des boissons
et des alinnens. Simple gardien, jamais le concierge
ne doit avoir de rapports d'intérêt avec les détenus ^
qu'il est seulement chargé de conserver sous la main
de Tautorité. Il devroit lui être défendu de vendre la
moindre chose aux prisonniers , et toute violation de
cette défense devroit, à son égard, être considérée
comme un délit, et punie d'une peine légale et pro-
portionnée , par exemple d'une amende , pour la pre-
mière et la seconde fois, et de destitution pour la
troisième , pour le seul fait de Texerc^ce d'un com-
merce illicite. La prison, ou toute autre peine de ce
genre^ seroit prononcée , danà le cas oii il auroit com-
mis quelque infidélité , suivant la gravité des cas.
Dira-t-on que les bénéfices honteux, mais consi-
dérables, que procure aux geôliers ce monopole auto-
risé , sont nécessaires pour les indemniser de ce que
leurs fonctions ont de pénible et pour les détermiher
à s'en charger ? Sans doute, privés de ce gain peu ho-
norable, mais important, les gardiens devront être
convenablement payés de leurs peines; mais cette in-
demnité, juste et nécessaire, doit-elle être un privi-
lège immoral et* indéterminé, et présenter le scan-
dale de services publics, payés par la permission
d'exercer le monopole et Fexactiou ? Des appoiiîtemens
'modérés, mais suffisans, et surtout déterminés à une^
somme fixe> ^e seront-ils pas assez avantageux pour
engager à prendre ces fonctions, et croit-on qu'elles
seront dédaignées à l'avenir , parce qu'elles ne seroient
pas plus lucratives que celles d'un conseiller de Cour./
souveraine? Combien n'est il pas d'hommes, vrai-*
ment recommandables, qui s'estimeroient heureux
494 Ï>ES PRISONS
d'obtenir ces emplois , réduits à On trafilement fixe, et
dépotiillÀ de ces privilèges illégaux > qui enrichissent
et déshonorent tons les concierges! Si* ces préposés
éprouvent souvent les rigueurs de Topinion , n'est-c^
pas à Tabus qu'ils font i\e leur pouvoir, et à leur scan-
daleuse et niercantiie avidité, plutôt qn^à la nature
de leurs fonctions en elles-nriémes, que Ton doit at-
tribuer cette défaveur? L'emploi qu'ils exercent n'a
rien de vil en lui-n>énie ; institués dans la viie de l'in-
térêt social, qu'ils garantissent de la mantèr& la pi^
immédiate , en réduisant ses ennemis à Timpuissahce
de nuire s et uniquement chargés de les garder , dait^
les lieux destinés par la ioî à cet usage , les concierges ,
qui n'ont aucune rigueur à exercer personnellement
contre les détenus , n'auroient pas , sans doute , à se-
plaindre des mépris de l'opinion , si , contens d'un
Iraitement fixe et honorable, ils ne cherchoient pas,
dans un honteux négoce , et dans d'immorales spécu-
lations, des bénéfices, qui ne devroient jamais souiller
leurs mains.
On les relèveroit sans doute encore dans l'opinion ,
en épurant leur liste , et en n'y admettant à l'avenir que
des hommes, dont la considératioiî personnelle pât
répandre elle-même quelque lustre sur leurs Fonc-*
tions. Pourquoi les places de concierges , qui , natu-
rellemeot, semblent devoir faire la retraite des sous-
officiers de gendarmerie, ne leur sef oient-elles pas
exclusivement réservées? L'Etat y gagnerdit, par l'é-
conomie de la solde de retraite qui leur est due, et les
prisons, gardées par d'anciens militaires, assez braves
pour Imposer aux prisonniers, et assez au fait de leurs
inœurs et de leurs habitudes , par Texpérience qu'ils
DUPERâONNÉL. l^^
atiroiént acquise, pour les adiDÎnistrer eonvenable<^
ment et se mettre en garde contre l^urs manœuvres y
ne seroîent point livrées, comme une proie à dévorer,
à d'obscurs protégés , qui n'ont souvent pour recont^
maùdation que des services privés , rendus à une pei -^
s6ane puissante , ou leurs liaisons avec quelque subal-
terne favorisé» Ces places de concierges ou gardiens
ne devroient donc être données qu*à des sous-offiiciers
de gendarmerie , ayant au moins vingt>ans de service,
tant M1X armées que dans la dernière arme , et je vou-
drait que, le plus possible , on fît tomber le choix
^Qt.tkn ipilitaire^ décoré du signe de Thonneur. Pour
les prisons considérables, comme les maisons cen-
trales, on pourroit choisir parmi les officiers de gen-^
darmerie , susceptibles dé la retraite.
Vu t^l concierge , respectable par lui-même , et pai'
ipne espèce de gloire personnelle , proportionnée à son
ranget à sa condition, jouiroit d'une véritable cqnsidé-
râ^tion dans sa piace , si, attentif à observer les règles de
la bienséance et ces dehors de convenance , auxquels Tes-
pritde>corpshabituetouslesmilitaires,ilsavoit toujours
se distinguer des hommes confiés à sa garde , par une
tenue honnête, et une conduite régulière et décente, \
sartont ea évitant de se familiariser avec eux. Un mili-
taire, plus que tout autre homme, dans la classe qui four*
pit ordinairement Ies€oncierges,séntira ces distinctions
hiérarchiques, qui maintiennent la subordination ,
et, assujéti par on règlement et des inâpections pério-
diques, à ce respect de soi-même, première source
de la considération , il jonira toujours de cet avantage,
i{qe les €«acierges d'aujourd'hui perdent si prompte-
496 DES PRISONS.
ment, sans que, le plus souvent ^ on puisse les en
plaindre. ^
Mais les nouveaux gardiei^s ne conserveront cette
considération précieuse , qu'autant que leurs m^ains
resteront pures des scandaleux bénéfices, que font
leurs prédécesseurs. C'est à leur.désiotéressenient qu'ils
devront cet avantage; et, si la moindre, spéculation
mercantile paroît les avoir dirigés , i)s perdront sur-
le-champ l'estime , qu'on accordoit à la valeur , et-aax
services rendus à la patrie , et qu'on refuse aux caloils
sordides de l'intérêt privé. 11 faut donc interdire ab*
solument tout trafic aux nouveaux gardiens, et,, pour les
en détourner plus sûrement, attacher une note d'in-
iamie à ce genre de contravention*
Quant au traitement, qui sera fixe, et assimilé à
celui des fonctionnaires de l'ordre judiciaire, il me
paroît bien suffisant , au taux actuel ;et.quand mi l'aura
restreint, ou plutôt réhabilité, par le retranchement
des profits illégitiaies du monopole , il semblera en-
core une retraite honorable et douce , à ces vétérans de
l'arifnée , qui protègent le citoyen pabible contre les
attaques de ses ennemis de l'intérieur , après avoir dé--
fendu , dans vingt batailles , l'honneur «français et
l'indépendance nationale. Si les favoris trouvent ce
prix trop vil pour leur cupidité , il$ cesseront de de-- -
mander et d'obtenir injustement.desfdaces, dont ils
ne sont pas dignes et qu'ils ont déshonorées.
Un concierge , seul , ne suffira que rarement pùor la
garde des prisonniers ; il aura souvent besoin de s'ad*'
joindre plusieurs personnes , pour l'aider dans iSes fonc*
tions. L'analogie la plus naturelle indique de le^
Ï)U t^ERSONNEL. l^j
^Téntire âaXàs le corps estimable, d'où l'on aura tiré
les concierges. G'ést dans le$ simples gendarmes, et
surtout parmi les militaires décorés ^ qu'on leur trou-
vera d'utiles auxiliaires. Réunis sous le commande-
ment de leur ancien chef, ces vieux rùilitaires s'entre-
tiendroietit mutuellement dans ces traditions d'un
honneur ombrageux^ mais incorruptible, qu'on ap-
prend toujours sous les drapeaux; et^ si leur organisa-
tioD présentoit encore quelquechose, qui leur rappelât
leur ancienne et chère profession ^ je ne douté pas que
ces ressouvenirs de gloire n'eussent sur leur conduite
une fouissante ^t noble influence. Lequel d'entre eux
soutiendroit l'idée d'avoir à rougir devant ses frères
d'armes? L'administration intérieure des prisons ne
présenferoit plus le spectacle honteux de plusieurs su-
balternes, exerçant à l'envi un despotisme avide , sous
la protection d'un chef, qui portage leurs malversa-
tions , mais celui d'une garnison brave et disciplinée ,
qui maintient dans le devoir une ville rebelle j en res-
pectant les propriétés et les personnes, et dont le dé^
smtéressement égale la fidélité.
Les employés subalternes seront toujours en nom-
bre suffisant, pour qu'il puisse y en avoir un dans
chaque galerie ou chambrée , pendant la nuit, et dans
chaque atelier , pendant le jour. Il y en aura toujours
un ou deux de plus , pour les besoins imprévus.
Eli faisant une réforme, qui, pour être efficace^ doit
surtout être complète , il sera peut-être bon de donner
à ces préposés une organisation et des caractères, qui
les relèvent à leurs propres yeux , et les distinguent ho-
norablement de ceux qui remplissent actuellement
les mêmes fonctions. Peut-être y parviendroit-on , en
3a
4c^8 DES PRISONS.
leur donnant un costume on deis marques dîstînctives,
qui les fissent respecter dans Tintërienr des prisons,
sans les signaler an- dehors d'une manière trop sensi-
ble. Un frac bleu avec des boutons de métal, ponrroit
atteindre ce double but.
Les mots ont une telle influence sur ropihibn , qu'il
seroit peut-être encoi'e bon de leur donner une autre
dénomination que ces noms, successivement devenus
pdi^ux, de porte-clefs, guichetiers, geôliers, etc.. On
dira peut-être que, si ces manières de les désigner ont
cessé de convertir, on devra craindre le même in-
convénient, pour toute autre, qui seroit adojjlée^ Maïs
celte crainte ne seroit fondée , qu'autant que les choses
resteroient dans Tétat actuel , et que les préposés dt's
prisons continueroient , comme par le passé , à souil-
ler eux-mêmes leur réputation , psr leur avidité. Le
nom de concierge, qu'on avoit substitué a celui de geô-
lier, participe déjà un peu de la défaveur, qui s'étoit
attachée à l'autre détiomination , parce qu'on n'a
changé que le mot, sans changer la chose, et que les
gardiens , sous le nom de concierges , se sont permis
autant d'exactions et d'injustices, que sous celui de
geôliers. Mais si une réforme complète abat la puis-
sance illégitime des concierges, et leur substitue des
gardiens , dont le désintéressement soît le premier
devoir, et que de sages règlernens, bien exécutés, en
assurent l'accomplissement, il est bon que rien ne rap-
pelle un ordre de choses, fait pour être oublié , et que
les nouveaux gardiens ne portent pas un nom, qui rap-
pelle, mal à propos , des défauts, qu'onze ponrroit leur
imputer. *
Les dénominations de gardien en chef, pour U
IW PERSONNEL. 499
principal proposé , et tle gfiitles , pour les suhaiternes,
me paroissent convenir, soit par l'analogie qn'elles ont
entre elles, et la signîficatû)n claire qu'elles présen-
tent, soit enfin, parla teinte militaire de la seconde,
qui pourra la rendre agréable a ceiix à qnî ou Tappli-
qnera. Jl est plus important «^iroii- ne le croiroit d'â-
bard , de dénommer les emplois dnru? manière qui
plaise aux titulaires. On remplit avec plus de plaisir
,de:s fonctio^îs, dont le nom flatte la vanité, et satisfait
Tamour-propre,
On pourroît missi doimer à^ix subalternes, le nom
de sous-gardiens; ce titre anroit Tavantage de mar-
quer leur position hiérarchique, et de les désigner
cqnime les auxiliaires du gardien. On choisira entre
ces deux dénominations.
En proposant toutes ces réformes^ il est loin de ma
pensée de demander le renvoi des concierges actuels.
De quelque manière qu'ils aient été promus , le vice
de leur origine est couvert par leur possession ; la ré-
troactivité est trop odieuse , pour que je ne repousse
pas avec force., toute mesure , qui en seroit entachée*
Les hommes qui sont en place y lesteront, mais à
condition dé se conformer exactement aux nouveaux
règlemens. S'ils s'y refusent, ils seront remplacés, et
n'auront pas le droit de s'en plaindre.
Quant à ceux qui seront ni.-mmcs à leur place, ils
nele seront que d'après les règles, que noiis venons d'é-
tablir , et , de cette manière , la nouvelle administra-
tiou s'organisera insensiblement , et sans sec9usse4
Mais on aura soin d'établir une barrière insurmon-
table entre l'avenir et le passé. Une nouvelle ère
commencera pour les gardiens , et ceux d'entre eux ,
Soo DES PRISONS.
qui voudroîent conserver, de rancien ordre de choses,
des souvenirs contraires au nouveaa système, devront
éire renvoyés sans hésiter.
CHAPITRE IL Ou Greffier rédacteur.
Nous avons fait sentir , dans la première partie (i) ,
la nécessité d'un greffier rédacteur , chargé de concou-
rir, avec le geôlier, an soin de dresser les états , et de
constater, jour par jour, la situation de la prison. On *
se rappelle que nous avons désiré qu*t)n le rendît res-
ponsable du défaut de rédaction ^ tandis que le gar-
dien , de son câté , répondroit de Texactitode de toutes
les déclarations. Nous ne reviendrons point ici sur les
détails, qui feroient un double emploi , nous insisterons
seulement sUr là nécessité d'attacher un de des fonction-
naires à toutes leis prisons, grandesou petites. Mais, pour
ne pas charger inutilement le Trésor de traitemens, qui
pourroient être multipliés, et par cela même onéreux,
on devra , pour le$ prisons peu importantes , charger
de tes fonctions une personne, déjà employée dans Tad-
ministration , pal* exemple , te secrétaire de la Mairie ^
ou un conimis greffier des tribunaux; une légère in-
demnité suffira pour payer des fonction; , qui n'au^
ront quelque importance que dans les grandes prisons.
On sait que les greffiers ne pourront pas loger
dans le bâtiment même de la prison ; mais rien n^em-
pécheroit de les loger aux frais du Gouvernement , et
ce logeipenty dans bien des cas, pourroit faire toute
leur indemnité* •
(i) Pages Ô7 et 5(^.
DU PERSONNEL. 5oi
CHAPITRE III. Des Inspecteurs des prisons^
En réduisant les concierges au simple rôle de gar-*.
^ensy le seul qui leur convienne , et en leur refusant
kl police des prisons et le droit de prendre , à l'égard
^es dëlenus, aucune décision., il faut nécessairement
que cettç autorité- soit confiée à des fonctionnaires , .
de la part desquels on a'ait pas à craindre qu'ils en
abusent et qui, en même temps, puissent se livrer
complètement à la surveillance qu'en tr9Înent ces at-
tributions. Le Gode d'instruction criminelle a donné
la police des prisons à l'autorité municipale, réunis-
sant ain^li sur la même tête, tous les pouvoirs protec-
teurs des. citoyens ^^ soit dan&. l'état de liberté , soit ,
dans les fers. Le législateur espéroit sans doute que ces
aâmi,nistr4iteurs s'occoperoient avec le même zèle des
uns et des auti'es. Sa confiance a été trompée. On sait
combien, Jusqu'à ce jour, Tin^ervention des.munici>-
.palités dans les prisons a été illusoire.
Pénétré, de l'idée que des fonctionnaires spéciaux
pouvoient seuls remplir , avec assez de zèle et d'assi-
duité., que. surveillance, qui devenoît une surcharge
pour les administrations municipales , déjà investies,
de tant d'autres attributions , le Roi , par son ordon-
nance du 9 avril 1819^, a ordonné la formation, dans
chaque ville où il y auroit des prisons, d'une commis-
sion, de trois à sept membres, chargée de la surveil-
lance intérieure-, des marchés à passer avec les four-
nisseurs, et de l9 rédaction de rapports périodiques
sur les différentes parties du régime des prisons. Ces
commissions répondent à peu, près à. celles que nous
5o2 DES PIIISONS.
avons proposé (.riiisûtner, sousleùoiii de coniniîssîoïki
ci inspecteurs. Je voudroîs seulenienl qu on ajoutât à
leurs fonctions la police des prisons , si négligée par les
municipalités f qui , presque partout, Tout laissé usur-
per par les geôliers. Déjà investis d'une forte portion
d'autorité adhiinistrative, par le droit d'adjudication
et celui de rapport, pourquoi les inspecteurs aan-
roient-ils pas la police , qu'euxseuls , à ce que je pense,
rempliront d'une manière satisfaisante, et pourquoi
les réduire au rôle de simples conseillers d'un officier
municipal, quand ce fonctionnaire ne fera jamais
qu'attacher son nom et la sanction de son autorilé
aux décisions qu'ils lui dicteroient? S'il est nécessaire
de prendre quelque mesure de police , de punir. nu
prisonnier, onde faire cesser une rigueur arbitraire,
exercée à son égard par le gardien, fandra-t-il que
rinspecteur> ou même la commission toute entière,
'aprèsen a voir reconnu la nécessité,obtienne d un maire,
qui ne sera instruit que par son rapport, un aveugle
excquaiur^ pour sa décision? C'est ici faire intervenir
mal à propos une autorité de plus^ sans avantage réel,
et avec l'inconvénient de retarder Texécution de dé-
cisions, souvent urgentes. D'ailleurs, en administra-
tion , un fonctionnaire, qui n'ajoute rien aux garanties
déjà assurées et qui , sans accélérer l'exécution , ou la
rendre plus certaine , ne fait qu'attacher son nom à
la décision prise par un autre, est une superfluité,
qu'on peut et qu'on doit même écarter. Les officiers
municipaux sont précisément dans ce cas , à l'égard
de Ifi police dés prisons. La nécessité, où l'on se trouve,
de créer des inspecteurs, prouve qu'il a fallu confier
^ d'autres qu'aux maires , la surveillance des prisons.
DU PERSONNEL. 5o3
Quant à la police, qui en f;ût nue dépendance néces-
saire, elle doît être remise sans parlçige dans les
inêmes mains.
Les inspecteurs auront donc une autorité réelle
dans la prisoq ; ils feront appliquçr les règlemens ,
puniront les fautes, qui n'excèderoient pas la compé-
tence des tribunaux de poliqç et exerceront la police
judiciaire , à Tégard des délits ou crînies caractérisés.
Les gardiens recevront leurs ordres, sur toutes les par-
ties du service, et leur diçvront yne entière sou-
mission.
Nous avons défaille dans la première partie. ( i ) , les \
divejrses atjributians d^ la commission des in^iccteurs
çt dç çhciçnn de^ inspecteurs en particulier. Il est inu-
tiles de le répéter ici»
Nou§ ne reviendrons pas non plus , sur les çopditions
çt le mode de leur noniin<%.tioj[i , qui y sont suffisam •
jmef\t expliquas (2)[,
Il suffit dç rappeler, que la commissioa devra se
réunir , au moins une fpis par semaine , pour nommer
jjn de ses membres» chargé de faire, jusqu'à la future
assemblée, l'inspection quotidienne des prisons. Nous
avons désiré l'établissement 4e commissions «léparte-
mentales ou d'arrondissement , sous le nom de con-
seils des prisons, qui seroient chargées de dresser les
r^glemcns généraux, de présenter aux places de gar-
dien en chef, et de nommer aux emplois subalternes.
Nons ayons démandé que ces commissions tinssent des
^ssembléçst(*ime$lrieUes, où lescommissionsd'inspec-
(i) Pages yoetsuiv.
(2) Pages 64-70. )
5(v4 ^ BES PRISONS,
teurs rendroieul le compte de leur gestion et de rétai
des prisons confiées à leur surveillance , et qu'elles-
mêmes fissent tous les ans , à la Société Royale, le
rapport de Tétat des prisons, situées ' dans leur res-
sort. Nous nous en référons à ce que nous avons dit
dans la première partie (i), sur la nécessité de celte
chaîne hiérarchique d'autorités surveillantes, et sur
les formes et Tobjet des divers rapports , dont elles
sont chargées. Nous nous bornons ici à réclamer de
nouveau Texécution de ce plan , dans lequel entrent
tous les élémens préparés par la sollicitude du Gon-
Demçnt.
Il seta souvent nécessaire d'adjoindre à la commis-
sion des inspecteura, quelques dames charitables, qui
rendront aux prisonniers certains services d'écono-
mie domestique, auxquels des hommes seroient peu
propres. Elles jurant la direction du linge et du ves--
tiaire et se chargeront de tous leis détails, de cette ré-
gie. Ces dames seront choisies, en général , parmi les
plus considérées et les plus respectables, et surtout
parmi celtes qui auroient quelque habitude de l'admî-
nistration. Elles seront comptables des deniers qu'elles
emploieront. Cette mesure d'ordre , qui n'a rien de fâ-
cheux pour des personnes intègres, est indispensable et
par conséquent ne peut humilier, quand il s'agit de
fonds publics. Les comptes» qui seront dressés d'après
les formes ordinaires en administration , seront reçus
et apurés par la commission des inspecteurs , sur le
visa desquels la décharge sera donnée aux dames de
pharité. On pourra toutefois les dispenser de rendre
(i) Pages 5i et suîv.
DU PERSONNEL. ^ 5g5
compte des sammes. qu'elles recevroieni à titre tfaii-
n)ône5,qudpd la commission des inspecteurs n'y. aura
pas vu d'inçonvénienL Mais cette dispense ne pourra
jamais valoir que pour tin. an, sauf à être, renouvelée.
CHAPITRe ly. i?^ Aumôniers,
Il y aura un aumônier catholique, daps chaque,
prison , définitive ou provisoire. Cependant , si , dans
une ville qui a plusieurs prisons , le non^lpre d^ déte-
nus , qu'elles renferment toutes ensemble , ne s'élève
pas à plus de cent , un seul fiumâniér pourra, faire le.
service des divçrses prisons.
Cet ecclésiastique ne sera attaché à aucune paroisse,
de la ville; mais il $e consacrera exclusivement au
service des prisons. Il y exercer;^ toutes les fonctions,
sacerdotales^ l'administration des saçremens, la célé-
bration des offices, l'instruction des prisonniers, etc.
Il recevra du Gouvernçment un traitement égal au
minimum, attribué 'du%, vicaires, dans Içs paroisses
de la ville où il résidera
Les détenus des communions protestantes et des
autres religions , pourront recevoir les recours reli-
gieux de leurs nfiinistres , qui se feront préalablement
agréer à cet effet; ces aumôniers non catholiques ne
recevront aucun traitement du trésor public.
L'aumônier aura séance et voix consultative dans
les assemblées des inspecteurs^ si d'ailleurs \\ n'^faif
point partie de la commission*
CHAPITRE V. De V Instituteur.
L'instituteur sera choisi parmi les personnes adon-
5o6 DES PRISONS. .
néesà l-iastrurtioD publique, qai résident dans la vîUe
où sgnt établies les prisons.
II recevra on Iraîlement , proporliofiqé à VéfeTiihje
de la prison , où il exercera 3^s fondions.
Il sîéfçera à côté des inspecteurs, dans les cérémonies
publiques , et dans les assemblées générales-
Ses fonctions seront plus «amplement détaillées, au.
chapitre de rinstructiou civile.
CHAPITRE Vî. Des Officiers de Santé.
Les prisons auront «les médecins , dan$ la même,
proportion que celle établie pour les aumôniers.
Dans les maisons centrales ou dans les prisons par-
ticulières, d'une population considérable, on pourra
adjoindre au médecin un chirurgien et un élève, pour
le service de Tinfirmerie.
Les appoîntemens de ces officiers de santé ne peu-
vent être déterminés que par des règleraens locaux.
Dans les petites villes , et pour les prisons peu con-
sidérables, l'indemnité pourra se réduire au logement.
Dans les prisons peu nombreuses , un pharmacien
de la ville sera chargé de venir, un certain nombre
d'heures chaque jour , pour faire les préparations né-
cessaires.
Dans les grandes prisons, il y mira un pharmacien
à demeure, qui aura ta garde et la manutention de la
pharmacie, et dont la comptabilité se réglera, dans la
forme usitée en administration , sur des états visés et
approuvés par le médecin.
La commission des inspecteurs désignera , avec la-
grément des officiers de santé , un nombre d'hpmmes
DU PERSONNEL. So?
siiffisanl , pour le service de riii6rmerie et de la phar-
macie. Ces préposés seront pris, autant qiie possible,
parmi les prisonniers, qui auront mérité cette dis-
tinction par leur bonne conduite. Elle leur sera ac-
cordée à titre.de récompense, et jamais autrement,
et ces nominations seront proclamées, en présence des
^prisimnîers, dans les séances, qui auront lieu de texnps
en temps.
Telles sont les diverses personnes, qui se partage-
ront Tadministration et le service des prisons. Leur
mission sera d'y entretenir le bon ordre, et de faire
jouir les prisonniers do tous les avantages d'un bon
régime physique et moral. Il nous reste à exposer les
détails, dont se compose Tadministration, dont elles
sont cbargécs.
pTITRE IV.
DÉ LA D ISCIPLINE.
CHAPITRE I". De la discipline en elle-même.
Section i". De la distinction des prisonniers.
Lks causes de détention sont si différentes les unes
^les autres, et il y a tant de disparate entre les pri-
soiHuers des diverses classes, qu'il est généralenient
reconi;in qu'on ne satu'oil ,. sans injustice, les sou-
mettre tous à la .même discifdine et au même régiraxî.
Les uns-, encore en possession de tous leurs droits d^e
citoyen, qu'une condamnation irrévocable peut seule
5o8 DES PRISONS.
leur enlever; les. autres, dépouillés par un arrêt mfa-x
inant de tout ce. qui nous paroît donner quelque prix
à la vie, la fortune. et Thonneur, et condamnés à deS:
travaux continuels et forcés, forment .bien certaine-
ment deux classes trop distinctes, pour que les. mêmes.,
règles puissent leur être appliquées. On remarquera,
cependant, que nous n'avons parlé ici que des dé-,
tenus ,. dont la captivité a pour cause un procès cri-
minel, et que nous avons passé sous silence d'autres
prisonniers, auxquels il nous, coûte de donner ce
nom affligeant , et qu'on ne peut, sans gémir, voir
confondus avec les premiers, les débiteurs insolvables,
et les enfaqs détenus en vertu de la puissance paternelle.
La première mesure que l'on doive prendre, et le,
fondement de toute bonne discipline, c'est la divîr-
sion des prisonniers, à raison de la cause de leur dé^
tention.
La captivité légale a cinq origines, auxquelles se.
rapportent toutes les causes de détention : i.° la puis-
sance patemélfe ; 2.^ la contrainte par corps , en ma-
tière civile; 3.« le vagabondage ; 4«° la naise en préven-
tion ou en accusation ; 5.^ les jugemens ou arrêts des
tribunaux de police correctionnelle , ou des cours d'as-
sises. Il est incontestable que les détenus de ces cinq
classes ne peuyent pas être réunis dans les mêmes pri-
sons. Mais il n'est pas nécessaire de leur assigt^er , dans
tous les cas, cinq prisons distinctes et séparées ; ce n'est
que dans les villes considérables; , qui fournissent aux
prisons une population nombreuse, qu'il peut être
utile d'en établir, pour chacune de ces catégories;
dans la plupart des départemens , certaines classes de
prisonniers sont si peu nombreuses , que les prisons ,
DE LA DISCIPLINE. 609
qti^on leur assigneroit^ seroient presque toujours vides.
Il suffira donc d^uhe distribution plus convenable dès
prisonniers, et de trois ^ ou , tout au plus, quatre pri-
sons , pour tous les besoins.
Nous avons déjà fait voîr(i)en quoi est vicieuse la di-
vision, introduite par le Code d'instruction crimipelle,
en prisons pour peines et maisons d'arrêt et de justice,
par TefEet de laquelle on sépare les prévenus des ac-
cusés, pour confondre ces derniers avec des condamnés.
Nous en avons conclu la nécessité de diviser les prison-
niers en inculpés et condamnés, et de ne mettre que les
premiers dans les maisons d'arrêt , en réservant aux
iii verses classes de condamnés, les maisons de justice
et les prisons pour peines. Voici comment pourra s'o-
pérer cette répartitiop.
Les prévenus et les accusés > jusqù^à leur jugement
ou arrêt , seront gardés dans les maisons d'arrêt. Celle
du chef-lieu de département sera disposée, pour re-
cevoir les accusés, envoyés par les tribunaux^d'arron-
dissement , à chaque session des assises. La maison de
justice sera réservée, pour les prisonniers dondamnés,
par voie de police correctionnelle , à 'un emprisonne-
ment de moins de six mois , et aux condamnés pour
crimes, pendant leur pourvoi. Quant à ceux qui au-
roient été condamnés, par les tribunaux , à plus de sit
mois d'emprisonnement, ou par les Cours d'assises, à
la réclusion , après que leur condamnation sera de-
venue irrévocable , ils seront envoyés dans les mai-
sons centrales ou départementales , pour y subir leut
peine.
Il restera à placer trois classes de prisonniers , les va-'
(1) Page 570.
5 10 bES niISÔNS.
gabonds, les dctenus pour dettes, et les eufans renfer-
més en verUi de la puissance paternelle. Les premiers
sont presque des prévenus; ils sont v.u ilmins dans la
même position, puistjue ^ s'ils ne sont pas précisé-
ment dans le cas d'encourir les peines portées conire
le Vagabondage, ils inspirent à peu près les mênKS
soupçons et la même défiance cpie les prévenus. Il n'y
a (îonc pas le moindre inconvénient à les renfeiiner
dans les maisons (farrêt^ dans la plupart deis départe-
mens, où le nombre de prisonniers de chaque classe
tï'est point assez grande pourqn'on leur construise une
prisoli à part. Ou ïi'aura pas d'ailleurs à craindre pour
eux les effets d'une Corruption ihorale , au-dessous de
laquelle se trouvent la plupart de ces malheureux.
Quant aux enfans et aux débiteurs , il y auroît
imprudence et cruauté à les renfermer, soit dans les ■
maisons de justice, soit même dans les maisons d'ar-
rêt ; ils ont droit à tout leur honneur et tout le mondé
sait combien le compromet le séjour dans tnie de ces
prisons. Il faut donc toujours leur assigner, h part, ufie
maison de force, où la discipline se borne aux règles,
strictement nécessaires pour la sûreté et le bon ordre;
Mais rien n'euipêche de réunir ensen^ble ces deux
classes de prisonniers, dont la position est la nlême et
dont la conduite presque toujours déréglée , sans être
perverse, n'a souvent que trop de ressemblance.
Au moyen de cette répartition, trois prisons ou du
moins trois classes de prisons suffiront , dans tous
les cas : celles des inculpés, celles des condamnés^
et celles des détenus par l'effet des lois civiles. Les
prisons définitives, servant pour tout un départe-
ment , souvent même pour plusieurs départemens à
DE LA DISCIPLINE. 5ii
la fois, complètent ce système qui paroît suffisant
pour tous les besoins et donne le moyen rie séparer
les prsonniers, autant qu'on peut le (désirer, sans
multiplier, par des classifications inconsidérées,,
le nombre des prisons qui doivent les recevoir*
Qnant à la division des sexes, elle est si indispen-
sable qu'il est presque inutile de la rappeler ici.
Je n'en parlerai que pour faire une observation de dé-
tafil : c'est que, dans le cas où la même prison, sépa-
rée en deux parties liien distinctes, sera jugée suscep-
tible de renfermer des hommes et des feamies, la di-
vision des bâtimens devra être absolue, et un che^
min de ronde séparera toujours deux quartiers, qui
ne doivent jamais se confondre. Les murailles, quel-
que épaisses qu'elles soient , ne sont pas une séparation
suffisante ; on en a vu des exemples.
Sectiotî h. Dû la discipline qui cohçient h chaque
classe de prisonniers.
lN])EP£NDAMBt£i<T dcs cousidérations morales, qui
ï-endent indispensable la séparation des prisonniers ,
cette mesure est encore impérieus^^mént commandée
par la nécessité de les soumettre , d'après leurs classeà ^
à une discipline différente.
Il est des règles générales, que tous doivent obser-
ver et qui forment la discipline commune dés prisons.
Elles ont pour objet la sûreté, le bon ordre , la sahi-
brité , et il n'est point de prison, où elles ne doivent re-
cevoir leur exéciition. Ainsi , partout, les prisonniers
doivent une obéissance entière et instantanée au gar-
dien en chef; ils ne peuvent jamais refuser , ni même
différer l'exécution de ses ordres. Mais cette obéissance
5 11 DÉS PRISONS.
absolue h^exclut pas le droit de réclanialioa ; àïh \é
suppose même et le rend inattaonable. Audsi, tout
prisonnier a le droit de faire entendre ses plaintifs, par
la voie qui lui Cornaient te mieux ; réclamation vierbale,
lors de la visite de Tinr.pecteur, pétition écrite « appel
dans certains cas t, tous les moyens lui sont permis et
assurés, pour faire cesser l'arbitraire dont il seroit
victime.
Les prisonniers doivent partout .respecter Tordre
et se conformer aux règlemens qui le garantissent*
Ainsi y toutes dispositions réglementaires, sur les ali-
mens et la manière de se les procurer , sur les jeux »
sur les heures des différens exercices , sont des règles
obligatoires pour eux, dans quelque prison ^ue ce
soit. 11 en est de même de celles qui ont rapport à la
salubrité. Ce sont des lois d'intérêt général t, qu'il n'est
pas plus permis d'enfreindre dans les prisons que dans
la société.
Les bonnes mœurs et la déd^ntë doivent encore
être respectées, dans toutes les prisons , et par quel-
ques détenus que ce soit. La sûreté des personnes et
rinviolabilité des propriétés doivent également être
garanties, dans tous les cas. Il n'est point de position ,
qui donne le droit de violer ces lois éternelles; et^ à
plus forte raison, doit-on y tenir la main^ dans les pri«
sons, qui ne peuvent pas être privilégiées pour l'immo-
ralité. Une règle fondamentale et dont on ne devra
jamais s'écarter dans aucune prison , c'est de suivre j
dans la distribution de la journée , eti en général, dans
toute l'administration, un ordre constant et invariable.
Jamais les heures des travaux, des repas, des exerci-
ces ne doivent être changées. Les prisonniers doivent
DE LA DISCIPLINE. Si3
toujours savoir ce qu'ils vont avoir à faire et ne pas
être trompés dans leur attente. Cette attention
est d'une importance majeure pour le règlement des
mœurs.
Telles sont les règles générales, que Ton doit obser-
ver dans toi>tes les-prisons et maisons de force. Aucune
classe de prisonniers ne peut en être dispensée , parce
qu'elles ont pour objet de maintenir Tordre. Mais la
disciplina sera plus sévère dans les prisons de coudam-
nésquedans les autres. Là, il ne s'agit plus seulement
de garder le détenu ; il faut le corriger et même le pur
nir; il n'a plus le droit ^de demander que la prison
n'ait pour lui d'autre inconvénient que de l'arracher
à sa famille et à ses affaires ; c'est un lieu d'expiation,
où la loi le condamne à souffrir , pour l'exemple des
autres et la réforme de ses penchans vicieux ; il faut
donc qu'il y subisse toutes les conséquences de sa con-
damnation ; mais aucune rigueur accessoire n'y doit
être ajoutée. Exacts observateurs de la loi et des arrêts ,
les chefs des prisons pour peines , n'ont le droit ni
d'être cléments , ni d'être cruels. Au souverain seul
appartient le droit d'alléger la peine, parunecommu*
tation légitime ou une abréviation de sa durée; les
administrateurs n^e peuvent que diriger ses regards sur
ceux qui leur paroissent dignes de cette récompense, et
cette tâche est assez douce, pour les dédommager de la
rig^ueor ordinaire de leurs fonctions.
Il est une règle fondamentale de la discipline des
prisons : c'est qu'elle doit être identiquement la même,
potsr tous ceux qui ont encouru la même peine. Leur
sort doit être absolument semblable, puisque leur
condamnation a été la même. Une parfaite égalité
ii
I»
5i4 DES PRISONS.
lioît régner entre ceux que rassemble Une commune
ignomime. Il ne devra donc y avmr dans ces prisons ,
ni exemption des travaux ordinaires, ni chambres
particulières ou pistoles, ni dispense de porter Tha-
biiienient commun, distinctions aussi injustes, que fâ-
cheuses pour les uns , et souvent ruineuses et funestes
pour les autres.
^ Dans ces prisons, d'tmr^rae austère, la surveillance
doit aussi s'exercer d'une manière beaucoup pitis active
et plus sévère que dans les autres. Làypltisdeces Biéna-
gemens, réserves pour les prévenus et tes autresclasses de
détenus, auxquels on devra toujours, autant que possi*
ble , cacher les liens qui les retiennent. Les prisonniers
seront assujëtis à des appels joitmaliers, à des visites
fréqueutes , à des ibuilles > quelquefois imprévues ,
mais toujours motivées, enfin à toutes les mesures de
précaution , que |a prudence peut suggérer au^ gar*
diens. Dans les prisons 4es prévenus , la surveillance
doit surtout s'exercer à l'extérieur et de la manière la
:plus inaperçue ^ dans criles des. condamtiés , on em-
ploiera tous les moyens nécessaire^ , pourvu qu'ils
u'aient rien de vexatoire.
Mais ce qui distingue surtout la discipline des coa-
damnés de celle des autres prisonniers , c'est IVibliga*
tion du travail* imposée aux uns, comme consé-
quence naturelle et partie intégrante de leur peine,
et dont les autres sont exempts. Les premiers doivent
y consacrer la journée toute entière. On peut suivre ,
pour les heures de travail , la .règle étaUie pe«r les
prisons de Paris. Les condamnés s'y lèvent , en été , à
cinq heures du matin et , après avoir fait leurs lits et
nettoyé leurs chambres , entrent dans les ateliers à six
M LÀ DISCIPLINE. Si5
heures, y restent fusqn'à onze heures, instant de leur
repas, et reprennent leur travail à raidi, jusqu'à sept
henres du soir. En hiver, ils se lèvent à sept heures , se
mettent à l'ouvrage depuis huit heures jusqu'à midi^
prennent alors leur repas et travaillent encore, depuis
une heure , jusqu'à quatre heures, pour ceux qui ne
veillent pas, et à huit heures pour les autres. L'heure
du coucher est fixée à huit heures , et ceux dont le
travail a fini plus tôt, peuvent jouir de la promenade
dans les préaux, ou de la »récrëation dans les ateliers ,
depuis la cessation de leurs travau;c, jusqu'à l'heure dil
coucher.
Ils doivent observer un silence rigoureux, pendant
les henres destinées au travail et aux repas ; il ne leur
est permis de parler que dans celles réservées pour la
promenade.
Quant à tous les autres détails de la discipline , sur
lesquels nous nous sommes déjà expllqtiés^ nous ne
pouvons rien faire de mieux que de renvoyer aux
règlemens , actuellement en vigueur et partieulièrer
ment aux ordonnances de police , relatives aux prisons
du département de la Seine. Elles ont été rédigées
avec tine grande prévoyance et la discipline sera tou-
jours bonne , dans les prisons, où elles seront observées
exactement.
CHAPITRE II. De la sanction de la dUciplim.
La sanction de la discipline consiste dans l'emploi
mesuré des peines et des récompenses. Mais, pour que
ce double ressort ait toute la force dont il est suscepfj**
ble i, il faut qu'il soit infaillible et qu'il y ai4 toujgurs
Sitfi DES PRISONS,
un rapport évident entre les peiueso» lesTécorapenses
et les act^ions, louables ou répréhenstbles, qui les auront
motivées. Tel doit être Tobjet du législateur, daas ré-
tablissement des dispositions, |>énales ou rëraunéra-
toires, qui doivent faire la sanction de la disci[rfine
des prisons.
Section i'*. Des ^peines.
Les prisonniers sont coronie les autres hommes:
l'injustice les aigrit, la cruauté les révolte. Pour qu'on
puisse espérer , des peines destinées à réprimer leurs
fautes 9 un effet salutaire , il faut qu'elles soient em-
preintes d'uu esprit de douceur et d'équité. Ce n'est
même pas assez qu'elles soient justes, il faut qu'elles le
soient d'une manière évidente, et que les prisonniers
n'aient jamais le moindre doute sur la justice des châ-
timens, qu'on sera dans le cas de leur infliger. Or, les
punitionsn'auront rien d'arbitraire et ne paroîtront ja-
mais infectées de ce vice, si tous les prisonniers peuvent
savoir d'avance quand ils font mal et quelle peine ils
encourent, pour telle ou telle faute. On n'atteindra ce
but qu'autant que ces peines seront déternninées par
des règlemens précis , connus des prisonniers et litté-
ralement exécutés. On devra donc , pour toutes les
prisons, dresser des règlemens généraux , qui tracent
les devoirs des prisonniers, définissent les fautes, dans
lesquelles ils peuvent tomber, et prononcent les peines,
qu*ils encourroient dans ce cas. Cette espèce de code de
police sera affiché dans plusieurs endroits apparens
d^a prison et lu publiquement , le premier dimanche
de chaque mois.
DE LA DISCIPLINE. Si 7
Ces règlemenSf qnî ne peuvent être que Tobjet
•tfune loi, mais dont toutefois, une partie de la rédac-
tion peut: être confiée à des autorités départementales ,
porteront seulement sur le genre de fautes ^ qui peut
être assimilé aux contraventions de police ; les prison-
niers restent soumis , comme les autres hommes , aux
lois générales , pour les délits et les crinles caractérisés :
mais, au-dessous de ces deux classes et , indépen-
damment des contraventions ordinaires , réprimées
par les lois sur la police générale , il est beaucoup
d'actions qui , indifférentes pour les hommes libres,
sont réellement répréhensibles dans Les prisonniers.
C'est principalement de ces fautes que devront s'oc-
cuper les rédacteurs des règlemens. Les définir avec
précision , les punir de peines proportionnées , assez,
efficaces pour en prévenir le retour , mais assez douces
pour laisser toute leur force à celles, qui seront réser-
vées pour les délits très-graves,, telles sont les règles,.
. qui devront les diriger dans ce travail.
Il restera aux personnes chargées de Texécution des
vèglemens, à ne jamais s?ea écarter, et à ne jamais,
les appliquer à faux.
Dégagé de Tarbitraire , le code des prisons devra
également être purgé de toute cruauté. Les cachots et
les fers ont paru des tortures trop inutiles et trop dan-
gereuses, pour être appliqués, comme peine légale, aux
crimes signalés par notre Gode pénal; la gêne a été
écartée de nos lois, comme inutilement cruelle, et
cependant cette peine étoît celle du meurtre; la con-
servera-t-on , sous un autre nom ; plusaffreuse encore
qu'elle n'étoit , pour punir une tentative d'évasion ou
ViosuUe faite à un geôlier ? ce seroit le comble de
5r8 DES PRISONS.
Fabsufditë. Pnisqcie les cachots ne peavent pins être
d'usa^, comme peine légale dn ciiHie'., et qo^il n est
p^ à croire qu'on en fasse une peine de simple police,
il est donc iiiutile de conserver cens qui existent. Si
cependant , par un excès de précaution , que je ne
crois pas fondé en raison , on hésitoit à mnrer sur-
le-champ tous les cachots^ qui déshonorent les prisons
françaises, je voudrois, ah rnoinUt qu'on en retira la
elef anx geôliers et qu'elle fut remise^ la tommission
des inspecteurs , qui n'en feroit usage que dans
le cas d'utie nécessité «bien constatée. Dans iiotre
opinion , ce cas n'ârriveroit jamais. * Il nous sem-
ble qu'il né pent y avoir de circonstance» où un
homme vivant doive être privé de tout ce qui est né-
cessaire à la vie , l'air, la lumière, une habitation, qui
présenté les conditions de sîccité et de chatenr conve-
nables. Jamais Thomme ne peut être autorisé à enter-
rer viva^nt sou semblable; et, qnatid les prisons seixmt
pourvues de chambres de force assez snres, mais en
A)enie temps incapables d'altérer la santé de ceux
<)ui y seront enfermés, nous ne voyons pas pourquoi
on s'obstineroit à conserver des souterrains obscurs et
^ itialsains, qui ne penvent parottre utiles q\ie dans l'in-
térêt de là cruauté.
Il en est de même des fers. Aucune loi n^antorise à
charger les prisonniers de ces lourdes et douloureuses
etitraves , que les geôKers distribuent toujours , avec
due cruelle profusion^ aux détenus qu'ils craignetit on
qu'ils haïssent. Le boulet, que la loi permet de mettre
dux galériens et qui est , tout à là fois, un moyen de
(fârété et une punition, doit, dans tous les cas> être subs-
titué aUM fçrs, qui sont une véritable torture et quî
\
DE LA »I8CiPLlNE. Si^
ftrivent le pisonnieir des moyens de travailler, sans
#lre d'uoe iiéoessîté iudisfiensable pour la sâreté.
Il résulte de ces principes que les peines prononcées,
par lesrègleiuenS) conire les fmites de police des prison-
i^iers , d&vront être connues d'avance et entièrement
exemptes de cette cruauté gratuite, qui, chassée des tri-
bunaux ordinaires, cherche encore à a exercer à Tonn-
bre des prisons^ La, détermination des fautes et des.
peines et le droit de réclamation ^ assuré aux prison*
niers, metthont un terme à des abus , trop long-temps
tolérés* Le règlement de la compétence judiciaire dds
prisons achèvera de circonscrire le despolisme des
subalternes, dans des bornes, qu^il n^auroit jamais dû
franchir.
La première règle de compétence, c'est que les geô-
tiers , ou ceux qui rempliront des fonctions analogues ,
19'aient absolument ancnne juridiction. Ils ne sont
que des gardiens et non pas des jnges ; ainsi , toute
Kfgoeur, exercée, par lenr ordre, sur un prisonnier, sera
loti jours un abus d'autorité punissable et les inspec-
teurs seront tenus de dénoncer et de poursuivre ces.
actes, toutes les fois qu'ils en auront connoissance ^ ce
qui né peut rn^nquer, puisqu'ils doivent faire dans les
prisons une visite quotidienne*
Cepfsudant, si les gardiens ne peuvent pas, à titrede
punition , changer à Tégard d'un prisonnier , la disci-
plîne générale , la sûreté publique et particulière et
Le bon ordre exigent qu'ils ptiissent prendre, en Tab-
ynes de l'inspecteur ^ certaines mesures de police, que
uécessiteroit la conduite des détenus. Mais ces mesures
ne doivent jamais sortir des. limites de l'autorité ad-
çtinistraiiye , ni participer en rien à l'exercice du.
. I
520 DES PRISONS.
pouvoir judiciaire. Ainsi, qu'un prisonnier furieux
menace par ses violences de tuer ou de bl«sser ses
compagnons , le gardien pourra sans dotii^ le séques-
trer et le mettre dans une chambre forte , où il cesse
d'être dangereux- Mais cet homme ne pourra y rester
plus d'un jour, sans Tordre de l'inspecteur , dont l'ar-
rivée à la prison fera cesser, de plein droit , l'état de
séquestre, sauf à lui à en ordonner la continuation,
sous sa responsabilité.
Le gardien aura encore le droit de contraindre les
détenus à l'exécution de certains détails des règlemens,
qui seroient trop peu importans pour donner lieu à
un jugement. Mais il ne pourra encore employer à
cet effet que des moyens purement administratifs,
c'est-à-dire , la privation de certains avantages, sans
pouvoir y ajouter jamais aucune rigueur.
Dans tous ces cas et , en général , toutes les fois que
les gardiens pourront avoir à prendre quelque déter>
jnination particulière, ils seront tenus, conjointe-
ment avec le greffier , d'en di*e$ser procès-verbal. Ce
dernier ne répondra que de l'accomplissement de cette
formalité et le gardien sera en même temps respon-
sable de la véracité de la ràlaction. L'un et l'autre de-
vront signer le procès- verbal. Tous ces principes ont
déjà été établis dans la première partie de cet ou-
vrage (i).
Quant aux fautes plus caractérisées , elles se divi-
sent en contraventions de police et en délits ou crimes.
Les premières seront jugées par les inspecteurs de
service , qui feront à cet égard les fonctions de juges
de paix des prisons, les autres seront jugées par les
(i) Pages 64«6o, 107-114.
DE LA DISCIPLINE. 52i
cours d^assises et les tribunaux de police correction^
nelle, dont les prisonniers restent toujours justiciables.
L^appel des ju^inens de Tinspecteur sera porté au tri-
bunal de police correctionelle.
Section ii. Des récompenses,
L\ distribution des récompenses devra être dirigée
par la même équité et les mêmes principes que Fap-
plication des peines. Les détenus doivent être aussi
sûrs d'être payés de leurs bonnes actions, que punis
de leurs fautes. Les récompenses doivent donc être
agréables pour ceux qui les reçoivent , et distribuées
avec une justice évidente. »
Les récompenses seront de trois sortes : des primer
en argent ^ délivrées s.ur-le-champ ; des bons , payables
à la sortie , en argent , en outils ou en matière à tra-
vailler; et la nomination aux emplois d'infirmiers,
de valets de pharmacie , de distributeurs de la soupe ,
etc. , etc.
Ces récompenses seront le prix de la bonne con-
duite soutenue, de l'assiduité au travail , et des progrès
dans rinstrUction civile et religieuse.
Les unes, comme celles relatives à Finstructloa,
seront décernées par les inspecteurs , sur le rapport de
Taumônier , de T instituteur ou des chefs d'ateliers; les
autres seront données , à la pluralité des voix , par les
prisonniers eux- mênves, constitués eu jury , sous la
présidence d'un inspecteur. Le droit de siéger dans ce
}ury sera lui-même une récompense, qui n^aura son
effet que pour une fois. On l'obtiendra au concours.
Toutes ces récompenses seront proclamées , en as- ^
semblée générale, danâ la salle destinée pour Fécole,
52^ BES PRISONS^.
par le plus aocian des inspecleafs , assislé à^ se» ee^^
lègues, de raaoïônier et de l'institotetir, èl en pré^
sence da gardiea et de lous les employés de la prison.
On lira dans la même séance , qui anra lieu au moins,
deux fois par an, la liste des condammés recpmmsufi-..
dés à la clémence royale.
' TITRE V.
pu RSQLV.E PHTSIQXJ£«
CHAPITRE I«'. Des prisonniers dàhs Vétàtdé sahii^^
Sectioiv 1". Des moyens de pré^t^et la santé contre-
Us dangers du séjour dans les prisons^
*
Nous ne devons avoir qoe très- peu d'ofaserralions.
à faire sous ce rapport, quant aux prisons quiaeront
c^msirnites nanvellement. Cofmnele il estȈ croire qu'on
mettra, dans le choix de 'remplacement et dan^- la
construction, toutes les précautions nécessaires, pour
prévenir les vices qui tiennent à L'ensemble^ on n'aura
point/ dans ces étaUissemens^à soutenir une lutte îné*
gale contre Tiusalubrité du locale et il suffira d'en-
tretenir, par des soins joarnaliers ou périodiques, la
propreté dans les bâtimens et da«s les personnes , pour
écarter tous les dangers do séjour daœ ces prisons.
Il n'en est pas de même des prisons actneèlea, qui
seront conservées, ne fât-ce que temporairement, et
jusqu'à leur remplacement ou à leur réédificaticm. Là,
se trouveront encore tous ces défauts de. localité , dont
DU REGIME PHYSIQUE. 5j3
le ^ prisonniers sont lous les jours victimes; position
humide et marécageuse « défaut d'air , absence totale
de riufloeace solaire , espace resserré an point d'in-
tepdire toute proindiiade, ou de n'eu permettre qu'une
représentatipn illusoire^ dans un préau de quelques
pieds carrés , où le soleil ne descend jamais. Il est ,
malheureusement , plus é'une prison de ce genre, et
les prisonniers, devront, sans doute, y rester encore
quelque temps, peut-être même des années^ jusqu'à
l'accomplissemetit de la réforme qui s'opère. Jusqu'à
celte époque désirée , il est indispensable de remédier,
autant que |)08sible» aux manx qui résultent des fâ-
cheuses conditions, que présentent beaucoup de pri-
sons, et de prévenir les dangers, dont elles menacent
continuellement ceux qui sont soumis à leur in-
fluetice. Quelque salubre que. soit une prison , il sera
toujours Irës^fâcheux pçor la santé > d'y faire un sé-
jour un peu prolongé. La captivité seule a des consé-
quences physiques , qu'il faut chercher à combattl*e ,
par un régime convenable ; ou conçoit que ces pré-
cautions sont bien plus nécessaires.encorè <lans les pri-
sons , qui laissent qoelqqe çliose à désirer, sous le rap-^
port de la salubrités
Le premier n^y en qu'on doive employer , c'est de
f4(piliter, autant que possible, la circtilation de l'air
dans toutes les piirties des bâtimens, d'ouvrir autant
de fenêtres que la prudence le permettra , el de déga-
ger les corridors^ escaliers et antres lieux de passage ,
de toutes les cloisons et constructions , qui les obs-
truent sans nécessité. Chaque fois qu'il ne sera pas
indispensable qu'une cloison existante soit conservée
pleine , on la remplacera par une claire-^voie.
524 DES Î^RISONS-
On emploiera aussi dans les ateliers et les ddrfoîr»^
les ventilateurs et les antres moyens propres à renoi>-
veler la masse de l'air , et à lai imprimer un mouve-
ment continuel. On aura soin également de substituer-
des fosses mobiles inodores aux fosses ordinaires , qui;
infectent touj^ours les prisons, au point que, dans celles,
qui ont peu d'étendue, il est impossible de fuir leurs,
désagréables.et funestes émanations.
Le froid est un des fléaux les plus à* craindre pour
les prisonniers; on devra* chercher à les en préserver ,.
en entretenant, dans les Jieux qu'ils habitei^t, une tem-
pérature modérée. Il est done indispensable de pour-
voir au chauffage ,^ dans toutes les prisons. On y par-
viendra assez économiquement, au moyen de poêles
de fonte, que l'on chauffera avec la houille on la
touii>e. Ces poêles, qui «seront placés dans les ateliers,,
auront 4es tuyaux , qui traverseront les galeries supé-
rieures ou dortoirs»
On évitera toujours de faire coucher les prisonniers;
au rez-de-chaussée; et, si le local est humide , on n'y
établira des ateliers, qu'avec toutes les précautions que
la prudence indique, pour pallier ce défaut. Ainsi, par
exemple , on fera des tranchées autour des bâtimens,.
s'ils étoient enterrés; les appartemens auront un dou-
ble plancher , etc.. Ces dépenses une fois faites, outre
le bien qu elles opéreront, en conservant la santé des
détenus , seront encore* la source d'une économie vé-
ritable , en prévenant une foule de maladies et d'affec-
tions scorbutiques , dont le traitement serait une
grande charge financière.
Il ne s'agira plus ensuite , que de tenir la main à ht
propreté journalière des appartemens , et des prison*^
l>tl REGIME PHYSIQUE. SaS
niers eux-mêmes. Nous avons expliqué en détail, dans
la première partie, les moyens d'y parvenir (i).
Section ii. Des moyens d'entretenir la santé des
prisonniers,
PARAGRAPHE PREMIER. Alimens.
Les prisonniers , quel que soit le genre de leur dé-
tention ^ recevront la nourriture fixée par les règle-
mens, une livre et demie de pain et une soupe, qui
sera* ordinairement à la viande , et les jours maigres ,
aux légumes.
La boisson sera de Teau.
On leur partagera la viande ou les légumes , qui au-
ront servi à faire le bouillon.
Dans le cas où Ton emploieroit de la gélatine ^ pour
faire la soupe grasse, on ne fera bouillir que le quart
de la viande, et Ton fera rôtir le reste.
Les fournitures de pain et de viande seront faites
par des adjudicataires , spéciaux dans chaque partie ,
qui concourront par soumissions cachetées ou partout
autre moyen qui seroit jugé convenable , aujc adjudi-
cations proposées par la commission des inspécteufs.
Les marchés ne seront passés que pour un an au plus,
et l'adjudication aura lieu , quand cela sera possible ,
sur échantillons.
Les détenus seront les maîtres d'ajouter à l'ordi-
naire de la prison un supplément , qu'ils se procure-
ront sur leurs gains.
Ils ne pourront acheter ces alimens extraordinaires,
que des marchands, qui auront la permission d'entrer
(i) Pages 117 -ia3.
526 DES PRISONS.
à cet effet dans la prison , et jamais de gardien , qui
ne pourra rien leur vendre.
Les marchés se concluront, comme on Fa expliqué
dansla première partîe(i), parles petites fenêtres, pra-
tiquées dans le mnr des ateliers ou des réfectoires.
Les marchands ne pourront débiter aucunes li-
queurs spiritueuses.
Ils pourront vendre du vin , mêlé avec de Teau , et
seulement jusqu'^ une. quantité, qi^i sera fixée par les
règlemens.
Les inspecteurs et le gardien feront tous leurs ef-
forts, pour prévenir les fraujdes au préjudice des pri-
sonniers. Le moyen le |>lus sàr est d'établir , entre les
marchands, une concurrence suffisante*
Pour prévenir la perte dq p^in , op rachètera des
prisonpîer^ celui qu'ils n'auroient pas nr>angé, pourvu
qu'il soit susceptible d'être distribué de nouveau f à cet
effet, i)s po^urront s^ réunir plqsieurs ensemble , peur
n'entamer un nouveau pain, qu'autapt qu'ils en auront
besoiq. ^
VABAGRAFHE II. Vétemens,
Les prévenus seront amenés à la prison^ avec les
habits qu'ils avoient spr le corps, lors de leur arresta-
tion. Ils auront la faculté d'apporter avec eux d'autre»
bardes, mais sans pouvoir changer aucune partie de
leur habillement, avant d'être dans la prison.
 leur arrivée , les habiès qu'ils portoient leur se-
ront ôtés. On dressera procès- verbal de leur état , et on
les déposera , dûment étiquettes et numérotés , cfcins
un magasin attenant à \à geôle.
(i) Pages 1 35-1 37.
DU REGME PfJYSIQUË. $27
Les pr^'y.enus et accusés s(eroj[|t les oiaitres 4e rem-
placer ces h<ibits par leurs y^temens ordinaires, soit
qu'ils les aient apportes avec eux j soit qu'ils les fassent
venir ultérieurement. S'ils n'en ont pas ou lae veulent
pas s'en procurer, on leur fournira des habits, sembla-
bles h ceux des condamnés.
Les condamnés , hommes et ferame§, porteront des
vêtemens de la même étoffe , en laine pour l'hiver, et.
en toile pour l'été. Tou$ ces vêtemens seront teints
d'une couleur uniforme , jaune indigène.
L'habillement des hommes consistera , pour l'été,
en un pantalon de toile , et une veste d'étoffe. L'hiver,
ils auront un pantalon et uqe capotte ei^ étoffe. Ils au-
ront aussi un bonnet également en étoffe.
Les femmes porteront , l'été , une camisole de toile
et un jupon d'étoffe légère; l'hiver, elles auront une
camisole et un jupon de l'étoffe conimune, indépen-
damment du jupon d'été.
Les uns et les antres rendront, à la fin de Thiver,
toutes les parties de l'habillement, qui ne devront pas
servir Tété. On les déposera au magasin , pour les leur
rendre aux premières gelées.
Les habits devront durer ^eux années pleines. A leur
sortie des prisons, les détenus reprendront leurs ha-
bits ordinaires. S'ils n'en ont pas assez ^ pour se vêtir
comp^létement, on leur laissera jusqu'à la concurrence
nécessaire, ceu^ qu'ils ont sur le corps.
Le linge continuera d'être administré par des dames
charitables, qui Tentretiendront et le distribueront
aux prisonniers. *
On donnera des sabots à tous les prisonniers, et
ils seront tenus de les mettre , à moins qu'ils ne leur
528 DES PRISONS,
substituent d'eux-mêmes des galoches ou des souliers.
Il ne leur sera jamais permis de rester sans chaussure,
ou vêtus d'une manière incomplète. L'hiver, ils por-
teront des bas de laine.
PARAGRAPilB III. Coucher^
Les prisonniers coucheront seuls , dans des cellules
sans commuïiication les unes avec les autres.
On leur fournira un bois de lit , une paillasse , deux
draps, deux couvertures et un traversin.
La paille ne sera renouvelée que tous les trois mois,
et cette économie donnera le moyen de subvenir aux
dépenses d'établissement des nouveaux couchers.
Les fournitures relatives au coucher, et , en général,
toutes les fpurnitures dans les prisons, se ferodt, comme
celle de la nourriture, par adjudication spéciale, et
pour une année au plus , si ce n'est pour les dépenses
de premier établissement , une fois fait^ , dont les
conditions pourront s'étendre à plusieurs années , s'il
est nécessaire.
CHAPITRE II. Des prisonniers dans l'état de
maladie.
Nous avons tracé, dans la première partie (i) , les
règles , qui nous semblent constituer lin bon régime
pour les maindes. Comme elles sont applicables à
toutes les prisons , et que l'on peut et doit les faire
observer , dès à présent , dans toutes les prisons » sans
délai et sans transition , nous ne les reproduirons pas
(i) Pages 1&6-164.
DU RBGIKIE PHYSIQUE. Sag
de nouveau , pour ne pas grossir, d'un double emploi,
un traité déjà volumineux. Nous invitons à obser-
ver toutes les règles qui nous ont paru nécessaires ,
pour l'envoi ou l'admission des prisonniers à l'infir-
merie, la tenue et le régime de cet établissement,
et les fonctions des diverses personnes qui y seront
employées. Elles nous paroissent suffisantes, pour as-
surer la régularité du service , et le succès des soins que
l'on prendra, pour rendre la s^ntéaux prisonniers qui
l'auroienl perdue.
On rappellera ici que toutes les prisons n'ont pas
besoin d'infirmerie. On fera bien de n'en ét;lblir que
dans les grandes prisons, où ellos devroient être régu-
lièrement occupées. Cependant , celles qui existent
dans des prisons moins considérables , devront être
conservées, si elles sont montées convenablement, ou
si elles manquent de peu des choses nécessaires.
TITRE VI.
DU KEGIME MORAL.
Trop négligé jusqu'à ce jour , le régime moral doit
être l'objet de la plus sérieuse attention , de la part des
administrateurs des prisons. La commission des ins-
pectenrs et l'aumônier sont spécialement chargés de
donner tons leurs soins à cet objet important , soit en
surveillant l'exécution des mesures propres à conduire
à ce but , soit en concourant par eux-mêmes à l'ins-
truction et à la correction des détemis.
34
Sâô DES PRISONS.
CHAPITRE 1". Du traitait.
Lb traVaîl étant le plus facile et souvent le plus puis*
sant moyen d'amendement moral , des ateliers seront
établis dans toutes les prisons, indistinctement. Mais
les condamnés seuls seront obligés de travailler. Les
autres détenus n'iront aux ateliers qu'autant qu'ils y
seraient portés d'eux-mêmes, mais on ne négligera
aucun moyen de persuîision , pour les y engager.
Les condamnés , à leur arrivée dans la prison dé-
finitive , seront enfermés seuls dans une cbambre de
force, éclairée seulement par un jour en entonnoir.
Ils y resteront , jusqu'à ce qu'ils aient demandé de
l'ouvrage.
Leur nourriture , pendant cet état de séquestre, sera
du pain et de l'eau. Ils ne pourront parler à personne,
ni recevoir aucun secours , soit en nature , soit en ar-
gent ; et l'employé , qui leur portera la nourriture, ne
répondra à leurs interpellations que lorsqu'ils auront
demandé à travailler.
Si le condamuiS reste plus de quinze jours dans cet
état d'oisiveté, il sera réputé en contravention à la loi
et condamné , par mesure de police, à rester deux
mois dans la chambre forte, sous le poids des mêmes
privations. Si , dans cet intervalle, il demande de
l'ouvrage , on lui en donnera là et il ne pourra des-
cendre dans les ateliers, qu'après le délai ci dessus fixé.
Il sera en outre privé de la portion, qu'il aurait touchée
sur-le-champ, dans les salaires qu'il gagnerait , autant
de jours qu'il aura d'abord passés sans travailler.
Les troisparagrapbes qui précèdent, ou leur équiva-
DU REGIME MORAL. S3 1
lent , seront affichés en gros caractères, dans Tendroit
le plus apparent de la chambre. L'employé, qui y
amènera des prisonniers, leur en donnera lecture en
arrivant.
L'administration fera en sorte que les prisonniers
ne manquent jamais d'ouvrage. On évitera de choisir
les travaux, qui pourroient nuire à la santé des détenus,
ou compromettre la sûreté de la prison.
Les travaux auxquels on se livre dans les manufac-
tures sont les plus convenables pour les prisons. Dans
celte catégorie , on remarque encore comme les plus
avantageux ceux qui ont pour objet le tissage du fil ou
du coton. Le travail de la laine est moins salubre et ne
doit pas être choisi de préférence , mais on peut l'in-
troduire dans les prisons , au défaut des autres , ou
comme leur supplément.
On peut aussi permettre aux détentis, qui ont une
industrie , de s y livrer dans la prison , toutes les fois
qu'il n'en résultera pas d'inconvéniens. Ainsi , les
tailleurs, cordonniers, relieurs délivres, tablettiers,
joailliers, lapidaires, et une foule d'autres peuvent,
s'ils le désirent , continuer d'exercer leur profession ,
pendant leur emprisonnement. On pourroît même,
avec certaines précautions, tolérer l'exercice de quel-
ques professions, qui paroissent dangereuses ^ parce
qu'on y emploie des instruraens de fer, mais qu'une
bonne police peut rendre absolument inoffensives.
Telles sont la menuiserie, l'ébénisterie, etc. Pour que
l'ouvrier ne puisse faire aucun mauvais usage des outils
qui lui sont nécessaires , il suffit d'empêcher qu'il ne
les emporte de l'atelier, où il travaillera toujours sous
les yeux d'un chef, et où par conséquent il ne pourra
6^2 OES HWSONS.
feîre , à son îtisu, aociïne 'dégrsitiâtion. iPcwr $'as»urer
ijuMfc ne iWlôiinrc^iil îinccrn otilîl , on atrfanti support,
•Âeslhië à les recevoir , appliqué conlfré la miTraille
et composé d'autant de cases . visibles qu'il y aura
d'ontih dans Tîitdier. *UnToup d'oril,ieté sur céUe
taîfl'etfe, afpprcîndra sortie champ filous les îii^u-
♦inems y ont été remis. ©'arHenrs onipoin*m tonjours
fouiller les prîsonnftéfs , à letn'isortîe dei'atéHer, et le
gkrffreu , respoti^Kle de la sûreté de la frrisoii , ^ra
tODJoitrs te maiître de refuser ou d'accorder la pennîs-
^lôi\ èe se livrfer à ces titivaux.
Miaisîl ne devra jamais pernneftrel'exefcice des arts,
pour fesqticIFs^rfaut un feu considérable , comme les
tbrges et en générid todfcfs 'ïes manipulations d^ mé-
taux, îifes coiiséqoenctrs de IHncendie d*une prison
sont trop effrayantes, pour qu'on s^y<«pose jamais.
Oti conçoit cependant que cette interdiction ne
doit pas flipper sur les arts, qiti entriahient -un usage
'modéré dû feu, comme celui des ^tisserands, auxquels
ilfailt un peu de feu pourTapprét de la toile , ou des
bi)0ijtiers, qui soudent de petites portions de métal
à laiiamme d\ine'l*ampe. 'Il yauroitde 'hat rigueur à
leur appliquer cette 'prdhibîtîon.
'Erifiii on tâchera de procurer à ceux qui n'e^vetit pas
travailler, et qui ne sont pas condamnés à une déten-
tion assez longue pour apprendre nn métïer, quelque
occupation facile et mécanique , qui puisse leur
assurer tin léger profit, et les délivrer du poids de
Totslveté.
Toutes les fois qu'on de^ra faire, dansles prisons,
quelques travaux, soit de réparation, soit d'augmen-
tation ou de perfectioiuremeitt , un y emploiera^ de
DU REGiaftE ]»«>|IAL. 533
Ipfféf^Me , les pcîsoQ^Qiei's ^ui eu, seroi^iil es^^blefii e|
Voii Wadme&tm qn'ài Uw <kf&Mt I^qs» Qiivx.iar& or-
dinaires.
Quel qnespît kgewe 4» iw^^H % wqxii&l s!^90ent
nité «fe- lear& pQÎne^,, ^ aMi«ii«e poriiuQt n« powra
élre dékHiTMQ t sui» ceMe qjui Ww^ ^parlîent ,. d^n^ 1$
pflrix de ii»4Mte d'omvre.
l'occupation g^év^le et hâ^tMluelW (h U ppispft ou de
tout ua ateUer , soii <|Me l^'oy^j^ag^ l«air s^it fÎMiif ni par
le Go(Uver«9«oeDt % $oJA qiViI% If^v^Ubat pour le
CQimf)te (k iô<iAuraciai'iec$ , ^eçoAt payés et (irailës
corau»e les.«iUMirie9fl| 49S fWinu(açJiiweSACÇMfi»rjpakéfnent
» UH to^if , ar?été entre Us f Aii?epreneurs d^S; travaux
9l h tQxtxmmmh d>9s^ inspye^t^cirst , et atlkM dans les
ateliiers.
Cen% qui eioercere^ iHie industrie spéciale et t^ra-
^^Ulerofit individ^ell^meiit pour le compte des parti-
culiers, Fecevro^t euX'isoéiDes les coaunandes, ^ui.
leur seront faites et çoiivIeii^Qnt du pvix de leur tra-
vail. Cette ûégoci^iGMA aura lieu de la ruéme oiauière
que les aciiats autorisés d'aUmens extraordinaires. Ij»
greffier,, dans les prisQ^s m il y en aura un , et , dans
les apures ,^ \» gardien, tieudpQ^ii iiote de ççs conven-
tions et ieci porteront sur l'état du >ouv.
Le prix stipulé sera payé^ par les particuliers, entre
les mains de Tiospecteuc de service , qui le recevra .,
sur le vu de Tëtat dressé par^ le- greffier. Il le remettra
sur-le-champ mi déteuu>. s'il n'esl pas condamné > et
dam le cas eoutrairet il ne lui eu remettra qu'une
portiou.)^^ qui ne pourra p9S e^u^éder le tiers, mais qui ,.
534 DES PRISONS,
suivant les circonstances et confcMrmémcnt aux règle-^
mens particuliers, pourra être inférieure à cette pro-
portion.
Les sommes, dues à l'administration par un prison-
nier, pour dégâts on pertes occasionées par sa faute,
seront prélevées^ sur la portion, qu'il auroit eue sur-
le-champ, et n'affecteront jamais celle réservée. Si elles
excédoient le tiers du gain de deux mois, ellesseroieiit,
pour la portion excédante , assimilées aux condamna-
lions de dépens et recouvrables de la même manière.
La portion réservée sera déposée, toutes les semai-
nes, à la caisse instituée pour les consignations, et le
condamné , après l'expiration de sa peine , ira y récla-
mer la somme , qui lui appartient sur ses sabires.
Chaque condamné aura un livret , disposé par cases
pour chaque jour, dans chacune desquelles l'inspecteur
de service inscrira la somme par lui remise au prison-
nier^ pour ses besoins journaliers. Cette inscription
fera la décharge de l'inspecteur. Au bout de chaque
mois on fera le total du gain , et le greffier dressera
un état général , sur lequel le receveur des consigna-
tions vérifiera les versemens qui lui auront été faits ,
chaque semaine, par les inspecteurs de service.
 l'expiration de sa peine , le prisonnier fera viser
son livret, par le greffier et l'inspecteur de service. Le
total général sera fait , et l'inspecteur, en arrêtant le
livret, écrira, de sa main^ et en toutes lettres, la
somme qui sera due au prisonnier. Cette somme lui
sera payée , sur la représentation et le dépôt de son
livret. S'il y avoit quelque soupçon d'erreur dans le
compte général, soit par l'effet d'une erreur de calcul,
soit par celui d'une falsification, ou d'une surcharge.
DU REGIME MORAL. SJS
tm recourra aux états de mois, déposés à la baisse dea
consignations^
Le livret restera entre lesmainsdii receveur, comme
pièce comptable.
il contiendra une colonne, pour inscrire les amen-
des ou restitutions , que le détenu pourroit devoir ; la
balance sera faite, ati bout de chaque mois, et cons-
tatée par l'aiETêté mensenaire. '
Les prisonniers qui se distingueront , par leur assi-
duité au travail et leur habileté, recevront, à titre de
récompense , une prime en argent ou un prix , consis-
tant en outils, ou en matière à travailler.
CHAPITRE II. Iiisiruciian cwile.
Les prisonniers, relativement à Tinstructiou dont
ils sont susceptibles, sont naturellement diviçés en
deux classes , les enfans et les adultes. L'âge de dix-
huit ans fobme le point de séparation de ces deux
catégories.
Les enfans apprendront,, indépendamment d'un
métier quelconque, à leur choix parmi ceux établis
dans les prisons, tout ce qui compose renseignement
élémentaire, c'est-à dire, la lecture, l'écriture, l'a*
rithmétique simple , et le dessin linéaire.
Ils recevront, en même temps, une instructioii
morale , propre à leur faire comprendre et aimer l'or-
dre social, et les devoirs de l'homme en société. On
leur mettra entre les mains un livre, composé pour
cet objet , et ceux qui auront parcouru le cercle entier
de l'enseignenxent ordinaire , suivront un cours dog-
536' BEs pnisoîta
mdlique de morale } qoiseï^ ftnt&fpécr^êitteM à fenr
usage.
Le» âdViltes apprenducnit' tous nu métier, ih moins
qu'ils n'aient déjà une industrie, soitn^cdniqne, soit
Hbérale, qui puisse leur procurer une existende assa-
vëe , pendant et après leur détenttÎQni
Hsapprendi'ont également & Kre , écrire et compter.
Cette partie d'études sera obKgatbire pour eux, à
peine de retttan^hement de hr soupe, toutes les fois
Qu'ils auroient 'manqué à la leçom
ïls âuron*la feculté d'apprendre, s'ils le veuïent,.
les autres notions, propres à compléter l'instruction
d'un artisan, le* dessin, la mécanique, et la chimie,
dans leur appKeaftion- aux différentes professions, et
l'économie industrielle.
Les femmes apprendront de plus la confire el le
tricot.
Ces diverses branches d'enseignement, seront mon-
trées aux prisonniers par la méthode de Fenseigiie-
ment mutuel.
li y aura, dans chaque prison, un instituteur en
chef, qui sera chargé de toute la partie purement scien-^
tifiqne de renseignement. On a vu , plus haut , dans
quelle classe on pourrit le choisir et les aivantages
dont il jouira.
Il donnera, chaque jour, une leçoit d'ime heure,
pour tcms les prisonniers à la fois. On conçoit com^
bien cela devient facile, avec la méthode de Tensei-*
gnement mutuel.
On pourroit prendre , pour fonder Tétablissenrrent ,
un des officiers, qui ont monté les écoles régimentaires»
DU REGEMK IVIOKAL. S»?
^xte le âânDier minislre de la (ÇYierre''avoil itistitnées ,
eu toBteaiittoe piwsanne, familière avee ki méthode d^
tVnseignelnc^nt in»tiiel , qm , 'efi peu d^ temf)9 , for-
mera FiTistitttteiip> ai» mécanisme simple et facile de
ce luadè d^îastruction^
Un homme distingué par ses htmiètes^ et qui , ait
milieu des puissances de la fortune , ne dédaigne pas
de s'occopep des fins modi<|aes ^ntérêlÀ des classes in-
digentes^ et d'écon,omîsep scrupuleusement leur bé-
méïiee le pikis léger ^ a Irrouvé un- m^en* de faite en
sr>rte que Ite leinps iioosacré à riAStractîon ne fàt pas
retranché, sans dédommagement, de celui que l^e»
prisotûiierS' peuvent donner à>u»tt*aTa<il Uicratitl C^est
à t'aide dies>IMgèves grMî'ficati'ons, mitées ddne les écoles
d'enseignement mutuel^ qu^'il parvient à rendre pro-
dnetinres- poop le prisonnier les hfevireft mém<es , qu'il
enlève à 4on travail. Il a calculé que le taux moyen d(^
k» poiHion des salaires , kitssée » kii dispûsi^io» ctes pri-
sonniers^ est de 2a centimes, pour une journée de dix
heures; c^est donc 2 centime» et deiv^i par benre, que
les prisonniers reçoivent communément. L'usage est
dt dtonner une gratiftcatkNt de 2S cent, aux écoliers ,
qui passent d'um^claeser dans la classe supérieure ; et ,
comrùcf cette motalio» peHI avoirlien toos les cKx jours,
et même tous les huit jours, les prisimniers , avec une
heure de leçon par jour, setirniveront gagnev autant,
que s ils av-oient tvavaiUé, le roénse espace de temps ,
à lenr métier ordUta^re, déduction faite cependant
des deux tievs de réserve* Je ne puis trop inviter à
prendre en considéfalio» ^ ces vues , aussi judicieuses
cfne philantropiqnts, d'un homme , dont t'expérience
égale l'humanité.
53» DES PRISONS.
Indëpendamnient des rëeômpenses et diâtînctions-
àe détails >qui sont les résultats immédiats de la mé-
thode employée pour kistraire les prisonniers , l'assi-
dnité ail travail et Ws progrès dans l'instruction se-
ront récompensés, d'aprèslesr^ègleSy posées ci-dessus, à
la section des récompenses^
CHAPITRE un mstruction religieuse.
\
i
Les enfans seront^ instruits, spécialement et en
Cdrme de cours , sur le dogme et la morale de la re-
ligion.
L'aumânier sera exclusivement chargé de cette par-
tie de renseignement , pour les détenus, catholiques.
Ceux des autres religions^ sectes ou communions,
seront instruits exclusivement par leuBS ministre». res-
pectifs.
L'aum6nier catholique mettra Içs jeunes détenus
en état de faire leur première communion, et s'ap-
pliquera à leur faire aimer la religion , qu'il leur en-
seigne.
Il devra faire régulièrement^ et à jour et heures
fixes, une- instruction théorique ou catéchisme, à
Tusage des enfans seuls , et y joindra , suivant Toccasion^
des prédications ou des exhortations, particulières.
Les hommes faits n'auront point de catéchisme;
mais Taumônier tâcher^ de remplacer Tinstruction ,
qu'on puise ordinairement dans ces leçons , au moyen
d'homélies oq prédications courtes et simples , dans
lesquelles il leur rappellera, ou même au besoin,
leur enseignera , les vérités fondamentales de la re-'
ligion.
DU REGIME MORAL. 63g
li saisira avec adresse les occasions de leur faire
des exhortations, propres à les toucher et à les convain-
cre, sans s'as&njétir à aucune përiodieitë.
L'aumônier sera cl^iargé d'annoncer , en chaire, les
grâces , les commutations de peines , et les autres bien-
faits de la puissance royale , en faveur des prisonniers.
Il fera précéder cette annonce d'une exhortation » qu'il
aura soin de rattacher à la circonstance.
Indépendamment de ces prédications, destinées à la
masse des prisonniers, le zèle des aumôniers leur
inspirera souvent de faire, à certains d'entre eux, des
exhortations particulières et individuelles , selon qu'ils
le jugeront nécessaire, soit pour déterminer une con-
version, prête à s'opérer et toujours différée, soit
pour vaincre un cœur, trop endurci pour céder aux
exhortations générales. Ils feront usage , dans ces occa-
sions, de tous les moyens propres à toucher les cœurs ,
et surtout de la connoissance, qu'ib auront acquise, du
caractère, des habitudes et des particularités de chaque
prisonnier. La prison devra leur être ouverte à toute
heure , et ils pourront toujours voir les prisonniers ,
soit pendant les repas> soit dans les préaux , soit dans
les ateliers-
L'aumônier fera observer régulièrement les de-
voirs extérieurs delà religion, par toutes les classes de
prisonniers. Tous les dimanches et jours de fêtes lé-
gales, il célébrera l'office divin , auquel tous les dé-
tenus devront assister. La gendarmerie , et un déta-
chement des troupes casernées dans la ville y assiste-
|-ont en armes.
54» IkES FftKSQNS;
CHAPITRE IV. ISducatton.
J'ai rasseiriblé soiis le litre d'éducation,, dans I^
preniîcrp partie de ce Traité (l), l'ensemble de tous.
les moyens, par lesquete on pentîhdîrectemeat,. ame-
ner les détenus au poînt on doit toujours tendre une-
détention légate, Tamendement moral des con-
damnés. L'instruction théorique n'est jamais suffisante-
pour opérer la réforme des încHnatîons nriorales; ce-
n*est pas assez d'avoir éclairé Fesprît et montré à-
l'homme fes d'evoîrs qu'il! doit remplir ; ît peut être
ronvaîncu, mais il n'est poînt persuadiez II faut, pour
obtenir quelque succès» en soumettant sa raison , ga-
gner Tassentiment de sa volonté etlui faire v^ouloir et ai-
mer ce dont on lui a prouvé la nécessité et ta justice..
Tel" est le but de ce que j'appelle éducnthnà^ pri-
sonniers , à cause de l'analogie qui existe, soit pour ta«
fin, soit pour les moyens, entre cet ensemble de
soins et ceux qu'on prend , pour inspirer aux enfans,
lessentimcns, qu'R s'agît de rappeler o«i de foire naître
dans le cœur des prisonniers. Il faut cependant remar-
quer, entre ces deux éducations, nne différence capitale,
qui tient à la position des sujetsXes enfans ont tout à ap-
prendre, mais ils n'ont rien à oublier ; leui:âme a encore
toute sa pureté native, et ils'agit seulementd'y faire ger-
mer des semences de verh» ; mais les prisonniers ont ,.
pour la plupart, une foule de* penchans vicieux,,
d'erreurs ftmestes, de préventions fatales à déraciner
ou à combattre. Avant de leur apprendre la vertu , il
faut les arracher au crime ; la tâche est donc plus que
(i) Pages 3oo-35a.
DU RÊMME MORAL. S4i
dotfblëe à leur égard : mais les ^moyens sontles mêmes,
pour les 'lins «et pour les autres. La pilupiart cemsi^tent ,
moms dans remploi de «mesures positives «t suscepti-
bles d'être indiquées y que dans Tesprit qui dirige la
conduite des supérieurs de la prison , et de leurs agens
aubattemes ; et, comme de pareils «conseils tie peuvenft
guère élre appréciés que par des personnes instruites
«t habîttiées à Téflécîhîr , c'eôt surtout àTaumônier,
à rinstituteur et aux inspecteurs que nous Temeltt ans le
soin de rendre familier aux prisonniers cequ on leur
aura fait concevoir par renseignement théorique ,
d'intéresser leurs cœurs aux vérités, que leur esprit aura
saisies, de préparer, dans certains cas, de confirmer,
dansd^autres , la conviction , en joignant aux lumières
de la raison toute la chaleur du sentiment.'Si les choix
iSoht faits convenablement 'et avec impartialité , le gar-^
dren en chef sera souvent digne de comprendre et
d'exécuter ces règles. Nous noiïs en rapportons au zèle
de ce fonctionnaire, pour concourir, de'touteson in-
fluence, à la correction des prisonniers.
Le but de l'éducation , que nous proposons de don-
ner aux prisonniers , est de leur rendre aimables c%
familières,'les grandes'idées morales, qui comprennent
et déterminent tous les devoirs de Thomme, ordre
social , vertu , religion* Nous avons indiqué dairs la
première partie quelques-^uns des moyens, qui nous
paroissent propres à conduire à ce>résultat. Les uns dé-
pendent de l'organisation même des prisons et agis-
sent, par eux-mêmes , sur le cœur des prisonniers;
nous les avons indiqués, dans les chapitres auxquels ils
se rapportent, et on les y aura facilement reconnus:
'telle est la faculté , accordée aux prisonniers , d'avoir
543 DES PRISONS.
quelques propriétés, par la concession temporaire
de certaines portions de terrain cultivable. Cette
institution , en leur apprenant , par leur propi-e
. expérience , le prix d'une production due au tra-
vail , et rinjustice de celui qui Tenlève à son pro-
priétaire, leur donnera, d'nne -manière frappante,
l'idée fondamentale de propriété , $»r laquelle repose
tout l'édifice social ; telle est encore Tinstitution d'une
espèce de jury entre les prisonniers, ponr prononcer
' sur certaines récompenses ; cet exercice de la justice
est-plus^ sur qu'un an ,de leçons, pour faire compren-
dre à des condamnés ces grandes lois d^équité, que
nous regardons comme faciles à connoitre, et dont
beaucoup de prisonniers sont toutefois si éloignés.
La fonction d'annoncer les grâces, réservée à Tau-
minier est encore un de ces moyens, qui agissent
d'eux-mêmes et qui» peu vent être très- efficaces, en
liant à l'idée de religion , celles , si douces pour des
prisonniers, de grâce et de liberté. La vue du pasteur,
celle de la chaire, d'où ils ne recevroient que des conso-
lations, leur rappelleront toujours les émotions douces,
qu'ils auront éprouvées à leur occasion, et ilsarriveront
toujours au pied des autels, avec cette tendresse de cœur,
qui est la meilleure disposition , pour recevoir des
leçons, quelles qu'elles soient, et pour en pri»fiter.
Indépendamment de ces moyens, qui agissent d'eux-
mêmes et sans le concours nécessaire d'aucune volonté,
il en est d'autres, qui tendent au même but et qui ré-
sultent de la conduite, que tiennent les supérieurs.
Ainsi, pour entretenir dans les prisoimiers l'idée de
justice, il faut toujours qu'on en fasse sa règle à leur
égard. Si on blesse une fois la justice envers eux, ils
DU REGIME MORAL. 543
tie la respecteront jamais eux-fnêmes« C'est, là surtout
qu'il faut convertir par l'exemple. L'arbitraire des
chefs sembleroît aux condamnés une justification de
leurs forfaits passés.
Cette équité parfaite est encore nécessaire , pour
leur faire comprendre et. aimer Tordre social, Tune
des idées, avec lesquelles ils sont le moins familiarisés. '
Ce n'est qu'en suivant les règles invariables d'une im-
muable justice, et qu'en ne laissant aucun doute, sur
eelle. qui préside à .toutes les déterminations, qu'on
pourra leur faire sentir la nécessité des sacrifices tm^
posés aux particuliers, dans l'intérêt général. Nous
avons essayé , dans la première partie, de tracer la
marche à suivre , pour leur ap|urendre le prix et les
douceurs de la société.
Enfin les administrateurs, desquels dépend particu-
lièrement l'éducation des prisonniers, ne doivent pas
perdre de vue que c'est par le ressorrde la liaison des
idées , qu'ils parviendront à tourner au bien le cœur
de ces hommes, et que c'est en ayant l'art de lier des
idées agréables, aux objets qu'on veut leur faire aimer
et des idées tristes et repoussantes, à celles dont on vent
les détourner, qu'on réussira à leur inspirer ces senti-
méns et à les dévelop[{)gr chez eux , dUme manière si ,
naturelle, qu'ils les éprouvent, comme d'eux-mêmes et
sans suggestion. C'est la liaison des idées, qui doit être
l'agent de leur éducation, en provoquant et non pas en
suggérant celles qu'ils doivent acquérir.
Nous n'entrerons point ici dans un détail superflu
et qui ne seroit qu'une redite des principes déjà éta-
blis dans la première partie, au chapitre de V Educa-
tion. Il nous suffit, en terminant, de rappeler» d'une
■N
S44 I>ES MtfSOKS. •
nminèpe ^ësërab , les tè^kes ppîndî palets^ qtii doivent
faire lOfMiiiBerefippittde toute 4 'Hdfnilmtralîon et qui ,
en ae paltaohant à trédacatiofi , doirt eties Swirtent les
bases et dirigent les opérations , présentent , en quel-
que^sopte , le «pésumé-de tont oe que inoos avons en à
dire , sur le 'régime des<pntsom.
La-déteutiondes condamnés a moins f)our faut de
pmir/Ies individus «coupables, que de prévenir le retour
de semblables crimes» soit par la rterrenr dedleieeRiple,
soit'par ramendoment «moral du prisonnier. EUe 'dort
donc>êtpe assez^pémble f'pour détoomier^du ciimecpiy
e!Xip«)6e, tet «assez inâlructive,'paiir rendre des crnidam-
nés ci^ables de tenir <un Tang -estiniable dans la so-
ciété, ai la loi leur ;pe9met d\y rentrer, .après un
certain temps dVxpiation.
Le temfJS 'deJa détention d«iit «dcmc'ètre employé,
totitiCBlier^ a ramélioration «noBale'de»condanines;et
tout , «dansle syétèmedes prisons, doit «tendre à>réfomier
leurs inclinations vicieuses età^ileur inspirer le verin.
Le itravarl les déUvrera de J'oisiveté,>et leur «ensei-
gnera à préférer un gain médiocre , mais assuréet sans
danger ,auK chances , toujours funestes et tonjouFs>in-
f&meSy delafainëantiseet de rimprobité.
L'instruction civile , en leq]^ ôtaot leur ignorance,
les élèvera àleurs propres yeux., et préparera laiioUesse
des sentimens , en faisant reiuaitre Tamour- propre ;
elle leur donnera en même teoips des •coniioissancès
précieuses et des moyens de subsistance plus «étendus.
La religion sanctionnera, daplos auguste ascendant,
lesleçonsde la» morale, et mettra un frein salulaire^ux
passions -de ces hommes, trophalûlués à s'y laisser
entraîner.
Ï)ÈS DÉPENSES, 545
ËnËn,si l'on i)e petit avoir tropcrëpfards pmir les
^monnîers qoi ne sont pas encore condamnée, it ne
faut pas oublier que ) pour les autres, la défention est
une peine f qui ne dort élre aggravée, ni adoucie et
tjue le but seroit manque , s'jl pouvoit arriver que ^
par un excès d'indulgence , on eut mis un prisonnier
dans le cas de ne pa« désirer , toujours et avec ardeur «
rinstant où finira sa captivité.
TITRE VII.
DES DEPENSES QUE PEUT ENTRAll^ER LA RÉFORMI; Î>EH
PRISONS^
Nous 3 Von S proposé des réformes assez nombreuses
dans le régime des prisons; ces améliorations entrai-
jfieront nécessairement un surcroit de dépense , au
moins pour le moment actuel et à raision des frais de
premier établissement. Terminer les bâtimens des
maisons centrales , reconstruire ou améliorer un grand
nombre de maisons d'arrêt et de justice ^ et les mettre
en état de se prêter aux subdivisions , que nécessite la
diversité des genres de détention , réparer ou nriéme
construire un petit nombre de dépôts, pour legîte des
pi;isonniers transférés, enfin améliorer te régime in-
térieur , sous le doubje report physique et moral ,
telle est , en aperçu , la vaste enlreprisf de la réforme
des prisons.
Déjà toutefois beaucoup de ces travaux sont exécu-
tés: sur dix-neuf maisqns centrales , seize sont en ac-
35
S46 DES PRISONS,
tivité et n'attendent plus qu'un complément de détails,
pour pouvoir loger le nombre de détenus auxquels
elles sont destinées ; une est prête à recevoir les pri-
sonniers et deux •seulement restent encore à disposer.
Il reste plus à faire aux prisons départementales; mais
les dépenses-, qui leursont relatives, tombant , en grande
partie, à la charge dés départemens, ne diminueront
que peu la somme, qui sera allouée sur les fonds natio-
naux , pour Tamélioration des prisons.
Le dernier ministre de 4'Intérieiir, qui portoit une
attention toute particulière à ce projet important , a
calculé en masse les dépenses ,« que pourront entraîner
les diverses réformes , que sollicite le régime des pri-
sons. Il pense que 4,5oQ,ooo fr. suffiront pour Taché-
vement des maisons centrales , et propose de répartir
celte dépense sur les quatre années 1820, 1821 , 1822
et 1823. Quant aux prisons départementales , comme
il en est beaucoup , qu'il faudra rebâtir entièrement ,
un grand nombre, où des réparations considérables
sontnécessaires,et qu'il eu est quelques-unes, auxquelles
il est indispensable d'ajouter des préaux, soit par l'acqui-
sition de terrains^ soit par la démolition des maisons
voisines, cet article entre pour quinze millions dans les
calculs du ministre, en y comprenant toutes les prisons,
autres que les maisons ceiitrales, à la charge du tfésor.
11 évalue la fourniture du mobilier a 2,000,000 fr. ,
ce qui donne, pour l'ensemble des améliorations pro-
jetées, une somme totale de 21, 5oo,ooo fr.
:Ces dépenses, d'après les. vues développées par le
ministre dans son rapport au Roi , seront remplies,
partie par les centimes additionnels centralisés , partie
par un fonds supplémentaire fourni, par le trésor, pour
I)fîS DEPENDES. 54^
suppléer à rinsuffi$ai)ce de cette ressource, et de celle
résultant des centimes facultatifs, dans chaque départe^
ment. C'est pour cet usage qu'il proposoît* de porter
au budget de TEtat, un crédit spécial de 1 «500,000 fr. ,
qui seroit réparti , p0r les ordres du Roi , entre les dé-
parteniens, dont les revenus seroient ihsuf&^ns^pour
subvenir aux dépenses d'établissement ou d'amélîora-
tiondes prisons qu'ils renferment. Sur ce crédit,5oo,ooo
fr, feulement seroient affectés aux prisons départe-
mentales, quoique leur amélioration soit susceptible
d'entraîner la plus forte dépense , parce qu'elle doit
être supportée par les départemens et que le fonds
supplémentaire ne peut être considéré que comme
un secours, pour ceux dont les dépenses excèderoient
les ressources. Mais, quant aux maisons centrales» qui
sont entièrement à la charge du trésor, il falloit né-
cessairement leur préparer des fonds plus considérables
dans le budget national:
C'est ainsi qu'au moyen d'un léger sacrifice pen-
dant quelques années^, la France parviendra à faire de
ses prisons, une institution, digne de servir de modèle
aux autres peuples. Quant aux dépenses annuelles «et
d'entretien, elles ne seront pas considérablement aug-
mentées, et les revenusque les prisons acquerront petit
à petit , fourniront le moyen de supporter ces dépen-
ses, concurremment avec les sommes annuellement
portées dans les budgets.
Il nous reste, pou# terminer notre ouvrage, à indi-
quer le prix des diverses améliorations, que nous avons
proposées. Cet état aura l'avantage de présenter le ta«
bleau des réformes, que nous avons jugées neces^ires
et de faire comme le résumé de nos propositions. Il
548 t>ËS PRISONS.
démontrera , en même temps , la possibilité de ces ré-
formes, en précisant des dépenses, qu'on est toujours
disposé à s'exagérer, quand on ne les calcule point en
détail. Cependant nous chercherons à éviter le repro-
che d'atténuer le prix des diverses constructions ft
fournitures nécessaires, pour qu'on ne nous accuse pas
d'avoir voulu séduire par Tattratt d'une dépense lé-
gère, quand nos demandes exposoîent à en faire une
plus considérable. C'est dans cet esprit qne nous por-
terons les divers articles de dépense à la somme qu ils
attendraient , si l'on y employoît des ouvriers ordî-
nairesj et , comme la plupart de ces travaux pourront
être faits par les prisonniers , on conçoit qu'il y aura
nne grande économie à faire sur la maii> d'œuvre\
tant à cause de sa modicité , qu'à raison de ce que la
plus grande partie en festç applicable à la prison. Ce-
pendant, dans nos évaluations, nous faisonsabstraction
de cette différence , qui néanmoins est importante et
ne devra pas être perdue de vue par l'administration.
CHAPITRE !"► Frais de premier établissement.
Nous n'entrerons point dans le détail des diverses
réparations • et augmentations à faire dans les prisons
qui seront conservées. La nature des choses ne le per-
met pas; il n'y a peut-être pas deux prisons en France
où il faille exécuter les mêmes travaux ; il est donc
impossible de prévoir, dans un -«perçu général, les
dépenses que pourra nécessiter l'état de chaque prison
en particulier. Mais, en ciilcoUint ce que pourront
coûter la construction entière d'une prison, telle qu'elle
doit être , et la fourniture des objets qui y seront né-
DES DEPENSES. 549
cessaires,. et en donnant le déiaîl des diiTérens articles ,
on verra facilement ce qu'il en coûteroil, pour celles
qui n'auront besoin que de quelques augmentations
partielles*.
Section 1". BAtimens:
Ici , comme plas haut ,^nous prenons encore pour
base la prison de eent prisonniers.
La prison proprement dite , se com^
pose de quatre aîles.de 1 00 pieds de long
sur 20 de large t ^ deux étages carrés»
sans mansardes. 11 n'est poiint d» dépar-
tement , où Tôii ne trouve 0 faire cons-
truire les murs, U cav^, la charpente et
le toit d'un bâttmiîni de ce genre , à rair
son de i5o £i\ le pted de kniigueur, le^
tout en pierres* Le bâttfiuent de la pri-
son ayant 3 20. pieds de U)ngiie.nr ^ re-
viendra donc à quarante-huit raille fr. ,
ci. .> ... • . t • . . • * . • . • . .X. . .... . , . . . . . .. 4^yQ00f. » c.
L'enceinte extérieure, ferixiani clÀ^
iure« consistera eti deitx murs de 20.
pieds au moins d'élévaitio».^ placés à dix
pieds i'i*n jde l'autre , pour laisser .entre
deux un chemin <le ronde, «t<diii;ii|iuant -
d'épaisseur à- miesure ài^ l^r élévation. -
Comme le prix, de ceUe c^inslruction
dépendra de l'étendue, d^ >tei^i^ , qui
sera affecté à l'établissement «ntîer, et
. (qu'elle sera plu$ ounioin^ cojlisidérable ^.
4^)000 f. >» c.
55o DES PUISONS.
De l'autre part 48iOOof. » c,
suivant que le préau , qui enlourera la
prison proprement dite, sera plus ou
moins grand, on ne peut ici Tévaluer
que d^une manière approximative , à
soixante mille francs 60,000 »
Les planchers coûtent au pins 3o fr.
la toise carrée; chaque étage ayant 177 t.
7 S de plancher, la totalité des trois plan-
chers sera de 533 t. 34 9 qui reviendront
à seize cents francs , ci. • 1,600 »
Les fenêtres sont d»dtfférentes sortes,
à cause de leur usage ; les unes , comme
celles des ateliers et les grandes qui se
trouveront dans les dortoirs, de quatre
en quatre cellules, auront 4 pi^s de
large, sur 8 de hauteur. On en pereçra
48 de ce genre , dont 24 au rez-de chaus-
sée, ^t 34 au premier étage. Chacune
d'elles évaluée à 35 fr. , le tout coûtera . • i ,680 »
Chaque cellule aura, de plus^ une pe-
tite fenêtre, de 4 pieds sur 4 9 qu^on peut '
évaluera i5fr. chacune, en éout quinze
cents francs , ci . . * — ./..:.....'.... i,5oo »
Les barreaux pour les grakides croisées
coûteront 715 fr. à chacune. Ceux des
grandes croisées donneront trois mille
trois cent soixante francs, ci. . ^ 3,36o »
Ceux des petites croisées^ à raison de
,i5 fr. chacune, à raison de leurs moin-
*
(i6,i4of. » c«
DES DEPENSES. 55i
Ci-conire ii6,i4of. »c.
àtr%s diiTieostons y q«i permettent mie ré-
diiction considérable , coûteroient pour
cent cellules, quinze cents francs ;, è\\ .• i,5<)0 »»
Les ateliers ou réfectoires auront en
outre cinq à six œils de bœuf , qu'on peut
évaluer ensemble , tout ferrés , cent fr . . i oo »
Quant au second étage , où sera l'é-
cole, il n'aura également que de petites
fenêtres^, placées dans lapartiesupérieure
ûes murailles. 24 croisées de- ce genre,
évaluées à 20 fr. , donnent quatre cent
quatre yiiigts francs, ci 48o "
Les barreaux, à i5 fr. par croisée,
donnent trois cent soixante francs , ci. . . 36o >*
L'escalier, sur upe largeur de 4 pieds,
,avec marches de i a pouces de giron, et
contre-marches.de 6 pouces de hauteup,
coûtera par étage* 85: fr., et pour deux
étages 190 fr., ci. 190 »
Les portes sont de différentes espèces :
les unes , destinées à la clôture , doivent
être très-forte§ et solidement garnies en^
fer; les autres, servant seulement àdes-
communications intérieures, peuvent
être d'une construction plus légère. Les
premières peuvent être évaluées à 60 fr.,
et les autres à 20 fr. au plus. .
La ge61e aura trois portes de la pre^
«nière espèce; en tout cent quatre-vingt
■^r-
^ 18,770 f. «c.
552 DES PRISONS.
Oel'au,tnparU , 1 1 S.yyof. » c.
f'^ancs .80
100 M
La porte extérieure, composée d'un.
gnichet du côté de la prison , et d'une
porte à deux battans doublée en fer,
coûtera deux cent francs , ci 200 »
Les portes de distribution se com-
posent: . '
i"* De deux portes à la
geôle........ , 4of. «c-
2* De cinq portes d'aten
'^^l's..... ,... ,00 /
3° De quatre portes de ^ 54o »
séparation au premier, et
autant au sepond. , 1 60 «
^ 4"^ De douzQ portes pour
les chambres fartes, etc. 34© n
Les cloisons de réparation seront eu
iriques de champ, recouvertes en mor-
tier de chaux et sable; cette bâtisse^
qu'on peut faire au prix de 7 ff. ao c,
la toise quarrée, a, sur les cloisons en
bois, l'avantage de ne pas se déjeter, et
detre aussi soUrde qu'une mnraille.*
D ailleurs, une cloison en chêne coû-
teroit toujours dé 27 à 3o fr, la toisè
quarrée, et en bois blanc, de i4à i5.
La distribution des ateliers entraî-^
nera au moins 90 toises dé'rfoifions, ci. . 6X8
Chaque cloison des cellules , à 8 pieds
i:?o,338f.
« c
DES DEPEiNSES. SS'i
Ci-contre i2o,338 f. >* c^
d'élëvation , sur 6 de longueur, contien-
dra I t. \ quarrée. Il en faudra 126 pour
faire la distribution des dortoirs, c'est
donc 168 ^ toises quarrées, qui, à 7 fr«
20 c. la toise , donnent i,5i3 m
Les chambres de force et le second
étage, hécessiteront environ 100 toises
de cloison « ci .720 >^
L'infirmerie présente 4^ pieds de bâ-
timent ; d'après les bases posées ci^essas,
elle coûteroit 3,825 fr. en pierres et char-
pente , bâtisse avantageuse pdur l'écono-
mie du terrain, et toujours suffissinte
pour l'infirmerie « . . . . 3,825 »^
Escalier 1 80 »
4 portes au rez-de-chaussée -80 »
I à chaque étage « « 4^ '^
16 fenêtres à 35 fr. <;hacune, donnent
56o fr. , ci. ........ » 56o »
17 toises de cloison au rez-de-chaus-
sée, et autant pour les distributions
qu'on ponrroU faire dans les étages su-
périeurs • 3o6 »
Section 11. Mobilier •
Six poêles 120
Les métiers seront à la charge du four-
nisseur des travauit.
n
•^
1 27,682 f. » c.
554 DES PRISONS:
De t autre pari. 127,682 f. » c.
Memis. meubles et ustensiles , pour le
service des alîjmens , environ 100 »
Pharmacie et m^di'camens 800 »»
Lits d'infirmerie au- nombre de 20 , à
raison de. i5o fr. ponr chacun, garni
d'une paillasse Y de deux matehs, de
deux couvertures, et d'un traversin. . . . 3, 00a »
Menus meubles pour l'infirmerie. ... 60 «
Dix paires de rifleaux à 20 fr. la paire. 20a »
200 paires de draps à 8 fr. la pâtre .... t,6oo »
3oo chemises à 3 fr^ §00 ^
100 habits complets à 4o fr. chacun ,
comme ceux de l'hospice des incura-
bles ^^oc^o y*
Fosses mobiles inodores. 4^^ "
Etablissement de l'école.
i<^ Frais indépendantsdu
nombre des écoliers. ..... ioof. » c.
2» Dépenses proportion-
nelles. 10 bancs et 10 pupi-
tres, à raison de 2. 25 par I , ,
1 c > *44 **
place ". . 22 5o
Ecriteaux , baguettes , ar-
doises 20 »
Demi-cercles peints par
terre 1 5o
Cet article , si l'on vouloit des demi-
cercles en fer, reviendroit à 48 fr. ^
Total ï38,886f. «c.
DES DEPENSES. 5S%
• • •
CHAPITRE II. Dépenses annuelles.
Daws ce chapitre, comme dans celui qul'précède^
nous ne ferons entrer que les dépendes, qui résulteront
des améliorations que nous avons démandées; quant
à celles qui sont déjà en usage dans toutes les prisons ,
il ëloit inutile d'en parler.
Section" V^. Dépenses relatives aux prisonniers^
Art. P'. Nourriture. Le pain est TournI
partout , nulle augmentation n'aura lieu
à cet égard dans les dépensés.
La soupe, pour cent prisonniers, com-
posée comme nous l'avons expliqué ci-
dessus et deux ou trois fois par semaine
à la viande et à la gélatine > peut coûter
journellement lo c. par tête, ^et par an ,
en adjudication 3,ooof. >» c.
Art. 2. Vêtemens. Les habits devant
durer deux ans , il en faudra 5o chaque
année 2,000 »
L'entretien du lingfe, y compris l'achat
de 20 chemises par an i5o >»
Blanchissage d'une chemine par se-
maine pour chaque prisonnier, à raison
de 10 c. par chemise 52o »
3oo paires de sabots, à 5o c. la paire. . . i5o »
Art. 3. Coucher. Cet article peut être
compté tout entier dans les dépenses an-
5,820 f. « C-
551k DES PRISONS.
De t autre part 5,82of. >»c.
nnelles , puisque les entrepreneurs se char-
gent de fournir aux prisonniers des couchet-
tes , des draps.,. des couvertures , etc., pour
le même prix que la pai|le seule , en ne gar-
nissant les paillasses^ que trois ou quatre
fois dans Tannée* La fourniture de la
paille Psi un objet assez considérable , puis-
que les règlemens obligent d'eu fournir
annuellement à loo prisonniei^s , 5, 20a
bottes, qui font 104,000 ffi, eu ne les éva-
luant qu'à 20 fr. le cent. Cependant, si, l'en-
trepreneur ne vouloit pas se charger , pour
cette rétribution, de fournir un lit à cha-
que prisonnier, au lieu des lits quadruples,.
en usage dans quelques prisons , on pour-
roit lui allouer une indenimité pendant
quelques années. On. peut la porter hy-
ppthétiquenient à 3oo »
Entretien des draps et blanchissage à
raison de 5o c. par paire 600 »
Art, L Ecole.
Environ i,ooo crayons à i4 c- la
pièce r • • • 4^ ''
Plumes et encre .*...•••... 1,2 »
Achat de papier , livres^ tableaux, etc. 36 »-
Paye dés moniteurs • .... 22 ».
Si Ton accordoit aux écoliers unegrati-
* fication, capable de remplacer le gain qu'ils
auroient fait, pendant le temps des Je-
6,83of. »c^
DES DEPENSES. S5^
Ci-contre 6,83of. ȍ.
çons, à raison de i centimes et demi par
heure , cette dépense s'élèveroil à 700 fr.
par an.
Art. 5. Chauffage.
3o cordes de tourbe, à 12 fr. la corde. . . 36o »
SfiCTaoN II. Traitement des personnes em-
ployées aux prisons.
Les gardiens ne recevront aucune aug-
mentation sur leur traitement actuel. La
faculté de vendre des alimens leur sera re-
tirée * »
3 guichetiers. 1 ,200 *»
Un greffier rédacteur 3oo »
Les officiers de santé sont suffisamment,
rétribués dans Fétat de choses actuel.
L'aumônier aura , outre sa pension d'ec-
clésiastique, un traitement de 5oo fr 5oo *•
L'instituteur recevra une indemnité de. 4^0 »
Total. . . » QçSgof. » c.
Telles sont les augmentations, que les dépenses rela-
tives aux prisons pourront épi*ottver , si l'on veut
opérer les réformes, qui nous ont paru nécessaires. La
sollicitude du Gouvernement a déjà préparé les
moyens d'y faire face en partie. L'humanité , le patrio-
tisme de mes concitoyens, répondront à l'appel qui
leur est fait, et seconderont les intentions généreuses
qui rinspircrrt. Bientôt, je l'espère, n6us n'auron*
558 Ï)ÉS 1?RIS0NS.
plus à gëmii' sur aucun des abus que j'ai an signairf |
c'est à des Français qu'on demandera les moyens dé
soulager des malheureux!
J'arrive au terme que je m'ëtoîs fixé, j'aî voulu
montrer ce que les prisons devroiient être , les abus que
présente leur régime actuel , et les moyens de l'amé-
liorer, dès à présent. Ma première pensée avoît été de
délivrer les prisonniers des injustes rigueurs, sous les-
quelles je les ai vus gémir ; l'ordre social , de son côfé,
réclamoit des garanties et une justice sévère, qu'il
étoit important de maintenir; je me suis surtout appli-
qué à tenir la balance égale entre 1-inléret des prison-
niers et celui de la société. Puîssé-je avoir réussi dans
une entreprise , sans doute au-dessus de mes forces,
mais légitimée, je l'espère, par les motifs qui m'ont
encouragé et soutenu dans mon travail, le désir d'être
utile à l'humanité , et le bonheur d'employer au soula-
gement de ses maux, quelques-uns des jours de ma
jeunesse! ,
Infortunés, à qui furent consacrés les premiers ac-
cents d'une voix jeune encore, c'est à vous que je des-
tine ces premiers essais d'une plume novice. Déjà trop
souvent témoin de vos souffrances, et confident de vos
larmes, j'ai pu apprécier le malheur de votre position
et la barbai;ie de ceux qui l'aggravent encore par des
rigueurs arbitraires. Près de mon début dans la société,
j'ai déjà vu l'innocent confondu avec le coupable, et
le foible en butte â la vengeance du puissant; j'ai vu des
homnies, dont l'innocence devoit être solennellenient
reconnue par la suite, gémir plusieurs mois dans des
prisons étroites et malsaines /au milieu de scélérats,
DES DEPENSES. SSg
dont ils étoîent forcés de partager la couche. Une grande
partiede ces maux éloîentdus aux vices que présentoit
le régime des prisons. Moins malheureux que ceux qui
Tont précédé, l'innocent, que des indices trompeurs
ou la calomnie priveront désormais de sa liberté ,
n'éprouvera plus ce surcroît d'infortune. Un nou-
veau jour va luire pour les prisons; que l'espoir
renaisse dans le cœur de leurs tristes habitans. Ils ne
sont plus orphelins; sur les marches du trône , sous le
dais royal même , ils trouvent des protecteurs , des pères
compâtissans, qui entendent leurs prières, et dont les
mains augustes s'occupent avec ardeur d'essuyer des
larmes^ au travers desquelles leur charité ne voit plus
que des malheureux. Un régime , établi sur des bases
nouvelles , va réformer les abus qui subsistent encore,
opérer les améliorations dont Tinstitution des prisons
est susceptible , et la France pourra bientôt compter
nn titre de plus à la reconnoissance des amis de l'hu-
manité !
FIN.
De l'Imprimerie d' A. EGRON , rue des Noyers, n. Sy.
^-/^^^^^ ûfv.^^'^4e^ /^ a^M/^^^e^' /z^^é/^^
t^^/z/^ /^^^J/:^A/^^^^
^ Sto Jo 4o Jo *>if ^ ^o ,5?<7 joa
a.. HuijcAeZs eûcJgj'ÂeiJLnF
S. Cà^x^er/te^ à(e aeéia€uvn€y'£e^^/)ccij//an/
7e^ (/eo'sijs ei^/ayao/te^e/^t/é^J^^iUiA^.
cte- /a Oe^oZe^
h. A/e/iê^AT.
/..**.», »j^ /" A— * J
J^C^el/e^ àfg' c^/iJ^ /y/eciô'
yitk/ i/e^ cAausseley
yi^^i^^iAu^ ai iwmmuai^
v\v.s;- \\\ivWV\\-.\
«vwwww X :c\X
a. a.
J7. Çprv^ie/c/\
^.J^sca/iê7'\
ntJ^
^ JB jB M
A A A A
C. £!/i€Vi^di7^ ^/& i^iîa7^a7i^ène'
B. Ôarriûi)7' ei efca/ie/^
rr . jFe7re^'ea
/
B J9 M B
 . LÛf c/is 7/ia/acUà-
Zo 30
■waae
Ao
ÙJIÀO ^C ''
^WMMgMWe
BBSSS
2?
•
A
&s
2?
^i|B8y
À
gqaw
A
1
2?
^ \ a
•
A
^
•
«L_^
A
B./ilsa^Qu^c/ie/ie/ir saizs ceJZei/es . • AI, A^sca/iâT',
/i/fÀt>.<UCJfb^
«^7
<ir/^
e/
Sic ife 4^
jo
\ , x^v>^:>^^ ->^^^^^N\v^^x^v^v^c^^v^t .c^^^, i^ v\s vnvaxs^x^nm*s>x^a\<'î^>^s;
,\\\.V xVsNW
k\V\\\V\N\\\\\S\\\S\\\\ WWWWW
• Ift^itrj Cenc/esnouj' la. lecltu^.
J^Ma.t^CMoHt
v'6.
. I
/
^ 1
\
/.
\
SPH 25 1928
/
■>
) ' ^
riMiiiiilîfllk
ÎM